Madame la présidente, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission des affaires sociales, chers collègues, l'adoption définitive de la loi de financement de la sécurité sociale aura permis de souligner les véritables enjeux qui nous attendent dans les prochains mois.
Les débats entre nos deux assemblées n'ont malheureusement pas permis d'aboutir sur des positions de consensus, du fait notamment d'une alliance pour le moins contre-nature entre les parlementaires du Front de gauche et de la droite. Nous ne pouvons que regretter cette attitude sur un sujet aussi important que le financement d'un des socles de la solidarité nationale – même si nos divergences ne provoquent pas de crise aussi importante que celle que connaissent nos collègues de la majorité, monsieur Door…
Ce texte, ainsi que mes collègues l'ont répété à cette tribune tout au long de son examen, constitue une première étape positive sur la voie d'une politique de santé publique privilégiant la solidarité.
Celle-ci passe par différentes mesures que le groupe écologiste a inscrites dans son propre programme. La plus emblématique consiste dans la mise en place du praticien territorial pour lutter d'une manière souple contre les déserts médicaux, en incitant les jeunes généralistes à s'installer moyennant une garantie de revenus. Cette politique marque un véritable tournant dans notre volonté de s'attaquer à ce problème, qui constitue un véritable handicap pour l'attractivité des territoires ruraux.
Les autres mesures importantes favorisent l'égal accès pour tous à une sexualité choisie. La prise en charge à 100 % des interruptions volontaires de grossesse et les réflexions engagées sur la question de la contraception chez les mineurs montrent un volontarisme politique soucieux de dépasser les postures idéologiques, qui accepte de regarder sans honte ces problèmes dont on sait qu'ils touchent davantage les milieux socialement défavorisés.
Mais ce vote appelle quelques réserves qui, je l'espère, seront levées dans les prochains mois. Ces réserves viennent de la prise en compte pour le moins discrète de la dimension éducative de la santé publique, ainsi que des rejets systématiques des mesures que le groupe écologiste souhaitait mettre en oeuvre pour lutter contre les facteurs environnementaux de mauvaise santé.
Les deux amendements sur l'aspartame et l'huile de palme ont pourtant un objectif que nous partageons tous a priori : permettre à chaque Français de vivre mieux et en bonne santé. Or, nous savons aujourd'hui que nombre de productions de l'agroalimentaire, privilégiant les logiques de profit à la santé des consommateurs, mettent en oeuvre des produits dont on connaît la nocivité à terme. C'est le cas de l'huile de palme, qui présente le double désavantage de provoquer des problèmes de santé publique dans les pays du Nord, et des ravages sur l'environnement dans les pays du Sud : concrètement, elle provoque obésité et problèmes cardiovasculaires au nord, déforestation et pollution des sols au sud.
Dans le journal Midi Libre daté du 9 septembre 2011, M. Arnaud Montebourg indiquait à Narbonne, sur le site d'un projet de production d'huile de palme qui heureusement n'a pas vu le jour, qu'il fallait investir dans la révolution verte plutôt que dans une industrie agroalimentaire polluante, concourir à un rapprochement des lieux de production et de consommation, et opérer une réconciliation de l'écologie et de l'économie. Nous ne pouvons que nous faire l'écho de cette approche.
Concernant l'aspartame, dont le brevet fut racheté par la firme Monsanto en 1985, sa nocivité, même à faible dose, a été démontrée. Il aggrave les risques de naissance avant terme ; en outre, il existe de très fortes présomptions que sa consommation entraîne un risque accru de cancer. Telles sont les conclusions de l'étude menée par la fondation européenne Ramazzini, institut italien privé de recherches en cancérologie environnementale.
L'amendement que nous avions déposé et dont nous avions débattu au Sénat crée une taxe additionnelle sur l'aspartame, destinée à augmenter chaque année jusqu'en 2016. Son premier objectif est d'inciter les industriels à substituer à l'aspartame d'autres édulcorants naturels ou de synthèse. À cette fin, il convient de lui ôter son avantage concurrentiel, qui repose sur le simple fait que le coût des dégâts sanitaires occasionnés est externalisé et supporté par la collectivité. De ce point de vue, la progressivité est indispensable car elle permet d'aboutir à terme à une taxation dissuasive, tout en laissant aux industriels le temps de s'adapter aux produits de substitution. Les importations seraient évidemment taxées.
Comme pour l'huile de palme, il s'agissait à la fois d'oeuvrer à la réduction de l'utilisation de l'aspartame, de doter l'assurance maladie d'une nouvelle recette et d'anticiper les risques de dépenses supplémentaires dus à des maladies favorisées par cet édulcorant.
D'autres sujets de santé environnementale auraient également mérité d'être traités. Je pense particulièrement au diesel, responsable de l'émission de grandes quantités de particules très fines qui s'infiltrent aisément dans l'appareil respiratoire – débat porté par nos collègues au Sénat. Ces particules sont à l'origine de cancers et de maladies respiratoires ou dégénératives, ce qu'a officiellement confirmé l'OMS dans un rapport rendu public en juin 2012, à la suite d'une étude de longue durée.
Lors de l'examen des crédits de la mission « Santé » du projet de loi de finances pour 2013, Mme la ministre a affirmé que les maladies chroniques ne sont pas un simple enjeu, mais le coeur même des politiques de santé publique. Nous ne pouvons que partager cette analyse. Elle rappelait, à juste titre, qu'elles représenteront très prochainement 75 % des dépenses de l'assurance maladie.
Mme la ministre a également évoqué, à de nombreuses reprises, son souci de cohérence et réaffirmé dans un même élan son ambition pour une santé publique qui soit le fer de lance de la solidarité. En renvoyant nos amendements à une future loi de santé publique, elle a placé le groupe écologiste, ainsi que nombre de Français, dans une forte attente.
À l'heure où nous savons que les crises que nous traversons sont avant tout systémiques et qu'elles mélangent tout autant les problématiques environnementales, sociales, économiques et financières, l'approche globale qui doit être la nôtre en matière de santé doit marquer le tournant d'une politique qui fait dos aux pressions des lobbies et des marchés.
Le groupe écologiste appelle donc à voter en dernière lecture le présent texte et prend rendez-vous pour le débat que nous allons ouvrir dans les prochains mois car, contrairement à d'autres, nous faisons encore confiance à la majorité. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)