Intervention de Jean-Louis Dumont

Séance en hémicycle du 6 juillet 2015 à 16h00
Règlement du budget et approbation des comptes 2014 — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Louis Dumont :

…à des organismes missionnés par l’État de construire des logements, de les rénover, de les réhabiliter.

Ces organismes ont ensemble une dette fort importante, de l’ordre de 140 milliards d’euros. Dans le cadre du modèle économique qui est le nôtre pour financer cette production qui sert notre économie, qui sert le lien social et en définitive la République, je m’imaginais ce que pouvait la loi votée par notre Parlement sur les taux d’intérêt pour la rémunération de l’épargne. Je le dis avec prudence, car je sais les échos qui vont me revenir, mais si, dans des fourchettes convenables ou dans un modèle légèrement revisité pour tenir compte de l’épargne populaire dont nous avons aussi besoin, les taux avaient suivi la même évolution que ceux dont a bénéficié l’État, je n’ose penser aux économies que cela aurait permis de dégager sur le remboursement de la dette et de réinvestir dans la production.

Investir dans la production, c’est faire revenir de l’argent dans les caisses de l’État. Vous allez me dire, monsieur le secrétaire d’État, qu’avec les différents taux de TVA, des efforts importants ont tout de même été faits : c’est évident.

Ces donneurs d’ordres dépensent chaque année, en investissements, environ 16 milliards et la production pèse pratiquement 12 milliards : on voit ce que cela peut représenter dans une économie de production qui est relativement exsangue.

J’ai aussi une question que j’avais posée à votre prédécesseur, qui est parti, un peu vite, vers d’autres responsabilités, plus importantes : je me permettrai de vous la poser, sachant que j’ai trouvé quelques éléments de réponse dans le rapport de Mme Rabault et dans ceux des rapporteurs spéciaux.

Les aides à la pierre, en autorisations d’engagement comme en crédits de paiement, représentent des sommes globalement supérieures à celles inscrites en loi de finances initiale. D’une façon tout à fait délicate, on parle de « fonds de concours » issus de caisses, comme la Caisse de garantie du logement locatif social, ou de fonds abondés par des taxes, voire des amendes, comme celles qui frappent les communes carencées.

On s’aperçoit que plus de 30 % des sommes inscrites par l’État en matière de logement proviennent, de gré ou de force, par des choix stratégiques, de ces fonds.

Je pourrais faire la même démonstration sur l’Agence nationale de rénovation urbaine et la politique de la ville, c’est-à-dire sur ces politiques grâce auxquelles le développement humain reste un tant soit peu d’actualité dans ce pays, car il me semble que selon les documents du Programme des Nations unies pour le développement, nous régressons dans ce domaine.

Je voudrais souligner le rôle du Crédit immobilier de France. Tout à l’heure, un de nos collègues, avec humour, parlait d’un commissaire européen que nous avons bien connu ici : il vous a laissé un cadeau, monsieur le secrétaire d’État. Pas aux salariés, qui ont été licenciés, même si on nous dit qu’ils ont bénéficié d’un traitement social de qualité.

L’extinction du CIF devrait rapporter en fin de parcours au moins 2 milliards d’euros à l’État, mais déjà, chaque année, ce sont 100 à 200 millions d’euros qui sont apportés au budget de l’État, lequel en a bien besoin.

Je constate qu’il est assez difficile d’identifier ces sommes. Elles peuvent venir contribuer à l’équilibre du budget ; elles peuvent aussi aller à ce pour quoi elles étaient destinées lorsque le CIF était en activité, c’est-à-dire à financer un fonds social à destination des personnes les plus fragiles et les plus en difficulté.

J’ajoute que, selon les documents budgétaires, les coûts de l’hébergement d’urgence atteignent des sommets, de sorte qu’il faut absolument faire quelque chose.

Mais il est regrettable que l’on oublie que faire suppose de proposer, de mutualiser, de prendre ses responsabilités. À cet égard, vous aurez remarqué que je n’ai jamais demandé de mesures nouvelles, jamais demandé que l’État donne plus. On ne lui demande pas plus. Au contraire, on contribue par notre activité à lui amener quelque chose.

Je souligne que les services de la haute fonction publique ne peuvent pas retarder la mise en oeuvre des accords passés car il s’agit d’une mutualisation de moyens financiers au bénéfice d’une politique voulue au plus haut sommet de l’État. Or aujourd’hui, on attend des réponses de la part de quelques fonctionnaires – tous d’ailleurs de grande qualité, y compris dans les cabinets ministériel – pour savoir si la loi SRU est appliquée, si les accords de mutualisation vont enfin être réalisés. Si c’est non, qu’on nous le dise. Mais le jeu de l’État depuis dix ans, est-ce de toujours siphonner et en signant seulement des accords ? Au passage, je constate qu’il n’y a pas eu besoin de siphonner pour que l’Agence de renouvellement urbain bénéficie d’enveloppes qui chaque année abondaient les crédits de paiement, jusqu’à hauteur de 100 millions d’euros. Certes, c’était 70 millions d’euros la dernière fois, mais nous étions en fin de parcours du premier plan de renouvellement urbain. Le deuxième semble également très difficile à mettre en oeuvre, et on comprend pourquoi. Mais il faut jouer la transparence, faire preuve de rigueur et que chacun y mette du sien. Il est indispensable que les opérations annoncées, que la cartographie des quartiers concernés, correspondent à une mise en oeuvre effective. Je n’insisterai pas plus sur les contributions apportées par ces fonds de concours, mais il serait souhaitable qu’elles soient annoncées de façon très transparente. Je pourrai parler de la contribution annuelle de la Caisse des dépôts et consignations, mais il est permis de s’interroger sur la part de ces fonds de concours qui sont gérés par elle – ou bien ce qu’il en reste – au bénéfice du modèle économique du logement locatif social.

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