La séance est ouverte.
La séance est ouverte à quinze heures.
La parole est à M. Jean-Marie Sermier, pour le groupe Les Républicains.
Ma question s’adresse à Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes.
On le savait depuis longtemps : le Président de la République n’aime pas les riches ! En vérité, il n’aime pas les autres non plus !
La modulation des allocations familiales en fonction des revenus, qui entre en vigueur aujourd’hui, 1erjuillet,…
« Bravo ! » et applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen
Scandaleux ! Honte à vous !
…le confirme malheureusement. En effet, cette mesure n’affectera pas les plus aisés, mais bien les classes moyennes, c’est-à-dire celles qui font le dynamisme de notre pays.
« Non ! » sur de nombreux bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
Concrètement, un couple avec deux enfants dont un parent travaille y perdra dès lors qu’il gagne plus de 2 330 euros par mois. On ne peut pas sérieusement considérer qu’un foyer de quatre personnes est riche lorsqu’il vit avec un salaire de 2 330 euros par mois !
Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
Par la modulation des allocations familiales, vous continuez à matraquer les familles. Les allocations familiales n’ont pas été créées pour rééquilibrer les revenus, mais pour compenser la charge de la famille.
Pour la première fois depuis 1945, un gouvernement remet en cause l’égalité devant la naissance de l’enfant ! Voilà le triste prolongement de tous les coups que vous avez portés aux familles : diminution du quotient familial, réduction de la prime de naissance, fiscalisation des majorations de pension des familles nombreuses…
Madame la ministre, quand reconnaîtrez-vous que la famille et la vitalité démographique sont notre meilleur atout pour sortir durablement de la crise économique ?
Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.
La parole est à Mme la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes.
Monsieur le député, oui, les familles sont très importantes pour notre pays.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen. – Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.
C’est pour cela que nous maintenons l’universalité des allocations familiales. Toutes les familles continueront à percevoir des allocations familiales.
Mais la justice, monsieur le député, c’est que les familles qui ont moins reçoivent plus.
Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
À partir d’aujourd’hui, nous menons une réforme de justice, qui vise à moduler les allocations familiales. Elle concernera, monsieur le député, 10 % des familles. Ce ne sont pas les classes moyennes qui sont touchées, lorsque 10 % des familles sont concernées
Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains
10 % des familles, celles dont le revenu est supérieur à 6 000 euros net par mois, verront leurs allocations familiales diminuer – par deux lorsqu’elles ont deux enfants. C’est notre conception de la justice, parce que nous voulons pouvoir donner plus à d’autres familles.
Je voudrais, mesdames et messieurs de l’opposition, vous entendre parler de ces familles modestes, qui ont plusieurs enfants, dont les revenus sont inférieurs à 2 000 euros par mois, et qui auront vu leurs allocations familiales augmenter de 1 000 euros par an au cours du quinquennat – à l’heure où je vous parle, l’augmentation représente déjà 350 euros. Je voudrais vous entendre parler de la revalorisation des allocations familiales pour les familles monoparentales. Cela, c’est de la justice sociale, c’est de la justice familiale, qui touche à l’équilibre entre la vie professionnelle et la vie familiale.
Nous n’avons sans doute pas la même conception de la justice sociale, monsieur le député.
Nous avons la volonté d’aider les familles, toutes les familles de notre pays, parce que toutes les familles doivent être aidées et toutes les familles doivent être reconnues.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
La parole est à M. Dominique Lefebvre, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Monsieur le Premier ministre, l’Europe et le monde ont les yeux rivés sur la Grèce, qui n’est pas aujourd’hui en mesure de faire face à ses échéances financières, et qui se trouve théoriquement en défaut de paiement.
Depuis de longs mois, la France est à pied d’oeuvre, avec ses partenaires européens, afin de trouver une solution aux difficultés financières de la Grèce.
Notre engagement se fonde sur quelques principes simples, largement partagés, je crois, sur ces bancs. D’abord, le Grexit serait une erreur historique pour la Grèce comme pour l’Europe. Ensuite les choix démocratiques des Grecs, qu’ils soient issus d’élections générales ou de référendums, doivent être respectés, tout comme la Grèce doit respecter ses engagements européens. Enfin, un accord global, durable et soutenable doit être trouvé entre la Grèce et ses créanciers.
Comme vous l’avez vous-même dit hier, nous pensons pour notre part que, comme la Grèce a besoin de l’Europe, l’Europe a besoin de la Grèce. Et nous voulons que l’Europe sorte plus forte et plus solidaire de cette crise. Il ne s’agit donc pas, comme je l’ai lu dans un journal du soir, de protéger la zone euro de la Grèce, mais de renforcer la zone euro, et donc l’Europe, avec la Grèce.
Mes chers collègues, la France a refusé de se laisser enfermer dans un choix binaire absurde entre, d’une part, une vision punitive qui nous mettrait dans l’impasse et, d’autre part, des proclamations angélistes déconnectées de toute réalité, qui nous condamneraient à l’impuissance. La France a donc eu raison.
À dix-sept heure trente se tiendra une nouvelle réunion de l’Eurogroupe afin d’examiner les nouvelles propositions du gouvernement grec et de rechercher une nouvelle fois l’élaboration d’un accord global. Il doit permettre d’éviter ce qui serait une tragédie pour la Grèce, et un échec majeur pour l’Europe ; il doit remettre l’Europe sur de bons rails.
Monsieur le Premier ministre, notre majorité soutient l’action de la France et le rôle de médiateur qu’elle a embrassé au bénéfice de l’intérêt collectif. Les prochaines heures seront cruciales : elle doivent être mises à profit pour rechercher inlassablement un accord global. Pouvez-vous nous dire où nous en sommes dans cette négociation majeure et quelle sera la position de la France ce soir ?
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
Monsieur le député, nous l’avons rappelé hier devant vous, avec Michel Sapin, en réponse à des questions de Jean Glavany et de Pierre Lellouche : la situation de la Grèce est bien évidemment une préoccupation majeure pour la France. La France, le Président de la République, s’engagent pleinement. Nous restons totalement à l’initiative.
Comme nous vous le disions hier, un accord est encore possible ; un accord est souhaitable. Le dialogue, qui avait été interrompu ce week-end, a repris, et la France y est pour beaucoup. Je veux croire qu’un accord est possible.
Où en sommes-nous ? Les autorités grecques ont formulé hier après-midi, et encore cette nuit, de nouvelles propositions. Athènes propose à ses créanciers de conclure un accord sur deux ans permettant de couvrir ses besoins financiers tout en restructurant sa dette, en échange de quoi le gouvernement grec accepterait de mener les réformes nécessaires qui s’imposent.
Ces propositions ont fait l’objet, hier soir, d’un premier échange lors d’une réunion de l’Eurogroupe, qui rassemble, comme vous le savez, l’ensemble des ministres des finances de la zone euro. Michel Sapin a participé à cette réunion. En ce moment même, ces propositions continuent d’être évaluées par l’ensemble des parties prenantes à ces négociations. Ce soir, en effet, vous le rappeliez, se tiendra à dix-sept heures trente une nouvelle réunion de l’Eurogroupe. Nous continuons donc à croire qu’un accord est possible.
Sur le fond, que voulons-nous ? Un accord équilibré, global et durable, c’est-à-dire un accord qui prévoie les réformes nécessaires, y compris bien sûr sur le plan budgétaire, mais également un volet de financement de l’économie, avec des investissements au service de la croissance, et enfin un accord qui trace un chemin clair pour traiter la question de la dette. Voilà ce que cherche la France, avec détermination et conviction.
Nous sommes convaincus, comme vous, que la place de la Grèce est dans la zone euro, c’est-à-dire pleinement dans l’Union européenne. En ces heures très délicates de discussions et de négociations où il est possible d’espérer un accord, mais où les choses, reconnaissons-le, restent fragiles, j’invite chacun à faire preuve de retenue, de responsabilité et de sang-froid.
Le Président de la République a rappelé il y a un instant que la France se bat. Elle n’est pas dans le veto. Je veux également m’inscrire en faux contre toutes les déclarations, notamment celle d’un ancien Président de la République, qui a déclaré que la Grèce était de fait sortie de la zone euro.
Ces polémiques et ces analyses trop rapides nuisent au débat.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen. – Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.
Je veux saluer, en revanche, les déclarations responsables de trois anciens Premiers ministres – Alain Juppé, Jean-Pierre Raffarin et François Fillon –, lesquels savent que, dans de tels moments, où se joue aussi le destin de l’Europe, chaque déclaration compte, surtout quand elle vient de la France.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
De telles déclarations sont contre-productives et ne sont pas responsables au regard de l’urgence dans laquelle nous nous trouvons.
Le Gouvernement, lui, n’est pas dans la polémique ; il est, en lien avec ses partenaires, dans l’action.
Je le redis encore une fois, faire réussir un accord est important pour la Grèce, pour la zone euro, pour l’Europe et pour la France.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et sur plusieurs bancs du groupe écologiste et du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.
La parole est à M. François Rochebloine, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.
Monsieur le Premier ministre, vendredi 26 juin, la folie meurtrière a de nouveau frappé et endeuillé notre pays. Je veux parler bien sûr du crime odieux et épouvantable qui a été commis à Saint-Quentin-Fallavier, un crime qui ne peut être détaché des attentats perpétrés en Tunisie, au Koweït, et, ce matin même, au Sinaï, en Égypte.
Malgré les efforts quotidiens de nos forces de l’ordre – auxquelles nous rendons bien évidemment hommage – ainsi que de la justice, pour déjouer les attentats, la menace terroriste plane, aujourd’hui plus que jamais, sur notre pays.
La France doit mener une lutte de longue haleine, un combat sans merci contre les ennemis de la démocratie, de la liberté et de nos valeurs républicaines. En de pareilles circonstances, le rassemblement des Françaises et des Français, l’unité nationale s’imposent.
Pour autant, ne l’oublions pas, les racines du mal se trouvent non pas en France, mais ailleurs – en Syrie, en Irak ou bien encore en Libye. La tragédie de Sousse et son lourd bilan humain nous oblige plus que jamais à renforcer la coopération en matière de sécurité entre la Tunisie, l’Union européenne et donc la France.
Cette coopération, aujourd’hui réduite à des liens bilatéraux, est pourtant une clé essentielle pour protéger cette jeune démocratie et lutter efficacement contre la terrorisme. C’est la communauté internationale dans son ensemble qui doit réellement se mobiliser et mettre en oeuvre des moyens à la mesure de la menace. C’est à ce prix que nous pourrons éradiquer ce fanatisme.
Monsieur le Premier ministre, pouvez-vous nous préciser quelle est la stratégie de la France en la matière ? Que comptez-vous faire pour renforcer la mobilisation de la communauté internationale ?
Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants et sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.
Monsieur le député, vous avez eu raison d’insister, dans votre question, sur deux points qui sont essentiels pour réussir dans la lutte contre le terrorisme.
D’abord, l’unité nationale. Lorsque nous sommes frappés, comme d’autres pays le sont, la résilience face au terrorisme dépend de la capacité d’un pays à rassembler toutes ses forces politiques et républicaines autour de ses forces de sécurité et de ses institutions. Je tiens à rendre hommage aux propos que vous avez tenus et qui sont éminemment responsables, dans un contexte où chacun doit faire en sorte, par ses paroles, de conforter l’unité nationale, laquelle est la condition de la résilience.
Il faut ensuite, bien entendu, une action internationale puissante. Celle-ci commence en Europe : nous avons multiplié les relations avec les pays amis de l’Union européenne pour renforcer les relations entre services de sécurité et forces de police.
Nous avons renforcé les coopérations au sein d’Europol et d’Interpol autour d’un certain nombre d’objectifs très précis : identifier les trafics d’armes, lutter contre les filières organisées du crime, le trafic de stupéfiants et d’êtres humains – car ces trafics sont désormais en lien avec les activités terroristes –, mais aussi contre la cybercriminalité. En effet, les terroristes utilisent les moyens d’internet et du darknet pour préparer la commission d’actes en dissimulant leurs intentions aux services de sécurité. De ce point de vue, la loi sur le renseignement sera extrêmement précieuse : elle nous permettra d’être plus efficaces dans la lutte contre le terrorisme.
S’agissant des relations avec la Tunisie, où je me suis rendu avant-hier, dans un contexte extrêmement difficile, nous avons évoqué le déminage, la maîtrise des frontières, la lutte contre la fraude documentaire, l’équipement des forces de sécurité et leur formation. Nous serons en situation, au mois de juillet, de signer nos accords bilatéraux.
Enfin, concernant la coopération avec les pays de la bande sahélo-saharienne, il faut faire en sorte que, sur tous les enjeux que je viens d’évoquer, nous soyons, là aussi, ensemble.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et sur certains bancs du groupe écologiste.
Ma question s’adresse à la ministre de la santé et porte sur l’épisode actuel de pollution de l’air causé par la vague de chaleur.
Nous savons que les épisodes de canicule, comme celui de 2003, deviendront la logique à la fin du siècle. Le GIEC nous l’a déjà rappelé, mais également l’agence météorologique anglaise, dans une étude récente selon laquelle le dérèglement climatique multipliera par dix le risque d’avoir des étés extrêmement chauds en Europe.
Les effets du dérèglement climatique, nous les voyons déjà. Très concrètement, cette chaleur excessive est responsable d’épisodes de pollution de l’air, notamment à l’ozone, comme celui que nous subissons. Airparif nous le rappelle, l’ozone se forme sous l’effet du soleil et de la chaleur avec les oxydes d’azote et les composés organiques volatils émis par les gaz d’échappement et les polluants industriels, une pollution très mobile qui impacte aussi les zones rurales.
L’ozone est dangereux et provoque des problèmes respiratoires. Lors de la canicule de 2003, l’Institut de veille sanitaire a recensé, sur neuf villes françaises étudiées, 379 décès anticipés liés à cette pollution. Plusieurs études ont aussi pointé une augmentation de la surmortalité à long terme pour une exposition chronique.
Cette exposition chronique, nous la subissons depuis des années. L’ozone est en effet le seul polluant surveillé en Île-de-France pour lequel les concentrations moyennes relevées sont en constante augmentation. Les moyennes annuelles ont même doublé en quinze ans. Il devient urgent de réviser les seuils d’alerte actuels, qui entraînent des mesures de lutte automatiques, mais qui sont tellement élevés qu’ils n’ont jamais été atteints.
Il faut dès à présent prendre toutes les mesures pour lutter contre les polluants atmosphériques. Il est essentiel d’agir sur les sites industriels fortement émetteurs comme les raffineries, mais également sur le transport routier et aérien.
Madame la ministre, quelles mesures seront prises à court terme, mais également à long terme, pour lutter contre cette pollution qui accroît les risques de mortalité lors des épisodes de canicule ?
Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste.
La parole est à Mme la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes.
Actuellement, madame la députée, la France connaît de fortes chaleurs, une canicule, qui a pour conséquence de provoquer des pics de pollution dans certaines agglomérations, en particulier l’agglomération parisienne. Je profite de votre question pour appeler chacune et chacun à la vigilance, en particulier les personnes les plus fragiles, dans cette période de chaleur intense.
Bien entendu, nous devons être attentifs à l’évolution de la pollution puisque, comme vous l’avez souligné, elle a des conséquences sur la santé, en particulier celle des personnes âgées et des enfants, avec, le plus souvent, un accroissement des difficultés respiratoires. Nous devons donc agir à la fois sur le court terme et sur le long terme.
Pour le long terme, des mesures fortes de transition énergétique sont d’ores et déjà prises et annoncées, qui doivent permettre de changer la donne.
De façon plus immédiate et compte tenu des épisodes précédents que nous avons connus, nous avons lancé une mission interministérielle pour déterminer de façon plus précise le type de mesures automatiques qui pourraient être prises lors des pics de pollution, par exemple des mesures de restriction de la circulation. Nous suivons très attentivement l’évolution de la situation pour déterminer si de telles mesures seraient nécessaires.
Enfin, dans le cadre de la loi de modernisation de notre système de santé, ont été adoptées en première lecture des mesures qui permettent de mieux informer nos concitoyens sur les pics de pollution et leur impact en matière de santé.
Vous le voyez, madame la députée, le Gouvernement agit et continuera d’agir pour la santé et dans le cadre de la COP21. Nous sommes mobilisés.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
Monsieur le Premier ministre, vous avez souhaité que l’on fasse preuve de responsabilité au sujet de la Grèce, mais cela n’interdit pas de s’inquiéter légitimement. En l’occurrence, les Français se demandent s’ils ne pourraient pas vivre demain la situation que vivent les Grecs aujourd’hui,…
…et je vais vous poser trois questions très précises.
La première question concerne le déficit du premier trimestre de 2015, plus de 52 milliards d’euros. C’est le plus gros déficit constaté depuis plus de trente ans en un seul trimestre. La Cour des comptes s’inquiète de cette augmentation extrêmement importante du déficit budgétaire français. Monsieur le Premier ministre, avez-vous pris conscience de cette augmentation vertigineuse du déficit ?
Ma deuxième question concerne une information que nous avons reçue ce matin en commission des finances. Entre les recettes prévues et les recettes réalisées l’an dernier en 2014, il y a un écart de 10 milliards. Allez-vous les compenser par du déficit en plus ou avez-vous décidé de faire des économies supplémentaires ?
La troisième question concerne la situation en Grèce, justement. Depuis hier, la Grèce est en défaut de paiement. Cela veut dire que les marchés financiers s’affolent et que, bien sûr, il risque d’y avoir des répercussions sur les taux d’intérêt de la dette française. On risque d’emprunter plus cher. Avez-vous prévu dans le budget français une hausse possible des taux d’intérêt des bons du Trésor nationaux ?
Il y a quelques années, monsieur le Premier ministre, un Premier ministre en exercice avait eu le courage de dire que la France était dans une situation de faillite. Alors, je vous pose cette question en direct : la France est-elle aujourd’hui en situation de faillite ?
Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.
Tout d’abord, monsieur le député, le chiffre que vous donnez pour le premier trimestre ne concerne pas le déficit. Les chiffres de l’INSEE concernent la dette souscrite durant le premier trimestre par la France. Ce n’est pas la même chose.
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.
Une telle hausse est tout à fait habituelle en cette période de l’année.
Exclamations et rires sur de nombreux bancs du groupe Les Républicains.
Tous les ans, en début d’année, les émissions d’obligations sont plus importantes parce que les recettes sont beaucoup plus nombreuses en fin d’année, grâce au solde de l’impôt sur le revenu, à la taxe d’habitation et à la taxe foncière, et je vous confirme que, cette année, le taux d’endettement de notre pays reste prévu à 96,3 %. C’est le chiffre sur lequel nous nous sommes engagés et qui sera respecté.
Vous n’y croyez pas vous-même !
Deuxièmement, vous faites allusion aux taux d’intérêt en considérant que nous devons faire preuve de prudence. Le taux est actuellement de 1,19 % sur les OAT de dix ans, alors que les marchés sont plutôt secoués, vous vous en doutez. Nous avons prévu pour 2015 un taux de 1,20 %. Même s’il y a un pic, nous sommes encore en dessous de nos prévisions. Nous avons prévu 2,1 % pour 2016 et 3 % pour 2017, c’est-à-dire que nous avons pris une marge de sécurité par rapport à ce qui peut toujours arriver.
C’est toujours un peu facile de faire la course à l’échalote pour être le plus grand lanceur d’alerte possible. Le Gouvernement reste attentif, vigilant, mais la dette est parfaitement contrôlée.
La parole est à Mme Annick Le Loch, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Madame la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, ce 1er juillet 2015 marque le coup d’envoi de l’une des avancées sociales majeures du quinquennat. En effet, la généralisation du tiers payant,
Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains
adoptée par notre majorité dans le cadre du projet de loi relatif à la santé, connaît une première étape décisive à compter de ce jour.
Les familles et les retraités modestes qui bénéficient de l’aide à la complémentaire santé vont être dispensés d’avance de frais chez leur médecin. Ce sont 1,2 million de personnes qui seront concernées, dès lors qu’elles auront souscrit un nouveau contrat de complémentaire adapté à leurs besoins parmi la dizaine de contrats de couverture sélectionnés.
Simplification, accès aux soins et pouvoir d’achat sont les maîtres mots de cette réforme.
Oui, la santé pour tous reste un combat, alors qu’un trop grand nombre de familles encore renoncent aux soins à cause d’obstacles financiers ou, tout simplement, par manque d’information.
La montée en charge de la généralisation du tiers payant se poursuivra progressivement jusqu’en 2017. Pouvez-vous nous rappeler, madame la ministre, les principales étapes de cette généralisation et les moyens d’information déployés ? Pouvez-vous également rassurer les professionnels de santé sur la mise en oeuvre du dispositif ?
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
La parole est à Mme la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes.
Madame la députée, à partir d’aujourd’hui, ceux de nos concitoyens qui ont des revenus modestes, compris pour une personne seule entre 720 et 970 euros par mois, peuvent demander à bénéficier d’une aide nouvelle pour souscrire à une mutuelle ou à une complémentaire santé.
Plus exactement, nous allons leur proposer une offre simplifiée : ils pourront choisir, parmi onze contrats, celui qui est le mieux adapté, alors que, jusqu’à maintenant, ils reculaient souvent devant la difficulté qu’il y avait à choisir parmi 300 ou 400 mutuelles différentes. Cette aide est importante en termes de pouvoir d’achat, puisqu’elle ira jusqu’à 550 euros pour une personne de plus de 60 ans, ce qui est tout à fait significatif.
En plus de cette aide simplifiée et renforcée, qui facilite l’accès aux soins, à partir d’aujourd’hui, les bénéficiaires de l’aide à la complémentaire santé ne paieront plus de franchise chez le médecin, ni à l’hôpital, ni sur les boîtes de médicaments. C’est aussi une avancée sociale considérable pour nos concitoyens les plus modestes.
Ils pourront demander à bénéficier du tiers payant qui se met en place progressivement, de manière très simple pour les médecins, puisque c’est l’assurance maladie qui les paiera directement et en totalité et qui se fera rembourser par les complémentaires santé pour la part qui leur incombe.
Cet ensemble de mesures importantes et d’avancées sociales se poursuivront à partir du 1er janvier 2016 pour les personnes en affection longue durée, avant de se généraliser. Vous le voyez, madame la députée, le Gouvernement agit pour l’accès aux soins de tous dans un esprit de justice.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et du groupe écologiste.
La parole est à M. Alfred Marie-Jeanne, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Madame la ministre des outre-mer, j’associe à ma question Huguette Bello, Gabriel Serville, Bruno Nestor Azerot et Jean-Philippe Nilor. En application de la décision du Conseil de l’Union européenne du 17 décembre 2014, le Parlement vient d’adopter le projet de loi relatif à l’octroi de mer.
À notre grand étonnement, la commissaire européenne à la concurrence a décidé de placer l’octroi de mer sous l’égide du règlement général d’exemption par catégories, le RGEC. Elle considère ainsi que l’octroi de mer est incompatible avec les nouvelles lignes directrices des aides à finalité régionale.
Cette démarche n’est ni opportune ni judicieuse. De nombreuses aides se trouveraient ipso facto dans l’illégalité. Une menace planerait sur 2,5 milliards d’euros par an, soit plus de 15 milliards d’euros pour la période budgétaire 2014-2020. Plus grave encore, la reconnaissance des spécificités, au titre de l’article 349 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne en juste compensation des handicaps, se trouve désormais anéantie.
Devant le tollé déclenché par cette logique de réduction des aides, un relèvement possible des seuils est annoncé dans une lettre de confort, dépourvue de toute portée juridique. Cela ne peut nullement nous satisfaire !
Madame la ministre, devant cette attaque frontale de l’octroi de mer, la seule défense possible est le respect de l’article 349 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne. C’est la règle de référence et donc la règle qui s’impose à tous !
Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Monsieur le député, vous venez de vous faire l’écho de certaines inquiétudes des outre-mer concernant le régime de l’octroi de mer et, plus largement, la question des aides d’État allouées aux entreprises ultramarines.
Je tiens à vous rassurer. On nous avait dit que nous ne parviendrions jamais à voter le régime de l’octroi de mer avant la fin du mois de juin et que nous serions dans une sorte de trou juridique. Or, ce régime a été voté et vous voilà rassuré sur la pérennité de la question.
On nous avait également dit que ce régime n’était pas possible, parce que le nouveau règlement applicable en Europe, le RGEC, ne prévoyait pas les situations particulières des entreprises ultramarines et qu’il nous faudrait donc entrer en guerre contre la Commission européenne, quitte à faire monter au créneau les plus hautes autorités de l’État.
Nous n’avons pas choisi cette démarche, préférant une approche plus constructive, qui s’est révélée payante : il n’y a pas eu de rupture et l’octroi de mer s’applique.
La commissaire européenne a considéré que nous pouvions adosser au RGEC les aides que nous attribuons aux entreprises ultramarines. Elle a rédigé une lettre de confort permettant à ces entreprises d’être sécurisées, s’il devait y avoir un recours de concurrents. Nous avons par ailleurs réglé des questions essentielles, comme celle des difficultés entre la Guyane et les Antilles.
Par conséquent, je voudrais une nouvelle fois vous rassurer. Du reste, nombre de ceux qui nous disent aujourd’hui qu’il y a beaucoup de problèmes sont les mêmes qui, à l’époque, ne sont pas parvenus à régler la question, contrairement à nous. Je me serais plutôt attendue à ce qu’ils nous félicitent !
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
La parole est à Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, pour le groupe Les Républicains.
Monsieur le Premier ministre : « On nous a déclaré la guerre. » Le mot a maintenant été utilisé des deux côtés de l’hémicycle ; aussi, je ne veux pas vous interroger sur ce mot lui-même, mais sur les conséquences que vous en tirez, car on ne fait pas la guerre avec les moyens de la paix. Les attentats en France, en Tunisie et au Koweït ont montré notre vulnérabilité à la menace terroriste, laquelle trouve ses bases arrière à l’étranger, dans de vastes zones de non-droit.
Nos armées sont présentes sur ces fronts, parfois dans des conditions très difficiles et nous voulons tous ensemble leur rendre ici hommage. Mais leur volonté et leur bravoure, que décrit si bien le général Barrera dans Opération Serval. Notes de guerre, ne suffisent pas.
Or en dépit de vos annonces, le sous-investissement et le sous-équipement persistent. Récemment même encore, des décisions ont été prises, qui témoignent d’un manque d’anticipation : par exemple, on annonçait quinze frégates de premier rang dans le Livre Blanc 2013, et il n’y en aura que dix ; le Charles-de-Gaulle sera à quai à l’automne 2016 pendant vingt mois…
Que se passera-t-il pendant ce temps-là ? Pas de porte-avions, et pourtant vous semblez renoncer à lancer les études pour un deuxième porte-avions. J’aurais pu aussi évoquer les drones ou encore les hélicoptères de transport lourd qui manquent cruellement à nos troupes en ce moment au Sahel.
Monsieur le Premier ministre, tout cela suppose bien sûr des choix budgétaires très lourds, mais les mots ont un sens, pour nous comme pour nos soldats. Vous avez utilisé le mot « guerre » : quelles conséquences entendez-vous en tirer ?
Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.
Madame la députée, vous posez une question légitime…
… car quand on parle de guerre, comme je l’ai fait le 13 janvier à propos du terrorisme, du djihadisme, de l’islamisme radical, il faut se doter de moyens.
Les moyens pour lutter très directement contre le terrorisme ont été rappelés de manière précise dans un document distribué par le ministre de l’intérieur, Bernard Cazeneuve, à l’occasion d’une rencontre avec les présidents des assemblées, les présidents de commission et les présidents des groupes de l’Assemblée et du Sénat. Ces moyens sont considérables. Ils impliquent bien sûr nos services – la police, les renseignements, des moyens techniques supplémentaires – et aussi, je tiens à le rappeler, nos armées dans le cadre de l’opération Sentinelle puisque 7 000 militaires sont mobilisés, aux côtés des gendarmes et des policiers, pour surveiller ensemble 5 000 sites sensibles, tels que lieux de culte, écoles, services publics. C’est un effort nouveau et considérable, à la hauteur, bien sûr, de la menace terroriste. Il y a aussi des moyens supplémentaires pour le ministère de la justice. Nous assumons financièrement cet effort dans le cadre du budget pour 2016, comme dans ceux qui vont suivre parce que nous savons que c’est une priorité. Pour ce qui concerne la sécurité, Bernard Cazeneuve et Christiane Taubira savent qu’il s’agit de budgets prioritaires. Les moyens en postes mais aussi en termes de fonctionnement ont été augmentés pour la police et pour la gendarmerie afin de lutter contre l’insécurité et pour faire face au terrorisme.
Pour ce qui concerne nos armées, le ministre de la défense est bien sûr à votre disposition, au service des parlementaires, pour revenir sur ce sujet comme il le fait régulièrement. Mais je souligne que dans la nouvelle loi de programmation militaire, nous avons aussi tiré les conséquences de l’évolution actuelle : tout d’abord, par cette loi elle-même, votée suite au Livre Blanc, puis lors de sa révision, présentée par le ministre de la défense il y a quelques semaines, et adoptée par votre assemblée. Il faut en effet, en ce domaine aussi, renforcer nos moyens. Il faut les renforcer pas seulement pour l’opération Sentinelle mais aussi parce que nous savons – et nous en avons parlé ensemble au Salon du Bourget – l’importance des moyens nécessaires, notamment en matière de drones.
Par conséquent, les armées françaises disposent des moyens pour faire face à la menace terroriste et aussi pour mener des interventions et assumer leurs responsabilités suite aux décisions prises au plus haut niveau de l’État, par le Président de la République. C’est vrai pour l’opération Barkhane, avec 3 500 militaires sur la zone du Sahel, comme cela l’a été pour l’intervention au Mali et actuellement en Irak, où nous assumons nos responsabilités dans le cadre de la coalition où nous intervenons avec nos Mirage et nos Rafale pour combattre Daech.
Sur tous ces sujets, madame la députée, travaillons ensemble et ne polémiquons pas. Je vous demande d’être cohérente.
Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
Vous ne pouvez pas demander, dans le cadre d’un débat tout à fait légitime pour préparer le rendez-vous de 2017, 100 milliards d’économies supplémentaires, des baisses d’impôts, tout en demandant que tout soit prioritaire,
Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains
qu’il s’agisse de la sécurité, de la défense, de l’école – nous l’avons dit avant vous –, des collectivités territoriales. Vous nous demandez de faire des économies, vous nous demandez de renoncer à des réformes d’une grande importance comme celle concernant les allocations familiales.
Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et sur plusieurs bancs du groupe écologiste.
Dès lors, madame la députée, c’est bien de s’intéresser à la défense, mais je vous demande de la cohérence, parce que c’est ce que les Français attendent !
Mêmes mouvements.
La parole est à Mme Marie-Françoise Clergeau, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Ma question s’adresse à Mme la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes.
La modulation des allocations familiales en fonction des revenus commencent aujourd’hui. C’est une mesure que j’ai portée avec mon groupe car elle permet de répartir selon un principe de justice l’effort de redressement des comptes de la Sécurité sociale. Concrètement, les allocs seront désormais divisées par deux pour les familles de deux enfants ayant un revenu supérieur à 6 000 euros nets par mois, et divisées par quatre s’il atteint 8 000 euros nets. Je précise que 90 % des familles percevant des allocations ne seront pas concernées. Il s’agit donc d’une vraie réforme visant à adopter le modèle français, loin des polémiques rituelles animées par ceux qui agitent la crainte d’un avenir forcément sombre ou qui s’enlisent dans la nostalgie d’un passé fantasmé.
En effet, cette modulation limite – sans les supprimer – les transferts financiers vers les familles les plus aisées. Rappelons donc que toutes les familles continueront à percevoir des allocs et celles pour lesquelles celles-ci seront réduites, bénéficieront toujours du quotient familial, des réductions fiscales liées aux enfants et du complément de mode de garde. De plus, le dynamisme démographique français ne s’explique pas par le montant des allocations familiales, mais plutôt par une corrélation entre le niveau d’emploi des femmes et le nombre de naissances, et c’est bien en France que le taux d’activité féminine n’a cessé d’augmenter depuis les années 1970.
Notre politique familiale est regardée avec intérêt par d’autres nations parce qu’elle a su évoluer et placer en son coeur l’objectif de conciliation entre vie professionnelle et vie familiale, c’est-à-dire la réalisation conjointe d’une émancipation personnelle et d’une vie collective.
Madame la ministre, pouvez-vous nous préciser comment se met en place la modulation à partir d’aujourd’hui ?
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée de la famille, de l’enfance, des personnes âgées et de l’autonomie.
Madame Clergeau, comme vous l’avez évoqué, l’exception de la politique familiale française, c’est sa capacité à permettre aux femmes de travailler tout en élevant des enfants. C’est pour cela que nous avons à la fois un des meilleurs taux de natalité et un des meilleurs taux d’activité des femmes en Europe.
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.
Par ailleurs, vous avez probablement, comme tous les députés, pris connaissance du rapport de l’UNICEF, paru il y a trois semaines, qui étudie l’augmentation de la pauvreté des enfants de 2008 à 2012 : pendant cette période, 400 000 enfants de plus sont entrés en pauvreté et aujourd’hui, plus de trois millions vivent en dessous du seuil de pauvreté. On ne peut pas seulement s’émouvoir ou se désoler d’une telle situation. Le choix du Gouvernement et de la majorité parlementaire, vous-même ayant été très active, madame Clergeau, c’est celui d’une politique familiale fidèle à ses principes, universelle et solidaire.
Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.
Universelle, disais-je, car toutes les familles de deux enfants continueront de percevoir des allocations familiales, et solidaire car les familles dont les allocations familiales seront modulées doivent savoir que ce ne sera pas en vain : grâce à cet effort, nous pouvons augmenter l’allocation de soutien familial ainsi que la GIPA – la garantie contre les impayés de pensions alimentaires – pour les familles monoparentales, et nous pouvons aussi développer le complément familial pour les familles les plus démunies et augmenter l’allocation de rentrée scolaire.
Toutes les familles comprennent cet effort en direction de celles qui sont le plus en difficulté, y compris les familles à qui il est demandé aujourd’hui d’être les plus actives, et les enfants demandent aussi un tel effort. On ne peut pas élever des enfants dans un pays où la fracture sociale entre enfants pauvres et moins pauvres se justifierait : face à l’injustice sociale c’est aux enfants que nous devons d’abord une réponse. Nous luttons dans ce but et nous nous y attelons avec cette réforme.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
Ma question s’adresse à M. le ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt.
Monsieur le ministre, hier, mon collègue du groupe de l’Union des démocrates et indépendants, M. Thierry Benoit, vous a alerté sur la situation des filières de l’élevage. Votre réponse, superlative quant à l’action gouvernementale, relevait davantage de la communication que de l’action. Vous n’avez rassuré personne. En réalité, la situation est très grave.
Si vous en doutez, allez donc sur le site internet de la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles.
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
Dès la page d’accueil, deux rubriques attirent l’oeil. La première : « Exploitants agricoles : comment bénéficier du RSA » – eh oui ! La deuxième : « À partir du 2 juillet, série d’actions afin de montrer la détresse de l’agriculture française ».
Détresse est un mot fort, mesdames et messieurs, et pour cause : aujourd’hui, 30 % des exploitants français voient arriver à grands pas la faillite.
Cette situation n’est pas seulement liée, comme vous le prétendez, monsieur le ministre, à un problème de marché ou de crise internationale ; l’inefficacité de l’action gouvernementale est également en cause.
Prenons par exemple la mise en oeuvre de la politique agricole commune en France : le Gouvernement a fait le choix de l’agroécologie et de ses contraintes, en utilisant une partie des fonds européens à cette fin – soit. Pour le moment, les contraintes sont là, mais il n’y a point d’argent, puisque, d’après certaines sources, dix-sept des vingt-deux dossiers régionaux français déposés à Bruxelles seraient ajournés pour complément d’information.
Pendant qu’en Pologne et en Allemagne, tout roule depuis février, en France, au 1er juillet, on est encore dans le flou. Ce résultat, ce n’est pas l’Europe qui en porte la responsabilité, c’est vous, monsieur le ministre !
Pouvez-vous vous en expliquer ?
Je laisserai le mot de la fin à une jeune femme, présidente des Jeunes agriculteurs de mon département : « Comment voulez-vous parler d’installation quand tout va mal ? ». Tout est dit dans ce soupir, monsieur le ministre !
Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et plusieurs bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.
La parole est à M. le ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement.
Monsieur le député, vous cherchez, à travers votre question, à attaquer la politique conduite par le Gouvernement ; c’est normal : vous êtes dans l’opposition.
Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.
Mais encore faudrait-il que vous fassiez preuve d’un minimum de clarté et de cohérence. Vous avez évoqué la réforme de la politique agricole commune ; contrairement à ce que vous avez dit, 9 milliards d’euros vont être distribués, dont une partie découle de la régionalisation du deuxième pilier. Je vous rappelle en effet que le versement des aides du deuxième pilier dépendait de l’accord de la Commission européenne sur les plans de développement régionaux, accord qui a été donné la semaine dernière.
J’ajoute – parce que vous avez omis de le dire, monsieur le député – que toutes les politiques, notamment en matière d’installation, avaient été mises en oeuvre, sans même attendre la signature de l’Europe, puisque l’État avait fait, s’agissant des dotations aux jeunes agriculteurs, les avances nécessaires dès le début février.
Ne croyez pas non plus que, dans les autres pays, la mise en oeuvre de la PAC ait été facile ou qu’elle soit définitivement réglée ; bien au contraire, on rencontre partout des difficultés.
Dernier point : les prix. Oui, je le répète, il y a un problème sur les marchés. Ce matin, d’ailleurs, un journal économique proposait une analyse de la situation sur le marché du lait.
Vous ne le contestez donc pas.
Vous dites que je n’ai rien fait.
Mais vous observez les choses à travers un drôle de prisme, car j’ai organisé des réunions et je me suis engagé à intervenir dans des négociations commerciales où, normalement, le ministre n’a pas autorité pour décider du niveau des prix. Si je l’ai fait, c’est que je considère que nous ne pouvons pas rester sans rien faire devant des baisses de prix qui touchent directement la production agricole, et l’élevage en particulier.
C’est pourquoi j’annonce à la représentation nationale que le médiateur devra suivre l’ensemble des discussions qui auront eu lieu et des décisions qui auront été prises,…
…tant par la grande distribution que par l’ensemble des transformateurs, parmi lesquelles les coopératives.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
La parole est à M. Daniel Boisserie, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Ma question s’adresse à M. le ministre du travail.
Monsieur le ministre, le Président de la République l’avait annoncé le 30 avril dernier : depuis aujourd’hui, les entreprises de moins de onze salariés qui embauchent un apprenti de moins de 18 ans sont exonérées de charges sociales et ne paient plus de salaire. Tout est enfin pris en charge par l’État.
L’emploi des jeunes, c’est une de nos priorités. Nous avons déjà créé les emplois d’avenir, la « garantie jeunes » et la prime d’activité qui bénéficiera à plus d’un million de jeunes. Et ça marche !
Aujourd’hui, le Premier ministre met en oeuvre des mesures-chocs pour l’emploi,…
…notamment une prime de 4 000 euros à l’embauche du premier salarié pour 1,2 million de très petites entreprises – TPE – qui n’ont pas d’employé.
Monsieur le ministre, je suis membre de la grande famille du BTP, qui souffre depuis plus de dix ans.
Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.
Ce soutien à l’apprentissage, je l’appelais de mes voeux. L’apprentissage est la clef de voûte de notre système de formation : près de 70 % des apprentis trouvent un emploi durable ; il est aussi un moyen de donner à nos jeunes un espoir réaliste de devenir techniciens ou ingénieurs. C’est pour cela que nous l’encourageons, en incitant les entreprises à employer et à former des jeunes.
Le 1er janvier 2015, nous avons instauré une prime de 1 000 euros pour chaque apprenti supplémentaire dans les entreprises de moins de 250 salariés ; cette prime est de 2 000 euros pour les entreprises de moins de onze salariés. On peut se demander, chers collègues de l’opposition, pourquoi vous ne l’avez pas fait !
Protestations sur les bancs du groupe Les Républicains.
Depuis ce 1er juillet, le dispositif « zéro charge, zéro salaire » pour les TPE qui embauchent un apprenti mineur est actif. Il fait partie d’un large plan pour l’apprentissage. Monsieur le ministre, pourriez-vous en rappeler le contenu à la représentation nationale ?
La parole est à M. le ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.
« Et du chômage ! » sur les bancs du groupe Les Républicains.
Monsieur le député, vous avez bien fait de rappeler toutes les mesures qui ont été prises en faveur de l’apprentissage depuis un an.
Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.
En septembre de l’année dernière, le Président de la République avait réuni l’ensemble des partenaires sociaux ; il s’en était dégagé un large consensus sur les actions à mener : adopter un plan de relance de l’apprentissage et lever les freins financiers – entre autres – qui nuisaient à son développement.
J’ai déjà eu l’occasion de vous présenter les premiers dispositifs retenus. Comme vous, je me félicite de la parution aujourd’hui du décret relatif à l’aide « TPE jeune apprenti », dont la création avait été annoncée par le Premier ministre.
Quel en est l’objectif ? Faciliter et favoriser le recours à l’apprentissage pour les très petites entreprises de moins de onze salariés ; celles-ci percevront une aide qui compensera intégralement les cotisations sociales et la rémunération d’un jeune apprenti durant la première année de son contrat.
Tous les contrats conclus depuis le 1er juin 2015 seront éligibles à cette mesure, qui a reçu un accueil très favorable de la part de l’ensemble des organisations patronales, notamment celles qui recourent le plus à l’apprentissage.
Cette aide étant, comme vous l’avez rappelé, cumulable avec d’autres, il n’y a plus aujourd’hui de barrières financières au recrutement d’apprentis mineurs. C’est pourquoi je souhaite que tous les employeurs soient désormais au rendez-vous : artisans, chefs d’entreprise, je les appelle tous à se mobiliser. Investir dans la jeunesse, former, transmettre un savoir-faire, c’est en effet investir dans la compétitivité des entreprises, mais c’est aussi faire valoir les valeurs qui font la cohésion sociale de notre pays : la transmission, le partage, le travail, la solidarité entre les générations.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
Ma question s’adresse à M. le Premier ministre.
Je crois que chacun, dans cet hémicycle, connaît le mérite de la grande majorité des agents de la fonction publique qui travaillent consciencieusement, mais ce mérite ne doit pas nous aveugler. Nous devons mettre le doigt sur le taux d’absentéisme dans la fonction publique, qui, mes chers collègues, est de plus en plus élevé et finit par coûter cher à la France.
Les rapports et les études se succèdent, mais vous avez l’air de faire la sourde oreille. Par exemple, selon le bilan social de l’année 2014, qui a filtré récemment, les agents publics de Pôle emploi seraient absents en moyenne 30,6 jours par an pour maladie, tandis que les agents du privé seraient absents en moyenne 17,1 jours, c’est-à-dire que, pour un même travail et une même fonction, dans la même entreprise, les congés maladie varient du simple au double selon le statut. Autre exemple, monsieur le Premier ministre, une étude parue au mois de juin dernier, qui avait été réalisée par Sofaxis l’an dernier, dénombre 54 arrêts maladie pour 100 agents dans les collectivités locales.
Vous le savez, ce chiffre est reparti à la hausse en 2014, en raison, entre autres, de la suppression du jour de carence dans la fonction publique. En 2012, le précédent gouvernement avait instauré la journée de carence pour les fonctionnaires, et le nombre d’arrêts maladie dans les collectivités territoriales avait diminué considérablement. Vous l’avez supprimé, pour faire un cadeau aux syndicats. Aujourd’hui, nous en voyons – hélas ! – les résultats : l’absentéisme est reparti la hausse dans toutes les fonctions publiques.
Alors, ma question est simple : quelles sont vos solutions pour le contribuable, à qui cet absentéisme coûte cher ? quelles sont vos solutions pour que l’image des fonctionnaires ne soit pas dégradée ? quelles sont vos solutions pour tous les Français qui attendent un service public de qualité, qui leur est dû et qui, aujourd’hui, est dégradé par cet absentéisme ?
Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.
La parole est à Mme la ministre de la décentralisation et de la fonction publique.
Monsieur le député Thierry Mariani, d’abord, merci d’avoir salué le travail de nos fonctionnaires, à l’heure où nous perdons beaucoup de postes. Pendant ce mandat, vous le savez, toutes les créations de poste dans l’éducation nationale, la police, la justice et la défense seront compensées, et nos équipes réussissent à faire face dans des situations parfois difficiles, tendues, avec un point d’indice gelé – je regardais d’ailleurs tout à l’heure un certain nombre de communiqués. Les fonctionnaires ne sont pas des privilégiés et, pour ma part, je les remercie de porter le service public, qui est le patrimoine de ceux qui n’en ont pas.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen, du groupe écologiste, du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste, et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Cela dit, comment répondre ? Il faut rappeler à ceux qui nous écoutent que les fonctionnaires n’ont pas de régime de protection complémentaire, ils n’ont pas de protection sociale complémentaire comme on peut en avoir dans le privé. Comme vous le savez très bien, monsieur Mariani, 47 % des employés des petites entreprises et 77 % des salariés des groupes n’ont pas de jour de carence parce qu’ils sont couverts par une protection complémentaire.
Vous donnez, d’ailleurs, les chiffres de Sofaxis. Ce sont justement – Mme Pécresse s’en énerve – les statistiques des salariés qui ont bénéficié d’une protection sociale complémentaire de Sofaxis, qui n’ont donc pas de jour de carence et qui font leurs propres statistiques. Vous venez donc de démontrer qu’avec ou sans jour de carence le résultat n’est pas différent, et je vous en remercie.
« Ce n’est pas vrai ! » sur les bancs du groupe Les Républicains et du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.
Je vous rappelle, monsieur Mariani, qu’après la suppression du jour de carence, nous nous sommes engagés à faire contrôler tous les arrêts maladie des fonctionnaires par les caisses primaires d’assurance maladie. Ce n’est pas encore fait, il faudra dépenser un peu, parce qu’il faut payer les médecins qui en seront chargés, mais nous avons commencé l’expérimentation, qui est publique, dans les Alpes-Maritimes, le Bas-Rhin, l’Île-et-Vilaine, le Puy-de-Dôme, le Rhône et Paris. Et nous avons effectivement 6 % de jours d’arrêts maladie injustifiés, contre 10 % dans le privé.
La parole est à M. Yves Daniel, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Ma question s’adresse à M. le ministre de l’agriculture, et j’y associe deux autres collègues éleveurs : Jean-Luc Bleunven et Dominique Potier.
Ces dernières semaines, vous avez oeuvré sans relâche, monsieur le ministre, pour que les acteurs de la filière viande, tout au long de la chaîne d’approvisionnement et de distribution, se rassemblent, discutent et permettent enfin que les prix payés aux producteurs remontent, aussi bien pour la viande porcine que pour la viande bovine. Hier, vous rencontriez les industriels de la filière laitière alors que la fin des quotas laitiers, la conjoncture actuelle et les prix payés nous inquiètent tous, nous, producteurs, et nous mettent en difficulté. Certes, le Gouvernement poursuit ses efforts. La réforme de la PAC a été réorientée, pour un soutien renforcé aux éleveurs dans les zones fragilisées. Les investissements sont mieux accompagnés, la réforme actée du règlement européen relatif à l’agriculture biologique, dont j’ai été le rapporteur, a bénéficié de votre soutien. De manière générale, les exemples d’une meilleure prise en compte des problématiques agricoles ne manquent pas. Cependant, la conjoncture actuelle est telle que nous, les éleveurs, souffrons et souhaitons vous le faire savoir à nouveau aujourd’hui.
Monsieur le ministre, les accords négociés avec les opérateurs de la filière viande sont des signaux positifs mais ne suffisent plus, car certains de ces opérateurs ne semblent pas tenir leurs engagements. Monsieur le ministre, vous avez pris vos responsabilités, et nous saluons votre mobilisation permanente à ce sujet, mais que comptez-vous faire de plus pour que les décisions prises collectivement s’appliquent sans délai afin que nous, éleveurs, puissions retrouver des conditions de production dignes et un prix de vente nous permettant de vivre de notre métier ?
La parole est à M. le ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement.
Monsieur le député, vous avez évoqué la situation de l’élevage, qui avait déjà été évoquée précédemment, avec l’action que nous avons conduite, que j’ai menée, pour essayer de rapprocher des points de vue souvent divergents entre la grande distribution, la transformation et les producteurs. Cela vaut, d’ailleurs, dans le domaine de la production porcine comme dans celui de la production bovine, et aussi, aujourd’hui, dans la filière laitière. Les quotas ont été supprimés en 2008, à un moment où nous n’étions pas aux responsabilités. Outre la question des quotas et des volumes produits, il y a aussi le prix mondial, en particulier un prix de la poudre de lait et du beurre, qui influe directement sur le prix payé au producteur en France.
J’ai réuni, vous l’avez dit, les différentes filières. Nous avons pris des décisions, en particulier pour la filière bovine, ce qui a stoppé la baisse constatée les mois précédents, et le même constat vaut aussi pour la filière porcine. J’ai nommé un médiateur et je lui ai demandé, dès cet après-midi, d’agir, dans le cadre de la loi, auprès de tous les acteurs qui ont pris des engagements à l’issue des tables rondes que nous avons organisées et de vérifier si ces engagements ont été tenus, que ce soit du côté de la grande distribution ou de celui de la transformation, ce qui recouvre les abatteurs, les laiteries et l’ensemble des acteurs de l’achat et de la transformation. Derrière ces engagements, il y a bien sûr le prix payé au producteur. Nous avons stoppé la baisse, il faut maintenant que nous puissions redresser les cours, tout en tenant compte, bien sûr, du contexte global, de la situation économique globale. C’est pourquoi j’ai demandé que le médiateur fasse cette enquête sur les engagements pris pour que nous disposions, d’ici à la mi-juillet, d’un rapport clair qui nous confirme que chacun a tenu ses engagements. C’est, pour les producteurs, un élément essentiel.
J’ajouterai juste un mot à propos de l’indemnité. Ne vous inquiétez pas, monsieur Jacob : elle ne dépend pas du ministère de l’agriculture, et elle sera versée quel que soit le niveau et de la question et des remarques !
Ma question s’adressait à M. le Premier ministre, mais un autre ministre pourra certainement me répondre.
Depuis 2013, la Cour des comptes demande régulièrement que soit mis fin à la gratuité du pass Navigo pour les policiers résidant en Île-de-France. Les magistrats de cette institution s’appuient sur un décret de 2010 limitant à 50 % le remboursement des titres de transport des fonctionnaires franciliens. Plusieurs milliers d’agents de terrain dépendant de la préfecture de police de Paris seraient concernés par cette suppression du remboursement intégral.
La convention qui lie l’État et le Syndicat des transports d’Île-de-France arrive à échéance à la fin de cette année. Nombre de policiers et leurs représentants syndicaux s’inquiètent donc d’une éventuelle modification du système actuel.
Dans ce contexte, il convient de rappeler que ces agents non sédentaires ont un statut spécial : ils sont contraints d’intervenir dans les transports lorsqu’ils constatent un délit, ce qui est un élément sécurisant pour les réseaux et les voyageurs. Par ailleurs, ils ont besoin du pass Navigo pour effectuer certaines de leurs missions. Enfin, compte tenu de la modestie de leur rémunération – en moyenne 1 400 euros par mois –, il leur est particulièrement difficile de trouver un logement adéquat dans Paris intra-muros.
Pour ces raisons, la prise en charge complète des frais de transport paraît légitime, d’autant plus que le pass Navigo va connaître un dézonage s’accompagnant d’un prix unique pour tous les Franciliens, voire dans certains cas de la gratuité. Alors que nos fonctionnaires de police ont plus que jamais besoin d’être soutenus et aidés dans leur tâche, il me paraîtrait équitable que vous trouviez une solution prolongeant, après 2015, la prise en charge de leurs frais de transports en commun.
Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.
La parole est à Mme la ministre de la décentralisation et de la fonction publique.
Merci, monsieur le député, pour ce soutien apporté, pour la deuxième fois dans cette séance, à nos fonctionnaires.
Nous discutons en ce moment avec l’ensemble des ministères de l’accompagnement des affectations des fonctionnaires, qu’ils soient policiers, gendarmes, surveillants pénitentiaires ou enseignants. Deux problèmes se posent : les indemnités de résidence et, comme vous venez de le souligner, les indemnités de transport.
Je ne peux pas croire que l’on supprime cet avantage sans en imaginer un autre. Nous nous sommes engagés, avec l’ensemble des ministères, à étudier le parc de logement disponible et et la possibilité de passer des conventions. La situation que vous décrivez pour les policiers est bien réelle, comme elle l’est pour les autres fonctionnaires que j’ai cités.
Comment pouvons-nous prendre en charge les frais de déplacement ? J’attendrai bien évidemment l’avis du ministre de l’intérieur, mais nous réfléchirons à adapter l’indemnité de résidence en fonction du lieu d’exercice de la profession et à affecter notre parc de logement à ces fonctionnaires. Pour en avoir discuté avec Sylvia Pinel, je connais les grandes difficultés à affecter des logements à la fonction publique mais, s’agissant des fonctionnaires chargés de la sécurité et de l’éducation, nous devons trouver des solutions. Je m’y engage et je recevrai les syndicats avec plaisir.
La parole est à Mme Dominique Orliac, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.
Monsieur le ministre de la défense, la situation de nos anciens combattants et victimes de guerre, notamment ceux issus de la troisième génération du feu, les anciens combattants d’Algérie, du Maroc et de Tunisie, mérite notre attention.
