Un effort difficile, décidé par les uns et par les autres, avec des hausses de fiscalité : chacun en a pris sa part, et ceux qui ont eu à s'intéresser à ces choses-là savent ce qu'il en est de la part respective, dans la hausse des impôts, de tel gouvernement ou de tel autre. Je rappelle pour mémoire qu'entre 2007 et 2012, quand il nous avait été indiqué que les impôts allaient baisser de 80 milliards d'euros, ils ont augmenté de 30 milliards, soit 1,5 point de PIB. On sait que, depuis que le gouvernement Ayrault dirige les affaires du pays, des décisions difficiles ont été prises, difficiles et néanmoins nécessaires pour que la parole de la France soit respectée.
En 2012, un effort incontestable de maîtrise de la dépense publique a été engagé, par tous les gouvernements. Je rappelle qu'un coup de rabot de 1,2 milliard d'euros avait été décidé par le gouvernement précédent, assumé par le suivant, que la réserve de précaution décidée dans la loi de finances initiale pour 2012 a été confirmée par le même gouvernement de Jean-Marc Ayrault, et qu'un « sur-gel » de 1,5 milliard d'euros y a été ajouté : mesures de précaution pour les uns comme pour les autres, mesures au demeurant indispensables quand on constate, chaque fin d'année, la nécessité d'assumer des dépenses difficiles à prévoir dans certains cas, peut-être plus aisément prévisibles dans d'autres, des dépenses que l'État se doit en tout cas d'assumer et qui seront acquittées à partir de cette réserve de précaution. Ce sont donc 2,1 milliards d'euros qui sont nécessaires, dont 1,8 milliard à partir des budgets gelés. Selon un principe de précaution bien connu, nous n'avons pas entamé cette réserve cet été : nous avons bien fait, je le crois. Selon un principe de solidarité, l'ensemble des missions sont touchées par l'effort demandé.
Crise de la dette, donc, mais crise de la dette qui, dès lors qu'elle est prise à bras-le-corps, permet d'envisager sa résorption. L'année 2012 en témoigne, puisqu'en exécution nous terminerons le budget avec une diminution de 3,4 milliards d'euros par rapport à ce qui fut voté en loi de finances initiale pour 2012. Si l'on fait le calcul de loi de finances exécutée à loi de finances exécutée, c'est une économie en valeur absolue de 200 millions d'euros que l'on pourra constater. Ce montant peut paraître dérisoire au regard du stock de dettes accumulé par notre pays ces dernières années – près de 1 800 milliards d'euros –, mais j'aimerais que ces 200 millions soient comparés à ce qui fut l'évolution systématique de ces dernières années. Car, de loi de finances exécutée en loi de finances exécutée, le dérapage d'une année sur l'autre était de 6 milliards d'euros en moyenne. Ainsi, une économie de 200 millions d'euros en valeur absolue, c'est en fait un effort de plus de 6 milliards d'euros que notre pays aura réalisé en 2012, précisément parce que – peut-être en début d'année, mais certainement à partir du mois de mai – un soin particulièrement scrupuleux, vigilant, a été mis à vérifier que chaque dépense était utile, que rien d'inutile n'était engagé ; un soin scrupuleux a été mis à contrôler l'évolution de notre dépense publique, tant il est vrai que la fiscalité seule, isolément, ne pourra faire que notre pays ajuste ses finances publiques.
Crise de l'euro, j'ai indiqué les voies pour espérer ; crise de la dette, j'ai indiqué ce que nous avions fait en 2012 ; ce que nous envisageons de faire pour 2013 a été débattu dans cet hémicycle lors de l'examen de la loi de finances initiale. Nous respecterons la norme « zéro valeur » dans le champ de cette norme connue, car édictée sous une autre majorité, et pour ce qui est de l'ensemble des dépenses de l'État, c'est une évolution de 0,3 % qui sera constatée.
Quand on sait que ce champ comprend l'évolution de la dépense des pensions et du service de la dette, on mesure l'effort qui attend notre pays, un effort auquel, je le crois prêt, car nos concitoyens ont très majoritairement compris qu'il n'était plus possible de mener des politiques à crédit, en s'endettant tant et plus chaque fois qu'une politique nouvelle pouvait être décidée.
Crise de la zone euro, crise de la dette, crise de la compétitivité. On en sait les conséquences. En 2011, le déficit du commerce extérieur était de 70 milliards d'euros ; nous étions excédentaires en 2001. On en sait aussi les conséquences sur le chômage : 3,1 millions de chômeurs dans notre pays, chiffre effrayant. Un million de chômeurs en plus ces cinq dernières années : cette évolution est plus que préoccupante. Le chômage augmente sans désemparer depuis maintenant dix-huit mois. Certes, cinq mois sont à assumer par le gouvernement de Jean-Marc Ayrault, mais dire cela, c'est faire remarquer que les autres doivent l'être par le Gouvernement précédent. Cette augmentation continuelle est l'une des conséquences de la perte de compétitivité de nos entreprises, et nous avons décidé de tenter d'y remédier en début de législature et par des mesures d'application immédiate – et non, comme d'autres ont peut-être voulu le faire, en toute fin de législature et par des mesures d'application différée.
