Intervention de Joël Giraud

Séance en hémicycle du 15 juillet 2015 à 15h00
Réforme de l'asile — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJoël Giraud :

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des lois, madame la rapporteure, chers collègues, nous sommes aujourd’hui réunis pour la lecture définitive du projet de loi relatif à la réforme du droit d’asile, qui aura fait l’objet d’un long et fructueux travail parlementaire auquel a largement participé, pour le groupe RRDP, ma collègue Jeanine Dubié dont vous avez bien voulu souligner le travail, madame la secrétaire d’État.

Est-il nécessaire de rappeler à nouveau combien une telle réforme était urgente ? En l’état actuel du droit, la France ne propose pas de réponse juridique adaptée aux besoins des demandeurs d’asile.

Pourtant, comme cela a été rappelé à maintes reprises, nous connaissons l’attachement historique de notre pays au droit d’asile. Plus qu’un simple objectif, le fait de garantir le droit d’asile aux étrangers qui craignent d’être persécutés dans leur pays d’origine pour des raisons personnelles ou politiques est un principe à valeur constitutionnelle de notre République, que nous nous devons de protéger.

Or, dès la Constitution de l’An I, la République reconnaissait la possibilité, pour le peuple français, de donner asile « aux étrangers bannis de leur patrie pour la cause de la liberté ». La Constitution de 1946 a réaffirmé ce principe, en reconnaissant l’asile aux personnes persécutées en raison de leurs actions en faveur de la liberté. Si d’autres éléments peuvent permettre la reconnaissance du statut de réfugié à une personne, pour autant, ce droit n’est pas absolu et automatique. L’État se laisse en effet la possibilité de refuser l’asile à une personne, si la preuve de sa nécessité n’est pas démontrée.

Adopter ce projet de loi, c’est aussi affirmer le troisième pilier de notre triptyque républicain : la fraternité. Ce texte se veut, du moins dans sa rédaction initiale, humaniste et solidaire. En effet, il ne faut pas perdre de vue qu’il est ici question d’hommes et de femmes déracinés de leur pays d’origine. Être contraint de fuir son pays n’est pas un fait anodin : il est souvent le résultat d’histoires de vie dramatiques, d’histoires personnelles et familiales torturées. En fuyant un pays en conflit, les demandeurs arrivent dans un État qui leur est étranger, en rupture avec leurs terres d’origine, et avec leurs racines. Offrir aux demandeurs une vie meilleure, respectueuse de leurs libertés et de leurs droits, leur donner la possibilité d’un avenir, c’est le fondement même de notre pacte républicain.

Ce projet de loi fait suite à plusieurs rapports constatant l’obsolescence de notre droit d’asile. Je signalerai en premier lieu celui de la sénatrice Valérie Létard et de notre collègue Jean-Louis Touraine, qui a été remis en novembre 2013 et qui faisait le constat du besoin de réformer notre système d’accueil. Inégale, hétérogène et longue, la procédure de demande d’asile, comme l’hébergement, ne semblait plus pouvoir répondre au nombre de dossiers à traiter. Je tiens également à saluer le travail de ma collègue Jeanine Dubié, qui a rédigé avec Arnaud Richard, pour le Comité d’évaluation et de contrôle de notre assemblée, un rapport intitulé « Vingt propositions pour réformer le droit d’asile », qui confirmait le besoin de renouveau qui s’exprime dans ce projet de loi.

Celui-ci répond également aux impératifs européens de la France. En effet, comme vous le savez, la France est soumise à un devoir de transposition des directives et autres dispositions européennes dans son droit national. L’Union européenne a adopté trois directives – « Qualification », « Procédure », « Accueil » – ainsi qu’un règlement allant dans le sens d’une harmonisation des dispositions relatives au droit d’asile dans l’ensemble des États membres. Le but du projet de loi que nous examinons est ainsi de mettre la France en accord avec ses obligations.

