Intervention de Laurent Degallaix

Séance en hémicycle du 6 juillet 2015 à 16h00
Accessibilité des établissements des transports et de la voirie pour les personnes handicapées et accès au service civique pour les jeunes en situation de handicap — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaLaurent Degallaix :

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, la politique publique en faveur des personnes souffrant de handicap, qui est au coeur de l’exigence de cohésion sociale et de solidarité nationale chère au groupe de l’Union des démocrates et indépendants, a été initiée par la loi d’orientation du 30 juin 1975.

Traduction de cette exigence, le principe d’une mise en oeuvre progressive de l’accessibilité du cadre bâti et des transports a été consacré par la loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées.

Ses articles 41 et 45 prévoyaient en effet un délai de dix années pour la mise en oeuvre de l’accessibilité du cadre bâti comme de l’ensemble des services publics de transport collectif.

Pour la première fois, une loi définissait, de manière précise, des objectifs et des délais pour faire de l’obligation de mise en accessibilité une réalité.

L’année 2005 a ainsi constitué le point de départ d’une véritable dynamique permettant de mobiliser notre société tout entière autour d’une exigence de cohésion sociale : éliminer l’intégralité des barrières susceptibles d’entraver l’accomplissement personnel et professionnel des personnes handicapées.

Elle a surtout contribué à faire évoluer les mentalités car l’accessibilité ne constitue pas seulement une réponse aux difficultés de déplacements des personnes handicapées : elle doit également permettre de préparer la France au défi du vieillissement de sa population et de la perte d’autonomie.

Pour autant, force est aujourd’hui de constater que, malgré l’engagement de l’ensemble des acteurs publics ou privés, les délais fixés par la loi du 11 février 2005 ne pourront être respectés : la France ne sera pas au rendez-vous du 1er janvier 2015 prévu par la loi.

En effet, en dépit d’une véritable dynamique, de nombreux retards ont été constatés. Ils sont principalement dus à une évaluation imparfaite du coût des travaux nécessaires, à une mauvaise appréciation des délais nécessaires à la réalisation de l’ensemble de ces travaux, à la complexité des règles à respecter et à un manque d’harmonisation des pratiques des commissions consultatives départementales de sécurité et d’accessibilité.

Pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants, il serait inutile et improductif de pointer du doigt les défaillances des uns ou des autres. Un temps précieux a déjà été perdu depuis la loi de 2005 et la seule exigence à laquelle nous devons désormais répondre est la poursuite des efforts engagés.

Telle était la vocation de la loi du 10 juillet 2014 habilitant le Gouvernement à adopter des mesures législatives pour la mise en accessibilité des établissements recevant du public, des transports publics, des bâtiments d’habitation et de la voirie pour les personnes handicapées, que notre groupe a soutenu.

Cette loi prévoit la création d’un nouvel outil de pilotage : l’agenda d’accessibilité programmée – l’Ad’AP – qui permettra à un propriétaire ou à un exploitant d’obtenir un délai supplémentaire pour la mise en accessibilité, dès lors qu’il s’engage sur un plan de travaux pluriannuels de mise en accessibilité ainsi que sur leur programmation financière.

La mise en place de cet outil ne signifie pas, à notre sens, l’abandon des objectifs fixés par la loi de 2005. Au contraire, il permet de définir rapidement de nouvelles modalités de mise en oeuvre de cette loi afin de donner des perspectives réalisables au chantier de la mise en accessibilité, tout en prenant mieux en compte les difficultés qui ont pu être rencontrées.

À cet égard, n’oublions pas que cet outil doit permettre de décrire précisément les travaux pluriannuels de mise en accessibilité d’un ou plusieurs établissements ou installations.

L’Ad’AP précisera également la programmation des financements associés et la durée de réalisation de ces travaux, qui pourra varier selon la catégorie de l’établissement, sa fréquentation, ainsi que les caractéristiques du patrimoine que le propriétaire ou le gestionnaire d’établissements ou d’installations prévoira de mettre en accessibilité.

N’oublions pas non plus que, sans dépôt d’un Ad’AP, le non-respect de l’échéance du 1er janvier 2015 sera, sauf dérogation validée, toujours passible des sanctions pénales prévues par la loi de 2005.

En outre, des sanctions financières graduées sont également prévues en cas de non-respect des engagements pris dans le cadre de l’agenda.

Pour autant, comment se satisfaire du fait que les échéances fixées par la loi n’aient pu être respectées ? Comment ne pas regretter d’avoir été amenés à légiférer de nouveau ? Cet écueil n’aurait-il pas pu être évité en adoptant une méthode différente, avec des rendez-vous réguliers impliquant l’ensemble des acteurs engagés au service de la mise en accessibilité ? Ne pouvait-on pas anticiper les difficultés qui sont survenues et définir des solutions consensuelles pour y répondre plus rapidement ?

Nous devons être conscients qu’en repoussant les délais de mise en accessibilité, nous donnons l’impression aux personnes handicapées, à leurs proches ainsi qu’aux associations qui les soutiennent, que la dynamique engagée en 2005 subit un coup d’arrêt.

Parce qu’elle précise les modalités concrètes du report de l’objectif de 2005, l’ordonnance que ce projet de loi vise à ratifier ne fait malheureusement qu’amplifier ce malaise, et ce d’autant plus que la rédaction de l’ordonnance aurait, je le crois, pu retranscrire plus fidèlement l’esprit de la loi du 10 juillet 2014.

Nous avons néanmoins conscience que parvenir à un point d’équilibre parfait entre les inquiétudes des personnes handicapées et la prise en compte des difficultés de la mise en oeuvre de l’accessibilité était compliqué.

En tant que maire, je pense tout particulièrement aux collectivités territoriales qui font sur le plan financier des efforts réguliers et conséquents, alors même que la dotation globale de fonctionnement diminue de manière drastique.

Je crois qu’en définitive, la méthode définie par la loi du 10 juillet 2014 et la rédaction de cette ordonnance constituent sans doute un moindre mal pour éviter deux écueils majeurs : le statu quo, qui aurait inévitablement entraîné une judiciarisation à outrance, et l’abandon pur et simple de l’objectif de mise en accessibilité.

Nous sommes toutes et tous convaincus qu’il est impératif de préserver la dynamique et de poursuivre les efforts engagés autour de l’objectif de mise en accessibilité tout en adoptant une approche pragmatique. Le législateur avait, en 2005, fixé des objectifs ambitieux.

Nous ne devons pas y renoncer, même si l’échec collectif que nous devons assumer aujourd’hui nous force à légiférer de manière nécessairement insatisfaisante.

Tel est, je crois, l’esprit de cette ordonnance qui, en dépit de ses imperfections regrettables, vise bel et bien à poursuivre l’effort de mise en accessibilité universelle, qui est l’objectif que nous avons toutes et tous en partage.

Aussi notre groupe soutiendra ce projet de loi car nous estimons que, quarante années après la loi du 30 juin 1975 d’orientation en faveur des personnes handicapées, il est plus que temps de mettre en oeuvre des solutions concrètes et réalistes pour faire de l’accessibilité une réalité.

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