Intervention de Monique Rabin

Séance en hémicycle du 13 mai 2015 à 15h00
Délais de paiement interentreprises pour le grand export — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMonique Rabin :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, madame la rapporteure, chers collègues, chacun s’est largement exprimé sur l’objet de cette proposition de loi créant une exception à un principe européen et français en faveur des sociétés exportatrices dans le domaine du négoce.

Je rappellerai brièvement ce principe de plafonnement du délai de paiement interentreprises, qui a également pour but de renforcer la lutte contre les retards de paiement. Cela a été voulu pour des raisons évidentes de protection.

En effet, le rapport de force entre donneurs d’ordre et sous-traitants dissuade le plus souvent les petites entreprises d’exiger des délais de paiement plus courts, notamment dans notre pays. À titre d’information, ces délais sont de cinquante-trois jours en France en 2012 – je ne dispose pas de chiffres plus récents – contre trente-cinq en Allemagne ou en Suède.

L’observatoire des délais de paiements fait état de pratiques dilatoires de la part des grandes entreprises pour faire des économies substantielles de trésorerie au détriment des plus petites. À titre d’illustration, la Banque de France fait état de transferts financiers potentiels de l’ordre de 11 milliards d’euros des grandes entreprises vers les autres, essentiellement des PME, en cas de baisse des délais de paiement par alignement sur la norme légale. On comprend dès lors que les délais de paiement aient été encadrés par une loi de 2008 et une directive de 2011, complétées par la loi du 17 mars 2014.

Il s’avère que ces délais sont difficiles à respecter, d’autant qu’au stade de l’application, la France est, comme souvent, moins souple que ses partenaires, créant ainsi une distorsion de concurrence entre nos entreprises et celle des autres pays.

Nous devons donc concilier ces deux exigences : réduire de manière générale les délais de paiement tout en protégeant le secteur exportateur.

Comme rapporteure spéciale du budget du commerce extérieur, je soutiens cette proposition de loi. En effet, je ne peux que confirmer que le coût de l’export est, à côté de notre faible capacité à commercer et de notre défaut de compétitivité, un des éléments qui expliquent la difficulté de nos entreprises à exporter.

Cette proposition de loi vient partiellement répondre à la question du financement des délais sous l’angle de la trésorerie des entreprises qui exportent hors de l’Union européenne.

Cependant – et en disant cela, je m’adresse tout spécialement à vous, monsieur le secrétaire d’État – j’estime que la solution d’assouplir la règle pour répondre à la détresse de ces entreprises qui souffrent de distorsions de concurrence du fait de la rigidité de la législation française ne devrait être que transitoire.

En effet, cette dérogation vient s’ajouter à celles qui ont été déjà accordées à d’autres secteurs économiques comme le transport routier, le jouet, le cuir, la bijouterie, et d’autres, comme le bâtiment ou la viticulture, réclament eux aussi un aménagement du droit commun des délais de paiement. Or, comme le disaient les sénateurs Bourquin et Charbonnier, « cette légitime préoccupation en faveur du soutien à l’export contredit l’objectif de réduction globale des délais de paiement ».

Le problème de fond n’est-il pas celui du financement des besoins de trésorerie des sociétés exportatrices, comme le relevait l’observatoire des délais de paiement dans un état des lieux dressé en 2013 ? Résoudre la question de la trésorerie nous permettrait d’éviter d’élaborer des stratégies de contournement.

Dans cette optique, je serai attentive à la concrétisation des annonces qui ont été faites lors du lancement des rencontres de Bercy Financement Export en mars 2015, en ce qui concerne l’accès au financement de l’export et la nouvelle assurance-crédit. Je pense aussi à l’affacturage, qui mériterait d’être développé en dépit de son coût. Le rapport remis par M. Prat et M. Fromentin au nom du comité d’évaluation et de contrôle a montré que la Coface et la Banque publique d’investissement, la BPI, mettaient leurs outils à la disposition des TPE et PME qui exportent. Mais ceux-ci sont-ils suffisamment attractifs et efficaces ? Après vous avoir entendu sur le parcours simplifié, monsieur le secrétaire d’État, je n’ai pas d’inquiétude sur vos intentions.

Aujourd’hui nous répondons à l’urgence – et je remercie mes collègues Chantal Guittet et Jean-Pierre Le Roch de leur ténacité – en créant une dérogation supplémentaire. Je souhaite que demain nous réglions le problème dans le cadre du droit commun grâce à des outils adaptés. Multiplier les dérogations risquerait en effet de nuire à une culture du paiement rapide, de bon aloi dans les relations économiques et dont l’absence pourrait s’avérer coûteuse pour l’État.

L’examen des crédits du budget pour 2016 sera, si vous le voulez, l’occasion de reparler de tout cela et de demander une étude d’impact avant toute évolution législative en la matière.

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