Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des lois, mes chers collègues, la proposition de loi organique qui vous est soumise est équilibrée et respectueuse de l’esprit du statut de Saint-Barthélemy adopté en 2007.
Elle nous parvient après un important travail de la part de la collectivité mais, aussi, du Sénat, qui a su préserver notamment les grands équilibres institutionnels et républicains. Comme vous le verrez dans un instant, il ne reste donc à notre Assemblée que peu de sujets sensibles sur lesquels se prononcer.
Depuis 2003, le statut de Saint-Barthélemy évolue selon un véritable modèle de décentralisation qui repose sur la consultation de la population locale, la formulation de voeux et de projets par les élus du territoire, puis, la concertation avec l’État avant la discussion législative.
C’est ainsi que le statut initial a été élaboré entre la révision constitutionnelle de 2003 et la loi organique de février 2007.
La proposition de loi organique qui vous est soumise aujourd’hui et qui a été adoptée à l’unanimité au Sénat résulte également de cette démarche.
Le conseil territorial de Saint-Barthélemy a souhaité faire évoluer le statut dans deux directions : d’une part, étendre modestement les compétences exercées par la collectivité et, d’autre part, assouplir son fonctionnement institutionnel.
En fait, ces questions institutionnelles ne soulèvent guère de difficultés. Les évolutions proposées sont modestes et tendent à rapprocher le fonctionnement de Saint-Barthélemy des départements et régions.
La première lecture, au Sénat, a permis de garantir et de protéger le rôle particulier du conseil exécutif dans ce fonctionnement institutionnel, ce qui est une bonne chose car je suis moi-même attaché à cette particularité des statuts de Saint-Barthélemy et, également, de Saint-Martin.
Les principaux sujets de débats contenus dans cette proposition de loi organique concernent donc les compétences exercées par la collectivité.
Je ne vais pas les détailler tous car un consensus existe déjà sur la plupart d’entre eux, entre les souhaits de la collectivité, le Gouvernement et le Parlement.
Il s’agit de faciliter l’exercice du droit de préemption, de permettre l’édiction de sanctions administratives par la collectivité, de transférer les compétences en matière de réglementation de l’activité de loueur de véhicules terrestres et de délivrance des titres de navigation des petits bateaux de plaisance.
Il s’agit également de poursuivre la démarche de prise d’autonomie par Saint-Barthélemy en supprimant des références aux règles en vigueur en Guadeloupe, aujourd’hui devenues obsolètes.
En réalité, deux questions méritent d’être plus particulièrement posées et font d’ailleurs l’objet des deux seuls amendements de fond qui vous seront présentés cet après-midi.
Premièrement, comment faire participer la collectivité aux compétences conservées par l’État ? Ce sujet a déjà animé la discussion au Sénat car il est difficile à aborder.
La Constitution permet aux collectivités autonomes de prendre des actes dans les domaines de compétences que l’État conserve mais sous le contrôle préalable strict de ce dernier. Le statut de Saint-Barthélemy organise notamment cette participation dans le domaine pénal pour permettre à la collectivité d’édicter des sanctions en cas de violation de sa réglementation spécifique, par exemple en matière d’urbanisme, d’environnement ou de tourisme. Dans cette procédure, le contrôle préalable par l’État est essentiel. C’est lui qui garantit que la compétence n’est pas transférée. Le Conseil constitutionnel a eu plusieurs fois l’occasion de sanctionner telle forme de contrôle qui serait trop laxiste.
Or, dans le cas de Saint-Barthélemy, la procédure ne fonctionne pas depuis 2008 car les gouvernements qui se sont succédé ont pris la mauvaise habitude de ne pas prendre les décrets validant ou rejetant les propositions d’acte de la collectivité. Il n’y a donc ni acceptation, ni refus : les délibérations se suivent et restent lettre morte !
Personne ne peut considérer que cette situation soit acceptable. On peut comprendre qu’il y ait un encombrement de délibérations au ministère entraînant des retards, cela oui, mais une absence de décision pendant des années, cela revient à paralyser totalement la procédure prévue dans la Constitution et que le Parlement a déclinée précisément dans la loi organique ! Il faut donc sortir de l’impasse.
