Monsieur le président monsieur le secrétaire d’État, madame la rapporteure, mes chers collègues, la proposition de loi dont nous débattons aujourd’hui à l’initiative du groupe socialiste est l’occasion d’aborder un sujet très concret pour nos entreprises : les délais de paiement.
La loi de modernisation de l’économie du 4 août 2008 a fixé les délais de paiement à 45 jours fin de mois ou 60 jours à compter de la date d’émission de la facture. En encadrant ainsi les délais de paiement, nous voulions donner plus de trésorerie aux entreprises et éviter les déséquilibres fréquents entre les factures à payer et celles en attente d’être payées.
Rappelons, chers collègues de la majorité, que l’opposition que vous représentiez hier avait beaucoup décrié cette disposition. Or, force est de constater qu’elle a eu les effets positifs escomptés. Même l’exposé des motifs de votre proposition de loi, madame la rapporteure, reconnaît qu’elle a « grandement contribué à l’amélioration de la santé financière des entreprises ». Nous nous réjouissons que vous vous soyez ralliée à cette position.
Il n’empêche qu’il est de notre devoir de législateur d’évaluer les lois que nous adoptons et d’apporter, si besoin, les ajustements nécessaires.
C’est ainsi que, lors de précédents débats parlementaires, les députés UMP ont soutenu des amendements adaptant la législation sur les délais de paiement, afin de tenir compte de la situation particulière des secteurs à forte saisonnalité, comme ceux des sports d’hiver et des jouets. Cela concerne des petites entreprises non exportatrices, par exemple des magasins de sports d’hiver.
Dans ces secteurs, les achats sont en effet réalisés bien en amont de la période de vente – achat des skis l’été et vente l’hiver, dans le cas des sports d’hiver. Une telle dérogation était nécessaire.
Plus précisément, c’est un amendement commun de M. Martial Saddier, Mme Virginie Duby-Muller et moi-même, également déposé par M. Bernard Gérard, qui a permis de proroger les accords d’exceptions pour ces secteurs, dans le cadre du projet de loi Macron. Nous aurons très certainement l’occasion d’en rediscuter lors de la navette parlementaire.
La proposition de loi que nous examinons poursuit le même objectif, mais cette fois pour les entreprises qui interviennent dans le grand export, c’est-à-dire hors de l’Union européenne. Ces entreprises ont en effet des partenaires commerciaux internationaux qui ne sont pas soumis aux mêmes règles en matière de délais de paiement.
Les entreprises françaises exportatrices à l’international subissent donc un décalage entre les délais de paiement de leurs clients à l’international, plus longs, et les délais de paiement à leurs fournisseurs nationaux, régis par la loi de modernisation de l’économie. Cette situation porte non seulement préjudice aux entreprises françaises qui exportent, mais également à de nombreuses PME qui seraient susceptibles de travailler avec ces entreprises – autrement dit, des fournisseurs.
Afin de soutenir l’export, la proposition de loi crée donc une dérogation à la réglementation des délais de paiement. Cette dérogation ne concernera cependant pas les grandes entreprises mais se concentrera sur les PME, qui sont les plus fragiles à l’international.
Afin d’éviter tout risque de contentieux, le délai convenu entre les parties ne pourra pas excéder quatre-vingt-dix jours à compter de la date d’émission de la facture lorsque l’achat est effectué auprès d’une micro-entreprise ou d’une PME, et cent vingt jours lorsque l’achat est effectué auprès d’une ETI ou d’une grande entreprise.
Autant le dire tout de suite, ces modifications vont dans le bon sens. Le groupe UMP, en cohérence avec toutes ses prises de position, ne s’opposera pas à cette proposition de loi. Nous avons en effet le devoir de travailler à toute initiative permettant à des entreprises françaises d’être plus compétitives.
Cela étant, il convient de veiller à ne pas créer trop de délais dérogatoires qui pourraient aller à l’encontre de l’objet initial de la loi de modernisation de l’économie. Les députés du groupe UMP resteront donc particulièrement attentifs aux conséquences de cette dérogation et aux éventuels abus dans le cadre du contrôle de l’application de la loi. Il faut rester vigilant – et nous le sommes jusqu’à présent – pour que les délais maxima ne portent pas préjudice aux entreprises les plus petites.
Cela étant dit, j’aimerais profiter de mon intervention pour parler plus largement de la question des délais de paiement. Les PME y sont confrontées et j’aimerais rappeler la situation de la grande majorité d’entre elles, celles qui ne sont pas en situation d’exporter hors Union européenne, ni même d’exporter tout court. Pour elles, la LME constitue un grand pas, mais il faut savoir qu’aux États-Unis, les paiements se font quasiment sans délai. En Allemagne, l’expression « délai de paiement » n’existe même pas et le retard moyen est de six jours – ça fait rêver !
S’agit-il d’un problème de mentalité ? La loi ne peut pas vraiment agir, si c’est le cas, mais il faut bien que les choses évoluent. Selon la CGPME, sur les 62 000 faillites d’entreprises recensées l’année dernière, 15 000 sont dues à des impayés directs – 15 000 !
L’idéal serait que les pouvoirs publics donnent l’exemple. Les administrations, notamment les collectivités locales, tardent beaucoup trop à payer leurs factures, ce qui met les PME dans l’embarras ; elles sont nombreuses à avoir déjà eu à faire face à cette situation.
Selon le rapport de l’observatoire des délais de paiement de 2012, le délai de paiement moyen des collectivités publiques était de trente-deux jours pour l’État et de vingt-sept jours pour le secteur local : on devrait pouvoir faire beaucoup moins. Les pénalités ont été renforcées dans le cadre de la loi « consommation », avec des amendes pouvant aller jusqu’à 375 000 euros, ce qui est dissuasif mais ne s’applique pas aux commandes publiques. Espérons que la généralisation de la facture électronique permettra de raccourcir ces fameux délais.
Pour terminer, et sans nier l’utilité de cette proposition de loi, je pense qu’elle n’est malheureusement qu’un grain de sable qu’on retire du lourd fardeau qui pèse sur les entreprises françaises. Le groupe UMP ne cesse de le rappeler : il est urgent d’aller bien au-delà pour donner de la compétitivité à nos entreprises à l’international.
De vraies réformes sont nécessaires ; elles sont connues et attendues. Elles passent notamment par une baisse des charges, par une simplification et un assouplissement du code du travail, par le développement de l’apprentissage pour transmettre aux plus jeunes les savoir-faire si précieux qui font la fierté de notre pays, par un soutien à l’innovation et à la recherche-développement.
Aussi, puisque vous semblez prêts ce soir à vous soucier utilement des entreprises, je vous suggère de mûrir, pendant ce pont de l’Ascension, toutes les mesures que vous avez prises depuis trois ans et sur lesquelles il faudrait revenir. Je pense notamment à la mise en oeuvre du compte pénibilité,…