Le dernier projet de loi de finances, dans un contexte budgétaire contraint, aura néanmoins permis certaines avancées que les associations saluent, comme la revalorisation du point des pensions militaires d’invalidité, la majoration de cinquante points aux 1erjanvier 2015 et 2016 en faveur des veuves des grands invalides de guerre, l’augmentation de l’allocation de reconnaissance en faveur des harkis, l’attribution à partir du 1eroctobre 2015 de la carte du combattant à tous les militaires ayant participé à une opération extérieure pendant au moins quatre mois, la prise en charge des militaires blessés renforcée par une dotation annuelle pour l’équipement de prothèses de nouvelle génération.
Néanmoins, nos anciens combattants demeurent dans l’attente d’une révision totale du décret sur la campagne double, qui profite si peu à la troisième génération du feu,
Applaudissements sur les bancs du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste et sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et du groupe de l’Union des démocrates et indépendants
ainsi que d’une revalorisation de leurs points de pension d’invalidité, dans un contexte où leur pouvoir d’achat baisse depuis dix ans.
Quant à la nouvelle réglementation sur les conséquences des essais nucléaires français, elle concerne le ministère de la santé.
Par ailleurs, des mesures sans coût budgétaire pourraient aussi être prises, comme l’attribution de la médaille militaire, dont le contingent est trop restrictif, ou celle de la mention « Mort pour la France » pour tous ceux qui sont morts en accomplissant leur devoir.
Nos anciens combattants et victimes de guerre doivent être écoutés et entendus. Ce sont des citoyens responsables, contribuables pour la plupart, qui ne doivent pas en plus être pénalisés parce que nous ne reconnaissons pas à sa juste valeur le sacrifice qui fut le leur au nom de la France, dans un contexte où certains n’hésitent pas à insinuer que leur dédommagement coûterait cher à la nation.
Comme l’a dit si justement le président national de la Fédération nationale des anciens combattants en Algérie, Maroc et Tunisie, lors du congrès qui vient d’avoir lieu dans le Lot : « Et les plus belles années de notre jeunesse que l’on a perdues en servant notre pays, ne nous ont-elles pas coûté cher à nous ? N’ont-elles pas droit, ces années perdues, à la reconnaissance de notre pays ? ».
Monsieur le ministre, allez-vous entendre ces demandes légitimes et y répondre ?
Applaudissements sur les bancs du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste, et sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.
Madame la députée, je vous prie d’excuser l’absence du secrétaire d’État chargé des anciens combattants et de la mémoire, Jean-Marc Todeschini, qui me représente aujourd’hui dans la Somme pour des cérémonies commémoratives, mais vous connaissez son attachement au monde des anciens combattants ainsi que le bilan de son action, puisque vous avez bien voulu rappeler un certain nombre de points auxquels nous tenons l’un et l’autre. Je pense en particulier à l’attribution de la carte du combattant pour les militaires en OPEX au-delà de quatre mois de présence, ou à la dotation pour les prothèses de nouvelle génération, dispositif nouveau et essentiel.
Vous m’avez posé quatre questions. La première concerne le bénéfice de la campagne double pour la troisième génération du feu. Le secrétaire d’État s’était engagé, devant la représentation nationale, à proposer des avancées pour l’exercice budgétaire 2016. Il sera au rendez-vous.
Vous m’avez aussi interrogé sur les mesures prises à l’égard des veuves des grands invalides de guerre. Des avancées significatives ont marqué le budget 2015. Elles seront poursuivies en 2016.
Enfin, vous avez considéré que l’attribution des décorations à la troisième génération du feu était parfois restrictive. Nous avons pris des mesures, avec Jean-Marc Todeschini, pour assouplir le dispositif.
Quant à la mention « Mort pour la France », je suis plus réservé car l’attribution de cette dénomination répond à des conditions très précises. Je suis prêt, en revanche, à étudier cas par cas les propositions qui nous seront faites.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
La séance, suspendue à seize heures cinq, est reprise à seize heures vingt-cinq, sous la présidence de M. David Habib.
Madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, nous sommes très heureux du vote qui a eu lieu hier soir sur les transports scolaires : l’ensemble des composantes politiques de l’Assemblée des départements de France s’en réjouissent.
Vraiment toutes ?
Oui, je vous en donne l’assurance.
J’en viens aux gares routières : de ce point de vue, la France connaît une grande misère. Lorsque la loi Macron entrera en vigueur, la plupart des autocars partiront d’aires de stationnement de supermarchés ou de gares routières dépourvues de tout service et sans même un agent. En clair, nous souffrons dans ce domaine d’une très grande faiblesse, et il faudra beaucoup investir.
Plutôt que de transférer obligatoirement aux régions les gares routières appartenant actuellement aux départements, il me semble que nous pourrions le faire dans le cadre d’un débat et d’une convention entre ces deux collectivités. Dès lors, la rédaction de l’article tel qu’elle nous est présentée ne convient pas.
La parole est à M. Patrick Mennucci, pour soutenir l’amendement no 598 .
M. Bussereau a raison : il faudra beaucoup investir dans les gares routières pour mettre en oeuvre la loi Macron qui, s’agissant des autocars comme de bien d’autres sujets, est très intéressante.
Comme M. Bussereau, j’estime que le transfert automatique de ces équipements aux régions est dommageable. Compte tenu de la diversité des situations et des enjeux des gares routières à l’échelle nationale, dans les zones urbaines et rurales, il n’apparaît pas opportun de prévoir leur transfert du département à la région.
La parole est à Mme Marie-Hélène Fabre, pour soutenir l’amendement no 899 .
La parole est à M. Olivier Dussopt, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, pour donner l’avis de la commission.
La commission a considéré que, dans la mesure où le Sénat puis l’Assemblée nationale ont transféré aux régions les transports non urbains, il était logique de transférer les gares routières départementales. Avis défavorable.
La parole est à Mme la ministre de la décentralisation et de la fonction publique, pour donner l’avis du Gouvernement.
Même avis.
La parole est à M. Patrick Mennucci, pour soutenir l’amendement no 607 .
Le IV bis de l’article 8 prévoit que la région, à l’exception de l’Île-de-France, est compétente pour la construction, l’aménagement et l’exploitation des gares publiques routières de voyageurs relevant du département et définies à l’article 2 de l’ordonnance du 24 octobre 1945 sur les gares routières de voyageurs. Il organise le transfert automatique de ces équipements à la région. En application de l’article L. 3611-3 du code général des collectivités territoriales, la métropole de Lyon s’administre librement, notamment dans les conditions fixées par la législation en vigueur relative au département. Pour l’application à la métropole de Lyon de ces dispositions, la référence au département est remplacée, littéralement, par la référence à la métropole de Lyon.
Il en résulte que les gares publiques routières relevant de la métropole de Lyon seraient automatiquement transférées à la région. En l’espèce, ce transfert présente une double incohérence : d’abord, les gares routières de la métropole de Lyon étant, à l’origine, des gares routières aménagées et gérées par la communauté urbaine de Lyon, elles ne répondent pas aux mêmes objectifs d’aménagement du territoire que des gares routières relevant d’un département classique ; ensuite, les gares routières de la métropole de Lyon constituent de véritables objets d’aménagement urbain et sont incluses et intégrées dans des projets d’aménagement du territoire dont la gestion ne doit pas être complexifiée par la multiplication des maîtres d’ouvrage. En conséquence, le présent amendement étend à la métropole de Lyon la dérogation prévue par le projet de loi pour la région Île-de-France.
Considérant que, sur le territoire de la métropole de Lyon, l’essentiel des transports est assuré par un syndicat propre, en l’occurrence le syndicat mixte des transports pour le Rhône et l’agglomération lyonnaise – le Sytral –, il est apparu opportun à la commission des lois que les gares de la métropole de Lyon restent gérées par la métropole de Lyon, qui a un statut particulier. L’avis est donc favorable.
En premier lieu, l’avis du Gouvernement n’a pas été favorable car il craignait que cet amendement n’ouvre une brèche dans la gestion des gares routières. J’émettrai finalement un avis de sagesse. Nous avons bien regardé comment fonctionnait le Sytral : cela pourrait avoir une très mauvaise influence sur une métropole que nous connaissons bien, monsieur Mennucci !
Sourires.
Nous sommes très attentifs à la rédaction car, sur le territoire de la métropole, se trouvent à la fois les gares routières du Sytral et une ou deux autres pouvant avoir une autre fonction. Mais, en l’état actuel de sa rédaction, j’émets un avis de sagesse sur l’amendement.
Je remercie le rapporteur et salue la sagesse du Gouvernement. Je vous rassure, madame la ministre, l’amendement fait bien référence à la métropole de Lyon. En ce qui concerne celle de Marseille, nous avons bien compris que nous ne pesions pas grand-chose dans ce dossier et nous continuons à être confrontés aux mêmes problématiques.
L’amendement no 607 est adopté.
La parole est à M. Olivier Dussopt, rapporteur, pour soutenir l’amendement no 1022 .
L’amendement no 1022 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
La parole est à Mme Colette Capdevielle, pour soutenir l’amendement no 494 .
Dans le cadre du transfert aux régions des compétences départementales en matière de transports interurbains et de transports scolaires et des personnels départementaux correspondants, il importe, dans un souci de cohérence – pardon de lire l’exposé sommaire de l’amendement, mais nous avons un peu manqué de cohérence hier soir – de supprimer la fin de l’alinéa 37, après la première occurrence de l’année : « 2017 ».
Avis défavorable, non pour les raisons évoquées dans l’exposé sommaire, mais par coordination avec le vote d’hier.
L’amendement vise à supprimer le délai différé pour l’entrée en vigueur du transfert aux régions des transports scolaires, dans la mesure où ce sont les mêmes équipes du conseil départemental qui devraient les gérer. À l’heure où nous parlons, c’est un amendement particulier, présenté dans un contexte particulier. Je vous demanderai donc de le retirer.
Si j’avais été au banc en tant que rapporteur ou ministre, j’aurais répondu que cet amendement tombait.
Je préfère que Mme Capdevielle, députée d’un département que j’aime beaucoup, le dise elle-même, si vous me le permettez !
Et députée de la partie ouest du département, c’est-à-dire le Pays basque, que vous aimez particulièrement !
C’est avec regret que je retire cet amendement : effectivement, il est lié à un autre amendement, que j’aurais aimé voir adopté hier soir.
L’amendement no 494 est retiré.
La parole est à Mme Sophie Rohfritsch, pour soutenir l’amendement no 1253 .
Si, par extraordinaire, cet article 8, sur lequel nous avons beaucoup débattu hier, devait être adopté, nous vous proposons, par le présent amendement, de responsabiliser les conseils régionaux en leur permettant de réaliser chaque année un audit sur la sécurité dans les transports et les établissements scolaires dont ils ont la responsabilité, de manière à bien prendre en compte cet aspect fondamental de la charge nouvelle, notamment dans le domaine des transports, qu’ils auront à assumer.
C’est un amendement qui donnerait aux régions la possibilité de faire quelque chose qui ne leur est pas interdit. Il nous paraît donc un peu superflu. Avis défavorable.
Madame la députée, dans votre logique, vous auriez dû offrir la même possibilité en matière de transports scolaires aux départements et à d’autres intervenants. Toute collectivité territoriale en charge des transports a l’obligation d’en assurer la sécurité. Elle en est totalement responsable. En général, les audits ne sont malheureusement réalisés qu’après un accident. Nous souhaitons que la sécurité des transports soit assurée, qu’ils respectent les normes et soient accessibles, quelles que soient les autorités qui en ont la compétence. Il faut retirer cet amendement car il revient à dire : « il fait chaud ou il fait froid ». En l’occurrence, il ne fait pas froid mais, j’en suis désolée, on ne peut pas l’écrire !
Madame la ministre, vous venez de me fournir un argument supplémentaire à l’appui de cet amendement : vous venez de reconnaître que les audits sont réalisés après un accident ou un événement tragique. Raison de plus pour les anticiper et réaliser ce type d’audit chaque année, de manière consciencieuse et en dehors de tout contexte accidentel !
Nous pouvons entendre, jusqu’à un certain point, les arguments du Gouvernement mais s’il faut retirer l’amendement au motif qu’un audit est déjà possible, la moitié du texte devrait sans doute être retirée.
Je suis extrêmement surpris : d’un côté, le Gouvernement a défendu des éléments superfétatoires, de l’autre, s’agissant de l’audit sur la sécurité des transports, il objecte que la région peut déjà le réaliser. Si nous insistons sur cette question, c’est qu’un tel audit a un sens tout à fait particulier et mériterait d’être inscrit dans la loi.
Monsieur le député, je tiens compte de vos propos mais je vous dis simplement que la sécurité est une obligation permanente et ne s’évalue pas seulement à l’occasion d’un audit. Un certain nombre de normes doivent être appliquées : par exemple, aujourd’hui, à partir de dix-sept heures quinze, les transports express régionaux – TER – doivent ralentir car les rails sont très chauds et peuvent casser. Réseau ferré de France – RFF – est chargé des rails et assurera avec les régions le passage et la sécurité des TER ce soir. Ce n’est pas avec la réalisation d’un audit dans trois mois que l’on saura ce qu’il faut faire en matière de sécurité : on le sait déjà ! Des accords, en particulier entre les transports ferrés, entre RFF et les régions, définissent les responsabilités entre chacun des acteurs. Reportez-vous aux conventions de gestion : elles sont beaucoup plus précises qu’un audit de sécurité !
De la même façon, la circulation des cars répond à des normes extrêmement précises : nul besoin d’un audit pour connaître les dispositions à prendre en matière de qualité ou de chauffeur. La précision est telle qu’un audit est réalisé lorsqu’il y a une faille dans le système, comme ce fut le cas récemment. En l’occurrence, ce n’était ni la collectivité territoriale, ni l’État qui en était responsable : il s’agissait d’une faille dans l’entretien des réseaux. Ne laissez donc pas entendre que nous refusons la sécurité : elle est assurée tous les jours, nul besoin d’un audit !
L’amendement no 1253 n’est pas adopté.
L’article 8, amendé, est adopté.
J’ai failli être en retard parce que j’ai reçu Laure Betbeder, une gréviste de la faim du lycée Bellefontaine de la ville de Toulouse qui a subi une sanction disciplinaire d’une férocité que je n’avais pas vue depuis longtemps. Elle est remontée à Paris aujourd’hui, malgré les conditions climatologiques qui ne facilitent pas beaucoup son action.
Pendant la minute trente qu’il me reste, monsieur le président, je tiens, non pas à intervenir sur l’article 8 bis A, qui ne posera certainement pas d’énormes problèmes,…
…mais à exprimer à nouveau mon incompréhension devant le processus auquel nous assistons depuis quatre ou cinq ans. Malheureusement, vous n’étiez pas encore président au moment où il a commencé. Si vous l’aviez été, le cours des choses aurait peut-être été changé.
Sourires.
Nous aurons vraiment tout vu, sans que les Français y soient préparés. Autant François Mitterrand les avait préparés à la décentralisation de 1982, autant le Général de Gaulle avait essayé de le faire dans la perspective de la régionalisation de 1969, autant M. Hollande ne les a préparés à rien.
Sourires.
Ainsi, nous avons été amenés à voter d’abord pour la suppression du conseil général, ensuite pour son rétablissement, avant qu’il n’échappe de justesse à une autre suppression. Nous nous sommes lancés dans la course aux régionales avec des régions tout simplement exceptionnelles, pour ne pas dire plus. Aujourd’hui, nous examinons cette fameuse loi « NOTRe ». Je ne sais pas à quoi fait référence le « NOTRe » mais, en tout cas, ce n’est pas ma loi ! Le problème, c’est qu’aucun de nos compatriotes ne s’y retrouve. La preuve – mais peut-être allez-vous sauver la situation, monsieur le président –, c’est que près de 600 maires se sont opposés aux forces de gendarmerie : image terrible pour le peuple français, pour lequel les gendarmes et les maires constituent deux forces qui les protègent.
Et aujourd’hui, nous allons voter un peu au petit bonheur la chance. Hier soir, la compétence en matière de transports scolaires a été finalement à nouveau transférée de la région au conseil général. Monsieur le président, vous qui êtes animé par une intelligence profonde et visionnaire, vous voyez bien que tout ceci ne tient pas !
Sourires.
Je crains que l’on se mette en difficulté car cela ne peut pas bien se terminer : on ne peut pas détricoter la France sans préparer un vrai projet alternatif. Or, c’est ce que nous faisons, hélas !
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.
Merci, monsieur le député. Il m’est très agréable de vous entendre, notamment quand vous me complimentez, mais je serais très heureux si vous le faisiez davantage dans le Béarn et un peu moins à Paris !
Sourires.
En tout état de cause, je suis heureux que vous ayez pu faire valoir vos arguments. Notre règlement vous le permet et c’est la vertu de notre système parlementaire.
L’article 8 bis A est adopté.
Cet amendement vise à ce que le transfert des lignes départementales aux régions soit généralisé au transport des marchandises et ne se limite pas au transport des personnes.
Sagesse.
Je m’inscris pour deux raisons contre l’esprit de cet amendement, que nous retrouverons d’ailleurs dans l’amendement no 375 que nous examinerons dans quelques instants à l’article 8 ter.
La première raison tient au fait qu’il montre que l’hostilité des députés Verts à l’égard des départements est aussi violente que leur représentation est faible au sein des conseils départementaux… Parce qu’ils ont été chassés ou n’ont pas été élus par les électeurs en mars dernier, les Verts poursuivent les départements de leur colère permanente.
Ma deuxième remarque s’adresse au Gouvernement. Madame la ministre, dans les contrats de plan État-régions que nous venons de signer, plus de la moitié des dépenses engagées dans les transports sont payées par les départements, qu’il s’agisse de l’amélioration de lignes desservant des TET ou des TER ou de l’amélioration des dessertes ferroviaires de nos ports. On nous dit d’un côté « Payez, cochons de payants » et de l’autre « Vous n’avez plus rien à voir avec les transports, mais vous allez tout de même payer pendant les cinq ans que durera le contrat de plan ».
C’est tout à fait inadmissible ! Pour toutes ces raisons, nous ne pouvons accepter l’article 8 bis et les amendements qui sont présentés à cet article.
Ainsi que nous l’avons rappelé lors de la première lecture, dans les contrats de plan État-régions tout le monde peut intervenir hors compétence – vous le savez bien, ayant vous-même conduit un certain nombre de discussions de ce type. En fonction de la compétence, des clauses de revoyure ont été prévues dans la loi. Je tenais à rappeler ce point important.
Avant la loi NOTRe, il s’agissait d’une démarche volontaire. Lorsque la loi sera entrée en vigueur, un certain nombre de projets feront l’objet d’une clause de revoyure. Je serai à votre disposition pour en discuter le moment venu.
L’amendement no 948 est adopté.
Il vise à rectifier une erreur matérielle.
L’amendement no 1615 , accepté par la commission, est adopté.
L’article 8 bis, amendé, est adopté.
Article 8
Cher monsieur le président, chère madame la ministre, cher monsieur le secrétaire d’État, chers collègues, quand on dit des choses comme je peux en dire, il ne faut pas être trop long et surtout ne pas sortir du cadre…
Sourires.
Je voudrais, après ma récente intervention, enfoncer encore un peu plus le clou. Nous sommes en train de détricoter entièrement l’organisation interne de la France. Si encore cela nous avait permis de réduire le mille-feuille… Au contraire, nous l’avons enrichi des inénarrables communautés de communes, qui fonctionnaient bien auparavant et qui désormais fonctionneront comme elles pourront. Tout le reste est resté à l’identique, mais avec beaucoup moins d’inspiration, notamment dans les conseils départementaux. Mais peut-être les conseils régionaux réussiront-ils à se faire entendre un peu mieux…
Dans le même temps, nous continuons à affaiblir l’État. Le Conseil constitutionnel n’est plus que l’ombre de lui-même…
…réduit par le Conseil d’État et les gouvernements successifs au rang de secrétariat général de gouvernement et dépourvu de toute vision.
Nous avons des questions à nous poser et je me demande si nous ne pourrions pas prendre un peu de temps. Il faudra certainement attendre l’année prochaine et les élections présidentielles pour le faire et y voir clair… En attendant, nous oscillons, sans prendre de décision, entre un État supranational européen et la fin de l’État français, et c’est ce qui nous plonge dans un marasme que nos concitoyens ne comprennent plus du tout. J’en ai terminé. Je vais à présent rejoindre ma gréviste de la faim car je ne voudrais pas que ces fortes chaleurs la fassent souffrir davantage. Je vous remercie, monsieur le président, pour votre écoute républicaine, qui vous fait honneur.
Et, si vous le permettez, amicale !
La parole est à Mme la ministre, pour soutenir l’amendement no 1339 rectifié .
Cet amendement est rédactionnel.
L’amendement no 1339 rectifié , accepté par la commission, est adopté.
J’ai bien peur d’alimenter encore une fois votre sentiment de persécution, monsieur Bussereau, mais je suis effectivement un régionaliste convaincu et vous ne me changerez pas. Je ne vous ferai pas de mauvais procès en vous disant que vous êtes départementaliste à cause du mode de scrutin… D’ailleurs, à titre personnel, je suis favorable à un mode de scrutin mixte.
Le projet de loi supprimant aux conseils départementaux toute compétence – ou presque – en matière de transports et de mobilité, ceux-ci ne sont donc plus véritablement concernés par l’élaboration du schéma régional de l’intermodalité et ne doivent plus être associés à son approbation. Il est vrai que depuis ce que nous avons voté hier soir, c’est un peu plus compliqué…
La parole est à Mme Colette Capdevielle, pour soutenir l’amendement no 496 .
La commission a émis un avis favorable à ces amendements, considérant qu’ils n’ont pas une portée aussi radicale que ce que laissent entendre les mots employés par M. Molac. Il ne s’agit pas de supprimer l’avis des départements mais l’obligation d’avis conforme, ce qui allège la procédure. Les départements ayant depuis quelques heures retrouvé la compétence en matière de transports scolaires – je rappelle que celles et ceux qui ont défendu cette disposition nous ont expliqué que les transports scolaires étaient une part spécifique et quasiment étanche par rapport aux autres transports – il paraît logique d’alléger la procédure et de supprimer l’obligation d’avis conforme des départements lors de l’élaboration du schéma régional de l’intermodalité.
Même avis favorable.
Madame la ministre, une fois de plus votre gouvernement nous fait perdre notre latin… Je croyais avoir compris, hier soir, que les départements seront à nouveau subdélégataires en matière de transports scolaires. Ils ne seront donc plus associés aux schémas. Il a été admis que, dans la pratique, les régions seront probablement incapables d’être vraiment opérationnelles sur cette compétence. Il demeure donc intéressant, cher collègue Molac, de conserver l’avis conforme des départements sur les schémas de mobilité.
Je voudrais intervenir sur ces deux amendements portés par une même volonté politique. Je ne reviens pas sur les arguments que je viens de développer concernant le financement des infrastructures de transport, souvent majoritairement assumé par les départements et les intercommunalités, dans le cadre des contrats de plan que nous venons de signer, les uns et les autres, avec notre préfet de région, parfois en présence du Premier ministre, mais pour mettre en place l’intermodalité il faut des routes.
Je prendrai l’exemple de mon département, qui compte cent trente kilomètres de routes nationales et plus de six mille kilomètres de routes départementales. On ne peut à la fois dire aux départements d’assurer l’entretien des routes et de payer et, quand il s’agit de réfléchir à l’intermodalité, leur demander de rester au fond de la classe et d’attendre la sonnerie.
Mon propos ira dans le même sens que celui de notre collègue Dominique Bussereau, président de l’Assemblée des départements de France.
Depuis le vote intervenu hier, cet amendement devrait être retiré, comme l’a été le précédent. Il n’a plus de sens dans la mesure où, hier, l’Assemblée nationale s’est prononcée par le biais d’un scrutin public. Ce n’est plus la décision de Pierre, Paul ou Jacques. Si nous ne respectons pas cela, il ne sert à rien de soumettre des propositions au vote. Cet amendement n’a plus lieu d’être. Il avait une cohérence dans le texte initial mais à ce stade, objectivement, il devrait être retiré.
Désormais l’avis conforme des conseils départementaux ne sera plus nécessaire, or pour mettre en place l’intermodalité, comme vient de nous l’expliquer excellemment Dominique Bussereau, il faut des routes comme nous en avons dans nos départements. Nous aurons l’occasion, au cours de notre débat, d’évoquer les transports, en particulier le transport par car. Celui-ci nécessite des routes, qui sont gérées par les départements.
Dans la mesure où les transports scolaires restent dans le giron départemental, les départements doivent donner un avis conforme. Le supprimer ne serait pas cohérent.
Qui dit avis conforme dit tutelle des départements sur le schéma régional.
Si, et c’est bien le problème. En réalité, vous le savez bien, les départements sont toujours associés au schéma de la région. Si vous inscrivez dans la loi qu’ils doivent donner un avis conforme, pouvons-nous imaginer, dans les régions qui comptent jusqu’à quinze départements, qu’un seul département puisse bloquer le schéma intermodal ? Cela me semble peu cohérent.
La parole est à M. Patrick Mennucci, pour soutenir l’amendement no 616 .
L’une des nombreuses spécificités de la loi de modernisation de l’action publique territoriale, dite loi Maptam, concerne la compétence relative à l’organisation de la mobilité dans le ressort de la nouvelle métropole de Lyon.
Par dérogation, le Sytral, syndicat mixte des transports pour le Rhône et l’agglomération lyonnaise, et la Métropole de Lyon sont deux autorités ayant des ressorts territoriaux propres. Par décision de la Métropole, le syndicat mixte intervient donc sur plusieurs ressorts territoriaux pour l’exercice des compétences transport urbain, dont l’élaboration du plan de déplacement urbain unique, actuellement en cours de révision, afin d’assurer une coordination et une rationalisation des déplacements sur l’ensemble du périmètre géré par le Sytral.
Le présent amendement prend en compte cette spécificité et entend préserver la politique de déplacement menée sur ce territoire, son réseau de transport performant et son financement.
C’est pourquoi je propose que le ressort territorial pour l’élaboration du plan de déplacement urbain dans l’agglomération lyonnaise soit celui de l’autorité assurant l’exercice effectif de la compétence d’organisation des transports.
Cet amendement propose une adaptation des plans de déplacement urbain aux caractéristiques de la Métropole de Lyon. Avis favorable.
Même avis favorable. Si M. Mennucci l’accepte, je lui propose de rectifier l’amendement pour faire plutôt figurer cet alinéa après l’alinéa 73.
Bien sûr ! Je fais entièrement confiance à Mme la ministre et je tiens à préciser que je suis toujours marseillais…
L’amendement no 616 , tel qu’il vient d’être rectifié, est adopté.
L’article 8 ter, amendé, est adopté.
Plusieurs orateurs sont inscrits sur l’article.
La parole est à M. Jacques Pélissard.
Je souhaite poser une question à Mme la ministre, non sur les ports dont traite l’article 11 mais sur les aéroports. Il en existe un dans mon département du Jura, dont la capacité est de 120 000 personnes et qui dessert essentiellement les départements limitrophes. Il me semble important qu’il ne soit pas géré par le seul département du Jura mais relève de la région. La compétence économique, qui comprend le tourisme, est régionale, comme la compétence transport. Pouvez-vous, madame la ministre, préciser qu’un aéroport inférieur à une certaine taille relève bien de la compétence régionale ?
L’article, que j’évoquerai dans son ensemble afin de ne pas y revenir lors de l’examen des amendements, traite des ports. Les transférer tous aux régions sans y réfléchir davantage n’est pas acceptable. Les ports sont de toutes natures. Les grands ports maritimes relèvent de l’État comme l’a décidé le précédent gouvernement. Certains ports sont d’intérêt régional, d’autres d’intérêt départemental. Si ceux-ci présentent un certain trafic, il est légitime qu’ils soient traités par la région dans le cadre de sa compétence économique. Que les ports de Rochefort ou de Tonnay-Charente qui travaillent déjà avec ceux de La Rochelle et Bordeaux relèvent de la région, cela me semble relativement logique.
Mais on ne peut pas traiter tous les ports de la même manière. Outre les ports de commerce connaissant un certain trafic, il existe les ports de pêche qui sont très divers, des ports de pêche dont le chiffre d’affaires est très important aux ports conchylicoles, ostréicoles et mytilicoles comptant très peu de petits navires. Parmi les ports de plaisance, le port de La Rochelle compte 10 000 anneaux, d’autres 50 ou 100. Il n’est donc pas acceptable de traiter des ports au sens large. Je souhaite que le Gouvernement, la majorité de l’Assemblée et celle du Sénat aboutissent à une disposition relative aux ports plus utile.
Quant aux aéroports, je signale, en complément de ce qu’a dit M. Pélissard, une difficulté très importante. À la suite de la jurisprudence Charleroi, la Commission européenne fait la chasse à certaines aides aux aéroports régionaux. Notre carte aéroportuaire est certainement pléthorique. J’ai eu le plaisir voici quelques années d’inaugurer auprès du futur Président de la République l’aéroport de Brive construit par le conseil général de Corrèze. Cet aéroport est à 800 000 passagers du commencement de la réalité ! Il faudra donc maintenir certains aéroports. Certains seront aidés par les régions, d’autres constitueront des syndicats mixtes, comme c’est le cas dans mon département, associés à la région et aux collectivités. Mais que les choses soient bien claires, nos aéroports vont mourir avec l’aide du Gouvernement qui a considérablement diminué les moyens des chambres de commerce et littéralement volé leurs réserves !
Ces réserves devaient parfois servir à de grands investissements. Ainsi, ceux qui ont été de bons gestionnaires ont été victimes d’un rapt !
Le Gouvernement devra donc dire très clairement ce qu’il attend des aéroports faute de quoi la carte aéroportuaire française s’écroulera et des dizaines de milliers d’emplois induits, en particulier dans le secteur touristique, disparaîtront.
Il est un peu exagéré d’évoquer un vol des chambres de commerce, monsieur Bussereau. Je vous rappelle que celles-ci ne sont pas des regroupements d’entreprises mais des établissements publics de l’État alimentés par la fiscalité, comme on l’oublie souvent. Si un établissement dispose d’un fonds de roulement pour trois, quatre voire dix mois alors même qu’on demande à l’État de réduire ses dépenses de 100 milliards d’euros sans augmenter la fiscalité des entreprises, il est de bon ton de demander le retour des fonds de roulement, d’autant plus qu’ils sont garantis par ailleurs.
Vous le savez bien, monsieur Bussereau, car vous avez sans doute reçu comme moi en votre temps plusieurs rapports relatifs à la gestion des chambres de commerce. Dans ce cadre, elles sont confrontées à une grande difficulté en matière de gestion des aéroports comme d’ailleurs des ports. Comme ce sont des établissements publics de l’État répondant à des appels d’offres, elles sont obligées de disposer d’un budget annexe. Même si celui-ci est largement bénéficiaire, le concédant, la chambre de commerce en l’occurrence, n’a pas le droit d’utiliser les bénéfices de l’aéroport ou du port pour les réinjecter ailleurs. Telles sont les règles de droit des appels d’offres. Il résulte parfois de ce cadre juridique très précis le placement de fonds de roulement très importants alors même que les représentants des entreprises demandent la diminution de l’impôt économique versé !
Nous n’allons pas ouvrir ce chantier maintenant mais il y a là matière à un beau colloque et si vous en organisez un sur les fonds de roulement des chambres de commerce ou la gestion de leur budget, monsieur Bussereau, j’y viendrai ! Pour en revenir aux aéroports, l’État a ouvert la possibilité aux régions de gérer ceux qui relèvent de l’État. Actuellement, certains aéroports sont gérés par les départements, d’autres par des syndicats mixtes et rien de tout cela ne changera. La gestion par un syndicat mixte, qui est un cas fréquent, pourra être conservée. Il est néanmoins de bon ton, comme le suggère à raison le président Pélissard, d’envisager l’intervention de la région. Je ne peux pas introduire par amendement une disposition législative d’une telle importance car les régions n’ont pas obtenu la compétence aéroportuaire. Mais comme elles ont l’intégralité de la compétence transport, hormis les transports scolaires, objet en France d’une guerre qui fera longtemps parler d’elle, il me semble intéressant qu’elles gèrent l’ensemble des aéroports en plus de ceux qu’elles gèrent déjà, ce qui par ailleurs répondrait à la préoccupation de M. Bussereau relative à la carte aéroportuaire.
Certains aérodromes sont classés comme des aéroports, ce qui soulève un certain nombre de difficultés, d’autant plus que les aides directes aux entreprises de transport dont le siège social est rarement dans l’aéroport utilisé sont conditionnées à une réelle nécessité de service public, comme c’est le cas à Aurillac, par exemple, où il faut verser de l’argent public à un exploitant privé afin d’assurer la liaison. C’est le seul cas envisagé par la réglementation européenne comme d’ailleurs la nôtre, car il n’y a pas de raison qu’un aéroport offre de l’argent public à quelqu’un pour arriver chez lui et non à quelqu’un d’autre à vingt-cinq kilomètres !
Nous avons donc tout intérêt à gérer tout cela globalement. Je suis d’accord avec vous, monsieur Pélissard, mais je ne peux pas initier ici le processus législatif. Nous tâcherons de prévoir une disposition spécifique mais je ne peux ici que livrer l’esprit de la loi. Nous redessinerons la carte des aéroports pour chaque région de France dans le cadre des contrats de plan État-région, nonobstant bien entendu le rôle de l’État qui doit gérer de grands aéroports aux caractéristiques distinctes. Quoi qu’il en soit, je vous remercie de vos remarques, messieurs les députés, car elles sont justes. Je vous confirme que les ports comme les aéroports peuvent être gérés par des syndicats mixtes, comme c’est le cas de plusieurs ports du nord de la France et d’autres régions.
Les syndicats mixtes resteront bien évidemment autorisés car il s’agit d’une démarche volontaire entre un conseil régional, des conseils départementaux, une ville et tout acteur public intéressé par un syndicat mixte de gestion. Cela permet de répondre à une première inquiétude à propos de la façade maritime française, dont nous savons tous qu’elle n’est pas la mieux exploitée du monde et que nous essayons tous de faire monter en gamme. C’est pourquoi la possibilité du syndicat mixte est maintenue. On entend souvent qu’il faut faire la différence entre port de commerce et port de pêche, mais certains très grands ports de pêche supposent d’importants moyens de transport frigorifique par voie ferrée afin d’atteindre rapidement les marchés européens.
Cela suppose le soutien de la région en matière de roll on-roll off interne grâce à la plateforme de mobilité qui sera mise en place. Il est donc logique, compte tenu des décisions très lourdes qu’il faut prendre en termes d’intermodalité dans les ports, que la région gère les grands ports. Nos discussions montreront peut-être qu’il existe de petits ports de plaisance actuellement gérés par les intercommunalités mais un grand port de commerce ou de pêche nécessite un traitement très lourd à porter de la mobilité dans les hinterlands, exigeant une cohérence. Telle est ma réponse aux remarques qui ont été formulées. Je répondrai donc brièvement aux amendements.
L’article 11 prévoit le transfert de la propriété, l’aménagement, l’entretien et la gestion des ports relevant des départements aux autres collectivités territoriales dans le ressort desquelles sont situées les infrastructures. L’article avait un sens tant que le Gouvernement entendait transformer les conseils départementaux en coquilles vides, ce qui est loin d’être le cas aujourd’hui. C’est pourquoi nous proposons la suppression de l’article à laquelle a également procédé le Sénat.
La parole est à M. Dominique Bussereau, pour soutenir l’amendement no 140 .
L’article 11 vise en effet à transférer à la région ou au bloc communal la propriété, l’aménagement, l’entretien et la gestion des ports relevant du département. On distingue actuellement les ports relevant de la compétence de l’État, soit onze grands ports maritimes et deux ports autonomes fluviaux, et les ports décentralisés dont le nombre est estimé à plus de 500. L’amendement propose de supprimer l’article pour satisfaire l’attente des départements portuaires souhaitant légitimement conserver la gestion des ports qui leur ont été transférés par les lois de décentralisation. Ils considèrent à raison que l’article ne clarifie en rien l’enchevêtrement des compétences en matière d’exploitation des ports maritimes et procède plutôt d’une volonté politique désormais révolue visant à réduire les compétences des départements.
Les dispositions ont d’ailleurs été réécrites à l’Assemblée nationale en première lecture afin de tenir compte du fait que les ports peuvent être gérés par plusieurs départements ou par un groupement de collectivités territoriales associant le département. Par conséquent, la réalité d’une gouvernance partagée plaide pour le maintien des compétences du département en matière de ports maritimes et intérieurs. Enfin, il convient de souligner que le transfert des ports à la région ou au bloc local mettra un terme à la cohérence des politiques dont un port a pourtant grand besoin.
La parole est à M. André Chassaigne, pour soutenir l’amendement no 769 .
Nous regrettons nous aussi que la commission des lois de notre assemblée ait rétabli l’article.
Il a été supprimé à deux reprises par le Sénat et vise en effet à transférer aux régions ou au bloc communal les ports maritimes et intérieurs gérés par les départements au plus tard le 1er janvier 2017.
Comme l’a très bien rappelé la commission des lois du Sénat, l’article 11 soulève plusieurs difficultés. Tout d’abord, on peut se poser la question de savoir en quoi il s’inscrit dans l’objectif affiché de clarification des compétences. La réponse de la commission des lois du Sénat à cette question est la suivante : « par la suppression illégitime d’un échelon d’action territoriale, sans réagencement des autres compétences ». En effet, la simplification proposée résulterait uniquement du transfert de la propriété, l’aménagement, l’entretien et la gestion des ports maritimes et intérieurs appartenant aux départements aux régions ou au bloc communal. Ainsi, 272 ports décentralisés actuellement gérés par les départements sont concernés par cet article.
Deuxièmement, les dispositions de l’article reprennent celles de l’article 30 de la loi du 13 août 2004 prévoyant la décentralisation des ports non autonomes relevant de l’État sans prendre en compte la spécificité du transfert d’une collectivité territoriale à une autre. En effet, contrairement aux infrastructures gérées par l’État, les infrastructures déjà décentralisées associent de nombreux acteurs locaux et la complexité des conventions qui les lient n’est pas compatible avec un mécanisme de transfert simplifié.
Enfin, ces dispositions procèdent exclusivement d’une volonté politique visant à réduire les compétences des départements, or ceux-ci disposent d’une quadruple compétence sur les ports et ont particulièrement investi dans ces infrastructures. Ce transfert à d’autres collectivités territoriales est inutile et même contre-productif.
Sourires.
La commission des lois a en effet réintroduit l’article. Elle s’oppose donc par définition à sa suppression. Par ailleurs, M. Bussereau appelle de ses voeux une ouverture et un compromis contraires à la suppression brutale de l’article 11 qu’il propose, conforme au vote du Sénat, ce qui fermerait la porte à tout compromis.
Votons donc l’article en l’état, ne le supprimons pas. Peut-être la demande de compromis de M. Bussereau pourra-t-elle être entendue dans une ultime étape du processus parlementaire. Avis défavorable.
Excellente intervention du rapporteur !
Je me range à son avis.
Permettez-moi cette simple réponse à notre excellent rapporteur : puisque la commission des lois a préféré pratiquer la hache plutôt que la finesse, notre amendement répond à la hache de la commission des lois par le fléau !
Et dire que nous allons être dans la même région, monsieur Bussereau…
La parole est à M. Marc Le Fur.
Mon collègue et ami Dominique Bussereau me pardonnera de me singulariser quelque peu par rapport à lui. Le but n’est pas tant de régionaliser les ports que de créer une cohérence, ce que seule la région peut permettre aujourd’hui.
Prenons l’exemple très concret de ports qui relèvent aujourd’hui du département.
Je pense, c’est vrai, à des ports départementaux bretons que j’ai pu visiter. Ils aspirent à une cohérence régionale. Il y a aujourd’hui trois ports à compétence régionale en Bretagne ; si nous allons au bout de la logique que vous développez, il y en aura demain treize.
Pourquoi ces ports aspirent-ils à une cohérence régionale ? Parce qu’il y a un certain nombre d’équipements à répartir entre les ports, des arbitrages à faire, des cohérences économiques, des financeurs distincts de part et d’autre.
Il ne s’agit pas d’exclure des départements, mais de permettre cette cohérence par une « maîtrise d’ouvrage » commune. J’en veux pour preuve l’exemple de la relation entre Concarneau, aujourd’hui port départemental, et Lorient, port régional : ce sont deux ports extrêmement proches, entre lesquels nous avons tout intérêt à créer des cohérences, et qui aujourd’hui ne le peuvent pas, parce qu’ils ne relèvent pas de la même autorité locale.
Ce qui m’inquiète un peu, c’est le propos de notre rapporteur, qui dit implicitement à M. Bussereau : je vous donne tort aujourd’hui, mais dans le cadre d’un compromis, dans une instance feutrée, autrement dit dans le cadre d’une CMP – or il n’y a pas plus opaque qu’une CMP…
Sourires
Elle n’est pas publique, ne rend pas compte de son activité, etc.
Cela m’inquiète un peu, car si les ports ne sont pas transférés aux régions, cela veut dire que de fait, il n’y a plus rien dans cette loi en termes de transferts.
Je sais que c’est le voeu de certains ; ce n’est pas le mien. En tout état de cause, je suis attaché à ce que nous gardions au moins l’un des rares éléments de la logique initiale du texte qui pourrait subsister…
…à savoir la régionalisation des ports, non pour privilégier la région par rapport au département, mais parce qu’à un moment donné, il faut cette cohésion et cette cohérence – et je prétends ici représenter un secteur où la question n’est pas annexe mais essentielle, aussi bien pour les ports de commerce que pour les ports de pêche.
Je vois que je ne suis pas le seul à alimenter le sentiment de persécution de M. Bussereau…
Certes non !
Ces amendements ont le même objet : permettre à la région de connaître précisément et en amont la liste des ports qui lui seront transférés automatiquement en l’absence de demande de transfert d’une collectivité ou d’un groupement au 31 mars 2016.
Si ces quatre amendements semblent aller dans le bon sens, ils introduiraient des dispositions un peu complexes dans le texte. La commission a donc préféré y donner un avis défavorable.
Même avis.
La parole est à M. Pascal Demarthe, pour soutenir l’amendement no 1294 .
Le présent amendement vise à sécuriser, jusqu’au terme des contrats de concession en cours entre les départements et les chambres de commerce et d’industrie, le fonctionnement d’infrastructures portuaires importantes pour l’économie de la France et pour les bassins de vie qui en dépendent.
En effet, sur les vingt-six ports départementaux visés par l’article 11, vingt-quatre sont actuellement gérés par les chambres de commerce et d’industrie territoriales dans le cadre de contrats de concession. De fait, ces chambres de commerce et d’industrie sont directement responsables du bon fonctionnement des ports et des 30 000 employés qui y travaillent.
Or le projet de loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques prévoit la réorganisation des chambres de commerce et d’industrie d’ici au 31 octobre 2015, de sorte que les chambres de commerce et d’industrie territoriales pourraient changer prochainement de statut ou disparaître par fusion avec d’autres. Un tel changement de statut est une cause possible de rupture d’un contrat de concession.
Si cette réorganisation est nécessaire, elle a donc pour effet – dans l’immédiat et alors que les ports changent déjà de propriétaire – de fragiliser la relation contractuelle avec leurs gestionnaires.
Dans la mesure où, pour accompagner le transfert de la compétence portuaire aux régions et au bloc communal, mais aussi la réforme du régime d’emploi des dockers actuellement discutée à l’Assemblée nationale, il apparaît nécessaire de s’appuyer sur les gestionnaires actuels des ports, qui sont les employeurs du personnel portuaire, il est proposé de sécuriser les contrats de concession en vigueur en permettant aux chambres de commerce et d’industrie aujourd’hui concessionnaires de conserver leur statut jusqu’au terme de la concession.
Il me semble que l’amendement no 865 n’a pas été appelé, monsieur le président.
L’amendement qui vient d’être défendu confond deux questions distinctes : celle du transfert aux régions et au bloc communal des ports départementaux – sur ce point, l’article 11 prévoit déjà que les délégations de service public portant sur les ports transférés seront prorogées jusqu’au 31 décembre 2017 – et celle de l’avenir des chambres de commerce et d’industrie territoriales, qui doivent être réorganisées en application de la loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, dans l’objectif de renforcer le rôle des chambres de commerce et d’industrie régionales. Ce sont les deux raisons pour lesquelles la commission est défavorable à cet amendement.
Pour ma part, je demande le retrait de cet amendement : il est quasi superfétatoire puisqu’en cas de transformation d’une des deux parties à un contrat ou de transfert de compétences, la nouvelle personne bénéficiaire du contrat se substitue à la chambre de commerce et d’industrie dans ses droits et obligations. La pérennité du contrat est ainsi assurée quoi qu’il arrive. À défaut de retrait, l’avis du Gouvernement serait donc défavorable.
L’amendement no 1294 n’est pas adopté.
La parole est à Mme Joëlle Huillier, pour soutenir l’amendement no 206 rectifié .
L’évolution des activités portuaires, notamment des grands ports maritimes et des ports régionaux, a un impact économique et social important sur les activités dans l’arrière-pays.
Il convient d’articuler, au niveau régional, la politique portuaire avec les politiques industrielles menées dans les territoires.
Cet amendement vise donc à rendre compatibles les orientations stratégiques de développement portuaire avec le nouveau schéma régional de développement économique, d’innovation et d’internationalisation.
Je vous invite à retirer votre amendement, madame Huillier. À défaut, l’avis de la commission serait défavorable. Cet amendement vise à ce que chaque grand port maritime respecte le schéma régional de développement économique, d’innovation et d’internationalisation. Non seulement il aurait dû être présenté à l’article 2 mais, sur le fond, il n’y a pas lieu de contraindre un établissement public relevant de l’État à respecter un schéma régional, qui a vocation à organiser l’exercice de compétences locales.
Même avis.
L’amendement no 206 rectifié est retiré.
L’article 11 est adopté.
La parole est à M. André Chassaigne, pour soutenir l’amendement no 770 , qui vise à supprimer l’article.
L’article 12 bis AA prévoit que la région est associée au recteur dans la délimitation de la carte scolaire. Ainsi, il prévoit que le recteur et le conseil régional tiennent compte des critères d’équilibre démographique, économique et social et veillent à la mixité sociale. Si le recteur conserve le dernier mot en cas de désaccord, nous préférons nous en tenir à la version actuelle de cet article du code de l’éducation, où la définition du district de recrutement des élèves des lycées de l’académie est effectuée par l’État. Nous pensons que ce dernier est le meilleur garant de l’unité et de la cohérence nationales, indispensables lorsqu’il s’agit d’éducation.
Le représentant de l’État en région est ainsi le mieux placé pour tenir compte des réalités propres au territoire, tout en conservant un cadre national fort qui préserve en tout lieu les conditions d’un égal accès de tous les enfants à l’école républicaine. Nous souhaitons d’autant moins l’adoption de cet article que son troisième alinéa prévoit que « l’autorité académique affecte les élèves dans les lycées publics en tenant compte des capacités d’accueil des établissements », ce qui est en contradiction directe avec l’objectif de la sécurisation. La définition de la carte scolaire ne doit pas être guidée par une politique de moyens, mais par la volonté de favoriser la mixité sociale, laquelle orientera ensuite l’affectation des ressources.
Cette disposition avait été introduite par la commission des lois en première lecture. Vous comprendrez donc qu’elle s’oppose à sa suppression : avis défavorable.
Je voudrais rassurer M. Chassaigne. Nous avons tous intérêt à ce qu’il y ait une coordination entre les grands acteurs publics, l’État et la région sur les territoires, en particulier les plus en difficulté. Très souvent, nous l’avons vu, la priorité des uns n’est pas celle des autres. Je pense que nous avons plutôt à gagner à cette confrontation entre acteurs publics pour réussir à créer un peu plus d’équilibre sur notre territoire.
Avis défavorable.
Une fois n’est pas coutume, je voudrais essayer de convaincre mon collègue Chassaigne. Je vois mal comment une région pourrait ne pas se préoccuper de la carte des formations, à commencer par les formations professionnelles, puisqu’elle s’occupe à la fois de l’apprentissage, des demandeurs d’emploi et des lycées professionnels et que nous essayons de mutualiser les équipements. Si les régions sont simplement des équipementiers, cela ne change strictement rien par rapport à l’égalité des chances.
J’ajoute que depuis que les régions, comme les départements pour les collèges, ont pris la responsabilité de la construction de l’équipement et des parcours de réussite des élèves, cela ne se passe certes pas parfaitement, mais cela se passe bien mieux.
« C’est vrai ! » sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
Allez sur le site internet du ministère de l’éducation nationale, monsieur Chassaigne : vous verrez qu’en euros constants, l’effort des régions ou des départements a été multiplié par six depuis le transfert de compétences.
Lorsque nous sommes confrontés à des évolutions de population, ou encore à une désaffection à l’égard des lycées professionnels, comme c’est le cas aujourd’hui, pouvons-nous, nous collectivités publiques, nous permettre d’avoir en face de nous une espèce d’anarchie et de courir après le choix des parents ou des élèves ? Non : il faut que ce soit un choix partagé.
Dans tous les pays d’Europe, la décentralisation est même allée beaucoup plus loin et, au vu des rapports PISA, les résultats sont impressionnants en ce qui concerne l’égalité des chances et l’ascenseur social, ce à quoi vous devriez être particulièrement sensible. Que ce soit dans ce domaine-là ou sur le schéma université et recherche, où les contrats de plan montrent l’engagement massif des régions, une compétence partagée est nécessaire.
Me voici peut-être dans un superbe isolement sur cette question... Votre intervention, monsieur Rousset, montre bien que le système actuel donne déjà des résultats en termes de coopération et de coordination. L’objectif recherché, c’est, grâce à des ajouts progressifs de compétences, de muscler la région au détriment de l’État. On peut chercher tous les arguments qu’il convient, voire en fabriquer, mais il faut avoir l’honnêteté de dire, comme vous le faites d’ailleurs, monsieur Rousset, que l’objectif est bien celui-là. Même si j’aurai du mal à vous convaincre tous, je voudrais tout de même vous donner un exemple. Aujourd’hui, quand se pose la question du maintien d’un établissement scolaire, que ce soit d’un collège en milieu rural ou d’un lycée touché par une baisse du recrutement, la première décision sur l’offre d’éducation est prise par l’État, et la collectivité territoriale, quelle qu’elle soit, arrive après. Si l’on change cet ordre-là, la priorité de l’éducation pour tous sera inéluctablement remplacée par des considérations budgétaires.
Monsieur Chassaigne, votre argument a été utilisé a contrario, en disant que si les départements ne s’occupaient plus des collèges, l’État en fermerait davantage ! On ne peut pas avoir deux positions et deux types d’arguments. La carte des lycées dans les régions témoigne d’une multiplication des établissements, en accord avec l’État. On ne peut pas dire qu’il faut laisser les collèges aux départements pour qu’il y en ait moins qui ferment parce que les départements les défendront, et avancer le contraire pour les lycées.
L’amendement no 770 n’est pas adopté.
L’article 12 bis AA est adopté.
Je suis saisi d’un amendement, no 771 , de suppression de l’article 12 bis A. La parole est à M. Chassaigne pour le soutenir.
Cet article tend à renforcer le rôle des régions en matière de recherche et d’enseignement supérieur. Il modifie l’article L. 214-2 du code de l’éducation, en prévoyant l’élaboration par la région d’un schéma régional de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation. En outre, il prévoit que les interventions des autres collectivités territoriales en la matière devraient désormais prendre en compte les orientations du schéma régional d’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation. Cet article s’inscrit dans la logique d’éclatement de l’enseignement supérieur et de la recherche, en donnant aux régions des responsabilités sur les formations et le contenu même de celles-ci.
La loi relative aux libertés et responsabilités des universités, dite LRU, instaurée par la droite, avait ouvert la voie à cet éclatement au nom de l’autonomie des universités. La loi Fioraso de 2013 et la loi de 2014 relative à la formation professionnelle ont malheureusement confirmé le processus de remise en cause de l’égalité d’accès pour toutes et tous à l’enseignement supérieur sur l’ensemble du territoire national et d’un cadrage national des formations et des diplômes. Nous demandons la suppression de cet article qui aggraverait encore la menace qui pèse sur l’existence même d’une politique nationale de recherche et des établissements publics à caractère scientifique et technologique déjà gravement affaiblis par la mise en place des communautés d’universités et établissements.
Cet article ayant été ajouté par la commission des lois, elle s’oppose sans surprise à sa suppression.
Même avis. Monsieur Chassaigne, il faut faire attention à la façon dont nous nous exprimons collectivement. La région est un acteur de la puissance publique. Que ce soit après la décentralisation ou avant, l’action publique est conduite par l’État, les régions, les conseils départementaux ou le bloc communal. Ces acteurs publics sont inscrits dans une organisation territoriale de la République. Ce sont donc bien des puissances publiques qui s’occuperont du schéma régional.
L’amendement no 771 n’est pas adopté.
L’amendement no 328 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.
Chacun est bien conscient que, indépendamment des postures ou des positions des uns et des autres, le fait régional s’impose. C’est parce que j’en suis convaincu que je regrette que le Gouvernement n’ait pas eu la clairvoyance suffisante pour conserver les régions et envisager l’extinction des conseils généraux devenus conseils départementaux. Il est évident que le sens de l’histoire veut que les régions s’emparent, à plus ou moins brève échéance, des questions d’économie, à travers la mise en oeuvre des schémas, aussi bien pour les thématiques du tourisme et de l’emploi, que de la formation et de l’enseignement supérieur.
Ma perspective, cet après-midi, c’est de permettre aux régions d’autoriser et d’organiser l’enseignement des langues régionales.
Je voudrais appeler l’attention de mes collègues sur cette question. Plusieurs locuteurs régionaux s’accordent à faire fructifier le patrimoine oral issu de notre histoire, de nos racines et de nos cultures. Je souhaiterais que les régions puissent s’emparer à pleines brassées de la thématique des langues régionales. Il y a 200 000 locuteurs bretons en Bretagne, 200 000 locuteurs du gallo, 600 000 locuteurs alsaciens et entre 150 000 et 200 000 locuteurs corses.
Le sujet existe bel et bien. Or, c’est le sens de l’histoire de permettre aux régions d’autoriser et d’organiser l’enseignement des langues régionales. Cette perspective est compatible avec ce que nous défendons à l’UDI à travers la ratification et la mise en oeuvre de la charte des langues régionales et minoritaires au niveau européen.
La mention que M. Benoit propose d’ajouter n’a pas grand-chose à faire dans cet article sur l’enseignement supérieur et son schéma régional. Par contre, il est largement satisfait, puisque, à l’initiative de Paul Molac, la commission des lois, en première et en deuxième lectures, a donné compétence aux régions pour assurer la promotion des langues régionales. Par ailleurs, également à l’initiative de Paul Molac, nous avons adopté des amendements pour faciliter la scolarisation des enfants en langues régionales, y compris en prévoyant un mécanisme résolutoire. Cette question est traitée et elle n’a pas à apparaître spécifiquement dans un article sur le schéma régional de l’enseignement supérieur. Je suggère donc le retrait de l’amendement, à défaut de quoi j’émettrai un avis défavorable.
Même avis, puisque l’amendement est satisfait. Nous avions déjà eu ce débat en première lecture. Les régions peuvent, par exemple, contribuer à la formation des enseignants en langues régionales, y compris créer, en accord avec l’État, des maisons de la formation en langue régionale. Il s’agit dans cet amendement de l’enseignement proprement dit. Or, le contenu de l’enseignement est resté de la compétence de l’État. En revanche, la formation des enseignants peut maintenant, grâce à votre travail, être portée par la région.
Je suis saisi de plusieurs demandes d’interventions. N’ayez crainte : je donnerai la parole à chacun pour représenter la diversité régionale et linguistique du territoire.
La parole est à M. Gwenegan Bui.
Nous représentons effectivement l’ensemble des territoires de France, mais aussi l’unité de la nation. C’est pour cela que nous pouvons parler sans crainte du développement des langues régionales. J’ai bien entendu les arguments du rapporteur qui a expliqué pourquoi cet amendement était déjà satisfait. Cela répond à un regret que j’avais : avec plusieurs collègues d’une région périphérique, nous avions déposé un amendement qui avait été considéré comme irrecevable. Je tiens à souligner les avancées réelles concernant le développement des langues régionales dans notre pays depuis 2012, que ce soit grâce à la loi du 27 janvier 2014 de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles, dite MAPTAM, qui avait donné aux régions dans son article 1er une compétence en ce sens, ou grâce au principe de la convention spécifique relative au développement des langues régionales, qu’il faut désormais rédiger. Cet amendement a un intérêt, en ce qu’il permet de consolider les langues régionales dans leur acception au niveau de l’enseignement supérieur.
L’enseignement supérieur, c’est l’aboutissement du processus de formation, qu’elle soit initiale ou professionnelle, notamment pour les enseignants qui veulent se former à la langue de leur région et qui méritent aussi, s’ils le souhaitent, d’aller plus loin dans leur formation. Il y a des progrès. J’entends les arguments du rapporteur, mais il n’en reste pas moins que je compte sur la pugnacité de nos collègues Le Fur et Benoit, pour conduire l’ensemble des groupes dans cette assemblée à faire le pas décisif pour faire ratifier au Congrès la charte des langues régionales.
Sur l’amendement no 939 , je suis saisi par le groupe Les Républicains d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. Marc Le Fur.
Je souscris tout à fait à cet excellent amendement et je ne vois pas quelles raisons pourraient s’y opposer. La transmission des langues régionales était naguère le fait de la famille, elle est maintenant essentiellement, qu’on le veuille ou non, le fait des écoles, qu’il s’agisse des réseaux associatifs, de l’enseignement catholique ou public, qui a beaucoup progressé sur cette question. Il y a des écoles primaires, quelques collèges, mais l’offre est très limitée dans les lycées. La région doit donc avoir les moyens juridiques de s’investir directement dans l’organisation des langues régionales et de leur enseignement.
C’est pour cela que cet amendement me semble tout à fait pertinent. Je ne comprends pas qu’un gouvernement qui prétende vouloir nous faire valider la charte européenne des langues régionales, à laquelle j’adhère depuis longtemps, fasse obstacle et montre une réticence à l’égard d’un tel amendement. Nous avons besoin dans nos lycées d’un enseignement des langues régionales qui fait aujourd’hui trop souvent défaut. Combien de fois n’ai-je pas rencontré des parents qui avaient fait en sorte que leurs enfants puissent suivre une scolarité leur permettant de s’ouvrir aux langues régionales ? Si dans le primaire, l’offre existe, c’est déjà plus compliqué dans les collèges, et ces parents sont confrontés à l’absence d’offre dans les lycées.
Levons cet obstacle en donnant la possibilité aux régions de s’investir très explicitement. Certaines le font déjà, mais allons au fond des choses ! Je ne comprends pas très bien M. Bui qui adhère sur le fond à cet amendement qu’il votera, je l’espère, et je ne comprends pas davantage Mme Lebranchu qui, plus que d’autres ici, est sensibilisée à ces questions des langues régionales, du fait de son secteur d’origine. Il faut que nous fassions collectivement un effort pour les langues régionales. Puisque la loi NOTRe ne sert pas à grand-chose,…
…comme nous commençons à le comprendre, qu’elle serve au moins à cela !
Sourires.
Vous m’accorderez tout de même que les interventions des uns et des autres sont assez ciblées !
Vous pourriez également appeler mon collègue Camille de Rocca Serra par le prénom de son grand-père, qui fut également député, Jean-Paul, et me prénommer François ; cela m’est souvent arrivé et ne me pose pas de problème.
Il me semble que, sur le sujet qui nous occupe, il convient de distinguer le fond, l’ambiance, et l’objet. Sur le fond, l’État constitutionnel reconnaît les langues régionales, comme patrimoine de la République, patrimoine de la nation, c’est-à-dire ces vieilles choses qu’il faut protéger sans pour autant les utiliser comme elles l’étaient à une certaine époque.
S’agissant de l’ambiance, permettez-moi de la résumer par une citation : quand on parle des langues régionales, et quel que soit l’objet de la discussion, qui peut être technique, assez logique et relativement modeste, on pense aux mots de Molière, « couvrez ce sein que je ne saurais voir ». J’appelle d’ailleurs votre attention sur le fait qu’il y a dans les textes de Molière des exemples de langues régionales, et même de sabirs. On a l’impression que l’on est gêné ; mais qu’y a-t-il de gênant à vouloir promouvoir dans les régions les langues régionales qui, tout de même, comme disait M. de La Palisse, patronyme bien connu à ce propos, sont régionales ? Il est parfaitement logique et pas du tout anormal de vouloir en traiter à un échelon non pas central mais régional, même si, au tout début de la Révolution, les révolutionnaires, alors plus intelligents et tolérants qu’ils ne le sont devenus par la suite, ont commencé par traduire les lois françaises dans toutes les langues régionales afin que tous les citoyens les comprennent. La francophonie à l’époque ne concernait en effet que 10 % environ du territoire de la République, ou plutôt de la monarchie constitutionnelle naissante.
Je m’appuierai sur un exemple technique. En Corse – je ne voudrais pas la citer en exemple, car elle en est rarement un, mais elle peut constituer un exemple en matière de langues régionales –, une convention bipartite avec l’université de Corse a été signée tout à fait naturellement, et nous envisageons de la transformer en groupement d’intérêt public. Son utilité est simple, et je l’illustrerai par un seul exemple. Nous avons besoin de journalistes corsophones. Or, sans une formation associant à la fois l’enseignement journalistique et l’enseignement de la langue locale, nous formons soit des personnes qui parlent bien le corse mais qui sont des journalistes médiocres, soit des bons journalistes qui sont de médiocres corsophones. La convention nous a donc permis de former une première génération de journalistes corsophones.
Je vous le dis très clairement : il serait contradictoire de la part du Gouvernement de vouloir d’un côté ratifier la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires et, de l’autre, refuser ces dispositions.
Mes chers collègues, outre M. le rapporteur, deux orateurs encore ont demandé la parole ; nous passerons au vote après leurs interventions.
La parole est à Mme Chantal Guillet.
Mon nom est Guittet, monsieur le président !
Monsieur Le Fur, votre argumentation sur les lycées n’a rien à voir avec l’amendement que vous proposez…
…puisque vous évoquez le schéma régional de l’enseignement supérieur, alors que les lycées ne font pas partie de l’enseignement supérieur.
Certes, mais soyez cohérent dans votre propos !
En outre, dans les universités, notamment dans toutes les universités bretonnes, un enseignement de breton est proposé. À Brest, par exemple, il y a un département breton et celtique très développé.
Il n’est donc pas nécessaire que les régions se mêlent de l’enseignement au sein des universités. Vous aviez d’ailleurs prôné l’autonomie des universités.
Je crois qu’il faut laisser aux universités le choix de développer les enseignements qui leur semblent importants ; toutes prennent d’ailleurs en considération les langues régionales.
M. le rapporteur avait raison de pointer ce que nous avons déjà fait, par exemple l’inscription de l’enseignement bilingue dans la loi Peillon, ce qui n’était pas gagné. C’est d’ailleurs la première fois que l’enseignement bilingue est mentionné dans une loi de la République, puisqu’il ne l’était jusqu’à présent que dans des circulaires, voire des arrêtés.
Dans cette dernière loi, nous avons sauvé la promotion des langues régionales qui, pour une raison inconnue, avait été supprimée par le Sénat, et que quelques-uns de vos collègues – ils n’étaient heureusement que deux – voulaient également supprimer. Se pose en effet la question très importante des frais de scolarité, qui a pourri la situation entre les maires à l’échelle locale.
Ce qui est proposé va permettre, premièrement, un meilleur service, car les parents pourront effectivement scolariser leurs enfants en classe bilingue, et deuxièmement, l’établissement d’une règle claire pour les maires, une clarté qui faisait défaut jusqu’à aujourd’hui.
J’attends évidemment la ratification de la charte, qui est un élément important, et j’espère que tous les amis des langues régionales, y compris les Alsaciens, sauront voter dans le bon sens, car je compte sur eux pour cela.
Le présent amendement me paraît tout de même un peu délicat à adopter, même si j’entends le voter. Je ne suis pas certain en effet qu’il soit tout à fait constitutionnel, dans la mesure où il entend faire de l’enseignement une compétence partagée alors qu’il s’agit d’une compétence d’État. On peut être contre ce principe, mais cela paraît pour l’heure compliqué, à moins de modifier un certain nombre de choses.
Je le voterai néanmoins, car je vote toujours les amendements de cette teneur.
Mes chers collègues, je donnerai pour terminer la parole à M. Benoit et à M. de Rocca Serra, auxquels je demanderai d’être extrêmement brefs, car on s’est largement exprimé sur cet amendement, sur lequel j’ai d’ailleurs été saisi d’une demande de scrutin public.
La parole est à M. Thierry Benoit.
Je vous remercie de votre grande bonté, monsieur le président.
Je voulais simplement rappeler que, si le Gouvernement le veut, la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires sera adoptée. Bien entendu, si on entend modifier la Constitution en une fois sur un ensemble de sujets incluant le vote des étrangers, les langues régionales et minoritaires et d’autres, qui n’ont rien à voir, on réunit les paramètres pour ne pas faire ratifier cette charte !
La clé, c’est le Gouvernement qui la détient.
Par ailleurs, les partisans des régions, dont je fais partie, ont été heurtés par la mise en oeuvre de la carte des régions qui a été votée voilà quelques mois. Nous avons été blessés. Un tel sujet, de patrimoine oral, d’histoire, de culture, peut nous permettre de nous réconcilier.
Étant pour ma part plutôt régionaliste, j’ai écouté les débats en première lecture avec beaucoup d’attention et je suis convaincu que donner aux régions la possibilité d’organiser et d’encourager l’usage des langues régionales au sein de leur territoire c’est aussi préparer l’avenir.
Au cours d’une précédente législature, alors qu’il était question au départ d’inscrire les langues régionales à l’article 2 de la Constitution, nous sommes convenus unanimement de le faire à l’article 72-1, les langues régionales faisant partie du patrimoine de la République. Il n’y a pas un article ou un projet de loi qui ne permettra d’évoquer ce sujet.
Madame la ministre, vous aviez estimé que ce serait presque un tour de chauffe permettant de voir quelle majorité se dégagerait dans cet hémicycle, que le Sénat pourrait ensuite s’exprimer et qu’enfin on réunirait le Parlement en Congrès à Versailles afin de pouvoir ratifier la charte. Il ne s’agit d’ailleurs que de la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires, qui permet de garantir à nos langues régionales un vrai destin et aux régions des moyens pour les promouvoir.
Nous avons voté dans cet hémicycle, mais le Sénat n’a pas pu en faire autant, le texte ne lui ayant pas été transmis. Il n’est pas question pour nous de mélanger les textes. Nous vous avions proposé à l’époque de discuter conjointement des langues régionales et d’un nouveau statut pour la Corse, un sujet que nous allons aborder juste après celui-ci, et Marc Le Fur était d’accord avec nous. Nous aurions pu alors nous retrouver sur un vrai projet pour l’avenir de la Corse, mais nous avons raté cette occasion, qui se réduit à présent à un amendement à l’article 13 du présent projet de loi.
Il me semble que deux débats sont ici confondus. L’article que nous examinons a trait au schéma régional de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation, qui précise quelle implantation, quel projet la région soutient, principalement des projets immobiliers.
Quand j’ai dit tout à l’heure que la question des langues régionales n’avait à mon sens pas sa place dans cet article…
Monsieur Le Fur, ne criez pas, je vais vous répondre, et vous ne serez pas déçu.
Une orientation en matière d’enseignement supérieur et de formation n’a pas de lien avec des orientations en matière d’investissements et d’implantations de lieux d’enseignement. C’est la raison pour laquelle je considère que l’amendement qui nous est proposé ne relève pas de cet article, qui traite des implantations immobilières et de l’organisation du service de l’enseignement supérieur dans les régions.
Ensuite, sur le fond, et au risque de me répéter, puisque M. Le Fur n’a pas compris le propos que j’ai tenu tout à l’heure, M. Molac a proposé en première lecture une disposition que nous avons rétablie en commission : faire de la promotion des langues régionales une compétence sur laquelle la région est clairement désignée comme chef de file. L’objectif que vous poursuivez est donc déjà satisfait, à la fois par cette qualité de chef de file et par l’article 28, qui rappelle qu’en matière de langues régionales, et plus largement de patrimoine culturel, il y a une compétence partagée qui permet l’intervention de toutes les collectivités.
Toujours sur le fond, il est rappelé dans la loi d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République du 8 juillet 2013 que l’enseignement des langues et cultures régionales « est favorisé prioritairement dans les régions où elles sont en usage ». Il est prévu une information des familles sur les différentes offres d’apprentissage des langues et cultures régionales.
Il est en outre étendu aux enseignants du second degré la possibilité, jusqu’alors réservée aux professeurs du primaire, de recourir ponctuellement aux langues et aux cultures régionales dans leur enseignement classique, possibilité étendue à l’ensemble des disciplines. La loi prévoit également de faciliter l’inscription des élèves résidant dans une commune dont les écoles ne proposent pas un enseignement en langue régionale dans les écoles d’une autre commune. Toujours grâce à l’initiative de M. Molac, nous avons complété ces dispositions en adoptant un mécanisme résolutoire qui favorisera la scolarisation des enfants en langue régionale.
Enfin, en matière de formation des enseignants, notamment d’accès au secondaire, les académies travaillent étroitement avec les collectivités et les universités pour permettre aux étudiants se destinant à l’enseignement en langue régionale d’accéder aux filières appropriées. Je me tourne vers vous à présent, monsieur Le Fur : grâce à Jean-Yves Le Drian et à Pierrick Massiot, la région Bretagne a institué des bourses spécifiques pour favoriser l’accès des étudiants aux enseignements en langue régionale afin de préparer leurs enseignements, et vous pouvez leur en savoir gré.
C’est le cas également en Aquitaine ou en Corse.
Je terminerai par une remarque à l’attention de notre collègue Paul Giacobbi : tout ce qui relève de l’enseignement du corse, en particulier en Corse, est régi non pas par la loi pour la refondation de l’école de la République mais par une loi spécifique, la loi du 22 janvier 2002 relative à la Corse. Ceci m’autorise à vous dire, cher collègue, que l’exemple que vous développez au sujet de cet enseignement ne peut pas être généralisé aux autres langues régionales car il fait l’objet de dispositions spécifiques.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
Je peux comprendre qu’on se place en dehors du droit pour prendre la parole dans l’hémicycle mais, monsieur Le Fur, vous êtes trop bon juriste pour ne pas voir que l’amendement ne correspond pas à nos voeux partagés concernant les langues régionales, puisqu’il vise bien à prévoir l’organisation de l’enseignement des langues régionales dans l’enseignement supérieur. Pour notre part, nous souhaitons que cette organisation se déploie à l’école primaire, au collège et au lycée, comme l’a permis l’initiative de M. Molac dans les différents articles cités par M. le rapporteur. L’amendement n’a donc pas sa place à cet endroit du texte.
Pour répondre au propos développé tout à l’heure par M. Camille de Rocca Serra, le texte voté pour la ratification, au sujet duquel nous avons eu raison d’échanger souvent, est aujourd’hui examiné par le Conseil d’État, et passera ensuite, avant l’été, en conseil des ministres, afin d’être finalement déposé sur le bureau du président du Sénat. Pour la première fois, un texte qui a été voté ici chemine avant d’être inscrit à l’ordre du jour du Sénat, et nous aurons la satisfaction, je l’espère, si nous trouvons une majorité à la Haute assemblée, de rendre possible ce qui aura été longtemps impossible. J’espère que nous nous réjouirons ensemble de ce résultat.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants: 54 Nombre de suffrages exprimés: 52 Majorité absolue: 27 Pour l’adoption: 23 contre: 29 (L’amendement no 939 n’est pas adopté.)
La parole est à Mme Sophie Rohfritsch, pour soutenir l’amendement no 518 .
Par cet amendement, nous vous proposons d’insérer, après l’alinéa 6, deux nouveaux alinéas, afin de permettre aux collectivités territoriales – en particulier les villes moyennes – d’organiser une conférence dédiée à la recherche et l’enseignement supérieur. Ces collectivités seraient représentées dans cette conférence, ainsi que l’ensemble des EPCI à fiscalité propre des territoires qui accueillent des formations dispensées par une ou plusieurs universités ou établissements publics d’enseignement supérieur.
Cette conférence se réunirait au moins une fois par an, aurait un rôle consultatif, et contribuerait au dialogue entre les territoires, les universités, et les établissements délivrant des formations supérieures. Ce système est déjà fort bien organisé et usuel dans les grandes métropoles, entre les universités de premier rang, mais n’est pas forcément en usage dans les territoires intermédiaires. Il est bon d’inscrire cette conférence, ce type de dialogue, dans la loi.
C’est assez paradoxal : au cours de ce débat, vous nous avez reproché d’avoir créé tel ou tel schéma, telle ou telle conférence, et à présent vous défendez un amendement pour créer une conférence supplémentaire ! La commission des lois est défavorable à cet amendement.
J’ajoute que les régions organisent déjà ce type de dialogue, et continueront à le faire. Il n’est donc pas nécessaire de codifier ce qui existe déjà.
Une remarque, monsieur le rapporteur : votre argumentation a été brève, or cette question mériterait quelques éclaircissements sur le fond. Vous ne les avez pas apportés, et c’est dommage.
Madame la ministre, vous dites que les régions font déjà ce que demande cet amendement : je crois que vous n’avez pas dû le lire correctement, notamment son exposé des motifs. Aujourd’hui, tout cela reste très perfectible. Certes, comme l’a indiqué notre collègue Sophie Rohfritsch, il y a bien, aujourd’hui, une concertation avec un certain nombre d’établissements d’enseignement supérieur. Par cet amendement, nous proposons d’élargir cette concertation dans deux sens : pour ce qui concerne les collectivités, d’une part, et pour ce qui concerne les établissements, d’autre part.
Permettez-moi de revenir un peu en arrière, lorsque Geneviève Fioraso représentait le Gouvernement à ce banc, à l’occasion de l’examen de la loi relative à l’enseignement supérieur et à la recherche. Elle s’était alors rendu compte qu’un problème énorme se posait dans notre pays : le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche n’assure pas, dans la réalité, la tutelle d’un certain nombre d’établissements d’enseignement supérieur qui relèvent d’autres ministères. Il est donc nécessaire d’assurer une plus grande cohérence de l’offre de formation en matière d’enseignement supérieur, tant au niveau national que régional. C’est à quoi s’attelle cet amendement.
Nous n’avons pas entendu, de votre part, d’arguments de fond remettant en cause la pertinence de cet amendement.
Je comprends bien la préoccupation de M. le rapporteur : il est vrai qu’il faut éviter de multiplier les organismes de concertation, les schémas, etc. Nous partageons ce souci. Cependant, nous regrettons que vous ne teniez pas compte du problème soulevé par cet amendement, à savoir la place des villes et des agglomérations moyennes dans l’organisation universitaire.
Les villes et agglomérations moyennes font des efforts importants, notamment en termes budgétaires, pour la rénovation et l’extension des locaux, et pour l’accueil d’antennes universitaires. Pourtant, force est de constater qu’elles ne trouvent pas leur place, au côté des métropoles et des organismes universitaires, pour définir avec eux une véritable politique universitaire territoriale.
Nous regrettons donc que vous n’ayez pas compris le message de cet amendement.
L’amendement no 518 n’est pas adopté.
L’article 12 bis A est adopté.
Article 12
La parole est à M. André Chassaigne, pour soutenir l’amendement no 772 .
L’amendement no 772 , repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.
L’article 12 ter est adopté.
Il y a trois orateurs inscrits sur l’article.
La parole est à M. Camille de Rocca Serra.
Chaque évolution du statut de la Corse, en 1982, 1991 et 2002, ou même la tentative de création d’une collectivité unique par voie référendaire, en 2003, a donné lieu à un projet de loi spécifique et à un débat.
Pour ma part, j’ai toujours défendu la position suivante : la collectivité unique devra être créée par un projet de loi spécifique, soumis à la consultation du peuple. Je vous rappelle que l’assemblée de Corse a décidé à l’unanimité, le 13 décembre 2014, de soumettre le projet arrêté à référendum.
Cela étant, bien que le cadre des discussions me laisse sceptique, j’ai fait le choix de prendre part aux débats et de défendre mes positions de la manière la plus constructive qui soit. Je note que des avancées ont été réalisées d’une lecture à l’autre, notamment sur le mode de scrutin, puisque les niveaux de la prime majoritaire et des seuils sont désormais inscrits dans le projet de loi, et pas renvoyés à une ordonnance. Surtout, ils sont conformes aux propositions que j’avais faites en première lecture par voie d’amendement. Ils assureront ainsi la stabilité de l’institution.
Le texte est néanmoins à parfaire. Il interdit toujours à un conseiller exécutif de quitter, à titre individuel, les rangs du conseil exécutif, et de retrouver sa place au sein de l’assemblée. Cette contrainte est aberrante ! En première lecture, vous m’aviez opposé l’objectif de stabilité institutionnelle. Or la stabilité ne s’obtient pas par la contrainte : on n’empêche pas un ministre de se démettre – par exemple, pour des raisons de santé – et de retrouver les bancs du Parlement. Pourquoi imposer cette contrainte aux membres du conseil exécutif de Corse ?
Les efforts consentis sur la prime et les seuils sont de nature à favoriser la stabilité et la gouvernabilité. Je défends toujours – j’ai d’ailleurs déposé un amendement en ce sens – la possibilité de quitter à titre individuel le conseil exécutif pour rejoindre les bancs de l’assemblée : cela permettrait une plus grande flexibilité institutionnelle.
Je défends l’instauration d’une collectivité unique, mais je souhaite éviter le risque de concentration des pouvoirs et de centralisation régionale. Je citerai un ancien député de cette assemblée, sous la deuxième République, un Breton originaire de Saint-Malo, Félicité de Lamennais : « La centralisation, c’est l’apoplexie au centre et la paralysie aux extrémités. » Seule la décentralisation responsabilise et associe les hommes, les territoires et les projets. C’est dans cet esprit, hérité de la vision gaullienne du discours de Lyon de 1968, que je m’inscris. Je suis de ceux qui pensent que si le référendum de 1969 avait abouti favorablement, nous aurions gagné beaucoup de temps.
Pour éviter cet écueil, je propose, dans le droit fil de notre dernière rencontre, de réformer les intercommunalités de l’île en leur donnant des compétences accrues, si l’on veut éviter la création d’un nouvel établissement public. La suppression des départements laisse vacant un espace, celui du lien de proximité entre administrés et responsables politiques. La logique de rationalisation administrative tend naturellement à renforcer les échelons régional et intercommunal. La Corse, qui a toujours été à l’avant-garde de la décentralisation, doit profiter de la suppression des départements pour instituer un régime dérogatoire des intercommunalités en les regroupant en une dizaine de grands territoires, sur le modèle de la territorialisation que nous avions proposée en 2009.
Ces EPIC redéfinis seraient pourvus de certaines compétences propres…
Je sais bien, monsieur le président, mais nous avons peu de temps pour parler d’un sujet essentiel.
Vous avez déjà utilisé le double de votre temps de parole ! De plus, vous aurez le temps de poursuivre en défendant les amendements.
Non, sur les amendements, c’est autre chose, puisque je sais que Mme la ministre formulera une demande insistante. C’est pourquoi je préfère m’exprimer sur l’article, si vous le permettez.
Ces EPCI, disais-je, seraient pourvus de certaines compétences propres, aujourd’hui dévolues aux départements, par exemple l’eau, l’assainissement, les déchets, les routes – sauf celles qui sont reconnues d’intérêt régional –, le transport scolaire – nous en avons parlé hier – ou l’action sociale. Cette nouvelle répartition des compétences permettrait vraiment de coordonner l’action publique insulaire tout en maintenant l’objectif de rationalisation et de suppression des strates politico-administratives, le tout dans un souci d’efficacité et de pragmatisme. Cette proposition est une réponse adaptée à la nouvelle situation institutionnelle de la Corse, que nous nous apprêtons à adopter, et pourrait même constituer un modèle de réussite.
Mais la collectivité unique, ce n’est pas tout et n’importe quoi ; elle ne se fera pas à marche forcée. Madame la ministre, je reconnais votre esprit d’ouverture et votre écoute, attentive au-delà des clivages politiques. Employons-nous à parfaire ensemble, Gouvernement et élus de la Corse, ce projet institutionnel. Lorsqu’il s’est rendu à l’Assemblée de Corse, M. le ministre a dit avec audace : « chiche ! ». À mon tour, je vous dis : « chiche ! » Montrons-nous capables de faire beaucoup plus que ce texte.
