Il me semble que, sur le sujet qui nous occupe, il convient de distinguer le fond, l’ambiance, et l’objet. Sur le fond, l’État constitutionnel reconnaît les langues régionales, comme patrimoine de la République, patrimoine de la nation, c’est-à-dire ces vieilles choses qu’il faut protéger sans pour autant les utiliser comme elles l’étaient à une certaine époque.
S’agissant de l’ambiance, permettez-moi de la résumer par une citation : quand on parle des langues régionales, et quel que soit l’objet de la discussion, qui peut être technique, assez logique et relativement modeste, on pense aux mots de Molière, « couvrez ce sein que je ne saurais voir ». J’appelle d’ailleurs votre attention sur le fait qu’il y a dans les textes de Molière des exemples de langues régionales, et même de sabirs. On a l’impression que l’on est gêné ; mais qu’y a-t-il de gênant à vouloir promouvoir dans les régions les langues régionales qui, tout de même, comme disait M. de La Palisse, patronyme bien connu à ce propos, sont régionales ? Il est parfaitement logique et pas du tout anormal de vouloir en traiter à un échelon non pas central mais régional, même si, au tout début de la Révolution, les révolutionnaires, alors plus intelligents et tolérants qu’ils ne le sont devenus par la suite, ont commencé par traduire les lois françaises dans toutes les langues régionales afin que tous les citoyens les comprennent. La francophonie à l’époque ne concernait en effet que 10 % environ du territoire de la République, ou plutôt de la monarchie constitutionnelle naissante.
Je m’appuierai sur un exemple technique. En Corse – je ne voudrais pas la citer en exemple, car elle en est rarement un, mais elle peut constituer un exemple en matière de langues régionales –, une convention bipartite avec l’université de Corse a été signée tout à fait naturellement, et nous envisageons de la transformer en groupement d’intérêt public. Son utilité est simple, et je l’illustrerai par un seul exemple. Nous avons besoin de journalistes corsophones. Or, sans une formation associant à la fois l’enseignement journalistique et l’enseignement de la langue locale, nous formons soit des personnes qui parlent bien le corse mais qui sont des journalistes médiocres, soit des bons journalistes qui sont de médiocres corsophones. La convention nous a donc permis de former une première génération de journalistes corsophones.
Je vous le dis très clairement : il serait contradictoire de la part du Gouvernement de vouloir d’un côté ratifier la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires et, de l’autre, refuser ces dispositions.