Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur général, monsieur le président de la commission, mes chers collègues, l'examen de ce collectif budgétaire s'inscrit dans un double contexte. D'une part, il intervient une semaine après la dégradation de la note souveraine de la France par l'agence Moody's, et d'autre part quelques semaines après l'examen de la loi de finances pour 2013, qui va augmenter de 20 milliards d'euros la charge fiscale qui pèse sur les Français et sur les entreprises.
À ce stade de la discussion, je voudrais rétablir deux vérités. Tout d'abord, la dégradation de la note de la France par l'agence Moody's ne sanctionne pas une politique passée, mais l'absence de projet politique du Gouvernement et le manque de réformes structurelles. D'ailleurs, ce n'est pas par hasard que l'agence Moody's a attendu six mois après les élections avant de se prononcer, alors qu'elle aurait pu le faire bien plus tôt : elle a attendu pour savoir comment le nouveau pouvoir appréhendait le contexte économique. Après analyse, elle s'est rendue compte que cette note ne tenait plus, que l'absence de volonté de réforme structurelle devait être sanctionnée, et que le nouveau gouvernement ne méritait plus le triple A que Moody's avait jusqu'à présent attribué à la France.
La deuxième vérité que je souhaite rétablir ce soir concerne les faibles taux de financement dont se targue le gouvernement actuel. La faiblesse de ces taux n'est pas due à une confiance exceptionnelle qui serait tombée du ciel sur le Gouvernement ! Elle est constatée partout en Europe, et elle est due à l'absence de demande. Les milliards d'euros qui sont actuellement stockés dans les banques ne trouvent pas preneur. C'est ainsi que le prix de l'argent baisse de mois en mois. Les faibles taux d'intérêt dont bénéficie la France ne sont donc aucunement dus à une hypothétique confiance accordée par les marchés à ce gouvernement ! N'adoptez donc pas trop rapidement une analyse par trop flatteuse de l'évolution des taux d'intérêt.
À première vue, ce projet de loi de finances rectificative va dans la bonne direction. Nous pensons notamment au volet de lutte contre la fraude, dont nous partageons les objectifs, sans pour autant en partager tous les moyens ; c'est pourquoi le groupe UMP a déposé plusieurs amendements de suppression d'articles visant à supprimer les dispositions à effet rétroactif. Les politiques socialistes ont d'ailleurs l'habitude de la rétroactivité, puisque la suppression des exonérations sur les heures supplémentaires devait, à l'origine, s'appliquer dès le 1er janvier 2012.
Toutefois, les intentions du Gouvernement concernant certaines mesures ne nous semblent pas claires : s'agit-il d'une volonté réelle de réduire les abus ou seulement de mesures de rendement fiscal ? Nous le verrons bien au cours de la discussion budgétaire.
De fait, nous pouvons nous interroger sur la cohérence générale de la politique budgétaire menée par le Gouvernement pour atteindre l'engagement de la France de ramener son déficit public à 4,5% de PIB. Vous avez débuté le quinquennat en supprimant la TVA compétitivité en juillet dernier pour finalement annoncer une augmentation de la TVA quatre mois plus tard. Cette TVA compétitivité, comme l'a rappelé Gilles Carrez, consistait en une hausse modérée du taux normal de TVA. Mais la contrepartie était une baisse conséquente, de l'ordre de 11 milliards d'euros, des charges pesant sur les entreprises.
Quatre mois plus tard, vous souhaitez augmenter la TVA mais en faisant peser l'effort sur les produits et services concernés par le taux réduit de TVA en le faisant passer de 7 à 10%, c'est-à-dire justement sur les produits et services qui sont par nature non délocalisables, comme le rappelait également Gilles Carrez. Il aurait été préférable d'augmenter le taux normal, qui frappe les importations, plutôt que de majorer substantiellement le taux intermédiaire qui concerne les secteurs protégés et non délocalisables. Même si je ne me trouvais pas alors à cette tribune, j'ai le sentiment de revenir à la discussion du printemps dernier. Il est malheureux de perdre autant de mois, alors que les vérités sont si éclatantes.
De même, sur le crédit d'impôt compétitivité emploi, le dispositif initialement prévu dans le cadre d'un pacte de compétitivité ne sera introduit que par voie d'amendement, en séance. Nous n'en avons pris connaissance que parce que Gilles Carrez en a fait la demande, lors de l'examen de ce texte en commission des finances. Cette méthode illustre le malaise du Gouvernement vis-à-vis de sa majorité, ce gouvernement qui semble annoncer ce dispositif de manière un peu honteuse à une majorité qui, en dépit des récents éloges de Christian Eckert, n'y est pas si favorable.
Bien qu'il n'ait fait l'objet d'aucune étude d'impact, nous sommes, dans l'ensemble, favorables au dispositif tel que proposé, à condition, toutefois, qu'il ne soit assorti d'aucune contrepartie dans son attribution. Nous n'en connaissons pas encore le contenu, puisqu'il nous sera proposé au détour d'un amendement. On nous annonce toutefois déjà qu'au mois de janvier, il sera assorti de conditions. Ce sera du « donnant-donnant » et des contreparties seront exigées des entreprises. C'est un peu comme si ce crédit d'impôt compétitivité emploi était mort-né, la belle annonce faite en décembre étant annihilée par toutes les restrictions qui seront imposées au début de l'année 2013. Le président du groupe SRC à l'Assemblée a d'ailleurs même indiqué, je le cite, qu'« il n'était pas question d'introduire des conditions dans l'attribution du crédit d'impôt compétitivité emploi ». Alors, qui croire ? Nous sommes dans une impréparation, une improvisation ou un flou. Est-ce voulu ? Est-ce subi ? Est-ce une stratégie pour amadouer la majorité ? Nous le verrons dans les jours qui viennent.
