Intervention de Daniel Gibbes

Séance en hémicycle du 11 juin 2015 à 15h00
Précision de l'infraction de violation de domicile — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDaniel Gibbes, suppléant M Marc-Philippe Daubresse, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, chers collègues, je vous prie d’excuser le rapporteur, Marc-Philippe Daubresse, qui a été retardé.

Nous sommes saisis, à l’initiative du groupe Les Républicains, de la proposition de loi tendant à préciser l’infraction de violation de domicile. Ce texte est issu d’une proposition de loi de notre collègue sénatrice Natacha Bouchart, par ailleurs maire de Calais, ville confrontée à un inquiétant développement du squat.

Cette proposition de loi a été adoptée par le Sénat, en première lecture, le 10 décembre 2014, soit bien avant les événements très médiatisés qui ont eu lieu à Rennes.

Ce phénomène, qui correspond juridiquement à une occupation sans droit ni titre d’un local, se caractérise par une voie de fait observée lors de l’introduction dans les lieux. Il revêt deux formes : il peut s’agir de l’occupation soit d’un domicile, sanctionnée spécifiquement par l’article 226-4 du code pénal, soit d’un autre local – logement ou dépendance d’un logement. Le cadre juridique applicable face à une telle occupation illicite n’est pas uniforme puisque le droit en vigueur permet l’intervention des forces de l’ordre en cas de flagrance, uniquement lorsque l’immeuble en cause est le domicile de la victime.

Cette question n’est pas nouvelle. M. Daubresse, alors ministre du logement, avait déjà travaillé sur ce sujet il y a plus de dix ans, lors des assises du logement, dans le cadre de la préparation de la loi de cohésion sociale ; nous avions alors pris le temps de réfléchir pour légiférer de manière cohérente. Le sujet est revenu dans le dispositif juridique actuel par l’article 38 de la loi du 5 mars 2007 instituant le droit au logement opposable et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale, dite loi DALO.

Malgré cette intervention récente du législateur, le délit de violation de domicile est malheureusement en expansion. Il est notamment arrivé – ce qui est d’autant plus choquant – qu’il concerne des personnes modestes ou fragilisées, telles que des personnes âgées qui, de retour d’un déplacement ou d’une hospitalisation, ont constaté que leur domicile était occupé. De manière de plus en plus fréquente, ce phénomène est aussi le fait de véritables bandes organisées qui, profitant des failles de notre droit, organisent des squats.

Alors que l’échauffement médiatique amène parfois à légiférer selon les circonstances, l’analyse juridique que le rapporteur a conduite l’amène à vous proposer, comme le Sénat, de ne pas modifier l’article 38 de la loi DALO, mais l’article 226-4 du code pénal. La présente proposition de loi propose une modification de notre législation pour rendre plus effective la possibilité pour le propriétaire ou l’occupant légitime d’un logement de recouvrer l’usage de ce dernier.

Je vais rapidement rappeler les dispositions de la proposition de loi initiale – nous y reviendrons dans le cadre de l’examen des amendements, car notre collègue Marc Le Fur souhaite réintroduire plusieurs dispositions supprimées – avant de présenter le dispositif qui nous est proposé.

La proposition de loi déposée au Sénat par Mme Natacha Bouchart comportait deux articles. Elle a été profondément remaniée à l’initiative du rapporteur de la commission des lois du Sénat, M. Jean-Pierre Vial, membre du groupe Les Républicains.

L’article 1er de la proposition de loi d’origine avait pour objet de préciser la caractérisation de la flagrance du délit, lorsque le maintien de l’occupant illégitime se prolonge dans le temps. Il fixait à 96 heures, à compter de la commission de l’infraction, la durée pendant laquelle le flagrant délit de violation de domicile pouvait être constaté.

