Intervention de Gabriel Serville

Séance en hémicycle du 15 juillet 2015 à 15h00
Réforme de l'asile — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGabriel Serville :

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des lois, madame la rapporteure, mes chers collègues, le projet de loi réformant le droit d’asile dont nous débattons aujourd’hui en lecture définitive est de ceux qui provoquent inéluctablement des débats passionnés – car ils touchent à nos convictions politiques profondes – pour nous rassembler finalement autour d’un idéal républicain commun, celui-là même qui fait toujours de la France le pays des droits de l’homme.

Je tiens à saluer ici mes collègues, tant sur les bancs de l’Assemblée nationale que sur ceux du Sénat, qui, toutes couleurs politiques confondues, ont contribué à mettre sur la table l’ensemble des sujets liés à l’asile. Certes, même en lecture définitive, nous ne sommes pas tous d’accord. À certains égards, la déception persiste – j’y reviendrai tout à l’heure. Cependant, nul ne peut nier que nous avons su préserver le sens de nos valeurs de fraternité et d’humanisme.

En effet, en ces temps troubles où le racisme, la xénophobie, l’antisémitisme et l’homophobie, massivement relayés par l’ensemble des médias, pénètrent quotidiennement dans nos foyers, il est important de nous convaincre qu’il n’existe sur terre aucune race d’humains, mais bel et bien qu’une seule espèce humaine. Les frontières géopolitiques et culturelles, fruits de l’histoire, ne sauraient nous faire perdre de vue cette évidence.

Ce postulat, qui fonde la philosophie même de notre droit d’asile, ne doit cependant pas faire l’économie d’une prise en compte des réalités de nos territoires. Ces réalités, tant sociales qu’économiques, doivent impérativement nous amener à apporter à chaque problématique des réponses adaptées, certes conçues autour d’un objectif partagé par la nation tout entière, mais intégrant des éléments de territorialisation. C’est d’ailleurs vrai pour la quasi-totalité des sujets que nous abordons dans cet hémicycle, et je ne cesse de le rappeler lors de mes interventions.

Aussi, nul ne peut nier le contexte européen très préoccupant pour les migrants. Beaucoup de collègues avant moi ont rappelé les chiffres, qui sont tout à fait édifiants : depuis le début de l’année, plus de 100 000 migrants sont arrivés sur le vieux contient et près de 1 800 autres sont morts ou ont disparu en tentant la traversée de la Méditerranée.

Si les chiffres relatifs à la France sont pour la première fois en baisse, ils ne doivent pas nous faire oublier que des guerres se sont durablement installées à nos portes et que les mouvements migratoires consécutifs ne vont pas se tarir. J’irai même plus loin en affirmant qu’il nous faut impérativement garder à l’esprit l’idée que nous partageons en grande partie la responsabilité du chaos qui frappe certaines régions du monde. À titre d’exemple, comment ne pas évoquer le cas de la Libye, dont la situation désastreuse résulte d’une intervention militaire dont les conséquences n’avaient pas été correctement mesurées ?

Il était donc important que cette réforme permette de garantir les droits fondamentaux des personnes en souffrance dans leur pays d’origine et demandant asile dans le pays des droits de l’homme. À la lecture du texte dans sa version finale, il me semble pouvoir affirmer que tel est le cas.

Toutefois, je terminerai mon propos par un bémol faisant écho à la nécessaire prise en compte des réalités de terrain que j’évoquais précédemment. Madame la secrétaire d’État, madame la rapporteure, je ne peux pas vous cacher ma déception quant au fait que les spécificités guyanaises et mahoraises n’aient pas été mieux prises en compte, malgré les efforts réalisés dans la rédaction finale de ce texte. Je ne vois aucun antagonisme ni aucun paradoxe à mettre en exergue le besoin de créer des outils efficients au bénéfice de ces deux territoires aux contextes géographiques et géopolitiques complètement différents de ceux de la France hexagonale, afin de mieux lutter contre l’aliénation locale du droit d’asile.

Je réitère donc ma demande : ces deux territoires de la Guyane et de Mayotte doivent faire l’objet d’une attention encore plus précise. De tels outils sont d’autant plus nécessaires qu’ils permettraient un traitement beaucoup plus rapide des demandes, souvent légitimes, qui pâtissent d’un système aujourd’hui au bord de l’asphyxie. Toutefois, des efforts ont été consentis, et on ne peut qu’espérer que leurs effets positifs se fassent rapidement sentir.

Aussi, et au regard de votre volonté affichée de redonner du sens au droit d’asile pour en faire une véritable incarnation de l’éthique de notre nation tout en apportant les garanties nécessaires pour éviter d’alourdir les charges de certaines collectivités, j’apporterai mon soutien à la version finale de ce projet de loi par un vote favorable. Je rappelle encore une fois que ma démarche est très personnelle et qu’elle ne s’oppose pas du tout au vote d’abstention de mes collègues du groupe GDR.

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