Au Sénat, les auteurs de la proposition de loi ont d’abord demandé que le contrôle préalable de l’État soit levé. Une telle solution n’a pas été retenue car non conforme à la Constitution. Mais le Sénat a finalement retenu un autre assouplissement de la procédure qui est tout aussi contraire à la Constitution, notamment parce qu’il ne protège pas les prérogatives du Gouvernement.
En cette matière, il n’y a pas de place pour des tergiversations politiciennes. Il ne s’agit pas de modifier une procédure que la Constitution encadre fortement, il s’agit seulement de faire en sorte que les gouvernements la respectent, et tout ira bien.
C’est le but de l’amendement que je vous présenterai tout à l’heure et qui lèvera le risque de censure de l’article 4 ter par le Conseil constitutionnel.
Deuxièmement, la gestion locale du régime de sécurité sociale est problématique à Saint-Barthélemy. En effet, l’île n’a pas de compétence propre en la matière et la Sécurité sociale, en principe, est gérée par la caisse de la Guadeloupe.
Hélas, vous savez que ce ne sont pas seulement 250 kilomètres qui séparent les deux îles : il y a également les différends qui ont conduit Saint-Barthélemy à vouloir devenir une collectivité autonome.
Aujourd’hui, le service public dans ce domaine n’est plus assuré à Saint-Barthélemy, ni le traitement des dossiers, ni l’accueil du public et, ce, alors même que la collectivité a pris en charge des frais importants pour faciliter la continuité du service entre la Guadeloupe et Saint-Barthélemy.
Le texte qui vous est soumis a été adopté par le Sénat sans retenir les dispositions concernant la Sécurité sociale qui, il est vrai, relevaient essentiellement de la loi ordinaire et non de la loi organique.
Mais depuis lors, vous le savez, le sujet a fait du chemin. À Saint-Barthélemy, le Président de la République lui-même s’est engagé le 8 mai dernier à ce qu’une caisse locale soit créée pour rapprocher la gestion du régime général des habitants et assurés sociaux de l’île. Tout comme le Président, personne ne discutera dans cet hémicycle le droit des assurés de Saint-Barthélemy à bénéficier des services pour lesquels ils cotisent. Il faut donc désormais tendre vers une solution, le sujet me paraissant mûr pour faire l’objet d’un consensus constructif.
Là encore, je vous présenterai un amendement tout à l’heure qui, je crois, permettra à la collectivité et à l’État d’avancer ensemble vers la création de cette caisse locale de Sécurité sociale tout en relevant bel et bien du domaine de la loi organique.
Voici, mes chers collègues, les deux sujets essentiels qui ont retenu l’attention de la commission des lois et qui retiendront la vôtre aujourd’hui.
Sur l’ensemble des points, votre commission a reconnu la qualité de la démarche de la collectivité ainsi que celle du travail fourni au Sénat, notamment afin de garantir le respect de la Constitution.
Cependant, votre commission n’était pas totalement convaincue, la semaine passée, qu’il était possible d’avancer concrètement sur les deux sujets restant en suspens.
Pour se donner le temps de la réflexion sans préjuger des suites, elle a choisi d’adopter conforme le texte issu du Sénat tout en poursuivant le dialogue avec toutes les parties, comme M. le secrétaire d’État vient de le dire.
Depuis, ce dialogue constructif a pu aboutir grâce notamment à l’esprit d’écoute et à l’intelligence qui caractérisent le président de notre commission, fin connaisseur des collectivités d’outre-mer. Je remercie également notre collègue René Dosière, qui ne pouvait être des nôtres aujourd’hui, ainsi que l’ensemble des membres de la commission qui ont participé aux travaux. Je sais gré au président de la commission de son attitude car nous pourrons démontrer dans quelques instants qu’il était possible de faire progresser encore ce texte et faire ainsi oeuvre utile pour Saint-Barthélemy.
Au Sénat, cette proposition de loi organique a été adoptée à l’unanimité et j’espère, mes chers collègues, que nous réitérerons aujourd’hui encore tous ensemble cet élan en faveur de la révision du statut de Saint-Barthélemy.