Intervention de Marie-Françoise Bechtel

Séance en hémicycle du 15 juillet 2015 à 15h00
Réforme de l'asile — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarie-Françoise Bechtel :

… peut permettre aux procédures de se développer utilement : telle est l’idée principale portée par ce texte.

Ces procédures, faut-il le rappeler, sont respectueuses des droits et reprennent largement la jurisprudence de la juridiction administrative, mais aussi un certain nombre de règles européennes, tout cela perfectionnant les procédures sans pour autant rendre les choix trop laborieux et, surtout, trop longs.

Sur le plan matériel, au moins sur deux sujets, le Sénat n’a pas été bien inspiré. Il a tout d’abord voulu priver les déboutés du droit d’asile d’un hébergement. Or, ce n’est pas une bonne chose, mon cher collègue Ciotti, que d’envoyer dans la nature, si je puis dire, un grand nombre de déboutés du droit d’asile, ceux-là même pour lesquels vous appelez de vos voeux une reconduite à la frontière la plus rapide possible. Cela n’est pas très logique.

Ensuite, le Sénat a raccourci le délai laissé à l’OFPRA, délai qui avait été extrêmement bien calibré sur neuf mois. Or, c’est rendre là aussi les choses complètement impossibles. Si l’on veut que les demandeurs d’asile restent dans la nature, autant donner à l’OFPRA un délai irréaliste pour statuer.

Sur le plan juridique, au moins deux amendements du Sénat n’ont pas de véritable justification et sont même douteux. Je pense à la vocation de la CNDA, laquelle est une juridiction administrative spécialisée. Il me semble tout à fait contraire à ce principe de spécialité de vouloir la faire statuer sur le contentieux de l’entrée et du séjour, même dans un champ limité, car ce n’est pas sa vocation.

Un autre élément juridique introduit pas le Sénat me semble tout à fait douteux, celui qui transforme le rejet définitif d’une demande d’asile en obligation de quitter le territoire français – OQTF. Là encore, cette disposition est même douteuse sur le plan constitutionnel. Il peut toujours y avoir un motif à demander à être sur le territoire français et un rejet de la demande d’asile ne peut en aucun cas s’assimiler à un rejet définitif valant pour tous les motifs.

Telles sont les raisons pour lesquelles j’appelle de mes voeux, comme d’autres orateurs avant moi, le retour au texte équilibré que nous avions beaucoup travaillé en première lecture. Nous sommes certes dans une situation difficile qu’il ne faut cependant pas surévaluer comme l’a très bien dit notre rapporteure Sandrine Mazetier, que je salue pour le travail solide et sérieux qu’elle a mené. Ce ne sont pas tellement les chiffres qui font des demandeurs d’asile une sorte de chiffon rouge sur le territoire de notre République et, hélas, sur les plages européennes. Ce sont les conditions, relayées par les médias, dans lesquelles débarquent sur ces plages, italiennes notamment, un certain nombre de demandeurs d’asile.

Il ne faudra pas oublier, comme cela a été très bien évoqué par l’orateur précédent, que tout cela soulève une question de politique extérieure et que la malheureuse expédition en Libye menée dans un esprit jusqu’au-boutiste par M. Sarkozy et M. Cameron à l’époque est directement à l’origine des radeaux, fardeaux et bateaux entiers de migrants qui débarquent aujourd’hui sur les côtes italiennes. Il ne faut pas l’oublier.

Je terminerai mon propos en rappelant que nous avons des piliers solides avec l’OFPRA, organe administratif dont les moyens sont à juste titre renforcés et auquel nous pouvons faire entièrement confiance, la Commission nationale du droit d’asile, marquée par plus de diversité, et enfin le Conseil d’État, qui est un juge extrêmement vigilant du droit d’asile et même des conditions générales de séjour des demandeurs.

J’espère que nous aboutirons à un texte à la fois équilibré et efficace. Il faut répondre aux peurs par l’efficacité et aux fantasmes par le droit.

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