Intervention de Colette Capdevielle

Séance en hémicycle du 17 juillet 2015 à 9h30
Adaptation de la procédure pénale au droit de l'union européenne — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaColette Capdevielle :

Madame la présidente, mesdames les ministres, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, l’échec de la commission mixte paritaire est d’autant plus regrettable que la majeure partie des dispositions de ce texte recueillait l’accord de nos deux assemblées et qu’il y a urgence à légiférer. En effet, la plupart des dispositions que nous devons intégrer dans notre code de procédure pénale datent de 2008 et 2009.

Comme M. le rapporteur l’a indiqué, c’est bien le contenu de l’article 5 septdecies A, introduit par voie d’amendement à l’Assemblée en séance publique, qui a conduit à cet échec. La discussion avec le Sénat a porté sur les conditions dans lesquelles l’information était susceptible d’être transmise à l’administration ou à différents organismes, s’agissant de la commission d’infractions majoritairement de nature sexuelle mettant en cause des personnes ayant un contact direct avec les mineurs.

Le groupe SRC, suivant en cela le rapporteur, avait émis de nombreuses et très sérieuses réserves sur la rédaction initiale de l’amendement présenté par le Gouvernement. Ce texte avait été jugé trop généraliste et attentatoire aux libertés, principalement au principe constitutionnel et conventionnel de la présomption d’innocence, mais aussi au secret de l’enquête et à celui de l’instruction.

Nous l’avons dit et redit, c’est un sujet délicat. Délicat, parce qu’il s’agit de protéger les enfants, c’est-à-dire les plus fragiles d’entre nous. Délicat, aussi, parce que nous parlons d’infractions sexuelles et de personnes qui sont en contact avec des enfants, souvent très jeunes. Délicat, encore, parce que l’on touche aux règles fondamentales de la procédure pénale qui s’applique à tous les citoyens, quels qu’ils soient.

Les règles de forme, et c’est ce qui fait la force de notre droit, ont pour vocation principale de protéger les libertés, publiques ou individuelles. Elles ne sont pas édictées pour rien, comme le disait le rapporteur. Ce sont des garanties contre l’arbitraire qui visent à garantir les droits de chaque partie dans le cadre d’un juste équilibre.

Ces règles sont aussi destinées à respecter le principe du contradictoire, principe cardinal d’une justice éclairée, d’une justice démocratique. Le groupe SRC tient à ces principes fondamentaux sur lesquels on ne peut jamais transiger.

Certes, la protection des mineurs est une priorité. Le groupe SRC l’entend et le soutient. Pour autant, il ne s’agit pas de placer le principe de précaution au sommet de la hiérarchie des normes, sinon qui resterait encore dans l’éducation nationale ?

Faisons très attention aussi, sous couvert de protection, de ne pas aboutir à l’effet inverse de celui recherché en rendant inopérant un procédé d’information parce qu’il serait beaucoup trop lourd, et surtout totalement inadapté. Nous connaissons nos administrations, qu’il s’agisse de la justice ou de l’éducation nationale.

Attention aussi aux risques pour l’enquête et pour la recherche de la vérité. Madame la garde des sceaux, vous aviez dit qu’il fallait trouver le bon moment – ni trop tôt ni trop tard – pour informer. Nous avons eu des discussions parfois vives, parce que nous tenions à ce que tous les droits et toutes les garanties puissent être exercés et protégés.

Beaucoup de vies ont été détruites, notamment au sein du corps enseignant, par des révélations abusives et des allégations mensongères. Et lorsque je parle de vies détruites, je sais de quoi je parle : il s’agit de suicides.

Cessons aussi de vouloir tout faire porter à la loi, et de croire qu’une loi va tout régler. Réfléchissons aux pratiques de nos différentes administrations, à leurs relations transversales, et surtout à l’amélioration de la communication entre elles. On pourra faire toutes les plus belles lois, le plus important restera notre volonté de travailler ensemble, et la manière de le faire.

Notre rapporteur est allé au bout de ce qui est acceptable juridiquement. Je tiens à le féliciter d’avoir travaillé aussi efficacement pour aboutir à un accord. L’amendement qui a été voté en commission des lois fait la synthèse des avancées nécessaires de notre droit – il y avait obligation de légiférer, comme le souhaitait à raison l’éducation nationale – et du rappel des principes fondamentaux de la procédure pénale, qui incombe aux parlementaires.