D’ailleurs, comme vous le savez, ces dispositions concernant la Corse ne bénéficient pas d’une vraie sécurité juridique, puisqu’elles sont incluses dans ce projet de loi. Personne ne pourrait empêcher, à l’avenir, une éventuelle abrogation de cette loi : c’est pourquoi j’aurais préféré un vrai texte pour la Corse.
Je voudrais, une fois n’est pas coutume, par les temps qui courent, rendre hommage au Gouvernement. Cet article a déjà été adopté par notre Assemblée, puis par le Sénat, sans susciter d’opposition. Il répond à la demande de l’Assemblée de Corse – à la demande de la Corse elle-même, puis-je dire aujourd’hui, après bien des vicissitudes, après une délibération et des mois de débats et de concertations.
La collectivité de Corse sera la seule collectivité hormis les communes, sur une île comptant 300 000 habitants. Elle exercera les compétences de l’actuelle collectivité territoriale de Corse – qui sont elles-mêmes spécifiques, et excèdent de beaucoup les compétences des autres régions de France – et des départements de notre île. Un ministre de l’intérieur, qui connut par la suite, comme l’on dit, un destin national, avait déjà proposé, avec courage et détermination, la collectivité unique en 2003.
Malgré ces difficultés, malgré ces vicissitudes, le Gouvernement remet courageusement l’ouvrage sur le métier. L’Assemblée de Corse s’est prononcée sur ce point sinon à l’unanimité, du moins à une très large majorité – vous n’y êtes d’ailleurs pas complètement étrangère, madame la ministre. Si ce projet de loi est adopté définitivement, le mandat de l’Assemblée qui sera élue en Corse en décembre sera limité à deux ans. Le mandat des élus départementaux sera limité à environ trente mois. Les uns et les autres acceptent de bon coeur cette limitation, tant le sujet est important.
C’est la réponse corse à la volonté nationale de simplification. Sur le continent, on a regroupé les régions. Il était difficile d’arrimer l’île de Corse au continent, alors qu’elle en est séparée par 250 kilomètres de mer. Ne pouvant rapprocher la région du continent, il fallait simplifier à l’intérieur de l’île : tel est l’objet de cet article.
In cauda venenum : vous me permettrez de dire à présent quelques mots un peu moins favorables ! Les amendements que le groupe RRDP a déposés sur cet article sont de deux sortes. Les premiers portent des questions de forme, de cohérence, de rédaction. Les seconds tendent à rapprocher le dispositif de souhaits formulés par l’Assemblée de Corse à une très large majorité.
Je laisserai le Gouvernement parler pour lui-même, mais à ce que je crois comprendre, il se prononcera défavorablement à tout amendement à l’article 13, de manière à prévenir un débat sur cet article lors des travaux de la commission mixte paritaire. Très bien : nous n’en disconvenons pas. Quand j’étais petit, on me disait que le travail du législateur consistait non seulement à voter des principes, mais encore à rentrer dans le détail pour obtenir, par le jeu des amendements, un texte parfait. Or cet article n’est pas parfait, loin de là ! Toutes les illusions législatives de ma lointaine jeunesse tombent, puisque l’on nous demande de voter un texte en l’état, malgré ses imperfections, qui causeront pourtant des difficultés.
Le Gouvernement s’engagera sans doute – du moins je l’espère – à améliorer ultérieurement ce texte, au moyen de véhicules législatifs qui ne manqueront pas de se présenter. Je redoute que l’on nous renvoie ainsi à la version législative et contemporaine des calendes grecques, qui comme chacun sait arrivent aussi souvent que la nation hellénique honore ses échéances. Dès lors que le Gouvernement se sera exprimé suffisamment clairement et fortement pour cela le justifie, je retirerai ces amendements, quand bien même cela n’est ni dans mes habitudes, ni dans mon tempérament !
Applaudissements sur les bancs du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste et du groupe écologiste.
Je vous remercie d’avoir laissé autant de temps à mes collègues pour s’exprimer, monsieur le président. C’est peut-être la preuve, madame la ministre, qu’il aurait fallu consacrer à cette question un temps législatif plus long qu’un simple débat d’amendements.
Je partage les regrets de mes collègues, notamment ceux de Camille de Rocca Serra, quant à la rédaction du texte et quant à la méthode adoptée. Je le répète, il nous aurait fallu plus de temps pour parler d’un sujet aussi important que la suppression de l’échelon départemental et sa fusion avec la région. Vos ajouts apportent certaines précisions sur les droits et obligations de la collectivité territoriale unique et sur la fusion des personnels, certes, mais cela mériterait un vrai débat au-delà de l’examen des amendements.
Néanmoins, je demeure favorable au principe de la collectivité unique. Je vous l’ai déjà dit, madame la ministre, et je l’ai dit dans cette enceinte : je considère qu’il s’agit d’un progrès pour notre région. En dépit des arguments parfois contradictoires que mes collègues parlementaires corses et moi-même avons soulevés sur la méthode qui a prévalu et sur ce qui a été proposé, je soutiens cet article instaurant une collectivité unique, sachant que des certains questionnements continuent de m’animer et, je le pense, d’animer mes collègues.
Qu’en sera-t-il, notamment, de la rédaction des ordonnances ? Vous avez proposé un calendrier et invité l’assemblée de Corse à co-construire avec le Gouvernement différents éléments de ces textes. Il n’en demeure pas moins que nous serons privés d’un débat sur ce sujet à l’Assemblée nationale. Je le regrette. Mais, en dépit de ces considérations quelque peu négatives, je reste favorable à l’objectif de la réalisation d’une collectivité unique et j’y apporterai mon soutien.
Je voudrais me faire le porte-parole d’élus de l’assemblée de Corse qui n’ont pas voté la collectivité unique. Car cette assemblée n’a pas adopté la réforme à l’unanimité. Son président lui-même, semble-t-il, n’y était pas favorable.
La question ne saurait être banalisée ! Il y va de la définition des compétences, du transfert des personnels, de la fiscalité régionale, du cadre budgétaire. Alors qu’il faudrait en mesurer les conséquences, toutes ces questions d’une extrême importance seront formalisées par des ordonnances du Gouvernement.
On sait bien que, dans le prolongement de ces dispositions, les EPCI devront fusionner à leur tour pour que leur nombre diminue à peu près de moitié. Privées de la clause de compétence générale, les communes verront elles aussi leur nombre se réduire. Bref, par répercussion, on va assister à une réorganisation très importante de l’architecture institutionnelle de la Corse. La collectivité unique concentrerait entre ses mains un budget de plus de 1,2 milliard d’euros et la gestion de près de 5 000 agents. Elle aurait un rôle décisif dans la vie économique. Ce n’est pas une petite affaire !
Pour notre part, donc, nous considérons qu’une telle décision devrait être soumise à référendum afin que les Corses puissent s’exprimer.
Voilà à peu près quinze ans que le sujet a été ouvert. C’est donc aujourd’hui un moment fort pour la France et un moment historique pour la Corse. Nous le devons aux élus corses, qui se sont engagés collectivement dans un travail extrêmement long et méticuleux – je veux saluer, outre les députés ici présents, M. Pierre Chaubon – pour faire une proposition que le Gouvernement puisse entendre et présenter à son tour à la discussion parlementaire. L’amendement en question a été déposé en première lecture au Sénat et voté dans une ambiance qui reflétait bien l’importance du sujet. En tant que ministre de la décentralisation et de la fonction publique, je suis donc particulièrement fière de siéger au banc des ministres, aux côtés d’André Vallini, à ce moment de notre histoire commune.
Les amendements techniques que vous avez déposés sont dans leur grande majorité justifiés, messieurs les députés, et nous pourrions les approuver. Néanmoins, comme je vous l’ai dit avant la séance, il me semble très important d’obtenir un vote conforme, donc définitif. En France, nous sommes un peu particuliers : nous avons toujours du mal à déterminer le cheminement des grandes évolutions !
Si je souhaite que tout cela soit acté, c’est aussi parce que nous aurons besoin de temps pour organiser le dispositif par la suite.
L’engagement que je prends à ce banc, monsieur Giacobbi, c’est de porter la plus grande partie des amendements techniques dans le cadre des ordonnances du Gouvernement. Certains amendements proposent également des ajustements budgétaires qui méritent examen. Je m’engage, au nom du Gouvernement, à ce qu’ils soient présentés dans le cadre du projet de loi de finances.
Sur certains points, nous ne sommes pas tombés totalement d’accord. Mais, comme vous l’avez souligné, nous avons fait des pas les uns vers les autres lors de la dernière réunion en présence du ministre de l’intérieur, et nous avons trouvé, je crois, une cote aussi bien taillée que possible.
Quant aux intercommunalités, que M. de Rocca Serra et M. Chassaigne ont mentionnées, la nouvelle assemblée pourra parfaitement leur déléguer des compétences. La disposition figure parmi les outils spécifiques permettant aux exécutifs d’échanger. La discussion des délégations de compétences sera donc possible, monsieur de Rocca Serra, sans qu’il soit nécessaire de l’inscrire dans la loi. Pour répondre à ce que vous me disiez l’autre jour à Bonifacio, il est de la grande liberté des élus de l’assemblée unique et des intercommunalités que d’en discuter et de donner droit à votre proposition. Mais cela relève aussi de leur responsabilité et ne peut être inscrit dans le texte, puisque la possibilité est déjà ouverte pour toutes les intercommunalités en France.
Je veux aussi rassurer M. Chassaigne. Ce texte ne cèle aucune volonté d’imposer un nombre déterminé d’intercommunalités de telle ou telle taille. Le territoire Corse est à 90 %, voire plus, en zone de montagne. Les propositions faites en commission des lois, à la suite du très important travail d’Olivier Dussopt et de ses collègues, pour adapter les périmètres, permettront, le cas échéant, de rester en deçà des 5 000 habitants. En discutant samedi dernier avec des élus territoriaux corses de cette possibilité de créer de plus grandes intercommunalités, nous avons rencontré une volonté d’aller en ce sens beaucoup plus affirmée que dans beaucoup d’autres territoires de notre pays. Mais rassurez-vous : il n’est pas question de toucher aux intercommunalités de montagne.
J’espère que mon propos aura levé vos inquiétudes, aussi vous demanderai-je de retirer vos amendements. Cela étant, présenter un amendement permet aussi de s’exprimer et de se montrer vigilant quant à ce que le Gouvernement proposera dans ses ordonnances et dans le projet de loi de finances. Nous pourrons ainsi affiner certaines propositions que nous discuterons ensemble.
En tout cas, je remercie les parlementaires du travail qu’ils ont accompli, toutes tendances politiques confondues. Ce n’était pas facile, puisqu’il aura fallu quinze ans. Comme dit l’expression, mieux vaut tenir que courir, et je vous renouvelle mes encouragements pour que le travail se poursuive au mieux sur votre territoire.
Vous l’avez constaté, mes chers collègues, chacun a pu s’exprimer au-delà de ce que prévoit le règlement.
Aussi, même si Mme la ministre a rappelé que la présentation des amendements est l’occasion de faire valoir tel ou tel aspect particulier, je vous demanderai d’être brefs dans la suite de la discussion, afin que l’Assemblée puisse voter cet article dans un délai raisonnable.
Nous en venons donc aux deux amendements identiques, nos 484 et 773 , tendant à supprimer l’article 13.
La parole est à M. Jean-Luc Laurent, pour soutenir l’amendement no 484 .
Je n’ai pas voulu intervenir dans le débat sur l’article, considérant que la présentation de cet amendement de suppression serait suffisante, monsieur le président.
L’article 13 dont nous débattons, adopté par la voie d’un amendement gouvernemental en première lecture à l’Assemblée nationale, introduit dans la loi la collectivité unique. Nous faisons ainsi preuve de novation, souligne la ministre. Pour ma part, je le regrette vivement.
En effet, nous faisons entrer par une petite fenêtre ce qui a été sorti par la grande porte du suffrage universel à l’occasion du référendum local organisé il y a plusieurs années sur ce même sujet de la collectivité unique.
Je l’ai déjà indiqué mais permettez-moi d’y revenir : le statut de collectivité unique n’est souhaitable ni en Corse ni ailleurs sur le territoire national. Et il l’est d’autant moins dans des régions que je qualifierai, sans intention péjorative, de périphériques, comme la Bretagne, l’Alsace ou la Corse.
Exclamations sur de nombreux bancs.
Eh oui, mes chers collègues : la collectivité unique est le meilleur carburant pour alimenter les revendications, non pas régionalistes, mais autonomistes. La dévolution écossaise lancée par les travaillistes à la fin des années 1990 n’a pas permis une décentralisation mais a alimenté la revendication indépendantiste.
Depuis trente ans, la décentralisation a consisté à éviter la constitution de véritables pouvoirs locaux, en répartissant les responsabilités entre les trois niveaux de collectivités territoriales. Au nom de la critique du « millefeuille », le mouvement actuel de concentration change profondément la nature de la décentralisation que ce soit dans les métropoles…
Que ce soit, donc, dans les métropoles qui concentrent les compétences départementales et régionales ou avec des projets de collectivité unique comme celui qui nous est proposé.
Comme député du MRC, c’est au nom de mon attachement à une certaine idée de la République que j’ai déposé cet amendement de suppression.
Pouvons-nous considérer que vous avez défendu l’amendement no 773 , monsieur Chassaigne ?
Je souhaite seulement apporter une précision. Pour ma part, je prends acte du vote de l’Assemblée de Corse : il ne s’agit pas de s’ériger ici en censeur de telle ou telle décision. Pour autant, au regard de l’importance de cette modification institutionnelle, le peuple corse doit s’exprimer. La voie du référendum est indispensable. Une décision de cette ampleur ne peut se prendre à la faveur d’un simple article. Ou alors, craint-on que le peuple corse ne s’exprime ? Au nom de quoi ne pourrait-il pas donner son avis ?
Mon propos vaudra avis pour l’ensemble des amendements. En première lecture, la commission a fait le choix de soutenir l’initiative du Gouvernement. Elle a salué le travail de conciliation et de médiation menés par la ministre pendant de longs mois avant de parvenir à cette formule. Les explications que la ministre vient d’apporter confortent son avis. Comme le fera sans aucun doute le Gouvernement, nous demandons, pour l’ensemble des amendements à l’article 13, le retrait, faute de quoi nous rendrons un avis défavorable.
Même avis concernant l’ensemble des amendements. Je demande leur retrait, compte tenu des engagements du Gouvernement de les prendre en compte dans les ordonnances et dans le projet de loi de finances. À défaut, avis défavorable.
Je voudrais dire, à l’occasion de l’examen de ces amendements de suppression, que le groupe écologiste soutient bien au contraire cet article.
Nous considérons que la Corse ouvre ainsi une voie vers des modifications institutionnelles qui pourraient servir, sinon de modèle, du moins d’expérience pouvant intéresser d’autres régions de France.
Je tiens ces propos sous le regard que j’imagine approbateur du président de la commission des lois, qui a écrit un livre intéressant justement intitulé Pour l’assemblée de Bretagne. En effet, d’autres régions – même si se constituent aujourd’hui de très grandes entités régionales – ont une taille qui permet d’y envisager une collectivité unique. Une telle perspective serait un facteur non seulement de rationalisation, de clarification et de simplification pour nos concitoyens, mais répondrait également à un sentiment d’appartenance qui est, dans un certain nombre de régions, et il faut s’en féliciter, fort.
Je l’ai déjà dit lorsque nous avons débattu du découpage régional : ce sentiment d’appartenance fort, qui existe en Corse, en Bretagne, en Normandie, en Alsace ou dans d’autres régions, est un ferment de solidarité et le moteur de projets de développement pour ces territoires.
Nous regrettons donc plutôt que l’article 13 ne concerne que la Corse. Il s’agit cependant d’un projet qui a mûri avec des élus de Corse qui ont été précisément élus sur cet objectif : ils ont donc une légitimité. Rien ne s’oppose plus donc à ce que nous adoptions ce projet à l’Assemblée nationale. C’est pourquoi, naturellement, nous appelons à voter contre les amendements de suppression.
Le groupe socialiste, républicain et citoyen votera contre les amendements de suppression, eu égard au travail important réalisé par les élus de ce territoire. Il a en effet fallu des années de travail et de réflexion entre ces élus et le Gouvernement pour aboutir aujourd’hui à cette simplification.
D’autres territoires souhaiteraient pouvoir également bénéficier, dans l’Hexagone, de la même reconnaissance territoriale et de possibilités de simplification équivalentes, mais le fruit n’est peut-être pas encore mûr. Quoi qu’il en soit, nous sommes vraiment ravis de pouvoir constater l’aboutissement de cette démarche, et c’est pourquoi notre groupe s’opposera à la suppression de l’article.
La parole est à M. Camille de Rocca Serra, pour soutenir l’amendement no 503 .
Je ne sais pas si les réponses que M. Giacobbi a reçues du Gouvernement justifient le retrait de tous ses amendements. Pour ma part, il subsiste des points d’incompréhension.
Ainsi, aux termes de l’alinéa 13, l’Assemblée de Corse ne serait représentée que par son président au sein de la conférence de coordination des collectivités territoriales de Corse. Or d’une façon générale, pour tout ce qui concerne la collectivité territoriale de Corse, l’Assemblée de Corse est représentée par plusieurs de ses membres. Au nom du parallélisme des formes, il conviendrait de permettre à huit représentants de cette assemblée de siéger au sein de la conférence. Dans la mesure où le Gouvernement souhaite obtenir un vote conforme sur l’article 13, j’aimerais donc savoir s’il serait disposé à user d’un autre vecteur législatif afin de modifier ce premier point. Il n’est en effet ni supportable, ni acceptable que l’Assemblée de Corse soit ainsi représentée par son seul président.
Un autre amendement que j’ai déposé, le no 1533, concerne également la composition de la conférence de coordination des collectivités territoriales, et plus particulièrement la place qui y est faite aux représentants des communes urbaines. En l’état actuel, seul les maires de communes de plus de 30 000 habitants pourraient y siéger. Or il est important que les communes de plus 10 000 habitants y soient également représentées – l’Île en compte déjà une, et devrait en compter d’autres à l’avenir – pour que la représentation de la collectivité unique soit la plus large possible à travers les intercommunalités et les communes les plus importantes, l’Assemblée de Corse et bien sûr son exécutif.
Ne choisir que l’exécutif pour représenter l’Assemblée au sein de cette conférence ne peut conduire qu’à décevoir largement les groupes politiques qui incarnent aujourd’hui la démocratie au sein de cette assemblée.
Je voudrais obtenir une réponse du Gouvernement, qui, sur cette question, ne m’a pas éclairé.
Monsieur de Rocca Serra, il n’est même pas nécessaire de légiférer sur cette question. Lorsque la conférence adoptera un règlement intérieur ou les dispositions précisant son fonctionnement, ne serait-ce que pour préciser les jours et heures de réunion et les représentants appelés à y siéger, rien n’empêchera l’exécutif de prévoir les conditions dans lesquelles les représentants des communes qui le souhaitent pourront être invités à y participer.
Nous n’allons pas codifier le mode de fonctionnement de la conférence, qui doit rester souple, parce qu’il s’agit d’une conférence de coordination, c’est-à-dire de l’instance où seront discutés les projets prioritaires comme le futur contrat de projet État-région. Vous aurez toute latitude, dans le règlement intérieur, pour travailler différemment.
On ne peut pas prévoir une disposition spécifique sur cette question. D’ailleurs, pourquoi retenir un seuil de 10 000 habitants ? Pourquoi pas 30 000 ? Vous pourrez naturellement convier les représentants de toutes les communes de votre choix. Il n’y a vraiment pas de problème.
La parole est à M. Camille de Rocca Serra, pour une intervention synthétique.
Madame la ministre, je comprends qu’il n’y ait pas de problème, sauf que la composition de la conférence figure à l’alinéa 13. À partir du moment où cette disposition figure dans le texte, je me pose des questions, sachant en outre que les modalités de représentation des communes n’y sont pas définies. S’agit-il d’une représentation via les associations de maires ? Comment vont être choisis les huit représentants élus des maires des communes de moins de 30 000 habitants ?
Si le texte était resté muet sur ce point, j’aurais compris qu’on s’en remette à un règlement élaboré ultérieurement. Mais dans la mesure où la disposition figure dans le texte, je pense qu’il faut soit la préciser, ce qui sera peut-être fait dans les ordonnances, soit la supprimer.
Bien que je sois prêt à faire beaucoup d’efforts et à retirer mon amendement, j’attends une autre réponse.
L’amendement no 503 est retiré.
L’amendement no 1534 est retiré.
L’amendement no 1533 est retiré.
La parole est à M. Camille de Rocca Serra, pour soutenir l’amendement no 437 .
Il s’agit d’une question importante : il faut que notre assemblée sache que si le président du conseil exécutif décède – et ce n’est naturellement pas le souhait que nous formons pour notre collègue qui occupe cette fonction aujourd’hui –, tout l’exécutif tombe.
Dans ce cas, en effet, les neuf membres du conseil exécutif – dans une assemblée qui compte cinquante-et-un élus, et bientôt peut-être soixante-trois si ce texte finit par être adopté – sont considérés comme démissionnaires de fait. Mais ils peuvent alors, aux termes de l’alinéa 28 de l’article 13, regagner les bancs de l’Assemblée.
Il n’en est pas de même, en revanche, si un membre de ce conseil exécutif démissionne pour raisons personnelles – à l’instar de certains membres du Gouvernement qui, récemment, ont renoncé à leur portefeuille, jugeant la charge de travail que cela représentait impossible à assumer pour une personne gravement malade.
Mais tous les membres du Gouvernement auxquels je viens de faire allusion ont pu, après leur démission, rejoindre l’hémicycle. Au contraire, si un membre du conseil exécutif de Corse démissionne pour des raisons personnelles ou de santé, il ne peut rejoindre les bancs de l’Assemblée de Corse et perd alors la qualité d’élu, qu’il aurait pourtant conservée dans le cas d’une démission collective. C’est une aberration, tout comme le sort réservé au conseil exécutif en cas de démission de son président. Certes, ce dernier est tête de liste, car le scrutin est un scrutin de liste. Mais on pourrait en dire autant, d’une certaine façon, du Premier ministre, dont les colistiers sont les autres membres du Gouvernement : il s’agit d’une instance collégiale et collective.
Nous devons donc réformer cela pour permettre à tout membre du conseil exécutif de pouvoir retrouver son siège de conseiller en cas de démission individuelle, dans la mesure où on offre cette faculté au conseil exécutif en cas de démission collective. Si cette faculté ne lui était pas offerte solidairement, à ce moment-là il serait logique qu’un de ses membres ne puisse pas en bénéficier à titre individuel.
Il s’agit d’une évolution conforme à la pratique de nos institutions, puisque les parlementaires, comme les ministres, en bénéficient. Soyons capables de comprendre qu’en Corse, si demain le président du conseil exécutif lui-même veut se distraire de ses fonctions, cet acte ne doit pas avoir pour conséquence la démission collégiale de tout le conseil. Il faut prévoir, dans ce cas, son remplacement et lui offrir la faculté de retrouver les bancs de l’Assemblée de Corse.
Le Gouvernement a déjà arbitré en défaveur de cet amendement. Pour que les choses soient claires, vous voulez permettre à un membre du conseil exécutif de reprendre l’exercice de son mandat de conseiller à l’Assemblée de Corse en cas de démission individuelle.
S’il est opportun, en cas de démission collective – sur ce point, nous vous avons donné raison – que les membres du conseil exécutif retrouvent leur siège à l’Assemblée de Corse, on peut en douter s’agissant des démissions individuelles. Pourquoi ? Le risque est de créer une instabilité constante dans la composition de l’Assemblée de Corse et de son conseil exécutif : or cela n’est pas souhaitable. Vous avez eu raison de maintenir cet amendement : cela me permet de préciser que nous y sommes défavorables sur le fond. Nous nous sommes d’ailleurs déjà exprimés en ce sens devant l’Assemblée de Corse.
Madame la ministre, je ne peux pas suivre vos arguments : l’instabilité de l’Assemblée de Corse avait pour cause l’absence de prime majoritaire et de seuils. Le projet de loi comble cette lacune, et ce sont ces éléments qui permettront la stabilité.
Un gouvernement n’est pas instable parce qu’il subit des remaniements ! La composition du conseil exécutif de Corse a d’ailleurs connu récemment plusieurs modifications, pour des raisons qui n’étaient ni personnelles, ni relatives à la justice.
Un conseiller exécutif n’a-t-il pas le droit, en cas de maladie, de retrouver son siège après avoir renoncé à des fonctions trop importantes pour être conciliées avec son état de santé ? Et ce, même alors que certains de ses homologues le pourraient en cas de démission collective ? Je ne comprends pas cette position. Une telle règle ne permet en rien de lutter contre l’instabilité ; elle constitue une aberration.
L’amendement no 437 n’est pas adopté.
L’article 13 est adopté.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et sur quelques bancs du groupe Les Républicains.
L’article 13 bis A est adopté.
La parole est à Mme Colette Capdevielle, pour soutenir l’amendement no 497 .
Dans la mesure où le conseil économique, social et environnemental régional n’est pas le seul organisme chargé de l’évaluation et du suivi des politiques publiques régionales, cet amendement vise à remplacer le terme « procéder » par le mot « contribuer », de manière à être beaucoup plus large.
Pour être tout à fait clair, notamment vis-à-vis des membres et des présidents des différents CESER, il s’agit par cet amendement non pas de diminuer le rôle des CESER dans leurs missions ou même l’évaluation des politiques régionales, mais bien de préciser qu’ils contribuent au processus d’évaluation pour ne pas laisser penser qu’ils seraient les seuls à pouvoir procéder à cette évaluation.
La commission est favorable à cet amendement.
L’amendement no 497 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
L’article 13 bis, amendé, est adopté.
De très nombreux orateurs sont inscrits sur l’article 14. Je leur demanderai de respecter scrupuleusement leur temps de parole.
La parole est à M. Jacques Lamblin.
Vous maintenez envers et contre tout le seuil de 20 000 habitants pour l’intercommunalité. Le message que vous délivrez est clair : nous, majorité, décidons que cela sera bon pour vous, qu’il en soit ainsi.
Toutefois, après cette initiative quelque peu soviétique,
Protestations sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen
devant la levée de boucliers, le Gouvernement et sa majorité reculent sans en avoir l’air en prévoyant des exceptions – 55 % d’exceptions tout de même. S’il en faut autant, c’est que le socle de 20 000 n’est pas adapté. Par ces dérogations, vous prouvez par l’absurde qu’un costume à taille unique ne peut convenir à tous, ce qui est pourtant une évidence, mais pourquoi ne pas aller au bout de la démarche ? Pourquoi, après avoir défini les objectifs de politique publique, ce qui est notre rôle au plan national, ne pas ensuite laisser aux élus locaux le soin de trouver la meilleure solution pour les atteindre ?
Pour l’intercommunalité, l’indispensable est déjà fait. Toutes les communes de France sont obligées d’adhérer à une intercommunalité. Il faut une continuité territoriale et il y a une taille minimale, 5 000 habitants. C’est seulement en cours de réalisation.
