Intervention de Jacques Krabal

Séance en hémicycle du 11 juin 2015 à 15h00
Précision de l'infraction de violation de domicile — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJacques Krabal :

Nous ne pouvons rester indifférents à l’égard de concitoyens qui non seulement sont victimes d’une intrusion dans ce qui relève de leur sphère intime, mais qui sont aussi lésés par une procédure inadaptée et souvent longue.

Que faire ? Si le code pénal sanctionne l’infraction de violation de domicile, qui consiste en « l’introduction ou le maintien dans le domicile d’autrui à l’aide de manoeuvres, menaces, voies de fait ou contrainte », en pratique, il est difficile pour la personne lésée de faire expulser les personnes sans l’intervention d’un juge.

Actuellement, si l’occupation sans titre du logement est constatée dans les quarante-huit heures, elle peut être caractérisée de flagrant délit, ce qui permet alors à la police de procéder à une expulsion immédiate. Or, comme on l’a rappelé, cette pratique se distingue des dispositions du code de procédure pénale, qui prévoit en son article 53 que la flagrance est constitutive d’une infraction en train d’être commise ou qui vient de se commettre. Aucune condition de délai n’est prévue par la loi dans la qualification d’un flagrant délit.

Il est donc nécessaire de préciser, par le biais de cette proposition de loi, le caractère continu de l’infraction de violation de domicile. Il sera dès lors plus aisé, pour le propriétaire victime, de recouvrer la jouissance de son logement.

Le texte modifié par les sénateurs a levé une ambiguïté du code pénal, rendant moins contraignantes les conditions devant être réunies pour prouver l’infraction du maintien dans le domicile par des occupants sans titre.

En parallèle, la loi du 5 mars 2007 instituant le droit au logement opposable, dite loi DALO, a instauré une procédure permettant aux victimes de saisir directement le préfet afin de lui demander expressément de mettre en demeure les occupants sans titres de quitter les lieux. Toutefois, cette démarche reste peu connue et, de fait, peu utilisée par nos concitoyens. La procédure souffre d’ailleurs de failles dans son application puisque, par exemple, nulle part il n’est précisé que le préfet est tenu par une quelconque obligation d’action.

C’est pourquoi rendre possible l’intervention des forces de police et de gendarmerie tout le temps que les squatters se maintiennent dans les lieux nous semble être une réponse satisfaisante.

En tant qu’élu local, je m’interroge sur le dispositif prévu par l’article 2 du texte initial examiné par le Sénat, à savoir la possibilité pour le maire de saisir le préfet en cas de constat d’une infraction de domicile. Cette disposition a été supprimée par la commission des lois du Sénat, mais n’aurait-il pas été plus judicieux de trouver une rédaction plus adaptée afin de renforcer le rôle des maires en matière de prévention et de sécurité quant aux atteintes aux biens de leurs administrés ?

Dans les communes rurales et les petites villes, le maire est souvent le premier réfèrent en cas de difficultés rencontrées par les habitants. À Château-Thierry, j’ai moi-même été confronté à cette problématique. Grâce à plusieurs dispositifs locaux, nous avons réussi à y répondre de manière humaine tout en respectant le droit en vigueur. Mais qu’en sera-t-il demain avec la baisse des crédits alloués aux personnes en situation de grande précarité ? La direction départementale de la cohésion sociale nous annonce une baisse des subventions de l’État de près de 20 % pour l’accueil de jour, qui est pourtant un trait d’union pour les publics difficiles et permet de favoriser la transition vers un logement autonome. La fermeture de ces structures ne fera qu’amplifier la tentation aboutissant au phénomène de violation des domiciles.

En effet, la multiplication des squats dans les communes est une difficulté régulièrement rencontrée par les élus locaux, aussi bien dans les campagnes qu’en milieu urbain. Le maire, mais aussi les forces de sécurité et l’État, sont souvent démunis pour apporter une réponse rapide.

Le débat, certes, est délicat, car il met en exergue le heurt entre le droit de propriété, droit fondamental inscrit dans la déclaration des droits de l’homme et du citoyen, comme le rappelait le secrétaire d’État, et le droit au logement, qui revêt également un caractère constitutionnel. On a, d’une part, un des principes fondateurs de notre République, d’autre part, un droit de deuxième génération, économique et social, qu’il est difficile de mettre en oeuvre.

S’ajoute à cela la question du droit au logement opposable, institué par la loi DALO, qu’il faut prendre en compte dans ce débat.

En outre, après la trêve hivernale, le problème latent des violations de domicile réapparaît dans le débat public, et la question de l’adéquation entre la promotion du droit au logement et le respect du droit de propriété se pose de nouveau.

Force est de constater que, depuis ces dernières années, la France traverse une véritable pénurie de logements. Bien que des efforts aient été entrepris, de nombreuses difficultés demeurent.

Si nous sommes tout à fait favorables à ce que les immeubles vacants, notamment ceux à usage professionnel et de bureaux, soient réaffectés au logement des personnes en situations de grande précarité, pour peu que cela ne porte pas atteinte au droit de propriété d’une part, aux conditions de sécurité et de salubrité publiques d’autre part, nous sommes également favorables à un renforcement des mesures d’expulsion et de sanction des occupants sans titre des habitations privées.

En effet, les particuliers, locataires ou propriétaires, subissant une occupation illicite de leurs biens se retrouvent dans des situations difficiles, en terme tant matériels et économiques que psychologiques. L’intrusion illégale dans un domicile s’accompagne souvent de dégradations des lieux, mais aussi de vols. Elle constitue également une violation de l’intimité et de l’histoire personnelle et familiale des habitants, l’impact psychologique pouvant être parfois plus traumatisant encore que l’atteinte au bien en elle-même.

Nous ne pouvons pas oublier que le squat de domicile constitue un délit, nécessitant une réponse pénale adaptée et à la hauteur de l’infraction commise.

Toutefois, les députés du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste sont très sensibles aux problèmes rencontrés par les personnes en situation de grande précarité n’ayant pas trouvé de places dans des centres d’accueil ou ne pouvant trouver un logement adapté à leur situation économique et familiale. Ne laissons pas, comme dans la fable de Jean de La Fontaine – lui-même natif de Château-Thierry ! – « Le chat, la belette et le petit lapin », squatteurs et squattés, faute de loi, aux griffes d’un Grippeminaud qui, « jetant des deux côtés la griffe en même temps, mit les plaideurs d’accord en croquant l’un et l’autre ».

Vous l’avez compris, le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste soutien cette proposition de loi. Il est urgent de légiférer et ce texte attendu sera utile. (Applaudissements sur les bancs du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste, du groupe Les Républicains et du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.)

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