Intervention de Manuel Valls

Séance en hémicycle du 11 décembre 2012 à 15h00
Retenue pour vérification du droit au séjour et modification du délit d'aide au séjour irrégulier — Présentation

Manuel Valls, ministre de l'intérieur :

Le Président de la République s'y était engagé, la circulaire du 6 juillet 2012 l'a traduit dans les faits : dorénavant, l'assignation à résidence est une alternative véritable à la rétention des familles avec enfants faisant l'objet d'une procédure d'éloignement. Une cinquantaine de familles – chiffre qui relativise tous les fantasmes – ont ainsi fait l'objet d'une assignation à résidence depuis l'entrée en vigueur de cette circulaire. C'est une avancée pour notre pays. La présence d'enfants en rétention ne peut être la règle, comme la Cour européenne des droits de l'Homme l'a rappelé en janvier dernier.

Aborder la question de l'immigration dans un esprit d'apaisement, c'est donc dire la vérité aux Français. C'est dire la vérité, également, aux personnes étrangères qui se trouvent sur notre territoire et souhaitent y demeurer. Dire la vérité, enfin, à celles et ceux qui aspirent à venir en France. L'admission au séjour d'étrangers en situation irrégulière est une mesure dérogatoire. Elle doit, par conséquent, demeurer l'exception. Il n'y aura pas, avec ce gouvernement, de régularisation massive comme en 1981 ou en 1997. La situation économique et sociale de notre pays ne le permet pas. Et notre capacité insuffisante à intégrer efficacement ceux et celles qui arrivent, comme l'a récemment rappelé l'OCDE, ne nous le permet pas davantage.

Certains étrangers, du fait de l'intensité des liens familiaux, professionnels et personnels qu'ils ont tissés en France, ont vocation à pouvoir y vivre légalement. D'autres non, et donc ils doivent quitter notre territoire. C'est le sens de la circulaire publiée le 28 novembre dernier qui a fixé des critères objectifs et transparents permettant l'admission au séjour. Cette circulaire est exigeante. Elle demande au minimum cinq années de présence et ajoute d'autres critères, en fonction de chaque situation personnelle : scolarisation des enfants, situation du conjoint, activité salariée. Cette circulaire, qui a été discutée avec les associations et les partenaires sociaux, vise ainsi à guider les préfets dans leur pouvoir d'appréciation mais selon des critères simples et stricts, applicables partout, car il ne peut y avoir en République de traitement différencié en fonction des personnes, des circonstances ou des départements. Mais, je le répète, il n'y aura pas de régularisation massive et la phrase de Michel Rocard reste d'actualité : « La France ne peut accueillir toute la misère du monde, mais elle doit savoir en prendre fidèlement sa part. »

Cette circulaire n'a pas vocation à augmenter le nombre de régularisations au cours des prochaines années. Je veux le dire de la manière la plus claire : il n'y aura pas, à l'échelle du quinquennat, un nombre de régularisations supérieur à ce qu'il fut au cours de ces dernières années. Nous poursuivrons également, avec fermeté, une politique d'éloignement des étrangers en situation irrégulière. Le nombre des éloignements d'ailleurs, cette année, devrait être supérieur à 35 000.

Avoir conscience de l'apport de l'immigration doit, par ailleurs, nous inciter à faire évoluer notre législation en matière de titres de séjour. C'est pourquoi un projet de loi sera soumis au Parlement, au second trimestre 2013, qui visera, notamment, à créer un titre de séjour pluriannuel. Ce titre, destiné aux étrangers ayant vocation à s'installer durablement sur notre territoire, constituera un titre intermédiaire entre la carte de séjour temporaire d'un an et la carte de résident de dix ans. Au-delà de la simplification des procédures administratives, il s'agira de réduire la part d'incertitude liée au renouvellement annuel d'un titre de séjour – une incertitude source de fragilisation économique, d'instabilité et donc, finalement, de difficultés pour l'intégration.

