Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, madame la rapporteure, je tiens à préciser que je donnerai lecture de l’intervention qu’aurait dû faire Marie-George Buffet, qui a dû s’absenter.
Au moment où notre assemblée est appelée à se prononcer, en dernier ressort, sur la réforme de notre système d’asile, chacun et chacune mesure la détérioration de la situation des migrants en Europe. Depuis le début de l’année, plus de 100 000 migrants sont arrivés, fuyant la guerre et la misère, et près de 1 800 hommes, femmes et enfants ont disparu en tentant la traversée de la Méditerranée. Face à ces drames, le caractère fondamental et essentiel du droit d’asile devrait conduire les États européens à réaffirmer l’inconditionnalité de l’accueil, à assurer le respect des droits des personnes et à appliquer les conventions de Genève sur l’accueil des réfugiés et le droit d’asile. Bien loin de ces exigences élémentaires, l’Union européenne adopte une approche sécuritaire, et les États membres ont du mal à faire preuve de solidarité envers les pays les plus concernés, l’Italie et la Grèce. Espérons que la décision prise par la France d’accueillir 9 000 migrants marque un tournant.
En France, alors que les associations qui oeuvrent sur le terrain alertent sur le dénuement des migrants, l’État se doit de prendre ses responsabilités et de protéger les femmes et les hommes qui arrivent sur son sol en mettant en oeuvre, en urgence, un plan d’accueil.
Cette situation confirme également l’impérieuse nécessité de réformer la politique d’asile. Le projet de loi sur lequel nous devons nous prononcer ce soir compte, hélas, trop d’insuffisances pour apporter une réponse durable et démocratiquement irréprochable à ce défi. Il répond certes aux condamnations de la France sur la scène européenne et à l’obligation faite à notre pays de transposer, d’ici la fin du mois, plusieurs directives du « paquet asile ». Comme nous l’avons dit dès le début de l’examen de ce texte, nous nous félicitons des dispositions renforçant les garanties procédurales au bénéfice des demandeurs d’asile.
Pour autant, on peut regretter que ce texte se contente d’une transposition a minima des directives, alors que les États ont la possibilité d’adopter des dispositions plus favorables. Nous regrettons, d’une manière générale, que ce texte ne dissipe pas la confusion qui est entretenue depuis des années entre asile et immigration, et qui maintient un climat de suspicion à l’encontre des demandeurs d’asile. Comme l’a récemment regretté le Défenseur des droits, « le texte de loi poursuit encore une logique davantage liée à la maîtrise de l’immigration qu’à celle de protection des demandeurs d’asile », objectif pourtant imposé par le droit supranational.
Or c’est précisément la suspicion de voir la procédure détournée à d’autres fins – détournement contre lequel le projet de loi entend lutter – qui conduit à priver des droits les plus élémentaires les demandeurs d’asile. À cet égard, nous sommes fermement opposés à l’extension de l’application de la procédure accélérée, qui présente des garanties réduites, notamment en ce qui concerne les délais de dépôt de la demande et de recours. Les nombreuses dérogations au droit de se maintenir sur le territoire sont également préoccupantes.
En ce qui concerne les demandeurs d’asile relevant de la procédure « Dublin », le traitement de leur situation reste insatisfaisant. Le délai de recours contre une décision de transfert est encore trop court pour assurer la mise en oeuvre effective des droits de la défense et le respect du principe du contradictoire. Surtout, la possibilité d’assigner à résidence les demandeurs d’asile sous procédure « Dublin » nous paraît une mesure disproportionnée. Comme le souligne le Défenseur des droits, « cette situation place les intéressés davantage dans la position de personnes soumises à un contrôle judiciaire plutôt que dans celle de personnes cherchant à obtenir une protection internationale pour des persécutions qu’elles allèguent risquer ». Nous sommes également opposés à la mise en place d’un schéma d’orientation directif et contraignant, qui organise, en pratique, une véritable surveillance des demandeurs d’asile au sein des centres d’hébergement.
En définitive, nous demeurons réservés sur le contenu de ce projet de loi et nous sommes interrogatifs, s’agissant des moyens qui seront mis en oeuvre pour rendre effectives les garanties prévues dans ce texte. Face à la tragédie migratoire qui se déroule à nos frontières, les députés du Front de gauche souhaitent une réforme plus ambitieuse du système d’accueil. Ils souhaitent une réforme qui tire un trait sur une approche liée au contrôle des flux migratoires. Ils souhaitent une réforme généreuse, solidaire, conforme à notre tradition républicaine d’accueil et de protection des personnes en danger. Pour toutes ces raisons, nous maintiendrons notre abstention.