…les maires présents dans cet hémicycle le savent fort bien ! Le système est exactement le même au niveau de l'État. Il y a, là aussi, une contradiction : les députés votent une disposition et font exactement l'inverse en tant que maire.
Ce n'est d'ailleurs pas tant les conséquences de la perte du triple A par l'agence Moody's qui doivent inquiéter, que le constat sévère dressé à l'égard de la France par l'ensemble des agences et des institutions internationales, FMI compris. Loin d'améliorer ou d'alléger le mode de fonctionnement de l'État providence, le choc fiscal l'alourdit en réduisant l'âge de la retraite de quelques-uns, en remettant en question la révision générale des politiques publiques, honnie ici par tant de socialistes, mais qui se mettra finalement aussi en place, dans d'autres ministères que celui de l'éducation nationale. Le plus préoccupant est, sans doute, qu'avec une telle politique fiscale, sans lueur d'espoir pour nos entrepreneurs, le pays risque de connaître plusieurs années de croissance molle, voire de stagnation. Dans ces conditions, il suffit de se projeter un minimum pour constater que les prévisions de croissance du Gouvernement tablant sur 2 % de croissance par an à partir de 2014 – c'est le programme de François Hollande –, croissance censée permettre un retour à l'équilibre budgétaire en 2017, sont dès à présent hors de portée. Les prévisions des économistes pour 2013 sont, d'ores et déjà, inférieures au taux de 0,8 % retenu dans le projet de loi de finances du 28 septembre, de sorte que le déficit public peinera à revenir à 3 % du PIB, en dépit des 30 milliards d'économies et de recettes fiscales annoncés. Ce n'est pas le crédit d'impôt compétitivité emploi proposé dans ce collectif et dont on nous dit que l'attribution sera conditionnée dans trois mois qui risque d'inverser la donne. De fait, votre gouvernement ne semble toujours pas avoir trouvé d'issue. Au lieu de prôner un vrai choc de compétitivité, il préfère jouer les comptables. Il n'y a encore rien sur le marché du travail, rien sur la simplification administrative et réglementaire, rien sur la compétitivité des entreprises. Quand proposerez-vous de véritables réformes de structure ?
Nous partageons pourtant tous ce constat : l'économie française souffre de deux problèmes de fond qui entravent sa compétitivité. Ainsi, l'érosion des marges des entreprises freine leur développement et les charges patronales et salariales atteignent un niveau trop élevé. Confrontées à une fiscalité écrasante, mais aussi à une concurrence croissante, les entreprises françaises, notamment dans le secteur industriel, ont été conduites à rogner leurs marges pour conserver des prix compétitifs. Selon les chiffres de l'INSEE, les marges de l'industrie manufacturière ont baissé de plus de 20 % ces quinze dernières années, alors qu'elles progressaient de sept points en Allemagne. Il en résulte un écart grandissant entre la France et ses voisins en matière d'autofinancement et de capacité des entreprises à investir en recherche et développement. Le fait que l'ensemble des hausses d'impôts se concentre sur les entreprises est un facteur supplémentaire de perte de compétitivité. Le choc fiscal de 20 milliards va même faire plonger la France dans la récession.
Au regard de ces considérations, lorsque nous entendons le rapporteur général nous dire qu'il y a une surréaction des chefs d'entreprise face au matraquage fiscal qu'ils s'apprêtent à subir, nous sommes en droit de nous interroger sur la façon dont il perçoit le monde de l'entreprise.
Nous avons entendu, lors de la dernière discussion budgétaire, M. le rapporteur général nous indiquer que, pour l'accès au label de jeune entreprise innovante, JEI, on prenait déjà en compte le montant des dépenses servant d'assiette au calcul du crédit impôt recherche, et pas seulement leur nature. Pourtant le bulletin du 16 septembre 2011 de la Direction de la législation fiscale, indique exactement l'inverse, en ne considérant que la nature des dépenses. Nous sommes donc en droit de nous interroger sur la volonté du Gouvernement d'aider les JEI qui ont été incitées, pendant des années, à investir et à travailler avec des laboratoires publics de recherche et des universités. On voudrait décapiter les entreprises innovantes que l'on ne s'y prendrait pas autrement !
En réalité, de quoi parlez-vous lorsque vous évoquez les chefs d'entreprise ? Un entrepreneur prend des risques, paie beaucoup de charges et crée des emplois. On oublie trop souvent de le dire. À cet égard, ce n'est pas en adoptant une taxation à caractère confiscatoire pour l'entrepreneur et dissuasive pour l'investisseur que nous pourrons les soutenir efficacement. Autrement, pour eux, le changement, c'est effectivement maintenant, mais ce n'est pas celui qu'ils attendaient !
La confusion entre capital spéculatif et capital productif semble également être à l'ordre du jour. Vous prétendez corriger notre système fiscal au motif qu'il serait inégalitaire et ferait moins payer les revenus du capital. Or le Conseil des prélèvements obligatoires a estimé, en mai 2011, que notre système fiscal était devenu plus progressif depuis 1990. Quant aux revenus du capital, ils sont, selon l'Observatoire français des conjonctures économiques, presque autant imposés que les revenus du travail. C'est donc un faux problème, un faux sujet, mais plutôt un slogan politique qui ne sert que pendant les campagnes électorales !
Il y a quelques semaines, le Premier ministre a déclaré : « si vous pensez que la compétitivité, c'est l'allégement des charges, vous ne connaissez pas le dossier ». Eh bien, nous sommes heureux que la présentation du rapport Gallois ait permis de rétablir la vérité, celle que nous défendons : la nécessité de redonner de la compétitivité à nos entreprises pour qu'elles maintiennent ou retrouvent des parts de marché, du chiffre d'affaires, donc de l'emploi ! Comment retrouver de la compétitivité sans réduire le coût du travail ? Alléger le coût du travail, ce n'est pas baisser les salaires, mais répartir autrement les recettes qui financent notre modèle social.
En somme, mes chers collègues, ce collectif ne répond pas aux questions les plus urgentes. Il n'apporte pas de réponse sur la nécessaire diminution de la dépense publique. Il n'apporte pas de réponse sur les nécessaires réformes en matière de compétitivité, alors que le rapport Gallois lui en fournissait la matière. Il prétend améliorer la compétitivité des entreprises avec la mise en place du fameux « crédit d'impôt compétitivité emploi », mais dont le dispositif ne sera introduit que par voie d'amendement, au dernier moment et en séance. Enfin et surtout, ce collectif confirme la mise en oeuvre incohérente d'une politique fiscale qui abroge la TVA compétitivité en juillet pour l'augmenter à nouveau en décembre.
C'est pour toutes ces raisons que ce projet de loi de finances rectificative ne saurait être examiné en l'état dans cet hémicycle ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)