Intervention de Hervé Mariton

Séance en hémicycle du 6 juillet 2015 à 16h00
Règlement du budget et approbation des comptes 2014 — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaHervé Mariton :

Combien cette affaire aura-t-elle coûté aux contribuables ? 1 milliard d’euros ? Beaucoup plus ? C’est un sujet que vous connaissez en tant que secrétaire d’État chargé du budget, mais aussi pour son implantation géographique. Il serait intéressant que vous précisiez le coût de l’incurie du Gouvernement dans la gestion de ce dossier.

Les remarques factuelles de la Cour des comptes doivent être prises au sérieux, car, oui, monsieur le secrétaire d’État, il existe un risque sur notre dette.

Mme la rapporteure générale souligne d’ailleurs dans son rapport la forte hausse des engagements hors bilan de l’État. Mais tous n’ont pas la même approche au sein de la majorité. Nous avons entendu certains nous expliquer en commission des finances que la notion de « hors bilan » n’avait pas de sens. Fort heureusement, Mme la rapporteure générale assume dans son rapport que ces engagements hors bilan existent et qu’ils augmentent lourdement.

Rappelons un certain nombre de données, monsieur le secrétaire d’État. Si les taux auxquels l’État emprunte devaient à un moment augmenter d’un point – ce n’est pas un scénario absolument impossible, même si évidemment nous ne le souhaitons pas –, le coût, pour la dixième année, serait de 15 milliards d’euros ; le coût cumulé, sur la période de ces dix années, serait de 100 milliards d’euros.

Mesurez la responsabilité qui est la vôtre, qui est la nôtre, dans les choix budgétaires que nous faisons. Des choix budgétaires mal maîtrisés, mal évalués, une mauvaise exécution budgétaire comme c’est le cas en 2014, auront nécessairement, à un moment, un effet sur les taux d’intérêt : 15 milliards la dixième année, 100 milliards sur l’ensemble de la période.

Monsieur le secrétaire d’État, ce sont des faits, des chiffres précis, simples, lourds de conséquences : en 2014 la dette a augmenté de 70 milliards d’euros, le déficit s’est aggravé de 11 milliards et les dépenses ont été masquées par un certain nombre d’artifices de gestion.

Mme la rapporteure générale a dit que d’autres majorités en ont parfois abusé. Ce n’est pas faux. Simplement, la situation s’aggrave. Et si je peux me permettre, les définitions s’aggravent aussi.

Peut-on discuter de la prise en compte des investissements d’avenir dans le périmètre d’évolution des dépenses ? C’est une bonne question que vous posez et vous avez raison de dire, madame le rapporteur général, qu’antérieurement, ces investissements d’avenir n’étaient pas davantage pris en compte. Mais celle que nombre d’entre nous avaient posée dès la mise en place des investissements d’avenir portait, d’une part, sur leur comptabilisation, et d’autre part, sur leur contenu.

Quand ce sont véritablement des investissements d’avenir, innovants, sur des dépenses qui ordinairement n’auraient pas été inscrites au budget de l’État, on peut critiquer la facilité de nomenclature comme on peut l’accepter. Lorsque très clairement, et le Gouvernement le reconnaît, ces investissements d’avenir se substituent à des dépenses budgétaires ordinaires, classiques, il n’y a aucune raison de les classer ainsi ni d’accepter que soit masquée de la sorte l’augmentation des dépenses de l’État.

La baisse des recettes est de 10 milliards d’euros. Pour tout vous dire, monsieur le secrétaire d’État, je ne veux pas condamner toute baisse des recettes. Lorsqu’elle fait suite au choix politique d’une réduction de l’impôt, c’est bien. On peut contester les modalités ou le choix stratégique de la technique du CICE, mais la baisse des charges supportées par les entreprises n’est pas condamnable en tant que telle : soyons cohérents avec nos propres analyses et nos propres propositions.

