Intervention de Annie Genevard

Séance en hémicycle du 9 juin 2015 à 15h00
Statut accueil et habitat des gens du voyage — Motion de rejet préalable

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAnnie Genevard :

Je ne le crois pas, et ce pour une double raison. D’une part, elle ne répond que très partiellement aux difficultés que connaissent les maires, et surtout, d’autre part, elle en crée de nouvelles : c’est ce double manquement qui va en faire une loi inappropriée dont vous n’aurez pas fini d’entendre parler quand sa pleine application entrera en oeuvre.

Trois points figurent dans l’intitulé de la loi : le statut, l’accueil et l’habitat.

Parlons d’abord de la question du statut des gens du voyage puisque c’est le premier point que vous mettez en avant, monsieur le rapporteur. La suppression du livret de circulation semble ne pas poser de difficultés particulières. Ce relatif consensus n’interdit tout de même pas de poser quelques questions auxquelles votre proposition de loi ne répond pas. Ainsi, dans une question prioritaire de constitutionnalité du 5 octobre 2012, le Conseil constitutionnel n’avait pas jugé discriminant l’existence d’un titre de circulation pour une catégorie de la population déterminée par un mode de vie fondé sur l’itinérance. Or, vous l’avez jugé discriminatoire en ce qu’il accentuerait chez les gens du voyage un sentiment de stigmatisation. On pourrait entendre cet argument si nous avions affaire à des personnes toujours respectueuses des droits qu’elles revendiquent pour elles-mêmes. Mais comment ignorer la foule de problèmes que nous rencontrons chaque année au moment des itinérances estivales ? Croyez-vous vraiment qu’en supprimant tout titre de circulation, vous supprimerez ipso facto les problèmes de comportement de certains groupes ? Quelle naïveté ! Désormais, les gens du voyage vont rejoindre le statut des sans domicile stable, autre nom donné aux sans domicile fixe. Je ne vois là rien qui soit véritablement plus valorisant.

Par ailleurs, qu’est ce qui demain permettra de dénombrer une population pour laquelle on cherche précisément à adapter l’offre d’accueil ? Le sujet est sensible, mais on peut l’aborder de façon dépassionnée. Les problèmes qui sont tus ne sont jamais résolus. Le titre II de l’article 1er de la loi de 2000 dispose que c’est au vu d’une évaluation préalable des besoins que le schéma départemental est élaboré. Comment, demain, estimera-t-on les besoins ? Si le livret de circulation était inefficace, supprimons-le ou, pourquoi pas, remplaçons-le. Du reste, la mission à laquelle vous aviez participé, monsieur le rapporteur, et dirigée par notre collègue Didier Quentin, préconisait non pas sa suppression mais son remplacement par une carte de résident itinérant qui permettait tout à la fois de reconnaître l’itinérance, marque constitutive et ancestrale de cette population, et la résidence dans une commune de rattachement, et donc d’évaluer les besoins.

Le deuxième point nous pose particulièrement problème. En effet, la suppression pure et simple de la loi de 1969 mettrait fin aux règles administratives du rattachement à une commune qui satisfaisaient deux conditions pour nous importantes : le lien avec la commune de rattachement et la limite de 3 % de la population que le législateur avait décidée pour que la proportion de gens du voyage ne soit pas déséquilibrée par rapport à la population globale. Nous souhaitons que ces conditions soient conservées, et pas seulement pour des raisons électorales mais parce que cette population a tendance à se sédentariser, vous l’avez dit madame la ministre, et que, assez naturellement, la sédentarisation s’effectue où l’on a sa commune de résidence et que des problèmes d’intégration peuvent survenir en cas de proportion importante. Ce n’est faire injure à quiconque que de le dire. C’est une question de bon sens, fondée sur la connaissance concrète des situations que donne l’exercice d’un mandat local. Et l’on voit en l’occurrence qu’un cumul raisonnable, celui d’un mandat local et d’un mandat national, est utile.

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