La commission des lois du Sénat n’a pas retenu cette rédaction : nous en reparlerons à l’occasion de l’examen de deux amendements ayant pour objet de revenir à cette rédaction initiale. Le Sénat a estimé que ce délai pouvait être contraire aux intérêts du propriétaire ou de l’occupant légitime d’un domicile, s’il est absent de son domicile pour une durée supérieure. De plus, il n’a pas estimé opportun de prévoir un délai de flagrance spécifique pour un seul délit.

L’article 2 visait à renforcer la possibilité de recourir à la procédure d’expulsion prévue à l’article 38 de la loi DALO en permettant au maire, lorsqu’il a connaissance d’une violation de domicile, au sens de l’article 226-4 du code pénal, de demander au préfet de mettre en demeure l’occupant de quitter les lieux. La commission des lois du Sénat n’a pas souhaité compléter l’article 38 de la loi DALO. Elle a, en effet, relevé que si, en application des dispositions proposées, le propriétaire pouvait demander au préfet de mettre en demeure l’occupant sans titre de quitter les lieux, le préfet n’était pas tenu de faire droit à cette demande. Ce n’est que dans le cas où il a délivré une mise en demeure, non suivie d’effet, que le préfet aurait alors été contraint de procéder à l’évacuation forcée. La faculté ouverte au maire de saisir le préfet n’aurait donc pas fait naître d’obligation à la charge de ce dernier. En outre, la commission des lois du Sénat a estimé que la responsabilité du maire pourrait être engagée dès lors qu’il agit à son initiative, sans recueillir nécessairement l’accord du propriétaire ou de l’occupant légitime du logement. Surtout, le dispositif initialement proposé, en ne se limitant pas au seul domicile mais en s’appliquant à tout local, dépassait largement le champ des dispositions en vigueur.

J’en viens au dispositif proposé par le Sénat et adopté par la commission des lois de l’Assemblée. À l’initiative du rapporteur du Sénat, le texte a été profondément modifié. Plutôt que de fixer un délai de flagrance ou de compléter l’article 38 de la loi DALO, le choix a été fait de distinguer entre l’introduction dans un domicile et le maintien dans celui-ci. Pourquoi cette distinction ? Parce que, dans la rédaction actuelle de l’article 226-4 du code pénal, un maintien dans le domicile d’autrui ne peut être qualifié de « flagrant » que s’il est accompagné de « manoeuvres, menaces ou voies de fait ». Or, ces comportements frauduleux sont généralement commis au moment de l’introduction dans les lieux, mais plus au stade du maintien dans ceux-ci. C’est pourquoi les propriétaires recourent aujourd’hui aux procédures – longues – d’expulsion.

Quel est l’objectif recherché par la proposition de loi ? En distinguant l’introduction et le maintien dans les lieux, qui feront l’objet de deux alinéas distincts dans le code pénal, le délit continu de maintien illicite dans un domicile pourra être constaté en flagrance à tout moment, dès lors que ce maintien fait suite à une introduction qui, elle, a donné lieu à des voies de fait. En résumé, mes chers collègues, plutôt que de porter de 48 à 96 heures le délai de flagrance, qui s’applique tant à l’introduction qu’au maintien dans les lieux, le texte permettra au propriétaire de faire constater la flagrance du maintien illicite dans son domicile même si l’introduction frauduleuse date de plusieurs jours.

Le rapporteur sait que de nombreux collègues sont attachés à ce que l’article 38 de la loi DALO soit pleinement appliqué et souhaitent, à cette fin, le modifier. Mais, précisément, en modifiant l’article 226-4 du code pénal, nous donnons sa pleine effectivité à la notion de maintien dans un domicile. C’est d’ailleurs ce que le rapporteur de la commission des lois du Sénat a précisé en séance publique.

Enfin, compte tenu des modifications apportées au texte, la commission des lois du Sénat a modifié l’intitulé de la proposition de loi, pour faire référence à « l’infraction de violation de domicile » plutôt qu’à « l’expulsion des squatters », titre qui pouvait laisser penser à tort que le texte créait une nouvelle procédure d’expulsion dérogatoire du droit commun, pour l’ensemble des locaux.

Il s’agit donc d’un dispositif simple mais efficace.

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