Et, dans ces deux cas, ce changement d’attitude est-il très convenable ? La politique monétaire n’est pas un jeu de rôles où l’on adopterait des postures contraires selon les fonctions exercées.
Je rappellerai un seul fait : l’augmentation excessive des impôts dans le passé, solution de facilité face à la crise des finances publiques. Entre 2011 et 2012, les augmentations décidées par la précédente majorité ont été de 36,5 milliards d’euros. Pour 2012 et 2013, celle qu’a votée l’actuelle majorité a été de 33,4 milliards, auxquels s’ajoutent 3,7 milliards au titre de 2014, soit au total 73,6 milliards d’euros. Bien évidemment, cette flambée des impôts a contribué à freiner l’activité et à handicaper toute véritable reprise.
Désormais, en tout cas – et c’est un fait nouveau –, le Gouvernement a le mérite de mener enfin une politique équilibrée, qui concilie le sérieux budgétaire et les mesures en faveur de la croissance. La réduction du déficit public s’effectue à un rythme raisonnable, afin de ne pas empêcher une reprise de l’économie.
Comme l’a dit François Hollande au sommet de Milan sur l’emploi, « il faut ajuster le rythme des politiques budgétaires par rapport à l’enjeu de la croissance ». Au fond, l’exécutif suit désormais le précepte d’Alceste dans Le Misanthrope :
« La parfaite raison fuit toute extrémité,
Et veut que l’on soit sage avec sobriété. »
Merci pour cette sobriété !
L’examen de l’exécution du budget 2014 au moyen de cette loi de règlement confirme cette analyse.
Le déficit public nominal, qui était de 5,1 % en 2011, s’établit à 4 % en 2014 et devrait être ramené à 3,8 % en 2015, malgré un effort structurel que certains jugent limité – jugement qui n’est peut-être, cependant, que peu fondé.
Par ailleurs, après une hausse continue et importante depuis 2009, le taux des prélèvements obligatoires n’a que très faiblement progressé en 2014, où il s’établit à 44,9 % du PIB après 44,7 % en 2013. Cette gestion est conforme au principe qu’a toujours soutenu notre groupe dès 2012 : préférer la réduction de la dépense à l’augmentation des impôts et éviter l’overdose fiscale, qui pénalise notamment les classes moyennes et populaires et qui entrave la reprise.
Toutefois, cette gestion budgétaire « sérieuse », selon l’adjectif traditionnel, n’a pas encore conduit, en 2014, à des résultats économiques pleinement satisfaisants. La croissance n’a été que de 0,2 % en 2014, loin de la croissance moyenne de la zone euro, qui s’est établie à 0,9 % – sans même parler du Royaume-Uni, où elle est de 2,8 %.
Du reste, la croissance française pour 2015, qui devrait être de 1,2 % selon l’INSEE, semble due surtout à des facteurs exogènes, à savoir la forte baisse du prix du pétrole et des taux d’intérêt.
Deux autres points apparaissent assez préoccupants dans le bilan de cette année 2014.
D’abord, la dette des administrations publiques a continué à progresser à un rythme soutenu : elle atteint 2 037 milliards d’euros fin 2014, soit 95,6 % du PIB. Dans l’immédiat, la faiblesse des taux d’intérêt permet de contenir la charge de la dette. Toutefois, cette faiblesse exceptionnelle peut ne pas se maintenir, ce qui pourrait rendre notre dette difficilement soutenable sur le long terme.
Ensuite, l’investissement a marqué en 2014 un fort repli – de 0,6 point. Même en 2015, il reste relativement atone et tarde à repartir, même si l’on nous prédit de meilleurs résultats pour ce second semestre. L’investissement des entreprises devrait progresser, au mieux, de 1 % en 2015 et la reprise tient surtout à la consommation des ménages.
En fait, la croissance, prévue comme devant être encore faible pour 2015, avec un taux de 1,2 %, est une croissance sans emploi et sans investissement.
Loin de décroître, le chômage continue de progresser. Il concernait 3 496 400 demandeurs d’emploi de catégorie A à la fin de 2014 et en concerne 3 552 000 en mai 2015, soit 660 000 chômeurs de plus qu’en avril 2012.
Les deux objectifs principaux du ClCE – mis en oeuvre dès le 1er janvier 2013 et dont on ne dira jamais assez les mérites, ni surtout les défauts – et du pacte de responsabilité sont d’obtenir un effort accru des entreprises en matière d’emploi et d’investissement, en « contrepartie », pour employer un mot que ne supporte pas le MEDEF, des allégements d’impôts et de charges qui leur sont consentis et qui représentent une somme très considérable : 41 milliards d’euros en trois ans pour le CICE.
Est-il sûr que ces allégements soient réellement ou principalement utilisés pour l’emploi et l’investissement ? Actuellement, personne ne peut vraiment le dire, vu la lenteur et la vacuité des rapports d’évaluation émanant du comité de suivi issu de France Stratégie.
Mon groupe votera pour cette loi de règlement, mais il le fera en regrettant l’ignorance dans laquelle le Parlement est tenu quant à l’utilisation effective de 41 milliards d’argent public par les dirigeants d’entreprise. Ce défaut de transparence est très inhabituel dans le domaine budgétaire et il restreint les droits du Parlement. Cette érosion du contrôle parlementaire n’est jamais souhaitable.