Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des finances, madame la rapporteure générale, chers collègues, nous sommes à nouveau amenés à débattre du projet de loi de règlement 2014 qui a essuyé hier un échec en commission mixte paritaire. Je rappelle à Mme la rapporteure générale, qui explique ce rejet par des raisons politiques, que c’est non pas la politique économique, mais bien la politique financière et budgétaire de la France qui a été ainsi dénoncée hier au Sénat dans le cadre de la commission mixte paritaire.
Monsieur le secrétaire d’État, vous avez affirmé dans un communiqué « l’engagement du Gouvernement à poursuivre la dynamique de la réforme de l’État engagée depuis plusieurs années ». Fort bien ! Dès la première lecture du projet de loi de règlement du budget 2014, vous déclariez que « les efforts demandés aux Français portent leurs fruits » et que « les efforts paient, produisent des résultats et les chiffres le prouvent ». Cela relève selon moi du déni ! Vous avez même rédigé une longue réponse à la Cour des comptes pour contester ses conclusions. Selon vous, « l’analyse de la Cour propose une analyse incomplète qui minore les résultats obtenus en matière de maîtrise des dépenses publiques. La Cour ne prend pas suffisamment en compte le fait que des mesures de redressement d’ampleur ont été prises dès le projet de loi de finances pour 2014, […] que ces mesures ont été amplifiées par la suite ». Telle est votre réponse aux observations de la Cour !
Je dirai très simplement et avec pragmatisme que ce n’est pas en cassant le thermomètre que l’on fait baisser la température ! Tout cela ne suffit pas à masquer la divergence d’appréciation entre la Cour des comptes et vous-même. Je crains fort que nous ne démontrions une fois encore cet après-midi qu’il est possible de faire dire des choses radicalement différentes aux mêmes chiffres, tant notre appréciation de l’exécution budgétaire 2014 diffère de la vôtre. La Cour des comptes a émis de sérieuses réserves sur le budget de l’État pour 2014 dans un rapport d’une rare sévérité. Rien ou presque n’a trouvé grâce aux yeux de ses magistrats. Le Premier Président de l’institution, Didier Migaud, a dressé un constat accablant que je partage sans réserve.
Il déplore d’abord l’interruption de la réduction du déficit budgétaire pour la première fois depuis 2010. En effet, celui-ci est en hausse de 10,7 milliards d’euros par rapport à 2013. La Cour constate que les dépenses exceptionnelles ne suffisent pas à expliquer l’aggravation du déficit budgétaire qui résulte essentiellement d’une baisse des recettes nettes de 6 milliards d’euros par rapport à 2013 et d’une hausse des dépenses nettes du budget général de 4,2 milliards d’euros par rapport à 2013.
Le rapport déplore ensuite une progression soutenue de la dette qui atteint 1 528 milliards d’euros contre 1 457 milliards fin 2013, soit une augmentation de 71 milliards en un an.
Troisièmement, les recettes sont inférieures aux prévisions. En 2014, les recettes de l’État se sont élevées à 291,9 milliards d’euros, soit une diminution de 9,3 milliards d’euros par rapport à 2013 en raison d’une baisse des recettes fiscales, la première depuis 2009.
Quatrièmement, les dépenses sont stabilisées au moyen d’« opérations budgétaires contestables », selon la Cour des comptes qui dénonce des sous-budgétisations persistantes et des reports de charges sur 2015. Comme les deux années précédentes, le Premier Président de la Cour des comptes a certifié les comptes de l’État pour 2014 tout en critiquant avec force votre vision à court terme des finances publiques, monsieur le secrétaire d’État. C’est bien là ce que nous dénonçons depuis trois ans !
La Cour des comptes vous met en garde contre l’excès d’optimisme caractérisant vos prévisions en déplorant que l’exécution budgétaire 2014 ait été « compromise par des prévisions optimistes en recettes et des ajustements tardifs en dépenses ». C’est pourquoi nous nous opposons au projet de loi de règlement du budget.
Je suis très inquiète pour l’exécution 2015, car des dépenses nouvelles aussi nombreuses que considérables sont venues alourdir le budget, induites par la lutte contre le terrorisme, le financement du service civique et la mise en oeuvre du plan numérique. Quand redresserez-vous la barre, monsieur le secrétaire d’État ? Quand tiendrez-vous compte des avertissements de la Cour des comptes ? Quand cesserez-vous de faire porter aux générations futures une politique budgétaire irresponsable ? Enfin, quand engagerez-vous les réformes structurelles nécessaires au redressement de la France qu’ont entreprises nos voisins européens ?