J'ajoute que ce crédit d'impôt reste une maigre réponse au regard du rapport Gallois qui préconise un véritable choc de compétitivité en transférant une partie significative des charges sociales jusqu'à 3,5 SMIC, soit 30 milliards d'euros, vers la réduction de la dépense publique et le relèvement de certains taux intermédiaires de TVA. Nous avons, là aussi, une grande divergence sur le montant des salaires qui seront concernés par cette disposition. Nous souhaiterions, pour notre part, monter jusqu'à quatre SMIC, alors que vous réservez cette mesure aux bas salaires, qui font déjà l'objet de nombreux allégements plutôt efficaces.
De même, ce crédit d'impôt ne répond pas à l'urgence de notre situation économique et à ce qu'attendent les entrepreneurs. Alors qu'il devrait s'appliquer dès le 1er janvier 2013, il n'entrera pas en vigueur avant 2014. Où est l'urgence de l'emploi ? Où est l'urgence de l'activité économique ? Vous préférez, en effet, prendre votre temps, « laisser du temps au temps », comme le disait un de vos illustres prédécesseurs. Pourtant, vous partagez comme nous, du moins je l'espère, le même constat sur la situation d'urgence dans laquelle se trouve notre économie.
Enfin, il est inutile de vous dire, mes chers collègues, que nous sommes très loin du compte. Alors que ce crédit d'impôt devrait coûter 20 milliards d'euros, où sont les 10 milliards d'euros de baisse de dépenses publiques qui sont censés le financer pour partie ? Où sont les 4,5 milliards d'euros de fiscalité dite « écologique » annoncés par le Président de la République pour compléter le financement de ce crédit d'impôt ? Nous ne les trouvons pas. Nous attendons avec impatience de voir où vous allez trouver ces 10 milliards et ces 4,5 milliards supplémentaires.
Globalement, le maintien de l'objectif de la France de ramener son déficit public à 4,5 % du PIB n'est plus garanti, dans la mesure où la recapitalisation de Dexia alourdira bel et bien le déficit budgétaire de l'État qui atteindra 86,2 milliards fin décembre, contre 83,6 milliards attendus. Pour atteindre l'objectif de 4,5 %, vous allez, une fois de plus, faire appel à la hausse de la fiscalité applicable aux entreprises. Nous y voyons l'occasion de souligner l'étouffement croissant des entreprises face aux prélèvements fiscaux. La France compte ainsi 153 taxes et prélèvements pesant directement ou indirectement sur l'entreprise, alors que l'on n'en dénombre que cinquante-cinq en Allemagne. Il en résulte que, hors impôt sur les sociétés, 72,7 milliards d'euros de taxes pèsent sur les entreprises. Le Conseil des prélèvements obligatoires a d'ailleurs indiqué que « les prélèvements sur les entreprises représentent 39 % des prélèvements obligatoires du pays, soit dix points de plus que la moyenne de l'Union européenne. » Ainsi, la France va devenir le pays le plus taxé d'Europe avec un taux de prélèvement de 46,3 %, soit plus que la Suède dont le taux est de 44,2 %. Seul, le Danemark nous dépasse, avec 48,2 %.
Monsieur le ministre, nous ne mettons pas en cause votre volonté de redresser les comptes publics et de tenir la promesse de réduire le déficit public à 3 % du PIB en 2013, mais nous contestons absolument les modalités que vous choisissez pour y parvenir. Le choc fiscal permanent, qui s'apparente davantage à une purge fiscale, et le manque de réformes de structure vous mènent droit dans une impasse. On nous répond, là aussi, que les partenaires sociaux se réunissent et que des mesures conséquentes seront prises dans les mois qui viennent. Quand ? Comment ? Là aussi, on nous dit qu'il faut laisser le temps au dialogue social de s'installer. Mais où est le caractère d'urgence lorsque les mois passent, que nous attendons tous ces réformes de structure et que nous ne voyons toujours rien venir ? Là aussi, nous avions espéré que serait, enfin, introduite dans ce nouveau projet de loi de finances rectificative une disposition de cet acabit. Or nous ne voyons toujours rien, aujourd'hui, en matière de réformes de structure. Peut-être aurons-nous une indication dans les mois qui viennent !
Six mois après l'élection présidentielle, il n'est plus temps de se défausser sur Nicolas Sarkozy. Au moment où la zone euro entre en récession et que le chômage explose, au moment où il faudrait proposer de véritables réformes de structure, au moment où il faudrait alléger la fiscalité des entreprises en compensant à due concurrence par une baisse de la dépense publique, le Gouvernement fait le choix inverse en adoptant un budget pour 2013 dont les effets récessifs ne tarderont pas à se faire sentir et, le tout, sans réduire véritablement les dépenses publiques, puisque les dépenses de l'État, hors charge de la dette et hors pensions, stagneront en valeur. Je ne referai pas la démonstration de Gilles Carrez sur l'évolution de la masse salariale ! Je dirai, toutefois, qu'il est très difficile de maintenir la masse salariale sans réduire le nombre de fonctionnaires dans une collectivité publique,…