Intervention de Philippe Gomes

Séance en hémicycle du 17 juillet 2015 à 9h30
Adaptation de la procédure pénale au droit de l'union européenne — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPhilippe Gomes :

Madame la présidente, madame la garde des sceaux, madame la ministre de l’éducation nationale, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, après l’échec de la commission mixte paritaire, nous abordons aujourd’hui, en nouvelle lecture, l’examen d’un projet de loi dont notre assemblée est coutumière, puisqu’il s’agit de transposer des textes européens dans notre législation pénale.

Si un tel projet de loi est bien évidemment nécessaire, je ne peux que regretter, sur la forme, les conditions dans lesquelles nous procédons à ces transpositions. Déposé au Sénat dès le mois d’avril 2014, ce texte a été inscrit tardivement à l’ordre du jour. Nous voici donc contraints, une fois encore, de légiférer dans la précipitation.

En effet, ces textes européens auraient dû être transposés dans notre droit avant 2011 pour certains, avant 2012 pour d’autres, et avant décembre 2013 s’agissant de la directive du 13 décembre 2011 concernant les normes relatives aux conditions applicables aux ressortissants des pays tiers ou aux apatrides pour pouvoir bénéficier d’une protection internationale. Les retards étant susceptibles de conduire au déclenchement d’une procédure d’infraction par la Commission européenne et, le cas échéant, à une condamnation par la Cour de justice de l’Union européenne, nous étions sous la menace de ces actions. Des progrès significatifs doivent donc être accomplis.

Pour autant, sur le fond, la transposition de trois décisions-cadres et d’une directive opérée par ce projet de loi représente une étape indispensable pour construire un véritable espace judiciaire européen. En effet, ce projet de loi améliore la coordination entre les magistrats des différents États membres. Il étend, en outre, le champ des décisions des procédures pénales susceptibles d’être exécutées dans un autre État que dans celui qui les a prononcées. C’est en appliquant les mêmes règles de procédure entre les nationaux des différents États de l’Union qu’un véritable espace juridique pénal européen pourra prendre corps.

Ainsi que l’avait indiqué mon collègue Yannick Favennec en première lecture, plusieurs avancées de ce projet de loi sont à souligner.

L’article 1er a pour objectif de limiter les situations dans lesquelles deux procédures pénales parallèles, portant sur les mêmes faits et mettant en cause les mêmes personnes, sont conduites indépendamment dans deux États différents. En effet, certaines affaires ont montré qu’il pouvait y avoir des confusions lorsque deux juridictions dans deux pays s’intéressent au même dossier. Cette disposition est donc nécessaire, puisqu’il n’existe pas actuellement, au sein de l’Union européenne, de mécanisme de dessaisissement d’une autorité judiciaire d’un État membre au profit de celle d’un autre État. Le Sénat a, en outre, permis d’améliorer cette disposition, d’une part en distinguant mieux les deux phases de la procédure, d’autre part en prévoyant une obligation d’informer les parties de la décision de suspendre les investigations.

Les articles 2 et 3 permettent de renforcer la coordination entre les magistrats des différents États membres de l’Union. Ils étendent ainsi le champ des décisions pénales susceptibles d’être exécutées dans un autre État que celui qui les a initialement prononcées.

En revanche, un tel projet de loi nous fait courir le risque de céder à la tentation de la « surtransposition » en l’utilisant comme un véhicule législatif permettant d’y insérer des dispositions dépassant le cadre de la simple transposition.

Le Sénat a, certes, fait adopter quelques articles additionnels, mais de façon modérée : alors que le texte comptait initialement huit articles, le Sénat a adopté cinq nouveaux articles. Trois comportent des dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne ; les deux autres articles additionnels – les articles 5 bis et 5 ter – visent à apporter quelques corrections à deux dispositions du code de procédure pénale rendues nécessaires, l’une par la jurisprudence du Conseil constitutionnel, l’autre par le nouveau dispositif de la contrainte pénale.

Ainsi, l’article 5 bis permet de résoudre une difficulté posée par une censure du Conseil constitutionnel s’agissant des gardes à vue en matière de criminalité organisée.

L’article 5 ter répare un oubli de la loi sur la prévention de la récidive concernant le caractère exécutoire de la conversion de la contrainte pénale en peine d’emprisonnement.

Ainsi que l’a indiqué le rapporteur du Sénat, François Zocchetto, la Haute Assemblée est donc restée dans les limites du droit d’amendement. Or notre assemblée a inséré vingt-huit nouveaux articles traitant notamment de la prise en compte des conditions de détention pour l’obtention des remises de peine, de la transmission d’informations pénales aux administrations afin d’assurer la protection des mineurs et de la création d’une majoration des amendes pénales au profit de l’aide aux victimes – autant de dispositions nouvelles qui, si elles sont pertinentes pour la plupart, mériteraient davantage de débat et ont échappé de fait à l’examen du Sénat. Nos deux assemblées n’ont ainsi pu parvenir à établir un texte de compromis.

Quant à la disposition, introduite sur l’initiative du Gouvernement, relative à l’information par le parquet des administrations employant une personne impliquée dans une enquête pénale ou exerçant une tutelle sur cette personne, elle constitue l’un des principaux points de désaccord de l’Assemblée. Le rapporteur a fait adopter par notre commission des lois un amendement de réécriture de cet article.

Selon nous, cet article est trop général puisqu’il ne se limite pas aux atteintes contre les mineurs et s’étend à toute infraction et à toute administration. En outre, cette disposition nous semble attentatoire à la présomption d’innocence puisqu’elle intervient avant toute condamnation pénale. Enfin, le transfert de responsabilité, opéré par cet article, de l’autorité judiciaire vers l’administration prive la personne de tout recours et risque de laisser les administrations démunies face à un problème qui les dépasse.

Ainsi, le groupe UDI estime qu’il s’agit d’un texte à la fois nécessaire au regard de nos engagements européens et utile pour renforcer l’entraide judiciaire européenne. Pour autant, en raison des réserves évoquées, nous nous abstiendrons.

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