Cette réforme met aussi l’accent sur la nécessité de clarifier la distinction entre les réfugiés et les demandeurs du droit d’asile, d’une part, et les déboutés du droit d’asile, d’autre part, lesquels relèvent de la législation applicable aux étrangers – le projet de loi réformant le droit des étrangers sera d’ailleurs examiné lundi prochain dans notre hémicycle. C’est pourquoi nous avons été satisfaits que l’Assemblée nationale, en nouvelle lecture, redonne à ce texte son esprit d’origine et son but initial, que le Sénat lui avait fait perdre. En effet, ce projet de loi se veut humain et progressiste. Cette réforme vise à redonner du sens au droit d’asile et à rendre la procédure plus efficace. Elle porte sur la qualification, l’application et les procédures en matière de droit d’asile. Elle n’est en rien une arme législative de lutte contre l’immigration irrégulière ou un texte tendant à trier ou à faire preuve de fermeté, comme certains l’auraient souhaité, notamment dans l’opposition, ou comme cela a pu être dit au Sénat.

Ce projet de loi vise à mettre en place un ensemble cohérent : accélérer les délais de procédure de la demande d’asile en les limitant à neuf mois, contre les vingt-neuf mois actuellement nécessaires pour traiter les demandes. Ce texte vise également à améliorer les conditions d’accueil et d’hébergement et à accroître les droits des demandeurs d’asile en les accompagnant mieux dans leurs démarches administratives. Il a aussi pour objectif de changer la vision acceptée du contentieux du droit de l’asile : contentieux de masse pour les tribunaux administratifs et refus de plus en plus systématiques décidés par les préfectures, sans réel examen des dossiers personnels. Il est nécessaire de revoir notre position, notre responsabilité et notre gestion dans l’accueil de ces personnes confrontées à des situations intolérables et inacceptables.

Redonner confiance et efficacité en notre système d’accueil des demandeurs d’asile, telle est la mission que nous nous devons d’endosser en tant que législateur. Des événements récents, et notamment l’évacuation du camp de réfugiés de La Chapelle à Paris, ne font que mettre en exergue le besoin de réforme. Nous avons déjà pu saluer l’annonce faite récemment par les ministres de l’Intérieur et du logement, Bernard Cazeneuve et Sylvia Pinel, visant à créer quelque 10 500 places d’hébergement supplémentaires pour les réfugiés et les demandeurs d’asile. De même, nous sommes plus que satisfaits de l’augmentation du budget de l’OFPRA, qui est chargé du traitement des demandes d’asile, tout comme de la fin de la domiciliation préalable à l’ouverture des droits des demandeurs, obligation totalement ubuesque et inapplicable dans les faits.

Pour encourager l’accompagnement des demandeurs d’asile, l’accès au travail et aux formations professionnelles leur a également été reconnu, passé le délai de neuf mois, en conformité avec les dispositions européennes qui s’imposent à la France. Or nous pensons que le travail est le meilleur moyen d’émancipation et d’intégration des nouveaux arrivants sur le territoire français, puisqu’il leur fournit des revenus nécessaires à la satisfaction de leurs besoins, tout en assurant leur insertion dans la société.

Le texte que nous examinons aujourd’hui est l’aboutissement d’un long processus, et nous sommes satisfaits qu’il réponde à ses objectifs initiaux : améliorer le sort des demandeurs, respecter la tradition humaniste et républicaine de notre pays et permettre une gestion cohérente et plus performante des procédures.

Permettez-moi, avant de conclure, de remercier à nouveau, au nom de ma collègue Jeanine Dubié, qui m’a demandé de ne pas oublier de le faire, et qui sans doute me surveille, la rapporteure Sandrine Mazetier pour son esprit d’ouverture et de dialogue, qui nous a permis d’adopter un texte équilibré, représentant une véritable chance pour les demandeurs d’asile.

Nous pensons qu’il faudra, à terme, réfléchir à une vraie politique européenne, harmonieuse et commune, de l’asile. Les récents drames des migrants de Calais ou de Lampedusa témoignent d’un besoin de coordination des dispositions entre les différents États de l’Union européenne et de l’existence de problématiques communes. Aussi, vous l’aurez compris, pour toutes ces raisons, le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste votera en faveur du projet de loi de réforme du droit d’asile que vous nous soumettez aujourd’hui.

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