Puisque le nécessaire est fait, pourquoi s’encombrer d’une règle superflue qui bride, impose et, surtout, coûte ? Ayez confiance. Si ceux qui se trouvent trop petits estiment qu’ils ont intérêt à grandir, ils le feront, soyez-en sûrs, sans avoir besoin d’un article de loi qui le leur impose.
L’équilibre trouvé sur les seuils est acceptable, 20 000 habitants, avec de nombreux aménagements. C’est un équilibre qui tient compte de la diversité de nos territoires. Ce nombre d’habitants, je le rappelle, c’est un plancher et nous pouvons aller jusqu’à un plafond très élevé.
Certains sont déjà au travail, c’est le cas au Pays basque, dont je suis l’un des élus. En ce moment même, des experts présentent au conseil des élus du Pays basque les modalités d’un passage de dix intercommunalités, qui représentent 159 communes et environ 300 000 habitants, à une seule.
Depuis deux jours, je n’entends parler que de territoires, de prés carrés, j’aurais préféré que l’on parle plutôt des habitants. En fixant un seuil à 20 000 habitants, nous reconnaissons enfin des territoires et des bassins de vie. Nous pourrons enfin définir et diriger des stratégies territoriales, permettre à ces intercommunalités d’exister face à de très grandes régions et à de grandes métropoles.
Un seuil à 20 000 habitants, cela permet aussi de développer des compétences structurantes au plus près des bassins de vie et des besoins de nos compatriotes. On peut même d’ailleurs s’interroger sur le transfert de la clause de compétence générale des communes vers les intercommunalités. C’est aussi mutualiser, développer des solidarités entre les villes, les zones périurbaines et rurales et mettre en place des politiques de réciprocité entre ces différentes zones. C’est aussi et surtout uniformiser les régimes fiscaux pour plus de simplification, parce que la multiplicité de ces régimes est source d’inégalité. C’est simplifier et communautariser les dotations de l’État. C’est aussi moderniser la gouvernance et envisager, certes à moyen terme, en 2020, l’élection des conseillers au suffrage universel direct. Faisons entrer la démocratie dans nos intercommunalités.
Nous avons un très grand rendez-vous avec la démocratie, nous avons une très grande responsabilité devant l’Histoire. Soyez au rendez-vous, mes chers collègues.
En première lecture, mes chers collègues, je vous avais parlé d’une situation que j’avais vécue. Dans le même après-midi, avec le préfet de la Dordogne, j’ai inauguré trois mairies, dans trois villages de moins de 250 habitants qui se touchent. Dans deux mairies, on avait fait des travaux importants ; la troisième était neuve : 700 000 euros de travaux pour trois tout petits villages qui se touchaient !
Un habitant de l’une de ces communes a lancé une pétition : halte au gaspillage de l’argent public, il vaudrait mieux faire une mairie pour les trois. Cet habitant est allé voir le sous-préfet à Sarlat. On lui a répondu que, dans notre République, il n’était pas possible de mutualiser une mairie, même avec deux petits villages.
J’inaugurerai avant la fin de l’année une autre mairie, toute neuve, 450 000 euros de travaux, qui est en construction aujourd’hui exactement à 250 mètres de la mairie du chef-lieu du canton, qui a été entièrement rénovée il y a dix ans.
Tout cela, mes chers collègues, cela s’appelle du gaspillage de l’argent public.
Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.
J’avais donc déposé un amendement, madame la ministre, qui permettait aux communes de mutualiser des bâtiments de mairie. Il n’y avait aucune obligation, il s’agissait simplement de donner aux communes qui le souhaitaient la possibilité de le faire.
Cet amendement avait recueilli une majorité dans cet hémicycle mais vous m’avez demandé de le retirer pour que l’on puisse y travailler pour la deuxième lecture. En guise de travail, la commission des lois m’a dit qu’il était irrecevable en deuxième lecture parce qu’on ne l’avait pas étudié, et il est tombé sous le coup de l’entonnoir.
Nous sommes au mois de juillet, il fait très chaud. Ce n’est pas l’époque des feuilles mortes qui se ramassent à la pelle, vous le savez, mais c’est tout de même pour moi un regret car on aurait pu donner aux communes la possibilité de mutualiser.
J’ai été trente et un ans le maire d’une commune qui a fusionné en 1971. Les fusions n’ont jamais marché quand l’État les a programmées.
« C’est vrai ! » sur les bancs du groupe Les Républicains.
Les communes nouvelles ne marcheront pas non plus parce que cela touche à l’identité des communes. Nous avions là une occasion de faire avancer la mutualisation, je regrette que nous l’ayons ratée.
À l’occasion de l’article 14, avant la discussion des amendements, je tenais à m’exprimer globalement sur l’intercommunalité.
Depuis vingt ans, une large partie des équipements structurants s’est réalisée à l’échelle des intercommunalités, maillon essentiel de notre organisation territoriale. Cela s’est traduit par des budgets intercommunaux supérieurs à 40 milliards d’euros et un accroissement de la visibilité du rôle des intercommunalités dans la gestion publique locale et le cadre de vie de nos concitoyens.
Tout cela était jusqu’à présent fondé sur la volonté exprimée par les élus locaux. Vous semblez avoir l’intention de remettre en cause ce mouvement spontané en prétextant vouloir favoriser un découpage cohérent avec les bassins de vie. Aujourd’hui, c’est sur le seul critère démographique que vous voulez rationaliser l’intercommunalité.
Mercredi dernier, plus de 700 maires ruraux venus de toute la France ont manifesté devant l’Assemblée nationale…
…pour protester contre ce projet de loi, dont le seul objectif est en réalité d’anéantir le niveau de proximité préféré des Français, la commune, et, plus particulièrement la petite commune rurale.
Je veux être ici la voix des territoires, de ces territoires qui souffrent de l’inflation normative, des errements de votre politique et de la baisse des dotations.
L’intercommunalité a été un grand mouvement, qui a permis à de nombreux élus d’apprendre à travailler ensemble. Ne cassez pas ce mouvement, qui ne demande qu’à évoluer et à s’adapter à la réalité des territoires.
Ce mouvement ne peut se faire qu’avec les élus et ne saurait être uniforme. Il y a suffisamment de moyens, juridiques, financiers, pour inciter les élus à rationaliser les communautés de communes. N’imposez un seuil ni à 20 000 habitants ni à 5 000. Laissez les territoires et les élus s’organiser.
Donnez aux élus, donnez aux intercommunalités et aux communes suffisamment de souplesse pour que le mouvement d’intercommunalité se poursuive.
Cette souplesse est d’autant plus souhaitée que votre gouvernement souffre depuis plusieurs mois d’une véritable boulimie réformatrice institutionnelle, qui impacte lourdement les territoires ruraux : métropoles, grandes régions, redécoupage cantonal, réorganisation de l’administration de l’État – avec fermeture des perceptions, de gendarmeries à l’heure actuelle, et d’autres services locaux.
Le malaise des territoires ruraux est aujourd’hui à son paroxysme.
« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains et du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.
Nous abordons avec l’article 14 la question des intercommunalités et du relèvement des seuils. Avant que nous n’examinions les amendements qui vont vous proposer de revenir sur le seuil de 20 000 habitants, examinons le contexte dans lequel nous abordons ces débats. Ce contexte, c’est l’exaspération des élus locaux, qui subissent des réglementations excessives, sont confrontés à une baisse des dotations, voient le rôle des communes remis en cause, et s’inquiètent de voir l’intercommunalité devenir quelque chose de technocratique.
On est en train de faire avec les intercommunalités ce que l’on a fait au niveau de l’Europe, c’est devenu quelque chose qu’on impose, sans l’expliquer, sans véritable débat.
On met des chiffres totalement arbitraires pour les seuils, on éloigne la population, qui n’a pas son mot à dire sur ces évolutions et, finalement, on aura une intercommunalité subie, contrainte, tout le contraire du projet intercommunal.
La navette nous permet d’améliorer le texte, d’entendre les messages des élus locaux. Espérons que nous ne resterons pas sur des solutions technocratiques et arbitraires et que nous pourrons trouver des solutions correspondant à la réalité des territoires. Le seuil ne peut pas être le même sur tous les territoires. Il faut faire confiance. Aujourd’hui, très clairement, les élus locaux, les maires, les conseillers municipaux ne sentent pas que l’État et le Gouvernement en particulier leur font confiance. Je crois que c’est l’occasion de faire un geste ce soir.
Vous l’imaginez bien, l’examen de cet article est particulièrement attendu par les élus locaux, de tous bords politiques confondus. La manifestation de la semaine dernière vous en a donné un aperçu, l’exaspération et la colère des élus sont révélatrices de la nécessité d’avancer avec prudence sur le seuil minimal des EPCI.
Même si vous avez prévu d’éventuels ajustements, vous ne pouvez pas ignorer les autres territoires. Aucun élu, madame la ministre, n’est opposé au principe de la rationalisation, à la mutualisation des services et à la bonne utilisation des fonds publics, mais vous ne pouvez pas demander à des élus qui, en janvier 2010, se sont constitués en EPCI, de 5 000 à 20 000 habitants – j’en ai trois sur ma circonscription et celle du rapporteur au Sénat et ce sont pourtant des territoires d’Île-de-France, des territoires ruraux –, de rejoindre au bout de quatre ans une nouvelle intercommunalité. Ce serait un bouleversement ingérable pour ces collectivités car vous leur demandez de choisir en quelques mois un nouveau bassin de vie, de nouvelles compétences, avec un impact financier inconnu et, surtout, vous obligez les EPCI voisins à accueillir ces petits établissements intercommunaux.
La Seine-et-Marne, vous le savez, madame la ministre, est déjà bien malmenée puisque nous avons deux territoires, Roissy et Sénart, qui en seront extraits de force pour rejoindre des agglomérations situées hors du département. C’est un dépeçage organisé de la Seine-et-Marne.
Ayez un peu d’attention pour ces territoires franciliens situés aux franges de l’Île-de-France.
Abaissez ce seuil de 20 000. Pourquoi d’ailleurs 20 000 ? Pourquoi pas 18 000 ou 15 000, je n’ai pas encore compris les arguments. Surtout, donnez du temps au temps. Les élus ont bien compris qu’il leur fallait s’organiser mais laissez-leur un peu de temps.
Le 24 juin, comme le rappelait un certain nombre de mes collègues, les maires de France ont montré leur mécontentement en venant manifester devant les portes de l’Assemblée nationale. Ils entendaient ainsi protester contre le gigantisme que cet article 14 va apporter à l’organisation de nos territoires.
Dans sa rédaction actuelle, cet article revient sur le vote du Sénat, qui était, comme souvent, un vote de bon sens, avec l’instauration d’un seuil de 5 000 habitants pour la création d’un EPCI.
Le Gouvernement et la commission sont revenus sur cette disposition, pourtant conforme à l’esprit de la réforme, en rétablissant le seuil de 20 000 habitants défini par le projet de loi initial. Je défends pour ma part la position qu’ont prise les sénateurs en faveur du seuil de 5 000 habitants. Il s’agit en effet d’instaurer un véritable climat de confiance avec les élus locaux, afin que l’intercommunalité, si elle doit évoluer, puisse avoir, demain, des chances de réussite. Le seuil de 5 000 habitants n’a pas pour objectif de multiplier les petites structures mais, au contraire, de laisser aux élus locaux la marge de manoeuvre nécessaire à la création de structures adaptées à leur territoire. Nous nous retrouvons donc à nouveau devant une usine à gaz.
Le seuil de 20 000 habitants n’est pas du tout adapté à la spécificité de certains territoires : s’il peut se justifier en milieu urbain et périurbain, ce n’est absolument pas le cas dans les territoires ruraux, de montagne ou dans les zones littorales – ma circonscription se trouvant dans une telle zone –, qui connaissent de fortes variations de population. Ces territoires demandent des réponses adaptées ; il en va de leur développement. Je pense donc qu’il convient de supprimer purement et simplement le seuil de 20 000 habitants, d’autant que la carte des intercommunalités vient d’être revue : nous connaissons toutes les difficultés que cela a créé. Près de 50 % des communes comptent moins de 426 habitants et près des trois quarts en comprennent moins de 1 000. La commune est le lien le plus utile et le plus direct : c’est le premier service public.
Décidément, nous n’avons pas du tout la même vision territoriale de notre pays, et j’emploie ici un euphémisme.
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
Qu’est-ce, pour vous, que l’intercommunalité ? Je vous pose la question car, pour moi, l’intercommunalité est d’abord une histoire construite avec des femmes et des hommes…
Je suis d’accord !
…sur un territoire, avec des compétences décidées par l’intercommunalité. C’est cela, l’histoire de l’intercommunalité qui, en France, est plutôt réussie. Or, avec cet article 14, vous allez remettre en question cette construction issue d’années passées à faire en sorte qu’un territoire se développe par la volonté des élus. Il y a trois critères essentiels, que vous ne respectez pas. Une intercommunalité doit d’abord être choisie, résulter de la volonté d’élus de travailler ensemble, d’une envie. Or, cette volonté, vous l’occultez complètement : vous décidez arbitrairement d’une taille minimale et estimez qu’il faut trouver des voisins pour organiser un mariage forcé. De fait, c’est bien un mariage forcé que vous organisez, non un mariage de raison. Vous savez que ce type de mariage ne peut perdurer.
Par ailleurs, vous occultez complètement les bassins de vie. Il y a des cohérences territoriales qui, vu de Paris, ne semblent pas évidentes, mais qui, sur le terrain, perdurent.
Dernier élément, la coopération, grâce aux habitudes qui ont été prises de travailler ensemble, qui existent bel et bien et dont vous faites pourtant totalement abstraction dans le projet de loi et dans cet article 14 en particulier. Imposer une intercommunalité à l’échelle technocratique, c’est une réalité administrative que vous voulez faire passer, mais c’est un non-sens, cela traduit une méconnaissance totale des réalités des territoires ruraux. Sincèrement, les élus de ces territoires ruraux ne vous font plus confiance…
L’article dont nous discutons prolonge une mutation qu’à titre personnel, je conteste – j’ai eu l’occasion de l’exprimer dans cet hémicycle de manière constante – : le passage progressif d’une organisation territoriale et publique de la France fondée sur le triptyque commune-département-État à une organisation reposant sur le triptyque intercommunalité-région-Europe.
Tout cela se fait de manière brutale, souvent contre l’avis de la population, qui exprime son désaccord, dans une ambiance marquée davantage par la technique et les principes abstraits que par la volonté de coller aux traditions et aux territoires. Il ne faut donc pas s’étonner que nous ayons tant de mal à faire comprendre aux Français ce qu’est une région, une intercommunalité et l’Europe – cette dernière se décharnant ou se déracinant à mesure qu’elle progresse.
Vous avez décidé en commission de rétablir, à l’article 14, le seuil minimal de 20 000 habitants pour constituer une intercommunalité. Bien entendu, il faut un seuil, tout le monde en est conscient, avec tous les effets d’aubaine et les difficultés que cela implique. Ce n’est pas aux deux élus locaux qui sont au banc des ministres aujourd’hui que je vais devoir rappeler que tout est possible dans ce genre d’associations et d’alliances. Toutes les combinatoires sont bienvenues, et l’on sait que les solutions sont nombreuses et complexes. Néanmoins, le seuil de 5 000 habitants présentait plusieurs avantages ; il permettait notamment, dans un certain nombre de territoires, de conserver une logique liée aux bassins de vie plutôt qu’une logique purement quantitative. Même en Île-de-France – je rappelle en effet à nos collègues des autres régions qu’il y a des zones rurales en Île-de-France,…
…les membres de la commission des lois le savent d’ailleurs pertinemment, et j’indique que c’est le cas de ma circonscription –, il y a des intercommunalités rassemblant 6 500 habitants qui fonctionnent bien, qui présentent des modèles d’intégration parfaitement réussis et qui souffriront de ce passage forcé à 20 000 habitants. Lorsque l’on articule cette évolution territoriale – dont vous n’êtes ni les fauteurs ni les responsables – avec ce déracinement et ce critère quantitatif imposés aux territoires, et – troisième point – l’élection des délégués intercommunaux au suffrage universel, on assiste, petit à petit, à la mort programmée des communes, ce que je refuse.
Je regrette que notre collègue Germinal Peiro soit parti car je voulais répondre à sa déception concernant l’amendement qu’il avait proposé en première lecture et sagement retiré à la demande de Mme la ministre, et dont il dit, un peu vite d’ailleurs, qu’il avait recueilli un assentiment général. Si je ne me trompe, il n’a pas été mis au vote mais bel et bien retiré. On ne peut donc pas affirmer qu’il aurait été adopté.
Je rappelle que cet amendement proposait de mutualiser un bâtiment communal si les communes en étaient d’accord. Je me réjouis qu’il ait été déclaré irrecevable. D’abord, je rappelle que le maire n’est pas propriétaire de la commune ni des bâtiments municipaux. Chaque commune s’inscrit dans une histoire longue qui nous survivra, qui survivra à l’exercice de la fonction municipale. Je trouve donc périlleux d’adopter ce type de décision.
Pourquoi dis-je cela ? Dans la défense de la motion de rejet préalable, j’avais évoqué le texte magnifique de Maurice Agulhon, tiré des Lieux de mémoire de Pierre Nora, qui exprime la dimension symbolique du bâtiment municipal. On ne peut pas, dans le cadre de notre débat, évacuer la dimension symbolique des lieux que sont les hôtels de ville, les mairies, qui sont l’incarnation des communes.
Avec les dispositions que vous vous apprêtez à adopter en matière d’intercommunalité, on sera amené à développer tous nos arguments dans le débat sur les articles 14 et 15.
Avec la fin de l’intérêt communautaire et la fixation du seuil de 20 000 habitants – certes, soumis à dérogations – vous changez la philosophie de l’intercommunalité : d’une intercommunalité consentie, voulue, vous faites quelque chose de figé, et je pense que l’on n’a pas fini d’en mesurer les conséquences regrettables.
Je pense qu’il ne faut pas opposer le bloc communal au bloc intercommunal : on ne supprime pas la commune
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains
…les deux blocs se juxtaposent. Bien évidemment, plus l’intercommunalité sera grande, plus elle laissera la commune jouer son rôle de proximité.
Très bon argument !
Dans une intercommunalité rassemblant 5 000 habitants et comportant une dizaine de communes, où est l’intérêt de la commune ? Dans une intercommunalité qui regroupe plus de 10 000 habitants, la commune va retrouver sa capacité d’action de proximité.
Nous ne menons pas le combat que vous décrivez, et je pense que vous vous trompez en présentant les choses de cette façon. Il ne s’agit pas de détruire le patrimoine millénaire des communes, auquel nous sommes tous attachés, mais, bien au contraire, de lui redonner un sens en élargissant les intercommunalités, qui mènent les vraies politiques, à une échelle sans doute un peu plus importante que celle de 5 000 habitants.
Le caractère technocratique est inhérent à la fixation d’un seuil : celui de 5 000 habitants n’était sans doute pas adapté, pas suffisamment courageux. On va donc un peu plus loin. Aidons les communes à conduire ce projet intercommunal, car notre territoire en a besoin. Si, à terme, nous avons des intercommunalités puissantes…
…en capacité de mener des politiques, il est certain que le département aura perdu de son intérêt et que nous en viendrons aussi à ce que nous souhaitons tous, c’est-à-dire à une réduction du mille-feuille administratif.
On a compris que l’article 14, qui redessine la carte intercommunale, resserrée autour des bassins de vie et axée sur un accroissement de la taille minimale des EPCI à fiscalité propre de 5 000 à 20 000 habitants, est l’un des points durs du texte. Le Sénat, dans sa sagesse, avait supprimé le relèvement du seuil de l’intercommunalité de 5 000 à 20 000 habitants. Notre commission des lois est revenue à ce seuil, ce qui explique nos débats et la discussion des amendements qui va avoir lieu.
Lorsque l’on procède à un examen attentif de la situation, on constate qu’en seulement quatre ans, le nombre de communautés de communes a diminué – 500 d’entre elles ont disparu –, ce qui prouve que de nombreux regroupements ont déjà eu lieu. Cette tendance va se poursuivre. Je le dis clairement : je ne suis pas du tout certain qu’il soit nécessaire de fixer un seuil. Je pense que l’on doit faire confiance aux commissions départementales de coopération intercommunale. Laissons-les gérer, faisons confiance aux élus.
Avez-vous peur des élus, mes chers collègues ? Je ne le crois pas.
À considérer la structure démographique des 2 223 communautés de communes, on s’aperçoit qu’un nombre très important d’EPCI se situent déjà dans la fourchette haute en termes de population, mais qu’il en reste aussi un certain nombre qui comprennent moins de 10 000 habitants. En tout état de cause, le seuil de 20 000 habitants ne se justifie pas au regard de la situation actuelle du pays, et l’on ne saurait l’accepter.
L’article 14 est effectivement plus qu’important, puisqu’il va redessiner l’architecture locale, au plus près des territoires. Le fait que le seuil de 20 000 habitants ait été rendu obligatoire constitue un contresens au regard de la coopération intercommunale. De fait, dès sa naissance, cette dernière s’est appuyée sur deux concepts : d’abord, le volontariat, comme cela a été rappelé par plusieurs orateurs, mais, surtout, sur un projet partagé. On définit d’abord le projet avant de bâtir l’architecture administrative qui va permettre de le porter, de le faire vivre, de développer de l’activité sur les territoires et d’offrir du service aux citoyens.
Je sais bien que la complexification de l’action administrative justifie qu’à un moment donné, les intercommunalités se structurent, car elles ont besoin de compétences. Que l’on fixe un seuil minimum de 5 000 habitants, je peux l’entendre, mais imposer, de cette façon, comme cela figurait dans le texte initial, un seuil de 20 000 habitants, sans tenir compte de la diversité de la France, de l’existence de montagnes, de vallées, de zones rurales, c’était une erreur fondamentale depuis le départ.
Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
On n’a pas consulté le local lors de la fusion des régions, et on va refaire la même chose ici, en ne demandant qu’aux préfets ce qu’ils en pensent.
Ils sont déjà à l’oeuvre pour refaire la carte des intercommunalités et le schéma de coopération intercommunal.
Ils invitent déjà – pour ne pas dire qu’ils convoquent – à la préfecture les présidents d’intercommunalité pour qu’ils rediscutent des périmètres existants alors que le texte n’est pas encore voté, qu’il n’est pas stabilisé. Qu’est-ce que cela signifie ?
Je termine, monsieur le président : grâce à l’action de deux rapporteurs en première lecture, M. Dussopt et Peiro, nous avons pu parvenir à des adaptations.
Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
J’espère que nous pourrons aller un peu plus loin dans la voie des adaptations pour prendre en compte le particularisme de tous les territoires.
Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.
Je note tout d’abord que tout le monde est d’accord pour affirmer un seuil dans la loi,…
…qu’il faille le fixer à 5 000 pour certains ou à 20 000 pour d’autres. Tout le monde est donc d’accord pour renforcer l’intercommunalité, pas assez puissante aujourd’hui. En effet, que peut-on faire dans une commune de moins de 200 habitants en matière d’équipements ou de vie quotidienne ?
Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.
Que peut-on offrir dans une intercommunalité de moins de 3 000 habitants en termes de perspectives, de sens, et quels services rendus à la population au niveau des bassins de vie ? Je pose ces questions car si l’intercommunalité, c’est certes le problème des élus – peut-être au premier chef –, c’est aussi l’affaire des citoyens, qui vivent au quotidien dans des bassins de vie, qu’il s’agisse, par exemple, de bassin scolaire, de bassin de santé.
Protestations sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
L’intérêt de l’article 14 me semble résider dans le fait qu’il permet d’adapter la taille des intercommunalités aux configurations géographiques et autres des territoires. Tout ce qui va vers un renforcement de l’intercommunalité est bon parce que cela va dans le sens de l’esprit de la loi, dans le sens du renforcement des régions. Si les intercommunalités veulent être des interlocutrices crédibles des nouvelles régions, il faut qu’elles atteignent un certain seuil de population, de financement et d’équipements. Plutôt que de faire croire que ce serait la mort des communes, il faudrait au contraire reconnaître que c’est leur chance, notamment en milieu rural, que de pouvoir disposer de structures de mutualisation et de projets de vie commun pour leurs habitants ainsi regroupés.
Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
Vous dites toujours cela quand on n’est pas de votre avis, monsieur Leroy ! C’est réducteur !
Madame la ministre, ce seuil de 20 000 habitants est à mon sens un bon seuil parce qu’il a d’autant plus de force qu’il prévoit ses propres exceptions.
« Très juste ! » sur divers bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
Je suis le député du bocage : une des communes de ma circonscription, Vire, dont l’intercommunalité fait 18 000 habitants, est entourée de trois autres petites. Cet article offre une occasion historique pour ces quatre intercommunalités de fusionner et d’arriver ainsi, grâce à la règle du seuil minimal de 20 000 habitants, à faire un véritable bocage qui aura alors la possibilité de délivrer des services aux habitants et de constituer un véritable échelon entre le département et les communes. À partir du moment où on conserve les départements, il faut des intercommunalités susceptibles de reprendre certaines de leurs compétences. Chacun peut trouver dans cet article, au vu de son propre territoire, sa propre vérité. Voici la mienne : les seuils proposés, en fonction des dérogations possibles, sont excellents.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
Le seuil de 20 000 habitants pour la constitution d’un EPCI est une aberration. De plus, il est rare d’examiner des articles de loi où la description des exceptions est plus longue que l’énoncé de la règle. Permettez-moi donc d’être perplexe quand on nous parle de simplification.
À la fin années quatre-vingt-dix, quand les premières communautés de communes se sont mises en place, prenant le relais des districts ou des syndicats de développement, les élus locaux ont pris conscience des réalités des bassins de vie et des bassins d’emplois et ont compris les bienfaits de la mutualisation. Des intercommunalités ont eu de vrais projets de développement.
Beaucoup de chemin a été accompli depuis et, aujourd’hui, la couverture du pays en EPCI est quasiment achevée. Dans ma circonscription, les premières fusions ont eu lieu dès 2007-2008 entre des communautés de communes, souvent de 15 000 à 20 000 habitants. Elles sont en train de se structurer, répondent à de véritables attentes de leur territoire et donnent de la force et de la noblesse à l’intérêt intercommunal, voire intercommunautaire. Mais la contrainte de ce seuil de 20 000 habitants va briser cette belle dynamique, validée pourtant par les CDCI, les commissions départementales de la coopération intercommunale.
Il y a tout de même une forme d’hypocrisie à proclamer qu’on soutient les communes tout en voulant à tout prix leur tordre le cou, les vider de leur contenu en les rassemblant.
Il faut faire un choix clair. Pour ma part, je pense que c’est une richesse pour la France que d’avoir 36 000 communes, autant de maires, un grand nombre d’adjoints au maire, de conseillers municipaux, avec autour d’eux de multiples associations et des comités des fêtes qui animent la vie communale. Demain, quand ils ne seront plus là, on regrettera leur absence. Attention à ce que l’on fait, préservons cette cellule de base de la démocratie française qu’est la commune.
