Je vais donc réduire mes propos. Pour une fois que je dispose d’autant de temps, je vais faire quelque chose d’extraordinaire dont je suis rarement capable : parler moins longtemps que le temps qui m’est accordé !
Depuis 2007, la commune de Saint-Barthélemy a été érigée en collectivité d’outre-mer dotée de l’autonomie au sens de l’article 74 de notre Constitution. Après sept ans d’existence, et après un véritable travail de réflexion sur le fond et de consultation, le texte que nous examinons aujourd’hui propose des ajustements du statut pour mieux répondre aux problématiques propres au territoire de Saint-Barthélemy. Il a été adopté à l’unanimité par le Sénat le 29 janvier 2015.
Il tend notamment à améliorer le fonctionnement de la collectivité et à assurer l’effectivité du statut organique. La démarche constructive a été entreprise en toute transparence, puisque ces modifications statutaires ont été proposées par le conseil territorial de Saint-Barthélemy dans un avis rendu le 20 décembre 2013.
Les dispositions du texte tendent à faire évoluer les compétences de la collectivité et à améliorer le fonctionnement de ses organes décisionnels et consultatifs dans le sens d’une autonomie réelle, effective. L’objectif est donc de donner les moyens à la collectivité d’assumer son autonomie.
Il s’agit de modifications des compétences exercées par la collectivité. Chacun comprend ici qu’il est somme toute cohérent de faire évoluer les compétences, huit ans après l’autonomie de la collectivité et l’entrée en vigueur de son nouveau statut.
Dans le texte du Sénat, on peut relever les dispositions de l’article 1er, qui tend à faciliter l’exercice du droit de préemption par la collectivité. C’est un élément extrêmement important, compte tenu de l’environnement de ce territoire et de son caractère insulaire, qui provoque des tensions qui nous ont été rappelées avec pertinence par le président de la commission des lois lorsqu’il a évoqué les vingt et un kilomètres carrés pour 9 000 habitants.
L’article 2 permet aussi à la collectivité d’instituer des sanctions administratives. L’article 4 bis prévoit de transférer la compétence en matière de régulation économique des véhicules – autre point important sur cette île très touristique – ainsi que de délivrance des certificats d’immatriculation pour les navires de plaisance non soumis à francisation ou de moins de vingt-quatre mètres à usage personnel.
Les dispositions qui traitaient de la compétence de la collectivité en matière pénale et de droits des étrangers ont été bien entendu supprimées, puisque relevant des prérogatives régaliennes de l’État.
Enfin, le point en discussion concerne la pertinence de l’instauration d’un régime et d’une caisse spécifique de Sécurité sociale propre à la collectivité de Saint-Barthélemy. Le Sénat a écarté cette possibilité, estimant que la création d’une caisse autonome de Sécurité sociale ne relevait pas d’une loi organique. Notre rapporteur, M. Gibbes, persévère, déposant à nouveau en séance ses amendements à ce sujet que la commission avait écartés.
Si, par ma voix, notre groupe a émis quelques réserves sur ces dispositions et ces amendements lors de la discussion en commission, il n’est pas resté insensible aux propos tenus par le rapporteur et le président de la commission des lois, notre éminent confrère Jean-Jacques Urvoas qui, par ailleurs, alimente la réflexion de notre commission de sa connaissance fine des départements et territoires d’outre-mer, et il nous était difficile, monsieur le secrétaire d’État, de ne pas souscrire à l’analyse de notre président, puisque, avec René Dosière, ce sont eux qui traitent principalement de ces sujets au sein de la commission,
Il y a un vrai problème. La collectivité de Saint-Barthélemy est confrontée à une difficulté qui ressemble assez à une injustice face aux principes de la République. Et il n’y a aucune raison que la République soit un tant soit peu en retrait au plus profond de ce territoire des plus beaux. La collectivité a consenti des moyens, des agents sont payés, mais les habitants n’ont pas accès aux prestations auxquelles ils ont droit puisqu’ils cotisent. Peut-on réellement s’opposer à la création d’une caisse locale ou d’une antenne locale de Sécurité sociale ? C’est une grave question qui nous a été posée, et pour laquelle je voudrais renvoyer chacun à l’appréciation sévère du président lors des débats en commission des lois, qui a interpellé le Gouvernement et notre commission tout entière sur une réalité pour le moins inacceptable.
Aussi, dans la mesure où cette disposition s’inscrit dans le cadre de l’article 6251-3 de la loi organique du 21 février 2007 ; dans la mesure où il ne s’agit pas de créer une caisse de Sécurité sociale autonome mais une caisse locale ; dans la mesure où il s’agit d’une expérimentation, prévue pour une durée déterminée, au terme de laquelle nous pourrons tirer les conclusions ; dans la mesure où cette hypothèse permettrait de poursuivre le travail de réflexion, notre groupe est dans la disposition d’esprit d’y faire droit. À moins que le Gouvernement ne soit susceptible d’infléchir cette appréciation. Nous vous demandons, à ce sujet, monsieur le secrétaire d’État, de répondre aux questions posées par le rapporteur. Sur ce point, j’espère que le président de la commission des lois nous fera part de sa propre réflexion.
Les modifications du fonctionnement des institutions de la collectivité, quant à elles, ne prêtent à aucune discussion. Elles tendent à simplifier le processus décisionnel de la collectivité et à lui donner davantage de souplesse pour gagner en efficacité. Le président de la collectivité sera habilité à agir en justice et pourra déléguer une partie de ses fonctions aux membres du Conseil territorial ; la supervision d’une partie des services administratifs pourra être confiée à des membres du conseil exécutif ; il ne sera plus nécessaire de présenter un rapport sur l’état de la collectivité, l’activité et le financement de ses différents services ; enfin, les règles de présence et de majorité sont ajustées et des précisions sont apportées concernant les règles de convocation et d’envoi des projets de délibération ainsi que de consultation du Conseil économique, social et culturel. Ce dernier sera mieux structuré pour à la fois être informé des projets de délibération et bénéficier en parallèle de délais conformes à ce qu’exigent ses compétences.
Cette proposition de loi, réécrite par le Sénat, s’inscrit à nos yeux dans le processus d’autonomisation entamée dès 2003 par la consultation des habitants, et répond à l’esprit de la révision constitutionnelle de 2003 et de la loi organique de 2007. Elle est le fruit d’un vrai travail de réflexion mené en toute transparence avec les pouvoirs locaux, en lien avec l’État, et constitue l’aboutissement d’une démarche constructive que je souhaite saluer.
Nous avons donc à approuver le dispositif législatif qui nous est proposé, et les questions que nous avons posées lors de la réunion de la commission des lois doivent à cet instant trouver des réponses pertinentes. À défaut, notre groupe accepterait les amendements proposés par le rapporteur et voterait le texte ainsi modifié.