Monsieur le président, mesdames les ministres, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous sommes réunis aujourd’hui pour l’examen du projet de loi portant adaptation de la procédure pénale au droit de l’Union européenne. Le texte, déjà examiné par nos collègues sénateurs, vise à transposer trois décisions-cadres et deux directives européennes, chacune relative à la procédure pénale à l’échelon européen. Il s’inscrit donc tout à fait dans le cadre de la thématique européenne qui est la nôtre aujourd’hui.
Ce projet de loi contient trois grands objectifs. Le premier correspond à la décision-cadre du 30 novembre 2009. Cette décision permettrait d’éviter que des poursuites parallèles soient menées dans des États membres au sujet des mêmes faits et des mêmes personnes. Cet objectif s’inscrit dans le respect du principe juridique « non bis in idem » qui veut que nul ne soit jugé deux fois pour les mêmes crimes. On retrouve notamment ce principe à l’article 50 de la Charte des droits fondamentaux. Pour prévenir ces doublons juridiques, le projet de loi prévoit dans son article 1er des mesures d’échange d’informations entre les autorités poursuivantes des différents États.
Le deuxième objectif correspond aux décisions-cadres du 27 novembre 2008 et du 23 octobre 2009. L’idée est d’appliquer en France et dans les autres pays membres le principe de la reconnaissance mutuelle des décisions de contrôle judiciaire, ainsi que des mesures probatoires prononcées dans un pays donné, mais exécutées dans un autre pays. C’est-à-dire que les décisions prises à l’encontre d’un citoyen de l’Union européenne, dans un pays qui n’est pas son lieu de résidence, pourraient être exécutées dans son pays d’origine, en restant conformes au droit du pays donné et sans aller à l’encontre de la volonté de la personne condamnée. Le projet de loi transpose dans son article 2 la décision-cadre relative aux décisions de contrôle judiciaire et dans son article 3 la décision-cadre relative aux mesures probatoires.
Enfin, le troisième objectif correspond aux directives du 13 décembre 2011 et du 25 novembre 2013. Le but recherché ici est de mettre en place une reconnaissance mutuelle des décisions de protection européenne des victimes. Cette mesure particulière permettrait aux victimes de certaines violences de pouvoir bénéficier des mesures de protection mises en place par leur pays, y compris lors de leurs déplacements. Des normes minimales relatives au respect du droit des victimes en matière de procédure pénale seraient également mises en oeuvre. Ainsi, l’article 4 bis transpose la directive relative aux décisions de protection européenne et l’article 4 ter transpose la directive établissant des normes minimales concernant les droits, le soutien et la protection des victimes.
Afin d’assurer le financement d’une telle protection des victimes, notre commission des lois a adopté un nouvel article 4 quater qui vise à reprendre la loi du 15 août 2014, en instaurant une amende au profit des associations de victimes. Le taux de cette contribution est fixé à 10 % des sanctions pécuniaires prononcées. Toutefois, au nom du principe de l’individualisation des peines, le juge reste libre de modifier cette amende au cas par cas ou, le cas échéant, d’y déroger.
Nous sommes conscients de la double nécessité d’adopter ce projet de loi. Tout d’abord, il est urgent que nous transposions dans notre droit national l’ensemble des décisions européennes dont il est question ici. En effet, les trois décisions-cadres visées auraient dû être respectivement transposées avant le 6 décembre 2011, le 15 juin 2012 et le 1erdécembre 2012. Nous avons également dépassé le délai pour l’une des directives qui aurait dû être transposée au plus tard le 21 décembre 2013. Remédier à ce problème doit donc être l’une de nos priorités, sans quoi notre pays pourrait faire l’objet d’une condamnation de la part de la Cour de justice de l’Union européenne, en application de l’article 258 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne.
