Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, chers collègues, le texte dont nous discutons fait suite à celui adopté le 10 juillet 2014. Il a pour objet de ratifier les ordonnances relatives à la mise en accessibilité des établissements recevant du public, des transports publics, des bâtiments d’habitation et de la voirie pour les personnes handicapées. C’est la loi du 11 février 2005 pour « l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées » qui prévoyait cette mise en accessibilité, fixant la date butoir de cette mesure à 2015. Cette disposition est tout à fait essentielle pour que les personnes en situation de handicap puissent enfin, comme n’importe quel citoyen, circuler librement. J’ajoute que sont également concernées – vous l’avez rappelé, madame la secrétaire d’État – les personnes âgées, accompagnées de jeunes enfants ou momentanément gênées.
En 2011, constatant le retard accumulé dans les travaux de mise en accessibilité, notre groupe politique avait présenté dans cet hémicycle une proposition de résolution invitant le Gouvernement français à prendre des décisions pour permettre la mise en oeuvre d’une réelle politique d’accessibilité universelle, en conformité avec ses engagements internationaux. Malheureusement, cette exigence n’a pas été entendue. Pire, les gouvernements de droite de l’époque ont laissé la situation se dégrader.
Nous étions en droit d’attendre que le nouveau gouvernement reprenne ce dossier en main et dégage des moyens pour le faire avancer. Mais hélas, le projet de loi du 10 juillet 2014 n’est pas venu soutenir un effort de mise en accessibilité. Il a, au contraire, entériné une situation difficile, réduit le niveau des exigences en termes d’accès aux transports et au bâti, et en a encore retardé la concrétisation, en même temps que le Gouvernement décidait de réduire de 11 milliards d’euros la dotation attribuée aux communes, leur interdisant, de fait, quelle que soit leur bonne volonté, de mettre en oeuvre concrètement les objectifs de la loi de 2005. C’est ce qui a motivé notre vote contre ce texte en première lecture.
C’est dans ce contexte de réduction drastique des moyens des communes que vous les invitez aujourd’hui, par cette ordonnance, à préciser, dans le cadre d’agendas d’accessibilité, les travaux pluriannuels de mise en conformité qu’elles envisagent ainsi que leur programmation financière. Autant dire que la situation actuelle va perdurer, que le retard ne sera pas comblé.
J’ajoute que, concernant les services de transport, l’ordonnance se contente d’aménager les points d’arrêt prioritaires, ce qui ne permettra pas à une personne en situation de handicap de se déplacer librement partout. De même, ce sont les parents d’élèves qui devront solliciter la mise en accessibilité des points d’arrêt proches du domicile et de l’établissement scolaire de leur enfant handicapé.
Ainsi, au nom du pragmatisme et de la réduction des crédits, c’est l’égalité de traitement des citoyens qui est mise en cause. De plus, du fait de la multiplicité des possibilités de prorogations des délais de dépôt et de réalisation, ainsi que des différentes possibilités de suspension, cet agenda d’accessibilité perd de son sens et de son efficacité.
Le Conseil national consultatif des personnes handicapées, qui a émis un avis défavorable à ce projet d’ordonnance, avait dénoncé ces délais à rallonge. Je le cite : « Les délais envisagés – jusqu’à dix années supplémentaires – pour concrétiser une continuité de la chaîne de déplacement entre le cadre bâti, les transports publics, la voirie et les espaces publics – objectif initial de la loi du 11 février 2005 – sont inenvisageables après quarante ans d’attente pour une réelle liberté d’aller et de venir, droit constitutionnel fondamental. »
À ce problème de délais, vous ajoutez le renoncement à une accessibilité pleine et entière du cadre bâti. Ainsi avez-vous fait le choix de ne pas généraliser l’obligation d’installer un ascenseur dans les immeubles d’habitation collectifs. Cette obligation reste réservée aux immeubles de cinq étages et plus, quand la plupart des associations demandent qu’elle s’applique aux immeubles de quatre étages ou, évidemment, moins. Pour justifier ce choix, vous vous appuyez sur l’appréciation des professionnels de la construction. Ce sont donc les préoccupations économiques des promoteurs qui prévalent, plutôt que celles de la vie quotidienne des citoyens.
Dans le même ordre d’idées, l’ordonnance donne la possibilité aux copropriétaires d’un immeuble d’habitation de refuser la mise en accessibilité. Comment justifier le fait que les personnes en situation de handicap ne puissent pas accéder librement à un immeuble parce que les copropriétaires de cet immeuble n’ont pas souhaité effectuer les travaux ? Cela nous paraît simpliste et dangereux. Comment accepter que certains de nos concitoyens doivent renoncer à rendre visite à leurs proches quand ceux-ci habitent dans un immeuble de seulement trois étages, donc non soumis à l’obligation d’installation d’un ascenseur et, de ce fait, inaccessible ?
Toutes ces concessions, sous les prétextes les plus divers – certes, on sait que ce n’est pas facile, qu’il y a des obstacles – traduisent un manque de détermination très dommageable, car l’accessibilité n’est pas un luxe mais un préalable essentiel à la scolarisation, un préalable à l’accès au logement, à la culture, à l’obtention d’un travail, bref, à une vie citoyenne pleine et entière, comme l’indiquait d’ailleurs l’intitulé du texte de 2005 : « Pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées ».
Avec cette ordonnance, vous avalisez, finalement, l’existence de catégories de citoyens n’ayant justement pas les mêmes droits, ce qui n’est pas acceptable. Vous suscitez la colère des personnes en situation de handicap et celle de leurs associations. Le collectif pour une France accessible, qui en regroupe de nombreuses, dénonce cette ordonnance, qui – je le cite – « a été profondément aggravée sur des points essentiels pour le plus grand intérêt des acteurs de l’immobilier, mais au mépris de l’intérêt général de la population. »
Nous ne pouvons nous résoudre à remettre en cause notre projet de société fondé sur l’égalité de tous les citoyens en matière de droits fondamentaux. Pour ces raisons, les députés du Front de gauche, qui ont voté contre la loi du 10 juillet 2014, voteront contre le projet de loi ratifiant l’ordonnance qui la met en oeuvre.