J’insiste sur le fait que la présomption d’innocence est à la fois un principe à valeur constitutionnelle, qui date 1789, et un principe à valeur conventionnelle – il figure dans la Déclaration universelle des droits de l’homme. C’est un standard du droit pénal international.

À notre sens, l’information des administrations et organismes en cas de condamnation ne posait absolument aucune difficulté d’ordre juridique. Nous pouvons regretter que cela n’ait pas pu se faire dans les affaires récentes qui ont défrayé la chronique. Imposer cette information par la loi est réellement un progrès incontestable, et nous en remercions le Gouvernement. Il était absolument indispensable de combler ce vide juridique, et le présent projet de loi était le bon véhicule pour le faire.

Comme l’amendement initial du Gouvernement, l’amendement voté en commission des lois distingue l’information obligatoire, très encadrée, et l’information facultative par le procureur de la République.

L’information obligatoire, très encadrée, est limitée à deux cas bien précis.

Elle concerne d’abord les personnes exerçant une activité professionnelle ou sociale qui implique un contact habituel avec des mineurs et dont l’exercice est contrôlé, directement ou indirectement. Ces personnes doivent être condamnées – même si elles ne le sont pas définitivement, il faut qu’une décision de justice ait été rendue –, pour une ou plusieurs infractions graves, toutes très distinctement limitées et énumérées dans le code de procédure pénale. Nous souhaitons que la procédure soit encadrée, pour éviter de partir à l’aventure.

Le procureur a l’obligation d’informer l’administration ou l’organisme dans un deuxième cas : lorsque la personne qui exerce une activité avec des enfants est placée sous contrôle judiciaire et soumise, de ce fait, à une interdiction d’exercer une activité qui la place directement en contact avec des mineurs.

Dans le texte adopté par la commission des lois, l’information facultative est également très encadrée. Elle est limitée à deux cas – la mise en examen et la saisine d’un juge d’instruction, le renvoi devant une juridiction de jugement – et ne s’applique, là encore, qu’à des infractions très limitativement énumérées.

Surtout, nous avons prévu, comme nous le souhaitions initialement, trois garanties complémentaires qui étaient absolument nécessaires pour enrichir ce texte et le sécuriser juridiquement.

Première garantie : l’information et surtout la notification à la personne concernée de la transmission des faits pour lesquels elle est mise en cause à l’administration ou l’organisme dans lequel elle travaille. C’est quand même la moindre des choses d’informer la personne ! Cette formalité indispensable vise aussi à vérifier que la transmission de l’information est réellement opportune. Il s’agit d’une garantie pour les droits de la défense.

Deuxième garantie : le droit de suite, indispensable et fondamental. En cas de non-lieu, de relaxe ou d’acquittement – heureusement, cela arrive parfois ! –, il est important que l’administration puisse également être informée, ce qui est actuellement rarement le cas.

Troisième garantie : l’administration ou l’organisme concerné est contraint au secret absolu, sous peine de sanctions pénales. Les règles relatives au secret professionnel prévues dans le code pénal vont s’appliquer. Cette garantie est importante, eu égard à la présomption d’innocence, au secret de l’enquête et de l’instruction, ainsi qu’aux droits de la défense.

Enfin, s’agissant de l’élargissement des conditions d’accès par l’administration au bulletin B2 du casier judiciaire, je salue là encore la prudence de notre rapporteur. L’introduction d’une telle mesure dans le code de procédure pénale sans évaluation préalable aurait pu avoir des effets qu’on ne mesure pas vraiment, et qui auraient pu être assez catastrophiques.

Pas à pas, nous sommes arrivés à un bon compromis. L’amendement que le Gouvernement présentera aujourd’hui en séance affine le mécanisme mis en place, en étendant l’information à la mise en examen et à la fin de la garde à vue – mesure qui prévoit l’assistance d’un avocat et garantit les droits de la défense –, et en permettant le recueil des observations de la personne mise en cause par visioconférence, à condition toutefois que cette procédure ne devienne pas le principe et qu’elle soit vraiment réservée à des cas exceptionnels.

Au terme de ces débats, nous devrions tous nous retrouver pour voter ce texte.

Je vous remercie, madame la garde des sceaux, madame la ministre de l’éducation nationale, pour le travail que vous avez effectué et pour la confiance que vous faites à notre assemblée. Le groupe SRC votera ce projet de loi.

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