Intervention de Marc Dolez

Séance en hémicycle du 24 juin 2015 à 21h50
Adaptation de la procédure pénale au droit de l'union européenne — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarc Dolez :

Monsieur le président, mesdames les ministres, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, ce projet de loi qui vise à transposer dans notre droit des décisions-cadres et des directives européennes est nécessaire et urgent. Urgent, parce que le retard pris dans la transposition de ces textes place la France sous la menace d’actions en manquement engagées devant la Cour de justice de l’Union européenne par la Commission européenne. Nécessaire, puisqu’il renforce l’application effective de la reconnaissance mutuelle des décisions de justice, pierre angulaire du rapprochement des législations pénales en vue d’une meilleure efficacité. L’objectif d’harmonisation minimale des législations pénales au niveau européen passe nécessairement par la diminution des contradictions entre législations nationales.

Les dispositifs transposés améliorent la coordination entre les magistrats des différents États membres et étendent le champ des décisions de procédures pénales susceptibles d’être exécutées dans un autre État que celui qui les a prononcées. Le projet de loi organise ainsi la reconnaissance mutuelle des décisions de probation, afin de les rendre exécutoires et applicables dans n’importe quel pays européen.

En outre, il prévoit des mesures de contrôle judiciaire en tant qu’alternatives à la détention provisoire. Là aussi, il s’agit de faire appliquer le principe de reconnaissance mutuelle, en permettant que les mesures de placement sous contrôle judiciaire et d’astreintes décidées par le juge d’instruction ou le juge des libertés et de la détention soient reconnues dans les autres pays de l’Union européenne. Le texte renforce par ailleurs l’effectivité du principe « non bis in idem », aux termes duquel nul ne peut être condamné deux fois pour les mêmes actes, en prévoyant des dispositions relatives à la prévention et au règlement des conflits, lorsqu’un État menant une procédure pénale a des raisons de penser que la même procédure peut être ouverte dans un autre État.

Depuis le début de son examen au Sénat, le projet de loi a été enrichi de manière significative. Nous soutenons les différents articles insérés à l’initiative de notre rapporteur, Dominique Raimbourg, car ils tendent à assurer la mise en oeuvre de l’encellulement individuel, à favoriser les alternatives à l’emprisonnement ou encore la personnalisation des peines. Le texte prévoit notamment la conversion des peines d’emprisonnement de six mois au plus en sursis avec mise à l’épreuve ou en contrainte pénale, et la prise en compte de la surpopulation carcérale, par le juge de l’application des peines, dans l’octroi des réductions supplémentaires de peines.

De même, nous soutenons les différentes dispositions renforçant les droits des victimes et, plus largement, l’aide aux victimes, et notons des avancées notables : reconnaissance mutuelle, au sein de l’Union européenne, des décisions de protection en leur faveur ; création d’une infraction visant à punir le non-respect de plusieurs obligations imposées par un juge des libertés et de la détention en application d’une mesure de protection européenne ; généralisation du droit pour la victime à être accompagnée à tous les stades de l’enquête ; évaluation personnalisée de la victime, destinée à déterminer si elle a besoin, au cours de la procédure, de mesures spécifiques de protection. Nous soutenons également le principe d’une majoration des amendes au profit de l’aide aux victimes – il s’agit de la réécriture d’une disposition de la réforme pénale de 2014, censurée par le Conseil constitutionnel en raison de son caractère automatique.

Enfin, comme tous les groupes de notre Assemblée, nous sommes favorables au renforcement de la protection des enfants et à l’interdiction pour les auteurs d’agression sexuelle d’exercer une profession en lien avec des mineurs. Comme cela a été souligné lors de l’examen du texte en commission, chacun reconnaît que la protection des enfants vis-à-vis des prédateurs sexuels a un champ très large, qui va de la détention d’images pédopornographiques jusqu’au viol. Les personnels de l’éducation nationale ne sont pas les seuls concernés : toutes les personnes qui, dans l’exercice de leur profession, dans un cadre associatif, sportif ou autre, sont en lien avec des mineurs le sont aussi.

À l’occasion d’événements particulièrement douloureux qui ont été rappelés tout à l’heure, de très graves dysfonctionnements dans l’échange d’informations entre l’autorité judiciaire et l’institution scolaire ont été mis en lumière ces derniers mois, et vous imposent aujourd’hui, mesdames les ministres, de prendre de nouvelles dispositions visant à garantir une obligation de transmission d’informations par l’autorité judiciaire aux administrations de tutelle. C’est pourquoi, comme l’a dit notre rapporteur à la fin de son intervention, il importe de trouver à cet égard, lors de la discussion des amendements, la meilleure rédaction possible, dans le respect de nos principes fondamentaux, en particulier de la présomption d’innocence.

Toutes ces raisons amèneront les députés du Front de gauche à voter ce projet de loi.

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