L’intercommunalité peut être évidemment nécessaire, mais elle ne doit être qu’une intercommunalité de subsidiarité, là où les communes ne peuvent agir par elles-mêmes, et elle doit être voulue et non pas contrainte. Dès lors, attention aux compétences obligatoires des communautés de communes : laissez de la liberté aux communes, qu’il s’agisse des compétences ou des périmètres, parce qu’il y a de fortes spécificités selon les territoires, on le sent d’ailleurs à travers les interventions des uns et des autres. Je suis vraiment partisan d’un seuil minimal de 15 000 pour l’EPCI car on voit bien qu’il semble faire consensus aujourd’hui. Ne vous accrochez par principe, madame la ministre, monsieur le rapporteur, à ce seuil de 20 000. Et puis il faut aussi tenir compte des habitants non permanents, je pense aux territoires touristiques où il y a beaucoup de résidences secondaires, car il n’y a pas seulement la population INSEE mais également la population DGF – Gilles Carrez a déposé un amendement à ce sujet. J’ajoute que ces habitants sont, eux aussi, des contribuables locaux. Pour la définition des seuils, on ne peut donc pas se cantonner à la population permanente.
Je prêche pour plus de liberté et pour que l’on préserve à tout prix nos belles communes de France.
Premièrement, les élus concernés vivent bien l’intercommunalité. Il faut leur faire confiance : ils sont très proactifs. À écouter certains, il y aurait d’un côté, la petite commune vertueuse, et, de l’autre, l’intercommunalité où il ne se ferait rien de bien beau.
Protestations sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.
On a l’impression de revenir à des débats très anciens alors que, je le répète, les élus municipaux vivent bien l’intercommunalité au quotidien et participent au développement des politiques publiques de l’intercommunalité.
Deuxièmement, je ne crois pas qu’on affaiblisse les élus d’une commune de 300 habitants quand on leur permet de participer, par exemple, à des discussions et à des décisions sur des projets de développement économique, conduits évidemment à l’échelle beaucoup plus grande de l’intercommunalité.
Troisièmement, j’en viens à la question du seuil : il faut souligner que le rapporteur a commis un travail excellent sur les adaptations. Le seuil de 20 000 habitants, eu égard à la densité démographique qui sera le critère d’adaptation majeure, existe dans assez peu de départements. Autrement dit, c’est un seuil théorique. Et puis il faut rappeler que le préfet ne pourra pas s’opposer à des intercommunalités inférieures au seuil si elles comptent plus de cinquante communes et ajouter à tout cela le délai de repos pour les communes qui ont récemment fusionné : je crois qu’ainsi, nous répondons en toute sérénité aux demandes des élus. Pour être, vous le savez, plutôt favorable aux intercommunalités et pour en discuter souvent avec les élus ruraux de mon territoire, je me réjouis de voir qu’ils ne sont pas du tout inquiets des dispositions de l’article 14.
Monsieur Fasquelle, un seuil de 15 000 serait-il mieux vécu dans les territoires qu’un seuil de 20 000 adapté ? Chez moi, je sais qu’un 20 000 adapté vaudrait mieux qu’un 15 000 non adapté.
Il faut faire preuve de sérénité et d’apaisement dans ce débat. À cet égard, cessez d’opposer maires et conseillers communautaires : ce sont les mêmes élus et ils croient vraiment dans l’intercommunalité.
Je crois que, dans cet hémicycle, il n’y a pas les pro et les anti-intercommunalités : on est tous pour. Néanmoins, je note que dans mon département, le préfet réunissait, il y a dix-huit mois seulement, les membres de la CDCI pour préfigurer une nouvelle carte intercommunale – en y intégrant notamment les communes isolées – pour le 1er janvier 2016, c’est-à-dire que l’encre sera à peine sèche que le puzzle sera remis en cause par ce seuil de 20 000 habitants. On a fait des simulations dans mon département et, malgré les aménagements proposés, cela n’a pas de sens et va bouleverser ce qui est en train d’être mis en place. J’ai un cas concret à vous soumettre, madame la ministre, monsieur le rapporteur : une intercommunalité de 18 000 habitants, qui ne sera pas conforme, entouré de plusieurs intercommunalités de 5 000 à 6 000 habitants qui, elles, seront conformes, comment fera-t-elle pour se mettre en conformité ? Et puis n’oublions pas que des solidarités s’expriment entre les intercommunalités. J’en ai plusieurs exemples dans mon département. Ainsi, des intercommunalités ont décidé de monter une piscine. Rien ne les empêche donc déjà de travailler ensemble, et dans un cadre non contraint mais sur une proposition qui émane des élus locaux.
Les différentes interventions de ce soir montrent qu’il y a un arbitrage à faire entre l’efficacité que l’on veut donner à l’action publique des EPCI et, bien entendu, la prise en compte des spécificités du territoire concerné. Il est évident que des EPCI qui auraient un diamètre de 70 kilomètres renforceraient assez peu l’efficacité de l’existant du fait de l’ampleur des distances. C’est pourquoi l’approche de notre rapporteur en première lecture et acceptée par le Gouvernement, à savoir la possibilité d’exceptions, me paraît extrêmement intéressante, même si l’on peut éventuellement y retravailler.
Depuis la première lecture, Mme Dubié l’a rappelé, les préfets ont entamé des discussions. On se rend compte, à l’aune de ces discussions, qu’il peut aussi y avoir un seuil maximal. En effet, que dire, mes chers collègues, d’une EPCI qui représenterait plus de 30 %, voire 40 % de la population d’un département ? Cela conduirait inéluctablement à la fin du département.
Or le Gouvernement a réaffirmé avec force son souhait de maintenir les départements, notamment dans les territoires ruraux.
Avec un certain nombre de collègues de différents groupes, j’ai signé un amendement qui tend à envisager la possibilité d’un seuil plafond, notamment au regard de la population totale du département. Sinon, comment maintenir les départements ruraux si l’EPCI représente 30 % à 40 % de sa population ? Ce serait extrêmement difficile.
Peut-être en effet, mon cher collègue, mais je pense qu’il n’est pas souhaitable qu’un tel cas se généralise.
Je soutenais les propositions d’adaptation du rapporteur en première lecture, et j’espère que nous allons les retrouver en seconde lecture, avec un ajout sur la problématique du plafond.
Je suis un partisan des intercommunalités : j’ai été le fondateur de la première d’entre elle dans une zone de montagne, en 1999. Néanmoins, le seuil de 20 000 que l’on veut imposer serait une contrainte. Je suis pour une intercommunalité d’adhésion et non pour une intercommunalité forcée.
L’adhésion entraîne une construction économique et des projets que l’on peut apporter sur les territoires. Même si je ne suis pas concerné sur ma communauté de communes, les exceptions au seuil de 20 000 prévues par le rapporteur m’amènent à dire que nous aurions intérêt à édifier, pour l’ensemble des maires et des présidents d’intercommunalité, ainsi que pour l’ensemble de la population française qui attend de nous de la simplification, une loi qui ne fixe pas de seuil avec des exceptions. On n’en sort pas grandis.
À chaque fois, du mécontentement se fait jour, et celui exprimé par les maires ces dernières semaines ici, à Paris, et en province, est bien la preuve qu’une atteinte dangereuse est portée au bloc communal avec ces intercommunalités ni construites ni voulues. J’en appelle donc à la suppression des seuils ou au maintien de celui de 5 000 que, dans sa sagesse, le Sénat avait fixé, et qui me paraît être acceptable par tous.
Comme bon nombre des parlementaires qui se sont exprimés, cette affaire des seuils me gêne au plus haut point. J’accuserais bien le Gouvernement de voir la vie en grand :…
Sourires.
…il aime les grandes régions, les grandes métropoles, les grandes intercommunalités.
Mais je ne le ferai pas.
Le fait régional, moi qui suis favorable à la construction européenne, je le soutiens ; et je le soutiens au point que je regrette que l’on n’ait pas réussi la réunification de la Bretagne.
Lorsqu’on a dessiné les départements, il n’a pas été question de seuils : il existe aujourd’hui des départements de 250 000 à 300 000 d’habitants et d’autres qui en comptent plusieurs millions. Et lorsque vous avez procédé au redécoupage de la carte des régions, vous vous êtes affranchis de la notion de seuil – d’ailleurs, on ne sait pas sur quels critères vous vous êtes fondés !
Je suis personnellement convaincu que l’intercommunalité doit se vivre. Néanmoins, on peut encourager les élus à aller dans cette direction, par l’intermédiaire soit des compétences, avec la clause de compétence générale pour les communes et des compétences dévolues aux intercommunalités, soit des dotations – fonds national d’aménagement et de développement du territoire, dotation d’équipement des territoires ruraux, fonds de solidarité, fonds de péréquation des ressources intercommunales et communales –, soit de la fiscalité : autant des leviers que l’État peut actionner pour inciter au regroupement et à la structuration des communes.
Enfin, puisque l’on a évoqué les préfets et les sous-préfets. je rappelle, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, que la France est organisée en arrondissements, et qu’il serait bon que l’on parle aussi des missions des préfets de région, des préfets d’arrondissement, et aussi, pour les territoires ruraux, des sous-préfets d’arrondissement. Interrogeons-nous sur ce qui a été fait depuis dix, quinze ou vingt ans pour accompagner les territoires ruraux dans la définition et la mise en oeuvre de leurs stratégies et de leurs projets de territoire. N’est-ce pas le rôle du sous-préfet d’arrondissement que d’évoquer le numérique, la mobilité, le développement économique ? Aujourd’hui, on en parle insuffisamment.
Ce débat est extrêmement intéressant, car il permet de souligner les clivages existants. La ligne de partage ne se fait pas entre ceux qui seraient pour l’intercommunalité et ceux qui seraient favorables à des communes isolées du reste du monde !
Que nous soyons de gauche, de droite ou du centre, nous sommes tous des députés, élus dans des circonscriptions, au contact du réel. Au fond, le vrai clivage sépare ceux qui, comme nous, croient à la liberté et ceux qui, comme vous, veulent définir par la loi un critère uniforme applicable partout, de Béthune jusqu’aux Alpes-Maritimes, en passant par la Bourgogne et le Centre. Ce que nous essayons de vous faire comprendre, c’est qu’il faut croire en la capacité des élus municipaux à faire librement le choix de l’union.
Pour ma part, je plaide dans une partie de ma circonscription, pourtant rurale, pour la constitution d’une communauté de communes de près de 30 000 habitants, mais qui découlerait d’un choix effectué en toute liberté. Il faut croire en la capacité d’union libre des communes au sein d’intercommunalités de projet, plutôt que définir un seuil global extrêmement élevé, que vous allez vider de son contenu en prévoyant des exceptions plus compliquées les unes que les autres. Pourquoi diable n’arriverions-nous pas à obtenir cela : encourager librement l’expression libre de la volonté d’élus libres dans un pays libre ?
Je voudrais exprimer à mon tour mon opposition au relèvement du seuil de population rendant obligatoire la constitution d’une nouvelle intercommunalité, relèvement important puisque vous le faites passer de 5 000 à 20 000 habitants. J’y vois trois défauts majeurs.
Premièrement, vous créez de l’instabilité – cela a été dit. La carte intercommunale date en général de 2013 et de nouvelles intercommunalités fusionnées se sont mises en place le 1er janvier 2014. Or, dix-huit mois après, voilà que vous remettez tout sur l’ouvrage !
Deuxièmement, vous faites preuve d’autoritarisme, voire de caporalisme, alors qu’il faudrait au contraire encourager la liberté et faire confiance. Madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, pourriez-vous, pour une fois, faire confiance aux élus communaux ? L’intercommunalité qui marche, c’est celle qui est voulue, et qui repose sur un projet commun : faites donc confiance aux élus communaux !
Troisièmement, et c’est capital, vous condamnez les petites communes à l’impuissance et au dépérissement. Si une petite commune est incluse dans une intercommunalité comprenant une dizaine de communes, son maire a toutes les chances de faire partie du bureau de cette dernière, et elle pourra continuer à exister.
Avec des intercommunalités à trente, quarante, voire cinquante communes, les petites communes disparaîtront, car leur voix ne sera plus entendue.
Vous les condamnez au dépérissement, et c’est une faute majeure. Vous allez remettre la totalité du pouvoir à l’exécutif intercommunal. La véritable intercommunalité, ce n’est pas cela !
« Très bien ! » sur les bancs du groupe Les Républicains.
Je voudrais réagir à ce que viennent de dire les orateurs de l’opposition.
Je suis un élu local.
Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.
Les intercommunalités ont été revues il y a quatre ou cinq ans, et c’est la précédente majorité qui a décidé de fixer un seuil de 5 000 habitants. Lorsque le préfet a redessiné les intercommunalités – c’est vous qui étiez alors au pouvoir –, nous n’avons pas eu l’entière liberté de choix sur ce qui allait être fait. Bref, aujourd’hui, vous dites exactement l’inverse de ce que vous avez fait il y a quatre ou cinq ans !
Ce n’est pas vrai ! Ça ne s’est pas passé comme ça dans le Pas-de-Calais !
Si : les intercommunalités qui ont été refaites comprennent bien plus de 5 000 habitants et n’ont pas été forcément choisies.
Je suis entièrement d’accord pour dire que les communes doivent exister et que lorsqu’on fait une intercommunalité, il doit s’agir d’une intercommunalité de projet. Or, honnêtement, pour ce que je vois en milieu rural, je ne crois pas que le seuil de 5 000 habitants soit suffisant pour réaliser des projets. Il doit donc être réévalué. Mais, de grâce, ne dites pas aujourd’hui qu’il faudrait faire ce que vous n’avez pas fait hier !
Ce qui m’ennuie, c’est que l’on va passer brutalement de 5 000 à 20 000 habitants, ce qui va nécessairement changer les choses.
En outre, on ne tiendra pas compte des bassins de vie et de leurs vocations. C’est inquiétant. On obligera certaines communes à travailler avec d’autres, implantées dans d’autres bassins, qui n’ont pas du tout la même vocation. Vous allez urbaniser de petites communes rurales sans nécessairement leur apporter des services de proximité.
Ce que je souhaiterais, c’est que l’on laisse une certaine liberté et que l’on ne fixe pas un critère uniforme pour toutes les communes : tous les bassins ne sont pas identiques, et tous les territoires ne se ressemblent pas.
Je pense par conséquent qu’il serait bon de supprimer cet article et de laisser une liberté de décision aux élus locaux. Le nouveau dispositif apportera-t-il vraiment de l’efficacité à toutes les intercommunalités ? Y aura-t-il les mêmes services de proximité qu’aujourd’hui ? Je crains que tout cela ne provoque un malaise dans certaines communes rurales et certains bassins de vie.
Il est normal qu’un débat aussi important soit aussi intense. Mais on peut être tout à la fois pour la commune et pour la communauté de communes – c’est d’ailleurs ce que l’on observe depuis plusieurs années.
Un seuil à 20 000 habitants, ce n’est pas un problème ! L’important, c’est de prévoir des dérogations possibles et de travailler en finesse sur le dispositif.
J’entends dire qu’il faut faire confiance aux élus, mais il faut bien qu’auparavant, nous ayons fixé de grandes lignes et un cadre suffisamment souple pour que le dispositif puisse être affiné par la commission départementale de la coopération intercommunale, avec les élus de terrain.
Dès lors que le pouvoir du préfet est réduit et que la parole est donnée aux élus de terrain, c’est que la confiance est là !
Et dans chaque département, ce sont bien les élus de terrain qui, connaissant leur territoire, pourront décider, suivant les endroits, si la communauté de communes devra comprendre 8 000, 5 000 ou 50 000 habitants.
Voilà la vraie confiance : c’est la confiance dans nos communes, dont nous ne voulons pas nous passer. En revanche, il nous faut aussi avancer dans le domaine des communes nouvelles – et, dans mon département, les maires s’y intéressent sincèrement. C’est ainsi que nous pourrons voir disparaître les toutes petites communes sans moyens.
La sagesse, elle est donc dans cette liberté que nous laissons aux communes ; néanmoins, il faut un texte directeur.
Bravo !
Mes chers collègues, je crois que chacun a eu la possibilité de s’exprimer sur le sujet.
La parole est maintenant à M. le rapporteur.
Je voudrais indiquer rapidement comment la commission des lois a travaillé et comment une majorité s’est dégagée sur un certain nombre de propositions.
Il convient de rejeter un premier grief, selon lequel ce texte serait de nature à mettre en danger les communes en général, et les plus petites en particulier. Essayons de nous accorder sur quelques points.
D’abord, le texte que nous examinons supprime la clause de compétence générale pour les départements et les régions, mais il la maintient pour les communes et les intercommunalités qui les représentent, auxquelles des compétences sont déléguées.
Mon cher collègue, les compétences obligatoires datent de 1999 et vous les avez renforcées en 2010 : ne nous faites pas de procès sur ce point !
Nous avons d’ailleurs veillé à ce qu’à l’exception du développement économique, la notion d’intérêt communautaire soit maintenue, et que les procédures permettent aux communes de peser sur sa définition.
D’autre part, l’article 24 du projet de loi précise que le département disposera désormais d’une compétence obligatoire en matière d’aide aux communes et à leurs groupements. Convenez que si notre objectif était d’affaiblir les communes, nous n’aurions pas créé des outils visant à renforcer leur accompagnement par le département !
Dernier point, en réponse à M. Charles de La Verpillière : l’argument selon lequel plus une communauté de communes serait petite et plus les maires auraient la possibilité d’être représentés à son bureau ne tient pas, et cela pour une simple et bonne raison, c’est que la loi de 2010 – que vous avez adoptée – limite le nombre de vice-présidents à 30 % de l’effectif du conseil communautaire et cale ce dernier sur le nombre d’habitants. En conséquence, moins une communauté de communes comprendra d’habitants, moins il y aura de vice-présidents, et la possibilité pour les petites communes de siéger au bureau sera plus réduite que dans les conseils communautaires plus vastes.
Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.
S’agissant maintenant de la question du seuil, la commission est revenue à celui de 20 000 habitants, avec des adaptations possibles – sur lesquelles nous étions tombés d’accord, madame Dubié, dès la première lecture.
La première vise à tenir compte des intercommunalités situées dans des départements dont la densité moyenne de population est inférieure à la moyenne nationale. Nous proposons que ce soient les préfets qui soient chargés des calculs : je pense que nous pouvons compter sur eux pour faire une règle de trois ! Si, par extraordinaire, cela n’était pas possible, le rapport produit devant la commission récapitulerait le tableau des départements concernés en indiquant le résultat de la règle de trois et le seuil pondéré : cela permettra aux préfets de disposer d’un seuil pondéré dans les départements dont la densité est plus faible.
Deuxième adaptation : nous avons tenu compte de l’argument – développé notamment par Mme Rabault – selon lequel la présence d’une métropole, d’une communauté urbaine ou d’une communauté d’agglomération augmenterait la densité moyenne départementale et, en conséquence, priverait de toute possibilité d’adaptation les territoires qui ne sont pas membres de la communauté urbaine ou de la communauté d’agglomération.
Aussi, nous avons dit que le seuil serait adapté et pourrait être fixé à 5 000 habitants, dans les territoires envisagés dans le cadre des nouveaux schémas que les préfets auront à proposer aux CDCI, lorsque la densité de population est inférieure à 30 % de la moyenne, ce qui représente une densité d’à peu près 31 habitants par kilomètre carré.
La question des zones de montagne a donné lieu à une troisième adaptation. Initialement, le texte du Gouvernement – je le rappellerai sans cesse parce qu’il faut aussi rendre à César ce qui est à César –, tel que présenté devant le Sénat puis devant notre assemblée, disposait qu’il n’y aurait pas de seuil en zone de montagne, que le seuil serait fixé à zéro comme dans le cadre de la loi de 2010. Nous avons porté ce seuil à 5 000 habitants, et ce grâce à des amendements déposés par des députés siégeant sur tous les bancs. Je pense notamment à l’amendement no 1361 , déposé par M. Wauquiez, et à l’amendement no 126 , déposé par Mme Battistel – M. Wauquiez est président de l’ANEM, l’Association nationale des élus de la montagne, dont Mme Battistel est secrétaire générale. C’est en adoptant ces amendements que nous avons instauré un seuil de 5 000 habitants pour les zones de montagne. Il s’applique, par exemple, sur l’intégralité du département de la Lozère et sur l’intégralité de celui du Cantal.
Enfin, quatrième adaptation, nous avons, en commission des lois, et à l’initiative de Mme Grelier, décidé qu’il fallait aussi que le seuil puisse être adapté lorsqu’une intercommunalité regroupait plus de 50 communes, pour tenir compte des questions de gouvernance posées.
Je termine par trois éléments qu’il me paraît utile de souligner à ce stade du débat.
Le premier, c’est que le texte initial prévoyait que le seuil puisse être adapté. Nos collègues du Sénat ont écrit, eux, que le seuil était adapté, et nous avons adopté cette formulation. Dans le cadre des débats en CDCI, cela donne du poids aux demandes d’adaptation formulées par les élus.
Deuxième élément, il faut souligner, même si cela a déjà été rappelé, que nous avons aussi prévu, dans ce dispositif, que les préfets ne pourront déroger et aller plus loin que ce que prévoit la loi en termes de seuil qu’après un avis favorable de la CDCI. Lorsqu’un préfet proposera un seuil ou des intercommunalités allant plus loin que les objectifs fixés par la loi, il faudra que la CDCI émette un avis favorable. Et puis nous avons prévu une disposition qui relève à la fois de la dérogation et des modalités de mise en oeuvre des schémas départementaux de coopération intercommunale : nous avons prévu une forme de délai de repos pour les intercommunalités nées de la fusion de deux intercommunalités – ou plus – depuis le 1er janvier 2012, en application des schémas adoptés dans les CDCI après la loi de 2010, de manière à ce que s’écoule un temps suffisant entre la récente fusion et d’éventuelles fusions à l’avenir.
Je suis convaincu que coller à la réalité des territoires suppose de retenir ce seuil de 20 000 habitants qui, selon différents rapports – je pense notamment au rapport du commissariat général à l’égalité des territoires –, correspond à la taille moyenne des bassins de vie, à condition que ce seuil soit assorti d’adaptations qui permettront véritablement de coller à la réalité. C’est la raison pour laquelle je demanderai au nom de la commission et, évidemment, en mon nom personnel, mais je crois que beaucoup seront à mes côtés, que le seuil de 20 000 habitants soit maintenu, avec les possibilités d’adaptation que j’ai présentées.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
La parole est à M. le secrétaire d’État chargé de la réforme territoriale.
Beaucoup de choses ont été dites, auxquelles Mme Lebranchu et moi souscrivons totalement. Je songe aux propos tenus par ceux qui approuvent le texte issu des travaux de la commission des lois, mais j’ai également retenu que l’on considérait, du côté droit de cet hémicycle, que l’idée de seuil était utile – vous n’avez pas toujours dit cela, mesdames et messieurs les députés.
Il est vrai que sans un seuil – 5 000 habitants hier, 20 000 habitants demain – les choses ne bougeraient pas. Il en faut donc un. Le problème est de savoir à quelle hauteur le fixer : 5 000 habitants, c’est trop faible. J’ai entendu tout à l’heure des interrogations : d’où ce chiffre de 20 000 habitants vient-il ? Le rapporteur vient d’en parler. De nombreux rapports ont été écrits, par des gens qui ne sont peut-être pas des élus locaux, mais ceux-ci, dont nous faisons, les uns et les autres, partie, n’ont pas le monopole de l’intelligence, même en matière territoriale. D’autres ont beaucoup travaillé, beaucoup réfléchi sur ces questions d’intercommunalité, notamment le commissariat général à l’égalité des territoires,…
…qui après avoir recoupé beaucoup de critères est parvenu à ce seuil de 20 000 habitants pour définir un bassin de vie. L’INSEE propose 37 000 habitants, ce qui est bien supérieur, mais l’étude du CGET m’a convaincu, comme elle a convaincu la plupart d’entre vous, j’en suis sûr.
Et puis, outre le CGET, il y a aussi des élus. M. Morel-A-L’Huissier est-il encore parmi nous ?
La Lozère, monsieur le député, est le département le plus rural de France, et le plus petit, avec 70 000 habitants. J’y étais récemment, et nous nous y sommes rencontrés. L’autre parlementaire de la Lozère, le sénateur Alain Bertrand, a eu une formule que j’ai aimée. Il a dit que toute la Lozère tiendrait dans le stade de France et qu’il y aurait encore de la place – le chef-lieu, Mende, compte 12 000 habitant. Eh bien, le sénateur Alain Bertrand, un élu des territoires, a rendu un très intéressant rapport sur l’hyper-ruralité, auquel je vous renvoie, et il y propose lui aussi de retenir le seuil de 20 000 habitants. Voilà donc d’où vient ce chiffre.
J’en viens maintenant aux adaptations qui seront possibles, parce que là réside évidemment l’essentiel. Mme Grelier en a parlé, de façon très précise, comme le rapporteur, qui a évoqué toute la souplesse possible, entre les zones de montagne, la densité démographique et le nombre de communes, à tel point que, d’après les calculs que l’on a pu faire, 900 intercommunalités sur les 2 133 qui existent à ce jour seront concernées et devront évoluer– seulement 900, pourront dire certains –, soit 43 % d’entre elles. Ce n’est donc pas la révolution dans tous les territoires que vous décrivez : un peu moins de la moitié des intercommunalités devront évoluer pour augmenter leur dimension.
J’en viens enfin à la démocratie. Mme Untermaier et d’autres ont tenu des propos auxquels je souscris totalement. Avec Marylise Lebranchu, nous sommes intimement persuadés que l’avenir de la commune est dans l’intercommunalité, dans des intercommunalités puissantes et plus grandes. Et je suis persuadé que si les intercommunalités ne grandissent pas, si elles restent, pour la plupart, trop petites, comme elles le sont aujourd’hui, c’est la commune qui est menacée.
« Eh oui ! » sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
C’est dans des intercommunalités grandes, regroupant de nombreuses communes et aux compétences multiples et importantes, que la commune jouera son rôle d’échelon démocratique de proximité. Si vous voulez – je crois que vous êtes sincère – défendre, comme nous, la commune, si vous croyez à la nécessité de maintenir les communes en France, il faut des intercommunalités grandes et puissantes, qui rendent les services que la population attend, en milieu rural comme en milieu urbain. M. Calmette l’a dit tout à l’heure : seules des intercommunalités assez puissantes, avec assez de compétences et des moyens humains, matériels et financiers, seront demain capables de construire des équipements publics, de rendre des services à la population. Celle-ci, on le sait, a les mêmes exigences partout sur le territoire de la République. Voilà pourquoi nous pensons plus que jamais que ce seuil de 20 000 habitants, avec ses adaptations, est aujourd’hui nécessaire à notre pays.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et sur certains bancs du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.
Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :
Suite de la discussion en deuxième lecture du projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République.
La séance est levée.
La séance est levée à dix-neuf heures cinquante-cinq.
La Directrice du service du compte rendu de la séance
de l’Assemblée nationale
Catherine Joly