Intervention de Clotilde Valter

Séance en hémicycle du 15 juillet 2015 à 15h00
Réforme de l'asile — Présentation

Clotilde Valter, secrétaire d’état chargée de la réforme de l’état et de la simplification :

Madame la présidente, madame la rapporteure, monsieur le président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, mesdames et messieurs les députés, je voudrais tout d’abord vous transmettre les excuses du ministre de l’intérieur, qui, retenu, ne pourra être présent dans l’hémicycle ce soir.

La réforme du droit d’asile, tout comme celle que vous examinerez bientôt concernant le séjour des étrangers en France, répond à la volonté du Gouvernement de réaffirmer que notre droit des étrangers s’inscrit pleinement dans le cadre des valeurs républicaines. Le projet de loi déposé par le Gouvernement est le fruit d’une réflexion collective de longue haleine, conduite par-delà les clivages partisans, et nous avons tout lieu de nous réjouir que nos engagements aient été tenus et que nous touchions enfin au but. Le 20 juillet, les directives « Procédure » et « Accueil », qui fixent les principes européens de la réforme de l’asile, entreront en vigueur ; d’ici là, comme le Gouvernement s’y était engagé, la réforme de l’asile aura été adoptée.

Cette réforme est d’autant plus importante qu’elle s’inscrit dans un contexte migratoire difficile. Comme vous le savez, plus de 160 000 migrants sont entrés de façon irrégulière dans l’espace Schengen depuis le début de l’année, et il y a parmi eux des demandeurs d’asile qui attendent que le statut de réfugié leur soit octroyé. Il est indispensable qu’une solution européenne soit proposée, et que cette solution repose sur les deux principes inséparables que sont la solidarité et la responsabilité.

C’est la raison pour laquelle le Gouvernement a annoncé que, dans le respect des propositions initiales formulées par la Commission européenne, la France serait prête à accueillir 9 000 réfugiés au cours des deux prochaines années : 6 752 au titre du programme de relocalisation et 2 375 au titre du programme de réinstallation. Toutefois, elle a subordonné cet accord à quatre conditions très précises : que l’ensemble des États membres de l’Union européenne concernés par ces programmes y prennent pleinement part ; que soient ouvertes, sous l’égide de l’Union européenne, des zones d’attente dans les pays de première entrée, afin de procéder à la fois à l’enregistrement des migrants dans la base Eurodac et à la nécessaire distinction entre les réfugiés politiques fuyant les persécutions, qui ont vocation à être répartis et accueillis dans les différents États membres, et les migrants relevant de l’immigration économique irrégulière, qui doivent être reconduits dans leurs pays d’origine ; que l’on poursuive une action européenne coordonnée et résolue contre l’immigration irrégulière, incluant le démantèlement des filières criminelles de passeurs et le retour effectif des migrants irréguliers dans leurs pays d’origine, sous l’égide de l’agence européenne Frontex et en liaison avec ces derniers ; enfin, que soit étalé sur deux ans l’accueil des réfugiés au titre des programmes de relocalisation et de réinstallation.

Cette crise migratoire exceptionnelle et la nécessité de lui apporter une réponse européenne donnent un relief tout particulier à la réforme de l’asile proposée par le Gouvernement. Le projet de loi qui vous est soumis est fondé sur ces mêmes principes de solidarité et de responsabilité. Il repose sur trois piliers. Le premier est la réduction des délais de traitement des demandes d’asile, car il n’est pas acceptable que l’embolie de notre système prive les demandeurs d’une réponse dans un délai raisonnable ; la réforme permettra donc de réduire de 24 à 9 mois la durée d’examen d’une demande d’asile. Le deuxième pilier est le renforcement des droits des demandeurs d’asile : nous allons systématiser le droit à un recours suspensif devant la Cour nationale du droit d’asile. Le troisième pilier est la création d’un hébergement directif qui permettra de garantir la soutenabilité de la demande d’asile : c’est en effet à la République que l’on demande l’asile, et non à tel ou tel territoire. Il n’est pas acceptable que la demande se concentre, comme c’est le cas actuellement, sur quelques régions, comme l’Île-de-France et la région lyonnaise. Toute la République se doit de participer à cette grande mission qu’est l’accueil des demandeurs d’asile.

Madame la rapporteure – chère Sandrine Mazetier –, vous avez réalisé un travail considérable et absolument remarquable pour inscrire ces objectifs dans la loi. Vous avez combattu avec détermination les amendements susceptibles de les remettre en cause, tout en apportant des droits supplémentaires aux demandeurs d’asile et en marquant ce texte de votre propre sensibilité, ainsi que de celle de la majorité, concernant des thèmes comme la défense des femmes ou l’implication des collectivités territoriales. Le texte a de ce fait été nettement enrichi à l’occasion de l’examen parlementaire. De tout cela, je veux, au nom du Gouvernement et du ministre de l’intérieur, vous remercier.

