Intervention de Éric Alauzet

Séance en hémicycle du 22 juillet 2015 à 21h30
Règlement du budget et approbation des comptes 2014 — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaÉric Alauzet :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, madame la rapporteure générale, mes chers collègues, quelle analyse politique peut-on faire de la loi de finances pour 2014 au regard de l’exécution du budget qui nous est présentée par le Gouvernement ? Deux constats : des engagements tenus, mais un excès d’optimisme. Ces deux caractéristiques se vérifient à la lumière des chiffres les plus marquants des comptes du budget 2014.

Respect des engagements, car l’évolution de la dépense publique a été conforme aux annonces faites en loi de finances, les chiffres le montrent.

Excès d’optimisme car, une fois encore – mais convenons que cette tendance s’atténue par rapport aux exercices précédents –, la prévision de croissance a été bien supérieure à la réalité.

La conséquence immédiate aura été une moindre recette fiscale nette de 9,7 milliards d’euros, ce qui pèse bien entendu sur la trajectoire de réduction des déficits publics. Encore faudrait-il être en mesure d’indiquer la part de moindres recettes liée à la faible croissance et celle qui pourrait résulter d’autres mécanismes, telle la modification du comportement des agents économiques pour éviter l’impôt.

Quoi qu’il en soit, avec des recettes moindres, la réduction des déficits ne peut pas être au niveau attendu.

Alors que la prévision de déficit était de 3,6 % en loi de finances initiale, le taux a été constamment revu à la hausse à mesure que l’on constatait que la situation économique ne se redressait pas, pour culminer dans les estimations à 4,4 points. Ce chiffre aurait constitué un très mauvais signal en comparaison du déficit de 2013, arrêté à 4,1 %. Heureusement, quelques ajustements et un léger redémarrage de l’activité à la fin de 2014 auront permis de passer juste en dessous de la barre des 4,1 % pour terminer à 4 %. On aura, pour ainsi dire, sauvé la face.

Cela dit, il faut bien prendre en considération que les avantages fiscaux consentis aux agents économiques – 6,5 milliards d’euros aux entreprises au titre du CICE et 1,3 milliard aux ménages à travers le pacte de solidarité –, tout en marquant une totale rupture dans la logique fiscale qui avait prévalu depuis les années 2010, ont privé l’État d’une recette équivalente aux moindres rentrées fiscales. Autrement dit, sans les baisses d’impôts – certes prises en compte en loi de finance initiale –, le déficit serait, pour la loi de règlement 2014, beaucoup plus proche du niveau des 3,6 % attendus.

À l’inverse les recettes liées à la lutte contre l’évasion fiscale des particuliers, résultant de la loi contre la fraude fiscale et la grande délinquance financière, sont venues compenser une partie de ces dépenses fiscales. C’est l’occasion de souligner la réussite de cette politique qui aura, précisément, permis de financer l’essentiel de la baisse d’impôt – elle a engendré 1,9 milliard d’euros de recettes pour une dépense fiscale de 1,2 milliard au bénéfice de 4,2 millions de ménages modestes – par la réintégration dans l’assiette fiscale de revenus détournés par les personnes les plus riches, et ceci dès 2014.

Finalement, si 2014 marque une sorte de pause dans la réduction des déficits budgétaires, c’est avant tout le résultat d’un choix politique de ne pas peser trop fortement sur l’activité économique. Il faut néanmoins insister sur le fait que cette pause aura été le résultat non pas d’un relâchement dans l’objectif de baisse des dépenses publiques, mais de la volonté de soutenir les entreprises et les ménages.

Du reste, seule cette stratégie pouvait recueillir l’assentiment de l’Union européenne et permettre de repousser à 2017 l’objectif des 3 %. Comme on fait souvent reproche au Président de la République et au Gouvernement de ne pas avoir renégocié le pacte de stabilité, remarquons au passage que cela a néanmoins été réalisé – sournoisement et partiellement, certes – puisque, de fait, l’échéance de 2013 pour revenir à 3 % a été repoussée à 2015 puis à 2017. Mais sans doute ne faut-il pas le dire trop fort ! L’orthodoxie budgétaire de l’Union européenne aura conduit à biaiser pour ne surtout pas faiblir sur la trajectoire de baisse des dépenses publiques, quitte à lâcher du lest sur les recettes fiscales.

Le Gouvernement a donc tenu bon sur ses objectifs de baisse de dépenses, même si le ralentissement économique et la baisse de l’inflation ont pu l’y aider. C’est l’avers d’une médaille dont le revers est la réduction des rentrées fiscales. Pour autant, la baisse des dépenses publiques peut avoir un effet récessif sur l’activité et sur l’emploi, et il n’est pas certain que ce risque soit bien mesuré. Il ne l’est assurément pas par la droite parlementaire, qui propose constamment d’amplifier ces baisses de dépense, à un niveau deux fois plus important que le processus en cours. Ce serait une folie absolue, résultant d’un dogme qui consiste à penser que l’emploi privé est systématiquement source de richesse quand l’emploi public ne serait qu’une charge.

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