Intervention de Philippe Goujon

Séance en hémicycle du 6 décembre 2012 à 15h00
Conditions de l'usage légal de la force armée par les représentants de l'ordre — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPhilippe Goujon :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, Villiers-le-Bel, 2007 : des délinquants brandissent des armes à feu contre des policiers qui n'osent riposter et sont blessés. Chambéry, avril 2012 : un policier décède après avoir été délibérément renversé par une voiture contre laquelle il a préféré pointer son flash-ball plutôt que son arme. Corse : un policier se sert de son arme comme projectile au lieu d'appuyer sur la gâchette face à une voiture qui lui fonce dessus. Une policière tuée d'un coup de sabre à la préfecture du Cher, ne sachant si elle pouvait ou non réagir…

À toutes ces situations, un dénominateur commun : le doute, sinon la crainte, ressentis par les défenseurs de la sécurité publique quant aux conséquences juridiques de l'emploi de leur arme dans une situation de légitime défense, une crainte qui peut leur coûter la vie dans une confrontation avec des délinquants armés de kalachnikovs, ou qui n'hésitent pas, au volant, à leur foncer dessus. C'est la raison pour laquelle cette proposition de loi déposée par nos collègues Larrivé et Ciotti et moi-même est d'un très grand intérêt, et qu'elle est urgente, surtout.

Onze mille policiers et gendarmes blessés ces six derniers mois –chiffre en hausse, comme notre collègue Aubert l'indiquait à l'instant –, nous confèrent une obligation morale. Est-il juste que ceux qui risquent leur vie pour assurer notre sécurité exercent leurs fonctions dans cette crainte permanente ? Est-il équitable, notamment depuis la loi du 3 août 2009 qui rattache les deux forces au ministère de l'intérieur, que les policiers ne bénéficient pas de la même protection juridique en matière de légitime défense que les gendarmes, bien que, les plus exposés au feu, ils exercent pour 80 % en zone sensible et qu'ils assurent les mêmes missions et soient confrontés aux mêmes situations ?

Alors, il y a ceux qui, comme Daniel Vaillant, veulent au contraire retirer le droit de légitime défense aux gendarmes, prétextant qu'en zone rurale ils n'ont affaire qu'à des tirs de fusil de chasse en rase campagne – je reprends ses termes – et omettant leur déploiement en zone périurbaine, qui vient d'être rappelé. Il y a ceux qui, comme Dominique Raimbourg, partant au contraire de cette évolution – les gendarmes qui passent des zones rurales aux zones périurbaines – en tirent pourtant la même conclusion ! Loin d'accorder, notre rapporteur l'a excellemment dit, un blanc-seing législatif qui permettrait aux policiers d'user de leur arme en toute liberté, nous pensons quant à nous que le statu quo est totalement inadapté, maintenant une différence là où la convergence est souhaitable.

Certes, l'article du code de la défense concerné est un héritage du début du XXe siècle et les jurisprudences de la Cour de cassation et de la Cour européenne des droits de l'homme en ont réduit la portée par l'obligation de justifier l'absolue nécessité du tir. Il n'en demeure pas moins qu'il constitue un cadre plus protecteur que celui de l'article 122-5 du code pénal qui, c'est vrai, vous l'avez rappelé, monsieur le ministre, s'applique aux policiers comme à tout citoyen.

Telle est la raison qui nous a poussés à prévoir, à l'article 1er de cette proposition de loi, non pas une présomption de légitime défense, qui ne serait pas acceptable dans un État de droit, mais la définition d'une doctrine d'emploi de la force armée par la police dans le cadre de l'exercice de la légitime défense.

En ce qui concerne la partie de cette proposition de loi consacrée à la protection fonctionnelle des policiers et gendarmes, puisque le rapport Guyomar fait consensus, permettons, pour une fois, à l'initiative parlementaire de s'imposer au Gouvernement plutôt que l'inverse, sans tirer prétexte de problèmes de forme. Cela nous était d'ailleurs assez régulièrement conseillé sur vos bancs, avouez-le, lorsque vous siégiez dans l'opposition, chers collègues de gauche ! Les articles 2, 3 4 et 7 ayant été jugés irrecevables, le couperet un peu trop tranchant de l'article 40 de la Constitution renvoie chacun à ses responsabilités : là où le législateur ne peut intervenir, c'est au ministre de s'impliquer.

La suspension administrative à laquelle est condamné le fonctionnaire le temps de vérifier les circonstances de la légitime défense, dans un métier où l'essentiel de la rémunération est composé de primes, le prive en réalité de 30 % à 50 % de son salaire.

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