Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, cinq minutes, c’est le temps de parole que j’ai pour vous donner le sentiment qui est le mien quant au projet de ratification de l’ordonnance no 2014-1090 du 26 septembre 2014 relative à la mise en accessibilité. Cinq minutes : il en faut parfois le double à une personne en situation de handicap moteur ou sensoriel pour accéder à un établissement recevant du public, monter une marche ou pousser une porte. Le moindre geste anodin du quotidien devient alors un parcours du combattant.
Quand certains ne voient dans l’accessibilité qu’un amas de normes et de complexité, je veux, pour ce qui me concerne, rappeler deux choses. D’abord, il n’y a pas de caprice en la matière, mais bien une réalité, que la ratification prochaine de cette ordonnance vient rappeler. Les gestionnaires d’établissements recevant du public ont eu dix ans, depuis le 11 février 2005, pour agir et se mettre aux normes d’accessibilité. Dix ans plus tard, devant les contentieux qui se profilaient, il a bien fallu trouver une solution.
Ensuite, la question de l’accessibilité, dans sa dimension universelle, est un enjeu de développement durable et d’aménagement du territoire. En effet, elle dit beaucoup de ce que nous voulons pour nos villes et nos villages dans un futur proche : des environnements où chacun trouve sa place, respecte l’autre et l’écoute, quels que soient sa spécificité, son mode de déplacement ou sa vitesse. Tout le monde doit pouvoir cohabiter de façon durable. C’est une des exigences pour faire s’exprimer la part de citoyenneté qui réside en chacun de nous.
D’ailleurs, dans son observation générale relative à l’article 9, le comité des droits des personnes handicapées des Nations unies rappelle que : « La Convention relative aux droits des personnes handicapées fait de l’accessibilité l’un des principes fondateurs – une condition préalable essentielle de la jouissance effective par les personnes handicapées, sur la base de l’égalité des différents droits civils, politiques, économiques, sociaux et culturels. L’accessibilité doit être envisagée dans le contexte de l’égalité et de la non-discrimination. »
Sur le fond, je félicite notre rapporteur, Christophe Sirugue, pour la volonté de dialogue qui l’a toujours animé sur ce dossier – je crois que les associations le savent bien.
Je souhaite également relever plusieurs points de satisfaction. Premièrement, s’agissant des précisions apportées sur la formation des personnels accueillant des personnes en situation de handicap dans les ERP, au-delà de tous les cadres juridiques que nous pourrons mettre sur pied, rien pourtant ne remplacera la sensibilisation, afin de faire évoluer les comportements.
Deuxièmement, l’obligation faite aux commissions communales d’accessibilité de tenir une liste à jour des ERP accessibles ou des ERP ayant déposé une demande d’Ad’AP est une nécessité, afin de pouvoir suivre l’avancée réelle et effective de la mise en accessibilité. Chacun se souvient que l’absence totale de suivi dans la mise en oeuvre de la loi de 2005 avait constitué justement l’un de ses points noirs.
Troisièmement, l’obligation pour une copropriété de motiver son refus de travaux. Il y avait clairement là un nid à contournements de la loi, comme nous le rappelle dans son avis rendu en mai 2015, sur le présent texte, le défenseur des droits.
Quatrièmement, l’obligation d’établissement de plans de mise en accessibilité de la voirie et des espaces publics – PAVE – pour les communes de plus de 1 000 habitants. Le relèvement du seuil était, je crois, nécessaire pour ne pas ajouter à l’inquiétude de nos petits villages qui ont déjà fort à faire financièrement. Je rappelle, cependant, que l’accessibilité est globale. Ainsi, il n’est interdit à personne d’envisager, malgré tout, des travaux de moindre ampleur, comme des bandes podotactiles ou une signalisation spécifique.
Cinquièmement, sur la question spécifique des transports, je sais gré à M. le rapporteur d’avoir, à l’article 5 bis, prévu que les représentants légaux des enfants pourront se faire assister des équipes des MDPH en vue de l’établissement des dossiers de mise en accessibilité des points d’arrêt. Il ne faut pas laisser les parents affronter seuls les problèmes. Par ailleurs, je me félicite que l’accessibilité de ces mêmes points d’arrêt ne soit plus seulement obligatoire lorsque la scolarité est à temps complet. Étant donné, en effet, que 10 % à 15 % d’élèves suivent une scolarité à temps partiel, beaucoup d’entre eux auraient de fait été exclus du dispositif, ce qui est bien évidemment contraire à l’esprit de l’habilitation que nous avons votée l’année dernière.
Pour commencer mon intervention, je vous parlais des cinq minutes, et parfois bien plus, qui sont nécessaires pour franchir des « montagnes ». Pour la conclure, je reviens à cette question du temps qui est, décidément, un facteur bien particulier pour toute personne en situation de handicap qui nous invite à le considérer, car il pose un problème au quotidien. C’est la raison pour laquelle, bien qu’elle puisse paraître imparfaite sur certains points, cette ordonnance constitue une opportunité que nous ne pouvons rater. Nous avons pris le temps qu’il fallait pour la concertation. Il était nécessaire. Il nous faut maintenant accélérer et concrétiser nos propositions.