Intervention de Annie Genevard

Séance en hémicycle du 9 juin 2015 à 15h00
Statut accueil et habitat des gens du voyage — Motion de rejet préalable

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAnnie Genevard :

Monsieur le rapporteur, vous qui êtes aussi un élu local, sans doute le savez-vous, même si vous n’êtes pas d’accord sur le principe.

Venons-en à présent à la question de l’accueil. La loi de 2000 se fondait sur un pacte de confiance entre les pouvoirs publics et ces populations, pacte censé favoriser de nouveaux comportements plus respectueux chez les gens du voyage en contrepartie de l’obligation faite aux communes de créer des aires d’accueil. Vous estimez que la mise en oeuvre d’aires d’accueil est insuffisante. On pourrait s’entendre sur le fait qu’elle est incomplète, mais elle atteint tout de même presque 70 %, ce qui est loin d’être médiocre ! Vous condamnez dans votre rapport l’inertie des communes sans vous interroger suffisamment sur les raisons de la réalisation partielle des objectifs fixés. Les difficultés sont en effet énormes. Vous ne les évoquez pas. C’est le point aveugle de votre rapport. Pourquoi stigmatiser ainsi les élus locaux sans traiter de façon équilibrée des problèmes des uns et des autres. Savez-vous que chaque année, dans des cas hélas trop nombreux, les maires ou les présidents d’établissements publics intercommunaux, tels de véritables Sisyphe, doivent réparer, voire reconstruire, ce qui a été cassé, détruit, démoli sur les aires d’accueil de leur commune ? C’est usant, révoltant même, car tout cela se fait évidemment à grand renfort de fonds publics et coûte beaucoup d’argent. La Cour des comptes, que votre rapport a l’honnêteté de mentionner, dit bien que les subventions d’investissement de l’État représentent un effort financier important, qui ne correspond toutefois qu’à une part minoritaire du coût réel de réalisation des aires… Et que dire de l’obligation de les remettre en état périodiquement ?

Avec les difficultés que j’ai évoquées, ajoutées aux problèmes financiers aggravés par l’arrêt des subventions versées par l’État pour la réalisation d’aires d’accueil depuis la fin de 2008, il ne faut pas s’étonner que les élus locaux hésitent ! C’est plus que compréhensible !

Avez-vous une petite idée de la colère des élus quand ils vont découvrir le pouvoir donné aux préfets de consigner des fonds publics pour les obliger à réaliser les aires exigées ? Que croyez-vous qu’il se passera lorsque pour remplir cette obligation, ceux-ci devront supprimer des services rendus à leur population, des subventions à leurs associations ou des équipements dans les écoles ? C’est en effet à cela que votre texte va aboutir. Vous vous préparez à une colère dont vous n’avez même pas idée ! Je trouve incroyable votre argumentation, monsieur le rapporteur, lorsque vous nous dites en commission que cette disposition de consignation des fonds est faite pour ne pas être appliquée.… J’avoue que l’argument me laisse sans voix. Dans ma grande naïveté, je pensais que les lois étaient faites pour être appliquées. Cet argument infantilise les maires qu’il faut effrayer pour les faire rentrer dans le rang. C’est une provocation !

Cette loi va créer des difficultés supplémentaires alors que l’on aurait pu attendre qu’elle en résolve. Autre exemple de difficulté supplémentaire : l’obligation faite aux élus de prévoir des dispositifs de substitution en cas de fermeture temporaire d’une aire permanente d’accueil. Ainsi donc, obligation pourrait être faite aux maires de reloger ceux-là mêmes qui auraient été la cause de la fermeture du fait de dégradations causées comme cela arrive trop souvent. Cette disposition, je le signale, a été ajoutée en commission sans qu’à mon sens, ses conséquences aient été véritablement évaluées. Si votre proposition de loi donnait aux maires des outils vraiment efficaces et adaptés aux problèmes posés par l’occupation illégale de terrains publics ou privés, les élus locaux seraient peut-être plus enclins à organiser l’accueil.

Il y a toutefois quelques avancées, que Mme la ministre a rappelées, mais qui méritent d’être précisées et complétées. J’espère donc qu’elles seront amendées sur la base de nos propositions et que vous ne les rejetterez pas, madame la ministre, au motif qu’elles émanent de l’opposition.

La durée de validité de la mise en demeure de quitter les lieux pour les occupants qui étaient déjà en situation de stationnement illicite doit être allongée, et le champ d’application géographique de la disposition doit être impérativement précisé, de sorte qu’il couvre le territoire de la collectivité locale ayant compétence pour les gens du voyage, qu’il s’agisse des communes ou des communautés de communes.

S’agissant de l’habitat, troisième volet de la proposition de loi, on voit se dessiner des orientations en vue de satisfaire aux nouvelles tendances qui apparaissent parmi les gens du voyage en faveur de la sédentarisation. Les terrains familiaux figureront bientôt dans tous les schémas départementaux. L’article 2 de la proposition de loi fait d’ailleurs explicitement référence à l’évolution des modes de vie et à la demande de sédentarisation. Aires de grands passages, aires d’accueil temporaires… demain, obligation sera-t-elle faite aux élus locaux de trouver du foncier pour la sédentarisation ? Si tel est le cas, de nouvelles difficultés sont à craindre !

Tous les gens du voyage – ce sera ma conclusion – ne se comportent pas mal ; prétendre le contraire serait en effet discriminatoire. Mais occulter les difficultés ou, pire encore, les connaître et ne pas y répondre, c’est aggraver le ressentiment de la population envers eux !

En la matière, vous, monsieur le rapporteur, qui rapportez ce texte et, en réalité, l’avez inspiré, et vous, madame la ministre, portez une lourde responsabilité. Renoncez à la consignation des fonds et à l’obligation de substitution, subventionnez les collectivités auxquelles vous imposez la construction de nouvelles aires d’accueil – j’ai bien entendu les annonces que vous venez de faire –, et, surtout, améliorez les outils pour faire respecter la loi et que les droits soient adossés à la juste contrepartie du respect des devoirs.

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