Intervention de Éric Ciotti

Séance en hémicycle du 15 juillet 2015 à 15h00
Réforme de l'asile — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaÉric Ciotti :

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des lois, madame la rapporteure, mes chers collègues, nous abordons cette troisième et dernière lecture du projet de loi sur l’asile dans un contexte particulier.

C’est un contexte dramatique pour de nombreux migrants arrivés sur les côtes européennes – 100 000 depuis le début de l’année – avec les tragédies qui y sont associées. Depuis le début de l’année 2015, plus de 100 000 migrants sont entrés en Europe via la Méditerranée. Plus de 2 000 migrants y ont perdu la vie, transformant la Méditerranée en véritable cimetière marin.

Nous abordons également ce débat dans un contexte de crise de l’asile. Cette crise n’est pas nouvelle, elle n’est ni inédite ni inconnue. Depuis plusieurs années, les signaux d’alerte résonnent : ceux des trois corps d’inspection, ceux de la Cour des comptes, et ceux lancés par plusieurs d’entre nous, dont ceux que j’ai moi-même lancés dans le cadre de ma responsabilité de rapporteur du budget de l’asile au titre de la commission des lois. Nous sommes face à un système embolisé, à bout de souffle. Nous le savons, nous le constatons, nous le déplorons. Ce texte aurait pu, aurait dû, pallier les conséquences extrêmement graves de cette situation. Quelques éléments statistiques permettent d’en caractériser la dégradation.

Ce système implose en raison du nombre croissant de demandes, près de 65 000, même si ce nombre s’est stabilisé en 2014. Ce système implose du fait de la durée d’examen des demandes – près de deux ans –, du stock des dossiers en attente – environ 30 000 – et de son coût incontrôlable et incontrôlé, de l’ordre de 2 milliards d’euros selon la Cour des comptes.

Autre élément qui témoigne de ce que le système est à bout de souffle : chaque année environ 50 000 demandeurs d’asile sont déboutés. Selon les évaluations les plus positives, parmi eux, seuls 10 000, d’après les évaluations les plus positives, sont raccompagnés vers leur pays d’origine. Autrement dit, mes chers collègues, chaque année, le système actuel de l’asile en France fabrique 40 000 sans-papiers. Ce chiffre doit nous alerter et aurait dû nous appeler à une réaction forte.

Au final, la politique d’asile est devenue la principale source d’arrivée d’immigrants clandestins en France. Nous le savons, et nous le constatons en le déplorant.

Or nous n’avons plus les moyens d’une telle situation, et j’oserais dire d’un tel laxisme. Selon le rapport que vient de publier l’OCDE sur les indicateurs de l’intégration des immigrés en 2015, la France fait face en matière d’intégration des immigrés et de leurs enfants à des défis persistants. Selon l’OCDE, moins de trois immigrés sur cinq sont en situation d’emploi en France, 30 % des ménages immigrés sont en situation de pauvreté relative et les résultats scolaires des enfants d’immigrés sont faibles. Bref, ces chiffres traduisent la difficulté de notre pays – voire son incapacité – à intégrer les étrangers dans des conditions satisfaisantes. Il nous faut donc aujourd’hui changer radicalement de politique.

Dans ce double contexte, international et national, d’échec et de crise, cette lecture définitive nous laisse un goût amer, parce que nous partageons tous certes le même constat, mais votre texte constitue une occasion manquée et ne répond à aucun des problèmes auxquels il prétend s’atteler.

L’une des difficultés principales est liée aux délais de traitement, nous l’avons tous dit. Or ce projet de loi va, au contraire, rallonger la durée d’examen des demandes. Un exemple parmi d’autres à l’appui de cette affirmation : votre majorité a porté de façon irresponsable à cent vingt jours le délai à l’issue duquel le demandeur d’asile doit présenter sa demande après son arrivée, au lieu des quatre-vingt-dix prévus initialement.

Autre grand absent du projet de loi : le sujet de l’éloignement des demandeurs d’asile déboutés. J’évoquais les chiffres il y a quelques instants, la Cour des comptes estime que seuls 1 % des déboutés sont effectivement éloignés.

Pourtant, tant que la question de l’organisation systématique et rapide de leur retour ne sera pas réglée, le système actuel, quelles que soient les réformes qui y seront apportées, ne pourra fonctionner correctement et continuera de faire le jeu des filières de passeurs.

Pour remédier aux difficultés qui apparaissent en la matière, le Sénat avait adopté des dispositions extrêmement opportunes. Vous avez souhaité revenir sur ces dernières, et les avez rejetées avec une approche idéologique que je veux dénoncer, notamment de votre part, madame la rapporteure.

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