Cette réforme législative de l’asile s’accompagne d’une réforme administrative d’ampleur. Je fais bien entendu référence à la réforme de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides – l’OFPRA – conduite par son directeur général, M. Pascal Brice. Cette réforme a d’ores et déjà produit des résultats probants, qui se retrouvent dans les chiffres du premier semestre 2015 : le nombre de décisions rendues par l’OFPRA est en hausse de 8,5 % et le stock de demandes en attente a été réduit de 8 %. Au total, ce sont 33 000 demandes qui ont été traitées en six mois, et 70 % des décisions favorables sont désormais prises dès le stade de l’examen de la demande par l’OFPRA. Les services du ministère et de l’Office français de l’immigration et de l’intégration sont, quant à eux, à pied d’oeuvre pour mettre en place au plus vite les guichets uniques, qui permettront l’engagement plus rapide de la procédure de demande d’asile ; comme annoncé, ces guichets seront opérationnels dès cet automne.

Dans le même temps, nous accomplissons un effort sans précédent en matière d’hébergement des demandeurs d’asile. Aux 4 000 places en centres d’accueil de demandeurs d’asile – CADA – créées depuis 2012 s’ajouteront 4 200 autres places d’ici à la fin de l’année, et encore 4 000 d’ici l’année prochaine, dans le cadre du plan présenté par le ministre de l’intérieur et la ministre du logement. Cet effort devrait nous permettre de mettre en oeuvre l’hébergement directif dans les meilleures conditions possibles.

Avant de présenter les amendements qui seront soutenus par le Gouvernement à l’occasion de cette lecture définitive, j’aimerais saluer les parlementaires de diverses sensibilités qui ont contribué à enrichir la réflexion collective : Pascale Crozon, pour le groupe socialiste, Jeanine Dubié et Arnaud Richard, auteurs d’un rapport qui a éclairé cette réforme au même titre que celui qui avait été élaboré par Jean-Louis Touraine et la sénatrice Valérie Létard, Marc Dolez, qui a voté en faveur du projet de loi et dont certains amendements ont permis d’enrichir le contenu du texte, et Sergio Coronado, avec qui le débat est toujours précieux. Je veux aussi rappeler à l’opposition que le Gouvernement s’était engagé dès le début de l’examen parlementaire à ce que le texte relatif au séjour des étrangers suive celui sur l’asile. Ce sera le cas dès la semaine prochaine : l’engagement du Gouvernement est donc tenu.

Mesdames, messieurs, j’en arrive à la présentation des six amendements du Gouvernement. Conformément à la Constitution, seuls ceux adoptés au Sénat en nouvelle lecture sont recevables en lecture définitive.

Quatre amendements sont rédactionnels ; ils visent à procéder à des coordinations dans les dispositions relatives à l’outre-mer ou à rétablir une mention adoptée en première lecture par l’Assemblée. Un autre concerne la date d’entrée en vigueur des dispositions contenues dans le projet de loi : comme vous le savez, le texte transpose des directives européennes, dont certaines seront d’effet direct à compter du 20 juillet, tandis que d’autres supposent un délai technique pour une mise en oeuvre pleine et entière du texte et l’adoption des dispositions réglementaires correspondantes. Notre objectif est d’aller le plus vite possible, afin que la réforme soit effective dans sa totalité avant la fin de l’année, de manière à pouvoir satisfaire aux exigences européennes et disposer d’un système efficace.

Un dernier amendement concerne l’affectation des juges professionnels de la Cour nationale du droit d’asile – CNDA. Le Gouvernement a en effet estimé – comme le Conseil d’État – que la modernisation de l’action de la CNDA supposait de permettre aux magistrats administratifs d’occuper les fonctions de président de section et de président de chambre sans limitation de durée : cela contribuerait à renforcer les juges et la Cour, et rendrait notre système d’asile plus fiable encore. Tel est l’objectif du sixième amendement du Gouvernement ; si celui-ci n’était pas adopté, onze juges devraient être remplacés au 31 décembre 2015, ce qui rendrait le travail de la Cour pour intégrer la réforme plus difficile.

Mesdames et messieurs les députés, nous arrivons au terme de la procédure parlementaire. La réforme que nous vous proposons est une réforme d’ampleur, une réforme structurelle, conforme à la vocation historique de la République française : accueillir sur notre sol, dans les meilleures conditions qui soient, les étrangers victimes dans leur pays de l’oppression ou de la barbarie. Telle est l’ambition que le Gouvernement souhaite partager avec vous.

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