Je regrette d’autant plus ce retard que, sous le gouvernement actuel, la France a accompli de notables progrès en matière de transposition. En effet, nous avons su passer de cinquante-six directives non transposées en 2002 à seulement sept en octobre 2014. Nous sommes satisfaits de constater que plus aucune directive n’est transposée avec un retard de plus de deux ans. Pour cette raison, nous nous devons d’adopter ce projet de loi dans les plus brefs délais.
Toutefois, il n’y a pas que nos engagements internationaux qui me poussent à voter ce texte. En effet, ce projet de loi présente une portée symbolique importante, comme l’a rappelé le rapporteur en commission des lois. Il apporte des éléments de réponse à des problèmes de fond comme la sécurité, la protection de nos concitoyens et le respect des droits de chacun. L’Union européenne, notamment lors du programme de La Haye, a affirmé la volonté de créer un espace de sécurité, de liberté et de justice. Dès lors, il est indispensable qu’il y ait de la part des États membres une compréhension identique, du moins dans ses éléments essentiels, des notions de liberté, de sécurité et de justice. Il faut que cette compréhension repose sur des valeurs qui sont les nôtres, c’est-à-dire les principes de liberté, de démocratie, de respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales, ainsi que de l’État de droit. Le projet de loi dont il est question aujourd’hui procède de cet objectif puisque son principal but est le maintien et le développement d’un véritable espace pénal européen.
Bien sûr, ce ne sont pas les premières démarches visant à créer cet espace pénal européen. Par exemple, dès 1998, le principe de reconnaissance mutuelle en matière pénale avait été évoqué lors du Conseil européen de Cardiff. Ce principe avait ensuite été repris dans les conclusions du traité de Tampere en 1999. En matière de lutte contre les actes criminels, avait été créé, par une décision de 2002, l’organe institutionnel Eurojust qui siège à La Haye et dont la mission est de faciliter la coopération judiciaire en vue de prévenir les crimes les plus graves comme le trafic d’êtres humains, de drogues, le blanchiment d’argent ou le terrorisme.
Toutefois, c’est pour la première fois lors de la signature du traité de Lisbonne que cet espace pénal européen a réellement vu le jour. Ce traité a été ratifié en 2007 et est entré en vigueur en 2009 : il est plus que temps de renforcer les dispositions et dispositifs que cet espace comporte. De plus, la coopération policière et pénale européenne, qui résultera de l’application des dispositions du projet de loi, assurera à nos concitoyens un maximum de sécurité. Je pense que, dans le climat actuel, cela est loin d’être négligeable. En ce qui concerne le sort des victimes de violences, le programme de Stockholm invitait les États membres à créer un espace de sûreté pour l’ensemble des citoyens européens.
Le principe de reconnaissance mutuelle ne doit pas s’appliquer seulement aux peines et aux décisions de sanction, mais également aux mesures de protection et d’aide qui peuvent, et qui doivent être apportées aux victimes. Je pense, par exemple, aux femmes victimes de violences. L’Union européenne avait, en 2009, enjoint les États membres à renforcer leur législation en matière de lutte contre toutes les violences faites aux femmes et à mener des actions pour s’attaquer à la cause de ces violences. Harmoniser ces législations et ces politiques pour la défense des droits de chacun et pour la protection des victimes est donc l’une des pierres angulaires d’un espace de sécurité et de justice commun.
Comme vous le savez, les radicaux de gauche ont toujours été profondément attachés à l’Union européenne et à la mise en place de dispositions communes entre les États membres. Rappeler notre attachement à l’Europe et à la solidarité entre ses États n’est pas superfétatoire ces temps-ci.
Nous avons par ailleurs présenté un amendement relatif au personnel pénitentiaire d’insertion et de probation et à l’extension pour Saint-Pierre et Miquelon des dispositions applicables à l’ensemble du territoire français.
Pour toutes ces raisons, vous l’aurez compris, le groupe des radicaux, républicains, démocrates et progressistes que je représente aujourd’hui votera en faveur de ce texte.