Je souhaite aussi évoquer devant vous le droit d'asile. Ce droit est un droit fondamental qui puise sa source dans notre histoire, dans nos engagements internationaux et dans nos obligations communautaires. Il est de la vocation de la France d'accueillir celui ou celle qui est persécuté pour ses idées ou exposé à des risques pour son intégrité. Le gouvernement français, quelles que soient les circonstances, ne remettra pas en cause ce droit, qui est son honneur et une référence de liberté pour tous ceux qui à travers le monde subissent la violence ou l'oppression.

L'asile n'est donc pas une variable d'ajustement, dans une politique migratoire. Au cours de l'année 2011, la France a enregistré plus de 57 000 demandes d'asile et, au cours des onze premiers mois de 2012, 55 200 demandes. Je donne ces chiffres parce que, là aussi, il faut comparer, sortir des faux procès et des fantasmes.

Cette situation, toutefois, n'est pas sans poser de difficultés : elle vient peser lourdement sur l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et sur la Cour nationale du droit d'asile, chargés d'examiner les demandes et dont les délais d'instruction se sont allongés, atteignant aujourd'hui seize mois. Le dispositif d'hébergement des demandeurs d'asile, en dépit des financements importants qui lui sont affectés, est profondément engorgé, ainsi que le dispositif d'hébergement de droit commun.

La politique de l'asile sera réformée autour de deux axes : l'amélioration des délais d'examen des demandes et la révision des procédures.

Des délais d'examen prolongés sont néfastes à des personnes en besoin avéré de protection. Ils encouragent aussi la venue de personnes qui n'ont pas ce besoin, et enfin rendent humainement difficile l'éloignement ultérieur de ceux qui n'ont pas été reconnus éligibles à une protection. L'objectif du Gouvernement est de parvenir à des délais d'examen des demandes par l'OFPRA et la CNDA qui ne dépassent pas dix mois. À cette fin, l'OFPRA, dont le directeur sera nommé après le choix des commissions des lois de l'Assemblée nationale et du Sénat, bénéficiera en 2013 du renfort de dix officiers de protection supplémentaires.

Une réflexion sur les procédures d'asile et en particulier sur les procédures prioritaires est engagée. L'objectif doit être de garantir à tous une procédure juste, impartiale et de qualité, mais qui permette aussi d'éviter des détournements à des fins étrangères au droit d'asile.

Vous le voyez, c'est une vision nouvelle que le Gouvernement entend mettre en oeuvre. Et je ne laisserai pas caricaturer, par les uns ou les autres, la démarche que nous adoptons. C'est une vision apaisée, réaliste et respectueuse des personnes. Une vision qui s'appuie sur le droit et sur la nécessaire application de la règle. Une immigration régulière et maîtrisée est légitime et utile. Une immigration irrégulière ou non maîtrisée doit être jugulée.

Or, une situation de vide juridique, que le gouvernement précédent n'a pas voulu anticiper, a affaibli nos dispositifs en matière d'éloignement d'étrangers en situation irrégulière. Il était donc impératif de procéder aux évolutions nécessaires. C'est le premier objectif – essentiel – de ce projet de loi que j'ai l'honneur de vous présenter.

Ce texte tire en effet toutes les conséquences des décisions de la Cour de justice de l'Union européenne de juin et décembre 2011, confirmées par la Cour de cassation en juillet dernier. Rappelons que la directive du 16 décembre 2008, dite directive « retour », fait obligation aux États membres de l'Union européenne de privilégier l'éloignement des étrangers en situation irrégulière sur toute autre mesure ou sanction. Cet éloignement doit être réalisé dans le respect des droits de la personne, en adoptant des mesures privatives de liberté uniquement lorsque celles-ci sont indispensables et qu'elles visent à préparer le départ de l'étranger.

Quand on gouverne, il faut prévoir, anticiper et respecter les règles européennes : cela n'a pas été fait par nos prédécesseurs.

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