Le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi, c'est en effet un effort massif – 20 milliards d'euros – inédit dans notre pays. C'est un effort d'application immédiate puisque, si ce texte est adopté comme je le souhaite naturellement, la loi sera promulguée dès le 1er janvier, et c'est donc dès le premier jour de l'année prochaine qu'elle pourra s'appliquer. Nous ne différons pas l'application de cette politique de quelques mois, dans l'attente de je ne sais quelles échéances électorales.
Troisième différence avec ce qui avait été fait précédemment, c'est une politique qui sera pour moitié financée par des économies supplémentaires, ce qui, mesdames et messieurs les députés, obligera le pays à envisager puis à engager des réformes structurelles dans des domaines jusqu'alors épargnés. Ces politiques structurelles seront naturellement difficiles à envisager. Elles feront naturellement l'objet de débats, au cours desquels chacun pourra manifester ses inquiétudes, mais, je l'espère aussi, sa résolution, et qui pourront, je le souhaite, se conclure par des décisions difficiles, courageuses, mais indispensables à notre pays : des réformes structurelles de nature à améliorer sa compétitivité.
Je sais bien quelles craintes se sont manifestées, ici ou là, de ce qu'une somme aussi massive – 20 milliards d'euros – soit dépensée sans aucune assurance que les termes du contrat soient respectés. C'est pourquoi le Gouvernement est évidemment favorable à ce que des critères soient fixés pour imaginer ce que pourraient être des utilisations légitimes et illégitimes de ces montants considérables. Seraient illégitimes des augmentations de la rémunération de certains dirigeants ou des versements de dividendes dans des proportions supérieures à celles qu'on a constatées, et il est vrai qu'il faudra faire preuve de vigilance car, on l'a vu pendant la crise qui éclaté en 2008 et on l'a vu encore en 2009 et 2010, ce ne sont pas les versements de dividendes qui ont servi de variables d'ajustement aux entreprises. Les dividendes ont été servis comme si rien ne s'était passé, et c'est l'investissement, la formation, l'emploi, qui ont servi de variables d'ajustement. Ces choses-là ne sont évidemment plus admissibles.
Seraient légitimes, en revanche, des dépenses en faveur de l'investissement, de la formation, de l'embauche, de l'exportation…
Je crois que ces critères sont utiles, et je fais le pari que les partenaires sociaux sauront s'en saisir, afin qu'une fois débattus et décidés dans cet hémicycle ils puissent servir à apprécier l'utilisation des fonds publics.
S'agissant du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi, Pierre Moscovici aurait été dans son rôle en le défendant à cette tribune et je vous demande de bien vouloir l'excuser, car il est, comme c'est souvent le cas depuis que l'euro est en crise, retenu hors de nos frontières pour représenter la France afin de trouver les voies et moyens de sortir la zone euro de la crise, et ainsi la France d'un climat économique bien peu propice aux affaires et à sa prospérité.
Ce projet de loi de finances rectificative comporte par ailleurs un certain nombre de dispositions visant à garantir la loyauté des différents agents économiques, à un moment où un effort est demandé à chacun. C'est vrai pour les particuliers : des dispositions vous seront proposées, telle la suppression de la règle du double, qui interdisait à l'administration fiscale de demander l'origine des fonds déposés sur un compte bancaire dès lors qu'ils n'excédaient pas le double des rémunérations déclarées.
C'est vrai aussi pour un certain nombre d'entreprises, auxquelles on pourra, dès que ce sera possible, demander leur comptabilité par voie électronique – des entreprises qui, parfois de manière assez déloyale, préfèrent donner à l'administration fiscale des mètres cubes de documents papier, généralement bien mal exploités car trop difficilement exploitables.
C'est vrai encore de dispositions qui, je l'espère, feront l'objet d'un consensus, comme la création d'une solidarité dans la chaîne des carrousels de TVA pour les véhicules d'occasion.
J'espère également que l'unanimité se fera en faveur de la traçabilité des paquets de tabac, puisque l'on sait que des phénomènes de contrebande ou d'importation frauduleuse sont très importants sinon massifs – en tout cas dans les zones frontalières.
Bref, toutes dispositions qui, en renforçant les moyens de l'administration fiscale, devraient permettre de s'assurer que tous nos concitoyens assument leurs devoirs de la manière la plus loyale à l'égard de la collectivité nationale.
Enfin, une disposition vous sera proposée par votre commission des finances, visant à traiter la délicate question de la cotisation foncière minimum des entreprises. Le Sénat avait, semble-t-il, trouvé une bonne solution ; malheureusement, le rejet de la première partie du projet de loi de finances pour 2013, du fait de l'opposition de certains et de l'abstention d'autres, ne permet pas d'intégrer cette disposition dans le texte que l'Assemblée aura à examiner. C'est donc cette dernière qui devra, je l'espère, adopter dans le présent collectif les dispositions permettant aux collectivités de revenir sur les hausses de la cotisation minimum, décidées par ces mêmes collectivités sans parfois toujours bien mesurer l'impact fort préjudiciable que ces votes pouvaient avoir sur le sort des entreprises.
Je ne doute pas que, comme pour chaque projet de loi de finances rectificative, les débats seront de très haute tenue et tout à fait intéressants et, qu'à cette occasion, les uns et les autres auront à coeur de manifester et leurs convictions et leur sincérité. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)