Intervention de Jean-Paul Tuaiva

Séance en hémicycle du 13 mai 2015 à 15h00
Délais de paiement interentreprises pour le grand export — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Paul Tuaiva :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, madame la rapporteure, mes chers collègues, le groupe UDI tient tout d’abord à saluer le travail effectué par Mme la rapporteure Chantal Guittet, dont chacun connaît l’engagement de longue date sur ce sujet.

Lors des débats sur la loi consommation, vous aviez déjà déposé, madame la rapporteure, un amendement qui allait dans le sens de cette proposition de loi. L’opposition vous avait alors massivement soutenue, consciente de l’importance qu’il y avait à aider davantage nos PME exportatrices et, plus généralement, notre commerce extérieur.

La question des délais de paiement représente indéniablement un enjeu économique et financier majeur pour les entreprises de grand export et, si nous nous accordons tous à dire qu’il est important d’encadrer ces délais, notamment pour éviter toute forme d’abus, il me semble néanmoins pertinent de les définir en fonction de l’activité principale de l’entreprise.

Depuis la loi de modernisation de l’économie d’août 2008, le délai limite de règlement est fixé à 30 jours à compter de la réception de la marchandise. Cependant, le fournisseur et le client ont la possibilité de convenir d’un délai plus court ou plus long, qui ne peut toutefois dépasser 45 jours fin de mois ou 60 jours calendaires.

La loi relative à la consommation de mars 2014 a renforcé ce dispositif, en incitant à réduire davantage les délais de paiement et en aggravant les sanctions en cas de non-respect de ces délais. Lors de l’examen de ce texte, le groupe UDI n’avait cessé de souligner les incohérences d’un gouvernement qui semblait manquer de pragmatisme face à des questions aussi essentielles, touchant directement la compétitivité de nos entreprises.

En effet, les choix opérés dans la loi Hamon ne nous ont pas toujours paru opportuns. Il aurait, par exemple, été préférable d’accompagner les entreprises rencontrant des difficultés de paiement, plutôt que de les sanctionner encore plus durement. Alors que la France traverse une crise économique, financière et sociale sans précédent, notre devoir est de soutenir nos entreprises, véritables leviers de croissance pour notre pays.

Nous sommes par ailleurs convaincus que les modifications répétées de notre réglementation sur les délais de paiement ne font qu’apporter un peu plus de complexité à un dispositif souvent contraignant pour les entreprises.

Le groupe UDI ne s’est cependant jamais opposé à un véritable débat de fond sur la épineuse question des délais de paiement. En effet, si la LME a eu le mérite de les réduire, force est de constater que les pertes de trésorerie subies par nos entreprises restent, aujourd’hui encore, très importantes.

Si nous devons continuer ce combat pour éviter de mettre en danger nos entreprises, nous devons aussi adapter notre réglementation aux réalités du terrain, en prenant en compte les cas particuliers. Ainsi, plus d’un an après l’adoption de la loi Hamon, cette proposition de loi sonne presque comme un mea culpa destiné à nos entreprises de grand export, car elle leur permet enfin de bénéficier de dérogations aux délais de paiement.

Cette mesure aurait certes pu être adoptée un peu plus tôt, mais nous nous réjouissons de l’initiative prise par le groupe SRC de mettre ce texte à l’ordre du jour.

Lors des discussions sur la loi relative à la consommation, M. Benoît Hamon s’était montré particulièrement hostile à un tel dispositif et avait même jugé préférable de repousser l’amendement. De nombreux débats s’étaient alors engagés à l’Assemblée nationale et au Sénat, sans malheureusement parvenir à trouver un consensus équilibré.

Or, le groupe UDI reste convaincu que la situation des sociétés exportatrices doit être traitée comme un cas à part. En effet, une grande partie de leurs exportations s’effectuent dans des régions souvent lointaines, nécessitant des délais d’acheminement parfois très longs. Il est donc plus difficile pour ces entreprises de respecter les délais imposés par la LME et par la loi Hamon pour payer leurs fournisseurs. On estime en effet que les entreprises de grand export, hors Union européenne, doivent souvent composer avec des délais de paiement client allant de 90 à 360 jours. Cet écart de délai peut pousser certaines des sociétés de grand export à arrêter tout approvisionnement auprès de fournisseurs français, par crainte de ne pas respecter les délais imposés et donc de se voir infliger des sanctions insoutenables.

Ne serait-ce qu’au sein de l’Union européenne, de nombreux pays ont fait le choix d’instaurer des dérogations dans des cas bien définis. La Belgique laisse même une entière liberté à ses commerçants. S’il n’est pas souhaitable de tomber dans un tel excès, cet exemple a le mérite de nous faire réfléchir sur notre propre réglementation. De plus, la directive européenne de 2011 ne fait toujours pas l’objet d’une réglementation unifiée, laissant finalement son application peu effective.

La France ne doit pas être, une nouvelle fois, le mouton noir qui bride ses entreprises à l’international, alors que notre compétitivité est en berne.

Le groupe UDI reste néanmoins conscient des réserves qui peuvent être émises sur ce texte. La version initiale de la proposition de loi méritait quelques éclaircissements, notamment sur la place du fournisseur français.

Ainsi, l’instauration d’une dérogation pour les exportations réalisées hors de l’Union européenne risque de pénaliser le fournisseur français, qui verra, de fait, les délais de paiement se rallonger lorsqu’il traite avec des entreprises de « grand export ». Mécaniquement, sa trésorerie se trouvera menacée.

Un juste équilibre devait donc être trouvé pour éviter, d’un côté, que les entreprises exportatrices se détournent des fournisseurs français et, de l’autre, qu’elles les pénalisent en payant leurs créances trop tardivement.

Nous nous interrogions également sur le type d’entreprises concernées par cette dérogation, qui doit rester exceptionnelle.

Ces différentes craintes avaient été exprimées dans le rapport annuel de l’observatoire des délais de paiement publié en janvier 2014 sous la direction de Jean-Hervé Lorenzi. Selon l’Observatoire, si une dérogation peut bénéficier à un ensemble d’entreprises, elle risque de le faire au détriment d’un autre. Il est vrai cependant que les fournisseurs français n’ont pas à supporter les coûts liés aux délais de paiement pratiqués sur des marchés plus éloignés.

Ces préoccupations, nous les entendons et nous les comprenons. Il me semble, cependant, que l’examen du texte en commission des lois a permis une évolution positive.

L’exemption de délai de paiement est finalement écartée, au profit d’une extension du délai de droit commun, porté à 90 ou 120 jours, selon la taille du fournisseur. Cette mesure de bon sens permet donc de moduler les délais de paiement afin de ne pas pénaliser les petites entreprises, dont la trésorerie ne supporterait pas des paiements trop tardifs.

Le groupe UDI se félicite également de l’adoption d’un amendement visant à préciser que les grandes entreprises exportatrices ne pourront pas prétendre à l’extension du délai légal de paiement. Cette précision permet de mieux encadrer la dérogation, qui ne sera désormais autorisée que pour les TPE et PME, souvent plus vulnérables.

Enfin, la proposition de loi spécifie bien que le nouveau délai convenu par les parties ne devra en aucun cas constituer « un abus manifeste à l’égard du créancier », sous peine de pénalités. Cette mesure devrait ainsi permettre d’éviter tout excès qui pourrait placer les fournisseurs français dans une situation délicate.

Mes chers collègues, si ce texte reflète une prise de conscience tardive de la part de la majorité, il va néanmoins dans le bon sens et permet de redonner un peu d’oxygène à des entreprises souvent écrasées par le poids des normes.

Pour toutes ces raisons, le groupe UDI le votera.

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