Intervention de Arnaud Richard

Séance en hémicycle du 3 décembre 2012 à 16h00
Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2013 — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaArnaud Richard :

…nous sommes donc à 600 millions d'euros du compte, avec un déficit cumulé de 175,4 milliards d'euros en 2013, soit 4,6 milliards de plus qu'en 2012. Et vous savez parfaitement que tous ces calculs reposent sur une base erronée : il n'y aura ni croissance à 0,8 %, ni contrainte de la masse salariale. Autrement dit, vous savez d'emblée que même cet ONDAM à 2,7 % ne sera pas atteint !

Vous donniez des leçons à vos prédécesseurs : à charge pour vous d'en assumer les conséquences ! Pourtant, vous venez de sortir de la dynamique vertueuse qui avait permis de ramener le déficit du régime général de 23,9 milliards d'euros en 2007 à 17,4 milliards en 2011, avec une prévision de déficit de 13,3 milliards fin 2012.

Ce que vous ne maîtrisez pas d'un côté, vous le prélevez, et très rudement, de l'autre. Quoi que puisse en penser M. Paul, ce PLFSS est une saignée, comme à l'époque des médecins de Molière. Souvent, le malade mourait guéri, mais je crois que cet espoir n'est pas raisonnable !

Nous ne nions pas la nécessité d'efforts particuliers, mais nous contestons votre façon de les polariser sur notre outil économique. Vous ne les concentrez pas sur les grandes sociétés ou les grands financiers, mais sur les petites entreprises, les artisans, les commerçants et les professions indépendantes : autant de Français des classes moyennes qui créent, en silence, la richesse de notre pays et acceptent aujourd'hui, résignés, de se transformer en vaches à lait. Ce que vous faites portera immanquablement des conséquences sur la compétitivité et sur l'économie de notre pays. On nous avait pourtant dit que les classes moyennes seraient épargnées.

Au bout du compte, après les 7,2 milliards d'euros de la loi de finances rectificative de juillet et les 20 milliards de la loi de finances pour 2013, on nous présente une nouvelle facture qui s'élève aujourd'hui à 3,4 milliards d'euros de taxes nouvelles.

Nous ne pouvons accepter les 700 millions d'euros prélevés sur les retraités.

Nous nous opposons à la hausse des cotisations sociales des auto-entrepreneurs, que vous alignez sur le régime des professions indépendantes alors que, dans le même temps, l'article 71 du projet de loi de finances pour 2013 invoque, pour supprimer l'exonération des cotisations de première année des professions indépendantes, le fait qu'elles peuvent bénéficier du régime « favorable » – entre guillemets – de l'auto-entrepreneur. Trouvez l'erreur !

Nous condamnons la taxation des dividendes des petites sociétés, qui traduit votre méconnaissance du fonctionnement de ces entreprises souvent contraintes par les banques à disposer de capitaux propres pour avoir accès au crédit.

Nous vous demandons de revenir sur la suppression de l'assiette forfaitaire sur les cotisations patronales versées par les particuliers employeurs, car cela revient à une hausse de 20 % du prix de l'heure de service des emplois à domicile. Les effets sur le pouvoir d'achat des salariés à faibles revenus seront désastreux. C'est un secteur entier que vous cassez, alors qu'il avait permis la création de centaines de milliers d'emplois, y compris en sortant certaines activités de la clandestinité. Vous réenclenchez de ce fait la spirale du travail au noir et donc des pertes de recettes fiscales et sociales.

L'article 15 du PLFSS restera de triste mémoire. Si vous vous obstiniez à l'adopter dans sa formulation actuelle et s'il y n'avait qu'un article à revoir dans ce texte, je vous proposerais que ce soit celui-là.

Nous sommes contre l'assujettissement au forfait social des petites indemnités de rupture conventionnelle. Nous sommes évidemment contre la hausse de la contribution tarifaire d'acheminement du gaz et de l'électricité. Et nous nous opposons également à l'augmentation des cotisations de retraite de la fonction publique hospitalière et territoriale, car elle trouvera aussi, à un moment ou à un autre, sa traduction sur la facture des impôts locaux.

L'injustice fiscale pourrait être compensée par le caractère innovant du projet. Ce n'est pas le cas.

La politique de santé ne s'engage nullement sur une nouvelle voie – la fiscalité comportementale comprise – qui ne relève ni de votre invention, ni même d'une nouvelle intention. D'ailleurs, vous nous promettez, pour le début de l'année prochaine, une grande réforme structurelle pour la santé. C.Q.F.D.

Vous nous dites que votre choix s'est organisé autour de quelques axes majeurs. Regardons cela de plus près – une dernière fois.

Premièrement, vous dites vouloir réaffirmer le rôle et la place de l'hôpital public dans notre système de santé. Qui ne vous approuverait ? Mais, vous n'y parviendrez pas en remettant en cause la tarification à l'acte dans les hôpitaux et la suppression de la convergence tarifaire, instaurée par la loi HPST. La facture sera de 150 millions d'euros l'année prochaine. Ce n'est pas en faisant de l'hôpital une sorte de Bastille que vous le ferez évoluer et lui redonnerez la place qui doit être la sienne.

Mais cette place, au fond, vous ne la définissez pas, car il est un peu délicat pour vous de mélanger les genres et de dire que la force des hôpitaux repose sur la force de la médecine libérale. Il vous est difficile de sortir des dogmes en faisant de l'ensemble de l'offre médicale et médico-sociale sur un territoire – au-delà des seuls médecins – la condition d'un meilleur service médical, en répartissant de façon transparente les missions d'intérêt général et d'aide à la contractualisation – les MIGAC – et en levant finalement de substantielles économies. Au fond, vous êtes encore dans des logiques de statut, et non de mission au service de projets collectifs d'amélioration de l'offre de santé.

Deuxièmement, vous affirmez que vous mettez en oeuvre une politique en faveur de la médecine de proximité, notamment pour lutter contre les déserts médicaux. Mais la création de 200 contrats de praticien territorial de médecine générale, assortie de quelques crédits consacrés au financement du travail en équipe ne nous semble pas suffisante. Vous semblez découvrir la nécessité pour les professionnels de santé de travailler en réseau. Mais vous le découvrez bien tard, pour inscrire un projet cohérent et à la hauteur des enjeux dans ce PLFSS.

Troisièmement, la politique fiscale serait un axe fort de votre politique de santé. Pourtant, nous ne voyons là aucun message, aucun principe directeur, seulement la recherche frénétique de ressources pour pallier dans l'urgence une insuffisante rigueur. C'est peut-être la principale faiblesse de ce premier PLFSS.

Pour faire face au sous financement chronique de la sécurité sociale et aux nouveaux besoins de nos concitoyens, ce ne sont pas les taxations du tabac, de la bière, des boissons énergisantes ou de l'huile de palme qui vous permettront d'y parvenir.

Nous avons besoin d'un vrai projet de financement global, cohérent et durable, pas un « gloubiboulga » fiscal (Exclamations sur les bancs du groupe SRC), mais un mode de financement durable et transparent.

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