Intervention de Olivier Marleix

Séance en hémicycle du 11 juin 2015 à 15h00
Précision de l'infraction de violation de domicile — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaOlivier Marleix, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République :

En tant qu’élus, nous sommes trop régulièrement appelés à l’aide par des concitoyens en détresse et impuissants face au squat de leur bien. Les squats peuvent même être massifs dans certaines villes ; nous avons tous à l’esprit la situation dramatique de la ville de Calais. Il est donc grand temps que le législateur fasse évoluer la loi qui, manifestement, ne répond pas ou mal à la réalité des situations.

C’est pourquoi le groupe Les Républicains a tenu à inscrire cette proposition de loi tendant à préciser l’infraction de violation de domicile à l’ordre du jour de notre assemblée. Ce texte n’a que des avantages, et je voudrais ici les rappeler, notamment dans l’hypothèse où certains esprits chagrins sur ces bancs se refuseraient à l’adopter conforme sous prétexte que nous aurions pu mieux faire.

Premièrement, cette proposition de loi répond à une situation objective que nous dénonçons tous, quels que soient les bancs sur lesquels nous siégeons : les occupations illicites de domicile se multiplient, et dans le même temps, l’arsenal pénal existant est inefficace, car dévoyé.

Deuxièmement, cette proposition est l’occasion pour nous de réaffirmer à nombre de Français, qu’ils soient propriétaires ou locataires, un principe dont ils finissent par douter lorsqu’ils ont à faire face à ces situations : être mal logé ne justifie ni n’autorise le squat, a fortiori celui du domicile d’autrui. Le fléau du mal-logement n’est pas un passe-droit pour l’intrusion illicite chez autrui.

Troisièmement, cette proposition de loi, modeste, n’entend pas compléter le droit positif ou y ajouter des dispositions. Elle n’empile pas du droit sur du droit, car cela risquerait de le complexifier inutilement. Elle a au contraire pour seule ambition de clarifier l’outil répressif déjà en vigueur et de faire respecter l’équilibre entre la protection du droit de propriété et la prise en compte de situations sociales souvent très délicates.

En effet, la législation actuelle prévoit déjà la possibilité, pour le propriétaire ou le locataire d’un domicile illégalement occupé, de saisir le préfet pour obtenir l’expulsion de l’occupant illégal sans décision de justice. Cette possibilité a été introduite par l’article 38 de la loi du 5 mars 2007 instituant le droit au logement opposable et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale, dite loi DALO. Cette disposition est toutefois inopérante pendant la trêve hivernale depuis que la loi du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové, dite loi ALUR, permet au juge d’appliquer aux squats la tolérance du sursis et lui en laisse la libre appréciation.

L’article 226-4 du code pénal complète ce dispositif en sanctionnant l’introduction, ou le maintien dans le domicile d’autrui à l’aide de manoeuvres, menaces, voies de fait ou contrainte, d’une peine d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende.

De plus, lorsqu’un squat se constitue, l’intervention immédiate de la puissance publique est soumise à la notion de flagrance définie à l’article 53 du code de procédure pénale et qui pose problème : « Est qualifié crime ou délit flagrant le crime ou le délit qui se commet actuellement, ou qui vient de se commettre. » Ainsi, tant que le délit est flagrant, la force publique peut intervenir.

Cependant, dans les faits, le préfet n’intervient pas toujours immédiatement, même lorsque le droit le lui permet, et ce, pour plusieurs raisons. En effet, selon le nombre de personnes dans le squat, l’évacuation peut prendre du temps à organiser ; elle peut évidemment poser des problèmes en termes d’ordre public ; enfin, les procédures sont complexes, afin d’éviter que le droit ne s’applique en dehors de toute considération humaine.

En pratique, la flagrance est appréciée selon un délai de quarante-huit heures au-delà duquel l’administration paraît considérer qu’elle ne s’applique plus. Il est alors nécessaire de débuter une action en justice pour demander l’expulsion des squatters, ce qui, étant donné les délais de traitement des dossiers, peut prendre un certain temps, voire un temps certain…

C’est pour répondre à cet abus d’interprétation du délai de flagrance qu’il est proposé dans ce texte de réécrire l’article 226-4 du code pénal. Le dispositif initial de la proposition de loi, qui consistait à introduire un délai légal de flagrance de quatre-vingt-seize heures pour le délit de violation de domicile, a été opportunément abandonné par le Sénat au profit d’une réécriture plus astucieuse et plus pertinente de cet article.

Limiter la durée de la flagrance à quatre-vingt-seize heures à compter de la commission de l’infraction aurait en effet pu se révéler contraire à l’intérêt de la victime, puisque cela revenait à inscrire ce délai dans la loi et à donner la possibilité aux squatters de s’en prévaloir pour exiger une procédure d’expulsion judiciaire.

Désormais, la proposition de loi se limite donc à préciser de façon plus explicite ce qu’était l’intention d’origine du législateur : le maintien dans le domicile d’autrui à la suite de l’introduction à l’aide de « manoeuvres, menaces, voies de fait ou contrainte » pourra être poursuivi dans le cadre de la flagrance dès que le propriétaire ou l’occupant légitime s’en apercevra, et même si l’introduction illicite date de plusieurs jours, plusieurs semaines, voire plusieurs mois.

Quatrièmement, et pour conclure, cette proposition de loi a manifestement l’avantage de pouvoir être adoptée conforme, et j’y insiste : elle pourrait, si vous en êtes d’accord, entrer en application d’ici à quelques jours, ce qui présente un intérêt certain.

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