Dans ces 10 milliards, la baisse qui relève du choix politique de réduction de l’impôt nous va bien, mais vous le savez, cette baisse est davantage l’effet d’une faible croissance que d’un choix politique de baisse de l’impôt.

Alors, nous nous retrouvons avec les chiffres dénoncés par le président de la commission : les prélèvements obligatoires augmentent, passant de 44,7 à 44,9 %, tout comme les dépenses publiques, de 57 à 57,5 % du produit intérieur brut.

Ces débats ne sont pas uniquement techniques, même lorsqu’il s’agit du projet de loi de règlement. Notre collègue Cornut-Gentille a eu raison de rappeler l’importance que devrait avoir ce moment dans la vie parlementaire. Ce ne sont pas des débats purement techniques, ce ne sont surtout pas des débats rituels et nous vous rappelons, monsieur le secrétaire d’État, comme la réalité le rappelle à la Grèce actuellement, que l’intendance ne suit pas toujours.

Monsieur le secrétaire d’État, plus que jamais, il est impératif d’assainir les finances publiques, de maîtriser de manière plus rigoureuse les dépenses.

Je dois dire que le constat de la rapporteure générale du budget sur le fait que l’État ne pourvoie pas à tous les emplois qui sont inscrits a quelque chose d’un brin paradoxal.

Ce constat répond à ce que nous vous disons depuis trois ans : alors même que l’augmentation des effectifs n’est sûrement pas la réponse aux problèmes de la politique de l’éducation en France, nous n’avons de toute façon pas assez de candidats. Vous auriez dû nous écouter davantage il y a trois ans : nous vous l’avions dit.

La médiocrité de votre politique de l’éducation n’a en rien contribué à améliorer la situation et vous en faites, chers collègues, l’honnête constat : je vous en donne acte.

Oui, nous avons besoin d’une maîtrise plus rigoureuse des dépenses, parce que les baisses d’impôts que nous appelons de nos voeux doivent être financées.

Cher collègue Lefebvre, je vous transmettrai si c’est nécessaire nos analyses et précisions sur ce que pourraient être des baisses de dépenses, qui demanderaient du courage assurément, mais qui permettraient de parvenir, en répartissant les efforts, à financer et la baisse des déficits, en vue de mieux maîtriser la dette, et la baisse des impôts.

Nous souhaitons une plus grande maîtrise des dépenses pour permettre une baisse des impôts, au bénéfice de la liberté des personnes et du dynamisme des entreprises.

La maîtrise des finances publiques a aussi pour enjeux la souveraineté de notre pays et la croissance de notre économie.

L’intérêt de la France réside dans la cohérence de notre politique avec celles de nos partenaires européens : au sein de la zone euro, cela veut dire une politique économique commune.

Quand on n’est pas à l’aise avec cette logique et ce choix politique de la convergence, comme certains le disent violemment en Europe – en Grèce, par exemple –, ou moderato en France, y compris au sein de votre majorité, il y a alors un problème sur le choix même de l’euro.

Attention à la légèreté ! La Grèce fut pour le moins légère avec ses finances publiques. Elle exprime aujourd’hui un refus de la convergence des politiques économiques qui est, en toute cohérence, un refus de l’euro.

On ne peut pas avoir une chose et son contraire : une monnaie commune qui suppose une convergence des politiques économiques et le refus de cette convergence.

Je pense que de bonne foi, la grande majorité des parlementaires de la majorité, du groupe socialiste, estiment que la convergence est souhaitable et nécessaire. Mes chers collègues, il faut que vous assumiez cette position et que vous en assuriez la cohérence.

Le grand danger que le Gouvernement nous fait courir, c’est, à bas bruit, de mettre en danger cette convergence et, demain, la situation de notre pays. Méditons cette leçon. Ayons en tête, aujourd’hui plus que jamais, que de bonnes finances sont nécessaires à une bonne politique.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion