La séance est ouverte.
La séance est ouverte à vingt et une heures trente.
Monsieur le président, madame la rapporteure générale, mesdames et messieurs les députés, en application du dernier alinéa de l’article 45 de la Constitution, votre assemblée examine aujourd’hui en lecture définitive le projet de loi de règlement du budget et d’approbation des comptes de l’année 2014.
Pour ce dernier débat sur l’exécution de l’année 2014, je voudrais apporter des précisions sur des remarques qui ont pu être soulevées au cours de nos discussions et méritent à mon sens un éclairage particulier.
Nous avons eu de nombreux échanges sur l’analyse faite par la Cour des comptes de la prise en compte du programme d’investissements d’avenir – PIA – dans la dépense de l’État. Il faut bien voir que le Gouvernement et la Cour des comptes ne parlent pas des mêmes dépenses. La Cour évoque celles engagées par les opérateurs chargés de la mise en oeuvre du programme et qui relèvent du premier PIA – celui de 2010. Or ces dépenses n’ont pas vocation à être traitées comme des dépenses de l’État puisque, par définition, elles sont supportées par les opérateurs ; de surcroît, un tel traitement se trouve encore moins justifié si la Cour le propose cinq mois après la clôture de l’exercice. C’est pourquoi l’inclusion de ces dépenses dans le calcul du solde de l’État ne nous paraît pas justifiée.
Il y a, en parallèle, les dépenses engagées en 2014 pour lancer le nouveau programme d’investissements d’avenir. Il s’agit de simples transferts aux opérateurs, qui placent immédiatement les fonds sur le compte du Trésor. Ces dépenses n’ont d’impact ni sur le déficit public ni sur la dette publique ; il paraît donc légitime de les déduire du calcul du solde de l’État, puisqu’elles viennent le dégrader artificiellement.
Nos débats ont également conduit à des interrogations sur l’évolution du taux de prélèvements obligatoires, qui a augmenté de 44,7 % à 44,9 % en 2014. Je voudrais préciser que cette hausse est liée non pas à des décisions discrétionnaires des pouvoirs publics, mais à une élasticité supérieure à l’unité. Concrètement, les prélèvements ont augmenté spontanément plus rapidement que le produit intérieur brut ; le rapport entre prélèvements et PIB a donc augmenté mécaniquement, sans qu’aucune décision particulière n’explique cette évolution.
Enfin, certains ont prétendu que la diminution du déficit public en 2014 serait due uniquement à la réduction du déficit des collectivités territoriales. Le solde des collectivités fluctue en fonction du cycle électoral ; il a été réduit de 0,2 point de PIB en 2014, alors qu’il avait augmenté d’autant en 2013. Au-delà de cet aspect technique, le point important est que le déficit de l’État englobe la totalité du coût des politiques économiques qui sont menées : c’est bien l’État qui finance le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, c’est encore l’État qui finance le pacte de responsabilité et de solidarité, puisqu’il y a compensation à la sécurité sociale, c’est enfin l’État qui prend à sa charge le coût de la réforme de la taxe professionnelle. Ce constat n’est pas nouveau, mais il doit susciter des réflexions pour l’avenir ; il rappelle qu’il ne faut pas se borner à constater les soldes par sous-secteur. Il existe en réalité des transferts massifs de l’État vers les collectivités locales et vers la sécurité sociale, qui expliquent en grande partie le déficit du budget de l’État et l’évolution plutôt positive du solde des autres administrations.
Ces quelques précisions techniques m’ont paru utiles pour éclairer votre vote, eu égard aux discussions que nous avons eues la semaine dernière. Et, comme la semaine dernière, je souhaite que l’Assemblée adopte le projet de loi de règlement du budget et d’approbation des comptes de l’année 2014, cette fois dans sa version définitive.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
La parole est à Mme Valérie Rabault, rapporteure générale de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, au cours de cette avant-dernière séance de la session extraordinaire, nous allons examiner pour la troisième fois le projet de loi de règlement du budget et d’approbation des comptes de l’année 2014 proposé par le Gouvernement.
Lors des précédentes séances, ce projet de loi de règlement a déjà été adopté par deux fois sans modification par notre assemblée. Cette absence d’amendements marque, monsieur le secrétaire d’État, le soutien de notre majorité à l’exécution budgétaire de l’année 2014.
Ce soutien découle de deux constats. Le premier est la sincérité des comptes que vous nous avez présentés, sincérité d’ailleurs appréciée à sa juste valeur par la Cour des comptes, laquelle a déclaré : « En 2014, en dépit de difficultés persistantes qui trouvent leur source, le plus souvent, dans le système d’information et l’organisation des processus de gestion, des progrès ont été réalisés par l’administration dans tous les domaines. Dans certains cas, ils ont permis d’apporter une réponse satisfaisante à des constats qui étaient relevés depuis plusieurs exercices. » Chers collègues de l’opposition, je sais que vous aimez à citer la Cour des comptes, et je regrette que vous ayez omis de le faire pour cette avancée saluée par la Cour.
Le soutien de la majorité tient aussi à la persévérance avec laquelle vous défendez, monsieur le secrétaire d’État, l’assainissement de nos finances publiques. C’est un effort de tous les jours, qui doit se faire avec deux boussoles : préserver la création de richesses et préserver la fonction publique d’État, qui est un bien extrêmement précieux pour notre pays.
Tout au long de nos débats, j’ai entendu nos collègues de l’opposition émettre des critiques, regretter que l’on ne réduise pas assez vite les dépenses publiques – tout en refusant toute coupe susceptible de les concerner –, prétendre qu’il y aurait trop de prélèvements obligatoires en France, et j’en passe. Mais, chers collègues, je ne vous ai jamais entendu parler du coût pour l’État de la dette supplémentaire résultant de vos dix années de gestion. Certes, une partie de cette dette découle de la crise financière et économique, je suis la première à le reconnaître ; mais on ne peut pas tout mettre sur le dos de la crise.
Vu que vous n’évoquez jamais ce coût supplémentaire, je me suis livrée à un rapide calcul, certes à affiner. En 2014, nous avons versé 43,16 milliards d’euros à l’ensemble des investisseurs qui détiennent des obligations assimilables du Trésor français. Sur ces 43,16 milliards, une partie – 10 milliards environ – proviendrait de la dette supplémentaire accumulée au cours des dix dernières années. Ces 10 à 12 milliards d’euros de dépenses, ce sont les vôtres, chers collègues de l’opposition – et elles pèsent chaque année sur le budget de l’État !
Réduire les dépenses publiques sans casser l’État et la valeur du service public, c’est une responsabilité de chaque instant et, à l’occasion de cette troisième lecture, je souhaite saluer la manière avec laquelle, monsieur le secrétaire d’État, vous l’avez assumée.
On peut tourner les chiffres dans tous les sens, ce qui est sûr, c’est que le déficit nominal de la France en fonction du PIB s’est réduit, et que les dépenses de l’État en euros sonnants et trébuchants ont baissé.
Alors certes, on en a fait le constat à l’occasion de l’examen de ce projet de loi, les recettes de l’État ont diminué entre 2013 et 2014. Certes, la croissance n’est pas encore assez robuste pour jouer un rôle positif dans le rétablissement des comptes publics. Et certes, le chômage n’a pas encore baissé. Mais je crois que la grandeur de la politique, c’est de reconnaître ce qui va mieux et de se mobiliser sur ce qui demande encore du travail.
Si je devais résumer en un mot la manière de se mobiliser, ce serait : « l’investissement ». Notre pays souffre d’un mal sournois : le défaut d’investissement dans certains secteurs. En 2014, l’investissement n’a pas suffisamment repris. L’investissement privé n’a pas décollé malgré la montée en charge du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, qui a permis aux entreprises de retrouver des marges de manoeuvre. L’investissement public, soutenu par l’État, par les programmes d’investissements d’avenir et par les collectivités locales, n’a pas non plus décollé, essentiellement du fait de la diminution de 10 % des investissements des collectivités locales en 2014.
Le problème, c’est qu’en dessous d’un certain niveau d’investissement, on condamne notre capacité à créer de la richesse. Investir, c’est se projeter dans l’avenir, c’est dessiner des améliorations pour demain, que ce soit en matière de recherche médicale, d’infrastructures de transport, d’aménagement numérique du territoire ou de coopération avec nos partenaires européens. Ne pas investir, c’est se cantonner dans un futur sans perspective.
Ce n’est pas tout à fait l’objet de ce débat, je vous l’accorde, mais dans deux mois nous nous retrouverons sur ces mêmes bancs pour examiner le projet de loi de finances pour 2016 que vous nous présenterez, monsieur le secrétaire d’État. Ce projet de loi devra à mes yeux matérialiser la volonté de l’État de soutenir l’investissement.
Bien sûr, il ne s’agit pas d’investir pour investir ; il s’agit d’investir pour que cette France des projets, qui attend un peu de sève, puisse vraiment s’épanouir – s’épanouir pour elle, mais aussi pour contribuer à l’assainissement des finances publiques. Les 10 milliards d’euros de recettes qui nous ont manqué cette année pourraient de cette manière être récupérés, ce qui nous rapprocherait des 3 % de déficit nominal que l’Europe attend de nous.
Renforcer l’investissement, c’est aussi soutenir le financement du fonds de compensation pour la TVA, avec le soutien de la Caisse des dépôts, annoncé par le Premier ministre en avril dernier. Ce soutien devra être accru.
Renforcer l’investissement, c’est, pour ce qui concerne les entreprises de travaux publics, activer le plan d’investissement des autoroutes autorisé par la Commission européenne.
Renforcer l’investissement, cela doit nous amener à débattre de nouveau, à l’automne, du budget de l’Agence de financement des infrastructures de transport de France, afin de veiller à financer le développement des infrastructures en Île-de-France, ainsi que la rénovation et la construction de lignes de train.
Renforcer l’investissement, c’est enfin mobiliser sans attendre le plan numérique annoncé en 2013 par le Premier ministre Jean-Marc Ayrault et qui est mis en oeuvre par Emmanuel Macron et Axelle Lemaire.
Permettez-moi de conclure par cette phrase prononcée en juin 1953 par Pierre Mendès France : « L’investissement n’est pas seulement la condition nécessaire du développement de la production, il est le gage de l’avenir de la France. » Sur ces paroles, je vous invite, mes chers collègues, à approuver dans sa version définitive le projet de loi de règlement du budget et d’approbation des comptes de l’année 2014.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, madame la rapporteure générale, mes chers collègues, ce projet de loi de règlement pour 2014 est malheureusement le constat de l’échec de la politique conduite depuis 2012. Il met également en lumière les contre-vérités de l’exécutif sur l’état des comptes publics.
Le groupe de l’Union des démocrates et indépendants auquel j’appartiens a largement détaillé, en première lecture ainsi qu’en nouvelle lecture, ces contre-vérités. Alors que ce texte, après avoir été rejeté deux fois par le Sénat, revient aujourd’hui devant notre Assemblée en lecture définitive, je n’en rappellerai que les points clés.
En premier lieu, tandis que vous vous félicitez de maîtriser la dépense publique et alors même que vous aviez promis un effort de 15 milliards d’euros pour l’année 2014, la dépense publique a bel et bien continué d’augmenter. En effet, vous avez substitué à la dépense budgétaire des crédits d’impôts qui ne sont pas comptabilisés comme tels mais qui, dans les faits, représentent une dépense de l’État et doivent bien entendu être financés. C’est ainsi que la dépense publique totale, comme en 2013, a continué d’augmenter deux fois plus vite que le produit intérieur brut en 2014.
Il est vrai que quelques efforts ont été consentis,…
Ce constat est d’ailleurs partagé par la Cour des comptes, qui a indiqué que la France se plaçait maintenant au plus haut niveau de dépenses de l’OCDE, alors que « la qualité des services publics n’est pas forcément à la hauteur ». C’est la première fois que notre pays est premier s’agissant du poids des dépenses publiques dans le PIB.
La raison est simple : l’absence de réformes structurelles. La réforme de l’État et des collectivités territoriales, la réforme de la protection sociale et de la santé, la réforme du paritarisme, la transition écologique, la valorisation de la ressource humaine de notre Nation sont autant de chantiers qu’il est urgent de lancer et que vous n’avez pas encore pris à bras-le-corps.
Je vous signale que nous venons de voter la loi de transition énergétique !
Elles seules seraient à même d’endiguer la hausse de la dépense publique et de conduire à de véritables économies, supportables par tous et fructueuses sur le long terme.
Quant aux prélèvements obligatoires, le Gouvernement a communiqué sur leur baisse afin de tenter de calmer le ras-le-bol fiscal de nos concitoyens. Mais, encore une fois, les chiffres ne trompent pas. Ainsi, le taux de prélèvements obligatoires est passé de 44,7 % en 2013 à 44,9 % en 2014, soit une augmentation de 4 milliards d’euros de la pression fiscale ! Tout comme pour la dépense publique, le Gouvernement ne procède pas à une baisse des prélèvements obligatoires mais simplement à un freinage de leur hausse.
Le déficit, pour sa part, demeure à un niveau particulièrement élevé, bien au-dessus de celui de nos voisins européens. Loin de se rapprocher de l’objectif des 3 %, il n’a diminué que de manière très marginale, passant de 4,1 % en 2013 à 4 % en 2014.
En outre, cette légère baisse du déficit global est, pour sa majeure partie, le fait des collectivités locales, dont les investissements ont chuté de manière dramatique, conséquence certes du cycle électoral, mais aussi et surtout de la baisse des dotations de l’État.
Le déficit de l’État, lui, a augmenté en 2014, passant de 3,6 % à 3,8 %.
Le groupe UDI déplore cette méthode qui consiste, pour l’État, à demander des efforts considérables aux collectivités locales tout en ne réduisant pas son propre déficit. C’est également la crédibilité de la France qui est mise à mal auprès de nos partenaires européens, alors même que la plupart de nos voisins ont fait des efforts considérables afin de respecter les objectifs communs.
Enfin, alors que le Gouvernement tablait initialement sur une croissance de 1 %, celle-ci n’a été que de 0,2 % en 2014. Or, selon l’INSEE, l’inversion de la courbe du chômage nécessiterait une croissance comprise entre 1 % et 2 %. En conséquence, et malgré toutes les promesses, le chômage a continué de progresser en 2014 et ne devrait commencer à baisser qu’à partir de 2017.
Mes chers collègues, après l’échec qu’a constitué l’année 2013, le groupe de l’Union des démocrates et indépendants espérait que le pacte de responsabilité et de solidarité constituerait une opportunité de redressement pour notre pays, afin que l’année 2014 soit celle du retour de la croissance, de l’emploi et de la confiance. Il n’en a rien été !
Nous appelons donc le Gouvernement à reconnaître le dérapage des comptes de l’État en 2014 et à tenir un discours de vérité aux Françaises et aux Français. Tout comme notre groupe, la Cour des comptes appelle de ses voeux des économies « structurelles significatives et pérennes ».
Vous l’aurez compris, notre groupe votera contre ce projet de loi de règlement des comptes de l’année 2014. Je veux saluer à cette occasion l’excellent travail accompli par mon collègue Charles de Courson.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, madame la rapporteure générale, mes chers collègues, quelle analyse politique peut-on faire de la loi de finances pour 2014 au regard de l’exécution du budget qui nous est présentée par le Gouvernement ? Deux constats : des engagements tenus, mais un excès d’optimisme. Ces deux caractéristiques se vérifient à la lumière des chiffres les plus marquants des comptes du budget 2014.
Respect des engagements, car l’évolution de la dépense publique a été conforme aux annonces faites en loi de finances, les chiffres le montrent.
Excès d’optimisme car, une fois encore – mais convenons que cette tendance s’atténue par rapport aux exercices précédents –, la prévision de croissance a été bien supérieure à la réalité.
La conséquence immédiate aura été une moindre recette fiscale nette de 9,7 milliards d’euros, ce qui pèse bien entendu sur la trajectoire de réduction des déficits publics. Encore faudrait-il être en mesure d’indiquer la part de moindres recettes liée à la faible croissance et celle qui pourrait résulter d’autres mécanismes, telle la modification du comportement des agents économiques pour éviter l’impôt.
Quoi qu’il en soit, avec des recettes moindres, la réduction des déficits ne peut pas être au niveau attendu.
Alors que la prévision de déficit était de 3,6 % en loi de finances initiale, le taux a été constamment revu à la hausse à mesure que l’on constatait que la situation économique ne se redressait pas, pour culminer dans les estimations à 4,4 points. Ce chiffre aurait constitué un très mauvais signal en comparaison du déficit de 2013, arrêté à 4,1 %. Heureusement, quelques ajustements et un léger redémarrage de l’activité à la fin de 2014 auront permis de passer juste en dessous de la barre des 4,1 % pour terminer à 4 %. On aura, pour ainsi dire, sauvé la face.
Cela dit, il faut bien prendre en considération que les avantages fiscaux consentis aux agents économiques – 6,5 milliards d’euros aux entreprises au titre du CICE et 1,3 milliard aux ménages à travers le pacte de solidarité –, tout en marquant une totale rupture dans la logique fiscale qui avait prévalu depuis les années 2010, ont privé l’État d’une recette équivalente aux moindres rentrées fiscales. Autrement dit, sans les baisses d’impôts – certes prises en compte en loi de finance initiale –, le déficit serait, pour la loi de règlement 2014, beaucoup plus proche du niveau des 3,6 % attendus.
À l’inverse les recettes liées à la lutte contre l’évasion fiscale des particuliers, résultant de la loi contre la fraude fiscale et la grande délinquance financière, sont venues compenser une partie de ces dépenses fiscales. C’est l’occasion de souligner la réussite de cette politique qui aura, précisément, permis de financer l’essentiel de la baisse d’impôt – elle a engendré 1,9 milliard d’euros de recettes pour une dépense fiscale de 1,2 milliard au bénéfice de 4,2 millions de ménages modestes – par la réintégration dans l’assiette fiscale de revenus détournés par les personnes les plus riches, et ceci dès 2014.
Finalement, si 2014 marque une sorte de pause dans la réduction des déficits budgétaires, c’est avant tout le résultat d’un choix politique de ne pas peser trop fortement sur l’activité économique. Il faut néanmoins insister sur le fait que cette pause aura été le résultat non pas d’un relâchement dans l’objectif de baisse des dépenses publiques, mais de la volonté de soutenir les entreprises et les ménages.
Du reste, seule cette stratégie pouvait recueillir l’assentiment de l’Union européenne et permettre de repousser à 2017 l’objectif des 3 %. Comme on fait souvent reproche au Président de la République et au Gouvernement de ne pas avoir renégocié le pacte de stabilité, remarquons au passage que cela a néanmoins été réalisé – sournoisement et partiellement, certes – puisque, de fait, l’échéance de 2013 pour revenir à 3 % a été repoussée à 2015 puis à 2017. Mais sans doute ne faut-il pas le dire trop fort ! L’orthodoxie budgétaire de l’Union européenne aura conduit à biaiser pour ne surtout pas faiblir sur la trajectoire de baisse des dépenses publiques, quitte à lâcher du lest sur les recettes fiscales.
Le Gouvernement a donc tenu bon sur ses objectifs de baisse de dépenses, même si le ralentissement économique et la baisse de l’inflation ont pu l’y aider. C’est l’avers d’une médaille dont le revers est la réduction des rentrées fiscales. Pour autant, la baisse des dépenses publiques peut avoir un effet récessif sur l’activité et sur l’emploi, et il n’est pas certain que ce risque soit bien mesuré. Il ne l’est assurément pas par la droite parlementaire, qui propose constamment d’amplifier ces baisses de dépense, à un niveau deux fois plus important que le processus en cours. Ce serait une folie absolue, résultant d’un dogme qui consiste à penser que l’emploi privé est systématiquement source de richesse quand l’emploi public ne serait qu’une charge.
Si l’on tente de mesurer l’impact direct des politiques publiques de l’emploi, on observe que le coût pour la collectivité des emplois aidés – emplois d’avenir et autres – est de 10 000 à 15 000 euros par an, contre un montant compris entre 70 000 à 100 000 pour les emplois privés – CICE ou pacte de solidarité –, sachant que l’effet et précis et immédiat pour les premiers, alors qu’il est décalé et incertain pour les seconds. Il ne s’agit nullement de caricaturer tel ou tel dispositif mais d’approcher le sujet avec le plus d’objectivité possible, étant entendu que ces chiffres doivent sans doute être modulés.
A contrario, on ne connaît pas avec suffisamment de précision le coût en emplois de la baisse de la dépense publique. Il serait utile, monsieur le secrétaire d’État, d’éclairer la représentation nationale, et peut-être même le Gouvernement, sur ce point.
Je terminerai en évoquant le sujet essentiel de la croissance. Celle-ci est toujours plus faible que prévu et qu’annoncé, ce qui amène à reproduire d’année en année les mêmes déséquilibres budgétaires. En 2014, on constate une moindre recette fiscale de 9,7 milliards d’euros pour une moindre croissance de 0,7 % – 0,2 % constaté contre 0,9 % annoncé – ; en 2013, le manque à gagner était de 14,6 milliards pour un déficit de croissance de 0,5 % – 0,3 % constaté contre 0,8 % annoncé.
Le phénomène s’inverse en 2015, puisque la croissance sera sans doute plus importante qu’annoncé. Il sera alors particulièrement intéressant d’observer, et surtout d’analyser, la réalité des recettes fiscales au regard des prévisions. Même modeste, cette embellie de la croissance nous fera du bien et fera du bien à l’emploi. Mais nous devons rester lucides et ne pas tomber dans le travers habituel de l’optimisme démobilisateur, un optimisme bien souvent douché quand vient le moment des bilans. En effet, nombre d’observateurs avisés nous prédisent une croissance de long terme autour de 1 %. Il ne faudrait pas que le rebond de 2015-2016, où la croissance atteindra peut-être 1,5 ou 1,8 %, voire 2 %, nous conduise à une nouvelle illusion. L’enjeu est bien de construire une société de l’activité et de l’emploi avec une croissance faible. Nous n’y échapperons pas ! Cette construction devra se fonder sur de nouveaux indicateurs de richesse prenant en compte les coûts externes de santé et de chômage, ainsi que les coûts environnementaux – qui, de fait, réduisent un taux de croissance déjà naturellement bas –, le développement durable et les formes émergentes d’économie.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, madame la rapporteure générale, chers collègues, notre assemblée s’apprête à adopter définitivement le projet de loi de règlement du budget et d’approbation des comptes de l’année 2014, que le Sénat a rejeté hier en nouvelle lecture.
Comme l’ont expliqué le président Roger-Gérard Schwartzenberg en première lecture et Gilda Hobert en nouvelle lecture, le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste est favorable à l’adoption de ce texte qui constate l’exécution budgétaire de l’année 2014. Mes collègues ont déjà soulevé, lors des deux discussions générales précédentes, les points essentiels.
Tout d’abord, le déficit s’élève finalement à 4 % du PIB. Il s’inscrit dans le programme de stabilité 2015-2018 et marque une amélioration sensible de la gestion de nos finances publiques, en dépit du niveau historiquement bas de l’inflation à 0,5 %, qui limite la progression des recettes. Nous saluons cette amélioration.
Pour autant, le Gouvernement n’a pas renoncé aux efforts sur les secteurs essentiels que sont l’éducation, la lutte contre le terrorisme ou encore l’insertion professionnelle des jeunes par le développement des contrats aidés. Nous avons également desserré la pression fiscale sur les ménages modestes et moyens, ce qui a participé à relancer la consommation des ménages en améliorant leur pouvoir d’achat. C’est ainsi que nous avons pu porter, pour ainsi dire à bout de bras, une croissance demeurée toutefois atone dans l’hexagone l’année dernière, à 0,2 %.
Nous saluons également le changement de paradigme opéré par le Gouvernement à partir du programme de stabilité 2015-2018, qui consiste à prendre désormais des taux planchers et non plus des taux plafonds pour les principales estimations macroéconomiques. Cela devrait nous prémunir durablement des divergences d’interprétation quant à l’évolution du déficit.
En effet, concernant l’exécution budgétaire de 2014, la Cour des comptes a estimé, contrairement au Gouvernement, que la trajectoire du déficit nominal n’était pas bonne, du fait notamment d’un défaut de 10 milliards d’euros de recettes comparativement à ce qui était envisagé à l’automne 2013 par le biais d’un taux plafond.
Les dépenses ont été maîtrisées, et même stabilisées en 2014. Leur montant est inférieur de 6,34 milliards d’euros aux dotations initiales de la loi de finances. Les normes de la dépense, en volume comme en valeur, ont été respectées. La hausse de la dépense en valeur s’établit ainsi à seulement 0,9 % l’année dernière, hors crédits d’impôts toutefois.
Dans ce contexte d’efforts assumés et sans précédent sur la dépense publique, nous ne pouvons nous permettre de trop laisser filer la dépense fiscale ; il nous faut aussi simplifier l’architecture des niches qui grèvent l’ensemble de nos impôts. Le Gouvernement avait programmé une dépense fiscale hors CICE de 70 milliards d’euros pour 2014. Elle aurait finalement atteint 72 milliards d’euros l’année dernière, bien que l’estimation de son coût global demeure partielle, selon la Cour des comptes et plusieurs rapports parlementaires.
Ce montant est colossal, d’autant que le niveau des prélèvements obligatoires a subsisté en 2014 à 44,9 % du PIB, après 44,7 % en 2013.
Le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste votera bien entendu en faveur de ce projet de loi de règlement du budget et d’approbation des comptes de l’année 2014, qui s’inscrit dans notre programme de stabilité.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, madame la rapporteure générale, chers collègues, nous arrivons au terme de l’examen de l’exécution budgétaire pour l’année 2014. Comme chaque année, et quelle que soit la majorité en place, nous ne discutons que de la conformité de la trajectoire de nos finances publiques au programme de stabilité.
Depuis l’entrée en vigueur du traité de Maastricht, la politique budgétaire se focalise sur le respect de l’objectif d’un déficit public de 3 % du PIB. Ces 3 % sont devenus le marqueur proclamé, martelé, de la maîtrise des finances publiques. Il s’agit pourtant d’un chiffre que l’économiste Guy Abeille, l’un de ses artisans, considérait comme « sans contenu, fruit des circonstances, d’un calcul à la demande, monté faute de mieux un soir dans un bureau. »
D’un chiffre élaboré sur un coin de table, nous avons fait un critère dont nous n’interrogeons même plus la pertinence. La gouvernance par les traités alimente une logique de dépolitisation des choix budgétaires. La baisse des dépenses publiques et sociales est devenue un dogme, un objectif indiscutable, quand bien même contribuerait-il à alimenter la stagnation, l’accroissement du chômage, la baisse du niveau de vie ou de la qualité de vie de nos concitoyens. Pour notre part, nous voyons dans cette stérilisation du débat budgétaire le signe d’un profond déséquilibre dans les rapports de force entre gouvernements, banque centrale et marchés.
Le ministre des finances et des comptes publics et le secrétaire d’État chargé du budget se félicitent des résultats obtenus en 2014. Ces résultats nous montrent, nous dites-vous, « que les efforts demandés aux Français portent leurs fruits et que l’assainissement des comptes publics se poursuit. »
Il est vrai que le déficit public, qui se situe à 4 % du PIB, continue de se réduire malgré une croissance très faible en 2014. Le déficit structurel s’établit à 2,1 %, soit le meilleur résultat atteint depuis l’an 2000. Les dépenses de l’État, qui représentent près de 280 milliards d’euros, sont en baisse de 3,3 milliards d’euros par rapport à 2013, une diminution sans précédent depuis 2003.
Au risque de vous déplaire, madame la rapporteure générale, l’analyse de la Cour des comptes est moins flatteuse. La Cour souligne que la réduction du déficit budgétaire de l’État, constatée depuis plusieurs années, a été interrompue en 2014. Elle remarque que la progression de la dette de l’État n’a pas ralenti, passant de 1 457 milliards d’euros fin 2013 à 1 528 milliards d’euros fin 2014.
Ces résultats, somme toute médiocres, sont emblématiques de la déshérence de politiques économiques et budgétaires à l’heure de l’austérité européenne. Ils nous montrent que notre politique budgétaire est contre-productive à la fois économiquement – les chiffres du chômage explosent – et vis-à-vis de l’objectif principal qu’elle affiche, puisqu’elle empêche, en réalité, le désendettement public qu’elle est censée favoriser.
Cela n’empêche ni la Cour des comptes ni la Commission européenne de réclamer plus d’efforts et de continuer à promouvoir une diminution drastique des dépenses publiques et sociales. La Commission européenne estime ainsi que les efforts structurels sont insuffisants et qu’il faudra réduire les dépenses publiques en 2016 et 2017, y compris dans les secteurs de la Sécurité sociale et des collectivités locales. À ses yeux, les économies en dépenses prévues d’ici 2017, à hauteur de 50 milliards d’euros, sont insuffisantes. Il faut poursuivre dans la voie de l’assèchement des comptes sociaux et du dépeçage des collectivités locales.
Pour prendre l’exemple des collectivités locales, où pense-t-on aller en réduisant encore le montant des dotations ? Selon une étude de l’Association des maires de France, l’objectif actuel de baisse de 11 milliards d’euros des dotations aux collectivités locales fera reculer les investissements de 25 à 30 % d’ici à 2017, ce qui coûtera 0,6 % de croissance. D’ailleurs, l’investissement local a déjà reculé de 4,8 milliards d’euros l’an passé.
Les premières victimes de cette chute drastique des investissements sont les acteurs économiques, au premier rang desquels les entreprises de travaux publics, qui dépendent à 70 % de la commande publique, et celles du bâtiment. Les organisations patronales du secteur estiment qu’entre 60 000 et 80 000 emplois sont menacés.
Dans leur immense majorité, les maires craignent également pour l’avenir des services publics de proximité. Beaucoup se trouveront, si ce n’est déjà le cas, dans la nécessité de fermer des garderies ou des cantines, de ne plus organiser de festivals, de cesser de financer des associations, d’abandonner des services sportifs et culturels locaux, ou d’en renchérir l’accès.
Voulons-nous continuer dans cette voie ? Comment prétendre que la baisse des dépenses assainit la situation économique, quand, d’évidence, elle l’aggrave de manière visible ?
La même remarque vaut pour les dépenses de l’État. L’idée que l’on peut faire mieux avec moins a clairement atteint ses limites. L’assèchement des comptes publics est devenu synonyme d’asphyxie économique. Aujourd’hui, la droite somme le Gouvernement d’aller plus loin dans le désastre. Le Gouvernement répond qu’il s’y emploie, mieux qu’elle ne le ferait. Cette course à l’échalote libérale conduit aux pires régressions sociales.
Certes, la France n’est pas la Grèce, mais l’acharnement de la droite européenne à imposer des politiques d’austérité et des programmes de réforme profondément régressifs est le même, partout en Europe. En venant renforcer la position des fanatiques de l’austérité et en renonçant à réorienter l’Europe, la gauche européenne fait le lit des eurosceptiques et de l’extrême droite.
En France, comme ailleurs en Europe, la gauche doit se ressaisir, s’arracher du dogmatisme irréfléchi des tenants de l’austérité à tout prix. Il nous faut désormais avoir le courage de dire « non » à la domination sans partage d’une oligarchie financière qui fait de la crise un prétexte pour imposer des logiques destructrices.
Dans ce contexte, vous comprendrez que les députés du Front de gauche se refusent à approuver les comptes de la Nation.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, madame la rapporteure générale, chers collègues, le parcours législatif de ce texte arrive à sa fin. Je veux rappeler ici l’importance de la loi de règlement, qui consacre la réalité de nos comptes publics, à la différence de la loi de finances, qui reste un exercice de prévision.
De ce point de vue, l’enseignement majeur que l’on peut tirer de l’exécution 2014 est la situation de décrochage de notre pays dans ses finances publiques ! Pourtant, monsieur le secrétaire d’État, vous vous obstinez à croire le contraire. Vos propos sont révélateurs : « les efforts que nous avons demandés aux Français portent leurs fruits. Les efforts paient, produisent des résultats et les chiffres le prouvent. » La réalité des chiffres pour l’exécution 2014 est tout autre.
Beaucoup de choses ont déjà été dites par mes collègues depuis le début de l’examen du projet de loi de règlement. Aussi m’arrêterai-je rapidement sur les chiffres qui sont source d’inquiétude.
Monsieur le secrétaire d’État, il convient de reconnaître que le déficit public dans son ensemble – celui des administrations publiques – a diminué de 1,6 milliard d’euros en 2014. La Cour des comptes juge cette réduction modeste, puisque le déficit n’a reculé que de 0,1 point, passant de 4,1 % à 4 % du PIB entre 2013 et 2014. En outre, il reste nettement supérieur à la moyenne de la zone euro – 2,4 % en 2014 – ou de l’Union européenne – 2,9 points de PIB.
En revanche, le déficit de l’État, qui atteint 85,56 milliards d’euros, s’est accru de 10,7 milliards d’euros entre 2013 et 2014, en rupture avec les années précédentes, le déficit ayant toujours reculé depuis 2010.
Je veux ici insister sur le fait que cette augmentation du déficit budgétaire de l’État ne peut s’expliquer uniquement par les dépenses « exceptionnelles », qui intègrent notamment le programme d’investissements d’avenir. En effet, même en retirant ces dépenses, le déficit observé en 2014 à lourdement dérapé de 5,5 milliards d’euros. Un tel déficit représente trois mois et demi de dépenses. Cela signifie que, à partir de la mi-septembre, toutes les administrations publiques vivent à crédit.
Bien sûr, avec un tel déficit, la dette s’envole. Fin 2014, celle-ci a atteint 2 037 milliards d’euros, soit 95,6 % du PIB en 2014, et non 95 %, comme estimé par le Gouvernement dans le programme de stabilité. Depuis le début de l’année 2015, la dette a continué de se creuser, pour atteindre 97,5 % du PIB, soit 2 089 milliards d’euros.
Au mois de mai 2012, lorsque François Hollande a été élu Président de la République, la dette atteignait 1 730 milliards d’euros. Elle a donc augmenté de 350 milliards d’euros en trois ans. Voilà la réalité !
Pour l’instant, la France est anesthésiée par des taux d’intérêt très bas, au point de considérer que, plus on s’endette, moins cela coûte. À ce sujet, la Cour des comptes met en garde votre gouvernement : ces taux bas ne doivent pas agir comme des « anesthésiants, empêchant l’État de prendre les décisions propres à restaurer la crédibilité de nos finances publiques. Le réveil n’en serait que plus douloureux. »
Le Gouvernement se félicite d’un ralentissement de la progression de la dépense publique. En 2014, elle s’accroît pourtant de 0,5 point, à 57,5 % du PIB.
Si le rythme de progression est ralenti, un tel niveau de dépenses conforte la France dans sa place de championne européenne de la dépense publique. Notre niveau de dépense publique rapportée au PIB est de l’ordre de 8 points au-dessus de la moyenne de la zone euro et de 9 points au-dessus du niveau moyen de l’Union européenne.
La maîtrise des dépenses de l’État est non seulement insuffisante, mais aussi largement artificielle. Comme le rappelle la Cour des comptes, cette évolution est en grande partie imputable à un effet d’aubaine lié à la réduction des dépenses des collectivités territoriales et à un nouveau recul de la charge de la dette.
Pour maîtriser la progression de la dépense publique, le Gouvernement a également procédé à des débudgétisations et à des reports de crédits sur 2015. Je pense par exemple aux OPEX : dans ce domaine, les objectifs sont systématiquement dépassés de 600 à 700 millions d’euros. Je pense également aux prestations sociales comme le RSA et l’AME, qui sont systématiquement sous-budgétées en début d’année et dont la dépense se révèle beaucoup plus élevée dans les faits.
Ces opérations de débudgétisation et de substitution de crédits dérogent aux principes fondamentaux d’annualité, d’universalité et d’unité budgétaires. Elles faussent l’appréciation des résultats de l’exécution.
Il faut ajouter que certains postes de dépenses croissent de nouveau. C’est notamment le cas des dépenses de personnel qui, globalement, augmentent de 1 % pour atteindre un montant de 80,6 milliards d’euros. La masse salariale connaît une légère progression en 2014, alors qu’elle avait été stabilisée en 2012 et 2013.
L’apparente maîtrise des dépenses affichée par le Gouvernement s’est révélée insuffisante face à la moins-value constatée en matière de recettes. Les recettes nettes de l’État ont été inférieures de près de 9 milliards d’euros à l’exécution du budget de 2013. Cette baisse concerne surtout l’impôt sur les sociétés, ce qui est très inquiétant. De surcroît, même avec des recettes moindres, le taux des prélèvements obligatoires atteint un record et représente 44,9 % de la richesse nationale.
Nous pouvons par ailleurs regretter des hypothèses de croissance économique exagérément optimistes et des hypothèses d’élasticité des recettes également trop élevées, qui sont à l’origine de recettes inférieures par rapport aux prévisions initiales.
En matière de lutte contre la fraude fiscale, le nouveau service de traitement des déclarations rectificatives a permis d’encaisser 1,7 milliard d’euros, soit 300 millions d’euros de plus que prévu. Toutefois, cette nouvelle est à nuancer puisque ce surcroît de recettes n’a pas permis, contrairement aux prévisions, de compenser le coût de 1,3 milliard de la réduction forfaitaire d’impôt sur le revenu adoptée en août 2014.
Par ailleurs, si la Cour certifie les comptes de l’État, elle le fait avec cinq réserves substantielles – qui ne sont pas des moindres. Tout d’abord, « le système d’information financière de l’État reste encore insuffisamment adapté à la tenue de sa comptabilité générale et aux vérifications d’audit ». D’autre part, « les dispositifs ministériels de contrôle interne et d’audit interne sont encore trop peu efficaces ». De plus, « la comptabilisation des produits régaliens et des créances et des dettes qui s’y rattachent reste affectée par des incertitudes et des limitations significatives ». Ensuite, « d’importantes incertitudes pèsent toujours sur le recensement et l’évaluation des stocks et des immobilisations gérés par le ministère de la défense, ainsi que des passifs qui s’y attachent ». Enfin, « l’évaluation des immobilisations financières de l’État continue d’être affectée par des incertitudes significatives ».
De surcroît, compte tenu de la faible inflation et du fait que, pour la troisième année consécutive en 2014, la recette fiscale spontanée ne progresse pas mais régresse, il y a lieu de s’inquiéter pour l’exécution du budget de 2015, d’autant que s’y sont ajoutées depuis le début de l’année toute une série de dépenses nouvelles – lutte contre le terrorisme, financement du service civique ou encore mise en oeuvre du plan numérique.
Dans ce contexte, la Cour des comptes relève plusieurs incertitudes sur l’exécution du budget en 2015, notamment l’évolution des dépenses publiques. Elle évalue le dérapage possible entre 1,8 et 4,3 milliards d’euros, portant « principalement sur les missions Travail et emploi, Solidarité et insertion et Défense ».
Alors que les recettes ne rentrent plus, que les dépenses augmentent plus vite que l’inflation, que le déficit repart à la hausse et que la dette s’envole, le groupe Les Républicains réaffirme avec force et conviction son opposition au projet de loi de règlement de l’année 2014.
Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, madame la rapporteure générale, chers collègues, nous abordons donc l’examen, en lecture définitive, du projet de loi de règlement du budget et d’approbation des comptes de l’année 2014, après son rejet par le Sénat le 9 juillet dernier et l’échec de la commission mixte paritaire le 15 juillet.
Les comptes de l’État sont fidèles et sincères. La Cour des comptes les a certifiés et l’autorisation parlementaire a été parfaitement respectée dans son exécution, ainsi que l’indique très précisément Mme la rapporteure générale du budget dans son rapport. Vous avez néanmoins bien fait, monsieur le secrétaire d’État, d’apporter les précisions nécessaires concernant les programmes d’investissements d’avenir et leur incidence sur le calcul du solde de l’État.
La dépense de l’État est inférieure de plus de 6 milliards d’euros à l’autorisation parlementaire et le plafond des emplois a été respecté : c’est le signe d’un rigoureux pilotage infra-annuel de la dépense publique. Cette rigueur est essentielle pour réduire les déficits publics et pour stabiliser au plus vite l’évolution de la dette publique.
Notre président de la commission des finances, Gilles Carrez, a estimé en première lecture que cette loi de règlement pour 2014 témoignait d’une situation calamiteuse de nos finances publiques et de notre économie. J’aurais donc souhaité lui demander quels adjectifs il choisirait pour qualifier les différentes lois de règlement qui ont été examinées ici même entre 2007 et 2012. Dans quel état se trouvaient nos finances publiques du fait de cinq années de gestion de la droite ? Le déficit public filait allègrement vers 5,5 % pour 2012, la dette publique avait augmenté de 600 milliards en cinq ans, le déficit structurel s’était constamment aggravé entre 2007 et 2011 et la dépense publique en valeur progressait de 3,6 % en moyenne de 2002 à 2012.
Grâce à l’action du gouvernement, soutenu par sa majorité, où en sommes-nous ? Le déficit public s’établit à 4 % en 2014, le rythme de la dépense publique n’a progressé que de 0,9 % cette même année et, pour les années 2013 et 2014, l’amélioration structurelle des finances publiques est de 1,4 % du PIB, soit près de 30 milliards d’euros. Le déficit structurel, que nous avions laissé à 4,2 % en 2002 et que la droite avait amené à 4,4 % en 2012, s’établit aujourd’hui à 2,1 %, c’est-à-dire son plus bas niveau depuis la fin des années 1990.
S’il avait été présent, j’aurais dit au président Carrez mon accord sur le fait que tout n’est pas parfait et qu’il y a encore du travail et des économies à produire, notamment pour stabiliser la dette. Cependant, il est incontestable qu’il existe une amélioration pérenne des finances publiques qui a permis de réduire le déficit public malgré le contexte de faible croissance et de faible inflation, et sans mettre en péril nos services publics.
Ce n’est pas faire injure à la droite que de lui dire que lorsqu’elle était en responsabilité, les dépenses de l’État n’ont pas été jugulées et la révision générale des politiques publiques – ou plutôt la dégradation générale des politiques publiques – a non seulement mis à mal l’éducation, la santé, la justice et la sécurité de notre pays, mais n’a pas non plus permis de redresser nos finances publiques. Là où vous avez abîmé les services chargés de protéger les Français et de faire appliquer le droit en supprimant des tribunaux et des postes de policiers, nous créons des postes dans la police, dans la gendarmerie, dans les armées et dans la justice tout en préservant nos trajectoires financières. C’est ce que démontre l’article 4 de ce projet de loi de règlement.
Plusieurs rapports provenant du Parlement et de l’administration – je pense en particulier à celui de l’Inspection générale des finances – ont fait apparaître que la révision générale des politiques publiques a essentiellement consisté à rechercher des économies budgétaires rapides en mettant de côté la nécessaire concertation des acteurs, parfois même en stigmatisant et en démoralisant les fonctionnaires. Elle a même parfois pu aboutir à des renchérissements de coûts significatifs, sans proportion avec les suppressions d’emplois, via le recours à des prestataires extérieurs, par exemple.
Je conclus ce volet général de mon propos en disant que non seulement la gestion passée de la droite a été très mauvaise, mais que l’opposition brille aujourd’hui par son manque d’objectivité et de projet alternatif crédible. Elle mène systématiquement campagne contre les mesures prises par le Gouvernement sans jamais dire où se feraient les coupes austéritaires de 100 milliards d’euros qu’elle préconise.
Vous me permettrez, monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, chers collègues, de cibler maintenant mon propos sur l’exécution du budget opérationnel de la défense, dont je suis le rapporteur spécial. Cela me semble justifié tout à la fois par le contexte que créent les actions et les menaces terroristes, qui ont nécessité des prises de décisions politiques pour assurer la sécurité des Français, et par l’actualisation de la loi de programmation militaire à laquelle nous venons de procéder.
L’année 2014 a été la première année de mise en oeuvre de la nouvelle loi de programmation militaire pour la période 2014-2019, promulguée le 18 décembre 2013. Elle a été marquée par plusieurs événements majeurs : le déploiement des forces en opérations vers les théâtres africains, dans la bande sahélo-saharienne et au Levant, et le lancement de la réalisation de programmes structurants pour les armées – programmes Scorpion, avion ravitailleur MRTT, mission océanique stratégique et commande du quatrième sous-marin nucléaire d’attaque, le « Barracuda ».
En loi de finances initiale pour 2014, la mission « Défense » a été dotée de 41,9 milliards d’euros en autorisations d’engagement et de 38,92 milliards d’euros en crédits de paiement, en incluant les provisions pour pension. Hors compte d’affectation spéciale « Pensions », le budget voté en loi de finances initiale était de 31,4 milliards d’euros.
Il est à noter que les dépenses de l’exercice 2014 n’ont pas pu être couvertes par les votes en loi de finances initiale pour deux raisons. La sous-budgétisation des opérations extérieures, tout d’abord : Mme Louwagie l’a évoquée, sans pour autant reconnaître que cette volonté spécifique permettait de recourir aux crédits interministériels afin, précisément, d’alléger la charge du budget de la défense. Ensuite, les dysfonctionnements du système de paie Louvois n’ont pas été budgétés en loi de finances initiale pour 2014, alors qu’ils expliquent pourtant la plus grande partie de la surconsommation de titre 2 hors OPEX et hors pensions. Par ailleurs, le report de charges est resté élevé malgré sa stabilité au 31 décembre 2014, à hauteur de 3,4 milliards d’euros.
Pour le budget de la défense dans toutes ses composantes et ses programmes, qu’ils soient inscrits au titre des missions « Budget opérationnel » ou « Investissements d’avenir », l’exécution budgétaire mérite donc d’être particulièrement suivie et respectée. La loi de programmation militaire en est le cadre pluriannuel, mais chaque exercice budgétaire exige plusieurs précautions : obtenir les crédits de paiement conformes à la trajectoire financière de la loi de programmation militaire, limiter les gels et les surgels de crédits, ne pas aggraver le report de charges et assurer la couverture du surcoût des OPEX par la solidarité interministérielle.
À cet égard, l’exécution budgétaire des crédits de la défense nationale pour 2014 aura été conforme aux prévisions budgétaires, et l’actualisation de la loi de programmation militaire à laquelle nous venons de procéder garantira la même qualité d’exécution pour 2015, dès lors que nous aurons voté l’indispensable loi de finances rectificative pour 2015 en fin d’année.
En somme, en un demi-quinquennat, notre majorité parlementaire a effacé la gestion erratique des finances publiques des deux quinquennats précédents. C’est bien ce qu’exprime la loi de règlement présentée aujourd’hui, que notre groupe votera. Mettons-nous au moins d’accord sur le propos tenu par M. le Premier président de la Cour des comptes devant la commission des finances : « Nous ne sous-estimons pas le résultat obtenu : la stabilité est un progrès par rapport à des années où la dépense était très peu maîtrisée ».
Lors de la préparation du projet de loi de finances pour 2016, vous pouvez être assuré, monsieur le secrétaire d’État, que le groupe socialiste soutiendra le Gouvernement par un dialogue constant dans cette stratégie de redressement des comptes publics, qui refuse les politiques d’austérité auxquelles appelle l’opposition, mais aussi le laisser-aller dont la droite a fait preuve lorsqu’elle était aux responsabilités.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
Je mets aux voix l’ensemble du projet de loi tel qu’il résulte du texte voté par l’Assemblée nationale en nouvelle lecture.
Le projet de loi est adopté.
La séance, suspendue quelques instants, est immédiatement reprise.
Hier soir, l’Assemblée a poursuivi l’examen des articles du projet de loi, s’arrêtant à l’article 12.
L’article 12 prévoit de supprimer l’obligation pour les étrangers effectuant des séjours de moins de trois mois pour une activité salariée, d’obtenir une autorisation de travail. Cette suppression inopportune s’inscrit dans la longue liste des dispositifs qui constituent, ne vous en déplaise, monsieur le ministre, un appel d’air supplémentaire à l’immigration. Compte tenu de la situation de l’emploi dans notre pays, nous estimons qu’il faut rétablir cette autorisation de travail et s’en tenir au droit existant.
La parole est à M. Guillaume Larrivé, pour soutenir l’amendement no 90 .
J’ajouterai un exemple concret à l’excellente argumentation de M. Ciotti. Dans le secteur du BTP, la multiplication de ces très courts séjours sans autorisation de travail ne serait-elle pas de nature à compliquer encore davantage l’action des professionnels de cette filière ?
La parole est à M. Erwann Binet, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, pour donner l’avis de la commission.
Avis défavorable. L’article 12 prévoit de supprimer l’autorisation de travail pour les séjours inférieurs à trois mois, ce qui concerne un public qui séjourne sur notre territoire pour de très courtes durées, généralement des artistes, des mannequins, des chercheurs. Pas moins de 43 323 demandes ont été formulées en 2013 avec un taux de refus extrêmement faible, de seulement 3 %.
En revanche, l’étude des dossiers occupe 40 % de l’activité des services des directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi, selon l’étude d’impact du Gouvernement, ce qui est une bonne raison de supprimer l’autorisation de travail pour ces courts séjours.
La parole est à M. le ministre de l’intérieur, pour donner l’avis du Gouvernement.
L’argument évoqué, article après article, par l’opposition est très simple : tout sujet que nous mettons sur le métier est un appel d’air. En l’espèce, il s’agit d’autorisations de travail de moins de trois mois, qui concernent, par la force des choses, des personnes appelées à repartir très rapidement après être arrivées, et dont le taux de refus est extrêmement faible, voire résiduel par rapport à la masse des sujets que nous traitons.
Par conséquent, ce n’est pas à propos de ceux qui ne restent que très peu de temps que les questions se posent, mais à propos des 3 % que nous refusons et qui pourraient, de manière automatique, bénéficier du dispositif. C’est un non sujet, mais vous réussissez tout de même à en faire un appel d’air ! Votre discours et votre stratégie ne changent pas.
Pour les mêmes raisons que le rapporteur, avis défavorable.
L’article 12 est adopté.
Je ne vous parlerai pas d’appel d’air mais d’aide à l’intégration, en espérant être entendu. L’article 13 prévoit d’abroger un article du CESEDA au titre duquel, lorsqu’un ou plusieurs enfants ont bénéficié de la procédure de regroupement familial, l’étranger admis au séjour en France et, le cas échéant, son conjoint, préparent l’intégration républicaine de la famille dans la société française en suivant une formation sur les droits et les devoirs des parents en France, et s’engagent à respecter l’obligation scolaire, ce qui semble une évidence.
La réussite de l’intégration des enfants d’étrangers à la société française est essentielle car ils seront sans doute appelés à acquérir un jour la nationalité française. L’abrogation de cet article, qui prend en charge l’intégration des familles et garantit ainsi l’égalité des chances des enfants issus de l’immigration, est incompréhensible.
Au lieu de l’abroger, il aurait été préférable de le toiletter pour tenir compte de la nouvelle procédure fixée par le décret du 18 novembre 2014, venue remplacer celle instaurée par la loi Ciotti, abrogée à tort.
Ce décret de novembre 2014 prévoit qu’en cas d’absence répétée et injustifiée, il est adressé un avertissement aux personnes responsables de l’enfant pour leur rappeler leurs obligations légales et les sanctions pénales auxquelles elles s’exposent. En cas de persistance du défaut d’assiduité, les membres concernés de la communauté éducative peuvent être réunis pour élaborer avec les personnes responsables de l’enfant une procédure d’accompagnement adapté et contractualisé avec elles.
Se priver de cet instrument nuira sans doute à la bonne intégration des familles, à la société française, à l’heure où près de la moitié de l’immigration provient du regroupement familial.
La parole est à M. Guillaume Larrivé, pour soutenir l’amendement no 91 .
L’article 13 étant un article de coordination, nous sommes amenés à revenir sur un point déjà évoqué. Nous devons développer les dispositifs de vérification de la capacité d’intégration en amont de l’immigration, dans les pays d’origine. Vous pensez au contraire qu’il faut les supprimer. C’est votre choix, mais pas le nôtre. Ce n’est pas une posture, monsieur le ministre, mais une vraie différence d’analyse. C’est dans le pays d’origine, avant que la République n’autorise le candidat à l’immigration à s’installer en France, qu’il faut vérifier sa capacité d’intégration et son apprentissage de la langue française.
Vous nous dites que le dispositif voté en 2007 a fait l’objet d’observations interrogatives de la part de l’inspection générale de l’administration. Peut-être, mais cela ne doit pas conduire à disqualifier tout effort. Au contraire, le Gouvernement, s’il était raisonnable, devrait tout faire pour faciliter la vérification de la capacité d’intégration dans le pays d’origine, et ne pas attendre que des dizaines de milliers de personnes s’installent en France sans maîtriser la langue française, sans être capables de s’intégrer, sans disposer de logement ni de travail.
Comme l’a souligné M. Larrivé, il s’agit là d’un article de coordination. Nous avons reconfiguré le contrat d’accueil et d’intégration pour la famille en contrat d’intégration républicaine. Nous l’avons déjà adopté et nous sommes par conséquent opposés au rétablissement du CAI famille que vous appelez de vos voeux.
Avis défavorable.
Monsieur Larrivé, votre raisonnement est simple. Vous avez mis en place un contrat qui ne fonctionne pas et qui d’ailleurs fait l’objet d’une inspection et d’une évaluation négatives. Il ne concernait de surcroît qu’un public très restreint – 1 800 personnes en 2014, ce qui montre l’inadéquation du contrat et l’inefficacité du dispositif.
Nous vous proposons de remplacer ce dispositif qui concerne peu de monde, qui est inefficace et dont l’évaluation, dénuée d’ambiguïté, est très sévère, par un autre qui fonctionne.
Sera-t-il moins exigeant à l’égard de l’étranger que le dispositif précédent ? Je vous rassure : on peut être efficace et exigeant. Nous désirons instaurer un mécanisme efficace et qui, en termes de niveaux de langue, d’apprentissage des valeurs de la République, de connaissance des institutions, soit beaucoup plus poussé que le précédent.
Vous auriez donc, compte tenu de vos préoccupations, toutes les raisons de le soutenir. Malheureusement, vous ne le faites pas, car vous considérez que l’étranger qui vit en France doit maîtriser parfaitement ce que le contrat d’intégration est de nature à lui apprendre.
Comme le disait très justement M. Chassaigne hier, le demande-t-on aux Français qui se rendent à l’étranger ? Non, car lorsqu’ils se rendent dans des pays où le niveau d’exigence est similaire au nôtre, ces pays mettent en place des dispositifs d’intégration constamment évalués et mis à l’épreuve afin de vérifier l’adéquation entre le comportement de l’étranger et l’exigence de l’État.
C’est cette rationalité qui préside à la mise en oeuvre du dispositif gouvernemental. Parce qu’elle est plus forte que celle qui inspire votre positionnement, nos mesures seront plus efficaces.
Avis défavorable.
Monsieur le ministre, votre propos est quelque peu spécieux. Vous vous appuyez sur ce rapport de l’inspection générale que nous aimerions bien, d’ailleurs, pouvoir consulter. Peut-être aurais-je dû en prendre connaissance pour mesurer la disqualification du dispositif issu de la loi de 2007.
Vous partez de l’idée que le dispositif voté en 2007 n’a pas été efficace tout en affirmant que celui que vous instaurez le sera !
Vous affirmez remplacer un dispositif qui ne marche pas par un autre qui marche. Qu’est-ce qui nous le prouve ?
De surcroît, vous prétendez que ce nouveau dispositif serait plus exigeant, supposant par là même qu’un dispositif plus exigeant sera plus efficace qu’un autre qui le serait moins. Je demande à voir.
Par ailleurs, en général, un contrat est plus efficace lorsqu’il a été signé avant et que l’on mesure ensuite sa mise en oeuvre, que lorsqu’il est signé au moment où l’on doit le mettre en oeuvre, car les conditions dans lesquelles on doit le réaliser sont complètement différentes.
Vous êtes très injuste et arbitraire à l’égard du dispositif de 2007, et d’un optimisme trop débridé par rapport à vos propositions.
Il n’est pas illégitime qu’un gouvernement qui présente une mesure différente de celle du gouvernement précédent considère qu’elle lui est supérieure. Si ce n’était pas le cas, il ne la présenterait pas.
Et lorsqu’on regarde la longue histoire des textes présentés par des majorités successives devant cet hémicycle, on s’aperçoit que de nombreux gouvernements ont présenté des dispositifs différents de ceux qui avaient été mis en place par la majorité précédente parce qu’ils pensaient que leur dispositif était meilleur. Il n’y a rien là de très original.
Il est donc inutile de dire que la position du Gouvernement serait quelque peu spécieuse. Il n’y a rien de spécieux au fait qu’un gouvernement présente un dispositif auquel il croit, sinon il ne le présenterait pas. Tout cela est assez rationnel.
Deuxièmement, le rapport en question se trouve depuis longtemps sur le site du ministère de l’intérieur. Tout ce qui a vocation à se trouver sur le site du ministère devant être communiqué aux parlementaires, vous pourrez le consulter demain matin.
Troisièmement, vous constaterez à la lecture du rapport que mon intervention sur le dispositif que vous voulez maintenir est moins sévère que le rapport lui-même. Par conséquent, il est possible que, demain matin, nous tombions d’accord sur les raisons légitimes pour lesquelles nous voulons remettre en cause le dispositif que vous tenez absolument à maintenir.
Enfin, vous demandez pourquoi un dispositif plus exigeant devrait mieux fonctionner qu’un dispositif qui ne l’est pas. Sauf à considérer que l’exigence est nécessairement moins efficace et moins susceptible d’être couronnée de succès qu’un dispositif moins exigeant – mais ce n’est pas la démarche de ce gouvernement, qui considère qu’en politique l’exigence est une vertu – je ne peux pas adhérer à votre raisonnement.
Par ailleurs, nous nous donnons les moyens de cette exigence en termes d’organisation des services, de moyens attribués à l’OFII, de dispositifs d’encadrement et d’accompagnement des étrangers par les services préfectoraux. Nous engageons des moyens et nous organisons les services de telle sorte qu’il y ait davantage d’efficacité là où il y a plus d’exigence. La démarche est donc cohérente.
Je ne vois pas où sont l’amélioration, l’efficacité, la cohérence et la rigueur. En effet, l’alinéa 6 propose de supprimer un article du CESEDA qui dispose que « Sauf si sa présence constitue une menace pour l’ordre public, une autorisation provisoire de séjour – de six mois – peut être délivrée à l’un des parents étranger de l’étranger mineur qui nécessite des soins, sous réserve qu’il justifie résider habituellement en France avec lui – même de façon clandestine – et subvenir à son entretien et à son éducation ».
Cet article faisant référence à la nécessité pour l’enfant de recevoir des soins, il est à notre avis illogique d’exclure l’avis du médecin de l’ARS de la région de résidence de l’intéressé ou, à Paris, l’avis du médecin chef du service médical de la préfecture de police, pour faire reposer cette évaluation sur l’Office français de l’immigration et de l’intégration.
Cet après-midi, monsieur le ministre, vous avez installé le nouveau préfet de police dont nous attendons tous beaucoup. Vous connaissez l’efficacité de cette maison et son sens de l’intérêt général.
Je précise que le Défenseur des droits ainsi qu’un certain nombre de personnalités auditionnées dans le cadre des travaux préparatoires de la commission, comme l’indique le rapport, se sont montrés défavorables au remplacement de l’avis des médecins de l’ARS par ceux de l’OFII. Le Défenseur des droits a rappelé que le rapport de l’IGA-IGAS, l’Inspection générale de l’administration et l’Inspection générale des affaires sociales, que vous avez cité, ne préconisait pas un tel transfert mais un travail plus collégial des médecins de l’ARS. Et cette approche a été encouragée par la circulaire interministérielle du 10 mars 2014 sur les conditions d’examen des demandes de titre de séjour pour raisons médicales. Enfin, en 1993, le Haut comité de la santé publique constatait qu’il était totalement inapproprié que des missions médicales relevant du ministère de la santé soient confiées à une autre administration.
C’est pourquoi, nous basant sur tous ces avis différents et très autorisés, nous proposons par cet amendement de restituer sa cohérence à l’article L. 311-12 du CESEDA en supprimant la modification que vous opérez avec cet article et de laisser en l’état le dispositif existant.
Monsieur Goujon, nous avons déjà évoqué longuement la raison pour laquelle le Gouvernement a proposé, et la commission l’a suivi, de transférer la délivrance de l’autorisation provisoire de séjour pour les étrangers malades d’un médecin de l’ARS à un collège de médecins de l’OFII : il s’agit d’harmoniser la doctrine en matière d’avis médicaux. Nous l’avons dit en long, en large et en travers. Il est donc inutile de revenir sur les arguments, encore moins sur la disposition. Avis défavorable.
L’amendement no 11 n’est pas adopté.
La parole est à M. Erwann Binet, rapporteur, pour soutenir l’amendement no 323 .
L’amendement no 323 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
La parole est à M. Philippe Goujon, pour soutenir l’amendement no 13 rectifié .
Nous proposons par cet amendement d’ajouter à la liste des délits qui donnent lieu à un retrait du titre de séjour le délit de vente à la sauvette et d’exploitation de vente à la sauvette.
La vente à la sauvette est un fléau qui affecte un certain nombre de quartiers et de villes, en particulier Paris, et qui génère des nuisances de toutes sortes, voire beaucoup plus que des nuisances, à savoir des tensions, des affrontements avec la police, des violences propices à créer un climat d’insécurité. Je citerai quelques exemples : en avril 2013, porte de Clignancourt, l’un de ces vendeurs a été assassiné par un rival ; le président des commerçants du plateau de Clignancourt a été blessé par balle en représailles de son combat contre la contrefaçon ; dans les VIIe et XVe arrondissements, à proximité de la tour Eiffel, les commerçants font état de menaces extrêmement graves, d’agressions et d’actes de vandalisme de la part de ces vendeurs.
Parce que la vente à la sauvette, vous le savez, est le fait de mafias étrangères, que l’exploitation de vente à la sauvette constitue un délit, depuis un amendement que j’ai fait adopter il y a quelques années, et s’apparente à la traite des êtres humains, au proxénétisme, à l’exploitation de la mendicité, il nous paraît légitime de l’intégrer parmi les motifs de retrait de la nouvelle carte de séjour pluriannuelle.
Cette inclusion serait d’autant plus légitime que votre texte prétend lutter contre la fraude. Or la vente à la sauvette constitue une fraude. Elle représente en outre un manque à gagner considérable pour les budgets publics, en termes de prélèvements fiscaux et sociaux non perçus.
Selon une estimation qui a été réalisée dans certains hauts lieux touristiques de la capitale, le revenu moyen d’une personne coupable de cette infraction s’établit à 2 000 euros nets par semaine, soit plus de 8 000 euros par mois, ce qui, reconnaissez-le, n’est pas négligeable. Voilà pourquoi nous souhaitons que ce délit soit ajouté à la liste.
L’article L. 313-5 du CESEDA, que vous voulez amender, prévoit le retrait de la carte de séjour temporaire ou du titre pluriannuel aux étrangers passibles de poursuites pénales pour trafic de stupéfiants, traite des êtres humains, torture et actes de barbarie, proxénétisme. Je ne suggère pas d’y ajouter la vente à la sauvette.
Monsieur Goujon, j’ai donné des instructions extrêmement précises aux préfets pour que toute personne étrangère vivant en France, relevant du droit au séjour, qui est à l’origine de troubles graves à l’ordre public, voit son cas immédiatement examiné par le préfet et fasse l’objet d’un dispositif de reconduite à la frontière.
Vous avez tout à l’heure évoqué l’installation du préfet de police de Paris et vous avez entendu les instructions très claires que j’ai données concernant la lutte contre l’immigration irrégulière et le comportement des personnes à l’origine de troubles à l’ordre public.
Ce que nous faisons est de ce point de vue extrêmement clair. Votre amendement est donc tout à fait inutile.
Ce que vient de dire le ministre ne va pas jusqu’à rejoindre l’opinion exprimée dans cet amendement, mais cela s’en rapproche… En revanche, je reste perplexe, et je ne suis probablement pas le seul, devant l’absence totale de justification de la part du rapporteur. Je serais tenté de l’inviter à revenir sur sa position après avoir écouté le ministre, lequel semble dire, et nous en acceptons l’augure, que ce que vise cet amendement relève de la pratique actuelle, qui sera poursuivie, et peut-être amplifiée, par le nouveau préfet de police de Paris.
J’invite le rapporteur à revenir sur sa position en citant un adage qui s’applique aisément à des sujets aussi précis et symboliques que celui que nous évoquons : si cela va sans dire, cela ira encore mieux en le disant. Alors disons-le, écrivons-le dans la loi et nos concitoyens cesseront peut-être de considérer que cette loi est une porte largement ouverte vers le développement débridé de l’immigration clandestine.
L’argumentation du ministre est techniquement fragile.
Vous dites, monsieur le ministre, qu’il n’est pas opportun de prévoir dans la loi la possibilité de retirer la carte de séjour à une personne condamnée pour des faits de vente à sa sauvette…
…parce que vous pouvez expulser un étranger auteur de troubles graves à l’ordre public. Mais ce sont deux législations différentes ! Je vous mets au défi de produire les statistiques concernant le nombre d’étrangers convaincus de délit de vente à la sauvette que vous auriez expulsés en raison d’un grave trouble à l’ordre public !
Parce que Philippe Goujon a très précisément identifié une faille dans la législation, vous avez techniquement tort de refuser l’amendement que nous vous suggérons.
L’amendement no 13 rectifié n’est pas adopté.
Je remercie M. le ministre pour les instructions qu’il a adressées aux préfets et rappelées dans cette enceinte pour qu’ils mènent une lutte efficace et massive contre la vente à la sauvette – qui, aux yeux de certains de nos collègues, n’est pas un délit important.
Sourires.
Je voudrais par cet amendement ajouter un autre délit à ceux prévus par l’article 13, qui modifie les modalités de retrait de la carte de séjour en cas de commission de certains délits.
Monsieur Binet, vous avez cité le trafic de stupéfiants, la traite des êtres humains, mais vous avez oublié le racket près des établissements scolaires, qui n’est pas non plus un crime contre l’humanité, cher collègue ! La demande de fonds sous menace au moyen d’un animal dangereux n’est pas non plus un crime contre l’humanité, pourtant elle figure dans cette liste. C’est la raison pour laquelle je propose d’y ajouter la reconnaissance d’enfant et le mariage frauduleux visés par l’article L. 623-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers.
Monsieur le ministre, vous avez reconnu, lors de votre audition devant la commission des lois, que l’immigration familiale a pour principale source le mariage avec un Français ou une Française. Il est donc important, nous semble-t-il, de renforcer la protection de l’institution du mariage contre les détournements dont elle pourrait faire l’objet de la part d’un certain nombre de réseaux mafieux, sachant qu’il s’agit d’une pratique très répandue.
La fraude ou la tentative de fraude à la nationalité française et au droit au séjour par le détournement de l’institution du mariage est passible de cinq ans de prison et de 15 000 euros d’amende. Elle justifie donc pleinement, si nous voulons que la liste de M. Binet soit exhaustive, le retrait du titre de séjour.
Ce délit a toute sa place dans ce texte qui par ailleurs organise le croisement d’informations entre organismes publics pour lutter contre la fraude.
Cet amendement vise à prévoir le retrait de la carte de séjour à l’étranger passible des sanctions pénales de l’article L. 623-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, lequel couvre – je le rappelle pour la suite de la démonstration – l’obtention du titre de séjour ou l’acquisition de la nationalité française par mariage frauduleux ou reconnaissance abusive de paternité. Si je comprends bien, il aurait donc pour effet paradoxal – et je vous l’avais dit en commission, monsieur Goujon, mais vous n’avez pas procédé à la correction nécessaire – de conduire à retirer le titre de séjour à des personnes de nationalité française. Il a été repoussé par la commission.
Pardonnez-moi, monsieur le rapporteur, mais il est impossible qu’une personne de nationalité française bénéficie d’un titre de séjour sur le fondement du droit des étrangers.
Mais vous venez d’expliquer que l’amendement aurait pour effet de retirer des titres de séjour à des personnes de nationalité française. C’est un ensemble vide, comme on dit en mathématiques !
L’amendement no 12 n’est pas adopté.
La parole est à Mme Chantal Guittet, pour soutenir l’amendement no 314 .
Cet amendement a le double avantage de supprimer une discrimination envers les étudiants étrangers et de conduire à une simplification administrative pour les employeurs qui emploient des étudiants étrangers. Il vise en effet à supprimer les dispositions du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile qui limitent à 60 % la durée de travail annuelle des étudiants étrangers salariés. Rappelons que les étudiants étrangers travaillent souvent de façon saisonnière dans l’agriculture, l’animation ou la restauration, et que ces dispositions sont compliquées à mettre en oeuvre pour les employeurs, qui sont tenus de vérifier le calcul de leurs horaires avant d’établir les contrats.
Nous avons déjà eu ce débat en commission, madame Guittet. Les étudiants qui demandent un titre de séjour pour venir étudier en France ne le font pas pour travailler à temps plein. C’est la raison pour laquelle ils sont obligés de respecter ce plafond de 60 %, qui correspond à 964 heures annualisées. Je précise que ce plafond n’est pas applicable aux étudiants qui ont besoin d’avoir une activité professionnelle du fait de leurs études, comme dans le cas de l’apprentissage. Par ailleurs, le plafond applicable aux étudiants algériens au titre de la convention franco-algérienne est plus bas – il me semble qu’il est de 50 %. Mais le principal argument reste le premier que je vous ai donné : les étudiants étrangers qui viennent en France ne sont pas là pour travailler. Supprimer ce plafond serait prendre le risque d’un détournement du titre de séjour étudiant. C’est pourquoi la commission est défavorable à cet amendement.
L’amendement no 314 n’est pas adopté.
La parole est à M. Erwann Binet, rapporteur, pour soutenir l’amendement no 328 .
L’amendement no 328 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
Il s’agit d’un amendement de coordination.
L’amendement no 394 , accepté par la commission, est adopté.
Le droit en vigueur prévoit une exonération de la condition de ressources posée au regroupement familial pour les seules personnes percevant l’allocation aux adultes handicapés – AAH – au titre d’une incapacité supérieure à 80 %. Le présent amendement a pour objet d’étendre le champ de cette exonération aux personnes atteintes d’une incapacité évaluée de 50 % à 79 % et aux personnes âgées de plus de 65 ans souhaitant être rejointes par leur conjoint. Il reprend et synthétise des amendements déposés en ce sens par plusieurs d’entre vous – Mme Chapdelaine, Mme Descamps-Crosnier et M. Robiliard.
Mesdames et monsieur le député, le Gouvernement partage vos préoccupations. L’amendement propose ainsi qu’il soit fait référence à l’AAH versée en application de l’article L. 821-2 du code de la sécurité sociale, c’est-à-dire aux bénéficiaires atteints d’une incapacité entre 50 % et 79 %. Cette possibilité d’exonération de la condition de ressources pour les titulaires de cette AAH était déjà préconisée si des circonstances particulières le justifiaient, et par simple circulaire ministérielle. Il s’agit d’étendre cette exonération en la consacrant au plan législatif, et de la rendre de plein droit. Il est par ailleurs proposé d’exonérer de cette condition de ressources les personnes âgées de plus de 65 ans qui vivent en France de longue date – plus de vingt-cinq ans – et qui souhaitent être rejointes par leur conjoint resté au pays. Ces personnes ont vécu et travaillé en France pendant de longues années ; il est légitime de leur permettre de faire venir leur conjoint à des périodes de leur vie où l’assistance d’une tierce personne devient une nécessité.
La parole est à Mme Françoise Descamps-Crosnier, pour soutenir l’amendement identique no 416 .
Cet amendement me permet de rappeler l’ambition que nous portons au travers de l’article 13. Il s’agit pour nous de sécuriser l’immigration légale, toujours dans un souci de simplification, pour mieux accueillir et mieux intégrer, et non renforcer ou créer des contraintes qui nuiraient à l’épanouissement des étrangers sur notre territoire. Telle est en tout cas la vision de la majorité sur le sujet – et je tenais à le rappeler.
Il s’agit ici de permettre à des personnes plus vulnérables que d’autres, fragilisées dans leur existence, isolées par les difficultés auxquelles elles sont confrontées, pour lesquelles certaines procédures sont de vrais parcours du combattant, de vivre dignement leur vieillesse. Il est de notre responsabilité de leur assurer une place dans notre société.
Les mesures proposées dans cet amendement reprennent des propositions – plus exactement la septième et la dixième – du rapport de la mission d’information sur les immigrés âgés, adopté à l’unanimité sous la houlette de notre rapporteur Alexis Bachelay. Elles représenteront – si elles sont adoptées – une contribution décisive du travail parlementaire. Le regroupement familial pourrait ainsi être facilité par la modification de son cadre juridique. Les deux principaux obstacles à la venue des familles des immigrés âgés résident aujourd’hui dans l’insuffisance de leurs ressources – les pensions de retraite sont peu élevées, en tout cas largement inférieures au SMIC – et dans l’inadaptation des logements. Il convient de permettre aux immigrés âgés de bénéficier du regroupement familial en les dispensant de répondre aux conditions posées par la loi quant au niveau de ressources et à l’adaptation du logement. Nous donnerons ainsi corps au principe du respect de la vie privée et familiale. Sachant que l’isolement des étrangers âgés est un facteur d’aggravation de leur état de santé, on mesure l’impact positif que pourront avoir les solidarités familiales. C’est pour ces raisons que nous vous invitons à voter cet amendement à l’unanimité.
La parole est à M. Erwann Binet, rapporteur, pour soutenir l’amendement no 329 .
L’amendement no 329 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
L’article 13, amendé, est adopté.
Cet amendement vise à revenir sur un point essentiel de la circulaire prise par votre prédécesseur, monsieur le ministre, le 28 novembre 2012. Cette circulaire a conduit à la régularisation d’un très grand nombre d’étrangers en situation irrégulière – 35 274 en 2013, 31 265 en 2014.
La lutte contre l’immigration irrégulière, vous en parlez. Il conviendrait maintenant de prendre des dispositions concrètes ! Or cette circulaire Valls, qui a régularisé nombre d’étrangers en situation irrégulière, notamment ceux qui résidaient sur le territoire national depuis plus de cinq ans, constitue – je sais que le terme va vous déplaire – un appel d’air à l’immigration irrégulière. La quasi-certitude de la régularisation dès lors qu’on est installé sur le territoire depuis cinq ans ne peut qu’inciter à l’arrivée d’étrangers en situation irrégulière, donc encourager le trafic d’êtres humains. Aussi demandons-nous la suppression de ce dispositif.
J’ai un doute sur le fait que vous ayez lu un jour la circulaire Valls, monsieur Ciotti : l’exposé sommaire de cet amendement renvoie aux problématiques de naturalisation.
Je pense en effet qu’il s’agit d’un mauvais « copier-coller ». La présentation que vous venez de faire de l’amendement me conforte dans cette opinion.
L’article L. 313-14 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, dont vous proposez la suppression, prévoit une possibilité d’admission exceptionnelle au séjour, notamment au vu de considérations humanitaires. Ceux d’entre nous qui reçoivent dans leur permanence des étrangers qui demandent un titre de séjour savent que les situations personnelles sont parfois si complexes que seule cette disposition peut ouvrir le droit au séjour – et qu’elle est par conséquent légitime. Cet article est absolument nécessaire.
J’en viens à la circulaire Valls. Contrairement à ce que vous venez de dire, une présence de cinq ans sur le territoire ne suffit pas pour être régularisé. D’autres critères sont donnés aux préfets pour apprécier et traiter les demandes d’admission exceptionnelle au séjour – je pense par exemple à un emploi ou à des enfants scolarisés.
La commission est bien entendu défavorable à cet amendement.
Je partage en tout point les arguments que vient d’exposer le rapporteur. Votre amendement confond le droit au séjour et la naturalisation, qui sont deux sujets totalement différents, monsieur Ciotti. Il pose le principe – faux – que la circulaire Valls repose sur un seul critère de durée de résidence, alors que d’autres éléments – travail, scolarisation des enfants – entrent en ligne de compte. Lorsqu’on juxtapose ces critères les uns aux autres, la circulaire permet en effet de régulariser un certain nombre de situations humainement très difficiles, mais en nombre très raisonnable et sur la base de critères extrêmement contraignants. Je ne puis donc être favorable à cet amendement.
Dont acte sur la question de la naturalisation, qui s’est en effet glissée de façon erronée dans l’exposé sommaire de l’amendement. Vous avez raison, monsieur le ministre : plusieurs motifs précisent les conditions de régularisation dans la circulaire. Néanmoins, je souhaite – et c’est l’objet de cet amendement – que l’on supprime cette condition de séjour de plus de cinq ans afin de restreindre les effets et les conséquences de cette circulaire, que nous estimons négatives. Replaçons donc cet amendement dans le cadre qui convient !
Le vrai problème posé par cette circulaire du 28 novembre 2012, c’est évidemment son effet sur les chiffres. À cet égard, Éric Ciotti a parfaitement raison, monsieur le ministre, de parler d’appel d’air. De 2011 à 2013, le volume des admissions exceptionnelles de séjour des ressortissants étrangers a augmenté de 62 % : vous n’allez pas, cette fois, contester cette statistique, qui figure noir sur blanc dans le rapport. En 2011, on dénombrait 21 707 admissions exceptionnelles de séjour et, en 2013, 35 274 : cela représente, très exactement, une hausse de 62 %.
Le nombre de régularisations a donc augmenté, du fait de la circulaire Valls de 2012, de 62 % : telle est la réalité. Vous allez sans doute, monsieur le ministre, publier à nouveau, sur le site internet de votre ministère, ces chiffres que vous assumez, que vous revendiquez, puisque non seulement vous entendez ne pas abroger cette circulaire, mais vous souhaitez lui donner une portée tout à fait affirmée.
Monsieur Larrivé, comme nous aimons parler de chiffres et que vous semblez avoir un tableau entre les mains – j’en ai un aussi – je propose qu’on le commente ensemble. Jusqu’à présent, nous ne sommes pas livrés à un tel exercice ; il est pourtant extrêmement intéressant pour mesurer la bonne foi des uns et des autres. Dites-moi quel chiffre vous avez pour 2012, afin que je m’assure que nous disposons du même ?
C’est également mon chiffre. Quel chiffre avez-vous pour 2013 ?
Mon chiffre est moins favorable au gouvernement que le vôtre ! C’est dire à quel point je suis sincère. Effectivement, au moment où est appliquée la circulaire de M. Valls, il y a un effet de régularisation : tel est l’objet de la circulaire, sur la base de critères objectifs. Il n’y a là aucun problème. Pourriez-vous nous donner le chiffre de 2014 ?
Je vais vous le communiquer : 31 265. Autrement dit, entre 2013 et 2014, on observe une diminution de 11,4 %.
Que montre cette séquence de chiffres ? Quelque chose de très clair, et tout à fait le contraire de ce que vous vous employez à laisser accroire. Elle montre qu’une circulaire de régularisation relative à des étrangers en situation irrégulière, non éloignables, non expulsables, que l’on ne peut laisser dans une situation de vulnérabilité, qui se trouvent depuis longtemps en France, dont les enfants sont scolarisés et qui ont accès à un travail, cela ne conduit pas à ce que vous appelez un appel d’air. En effet, monsieur Larrivé, une fois que l’effet de la régularisation est passé, on constate, l’année suivante, une diminution.
Je suis convaincu que, dans les années qui viennent, nous constaterons à nouveau cette tendance. Lorsque l’on indique une séquence de chiffres, il faut fournir la séquence complète, et ne pas laisser croire, à travers des chiffres partiels, à l’existence de phénomènes qui, en réalité, n’existent pas.
Monsieur le ministre, je n’aurai pas l’inconvenance de dire que vous êtes de mauvaise foi, mais permettez-moi de dire que vous tirez quand même un peu sur la corde. La réalité des chiffres que vous venez d’évoquer est la suivante : 23 000 en 2011 puis, après la circulaire de 2012, on passe à 35 000 et, l’année suivante, à 31 000. Pour vous, cela diminue ; or, ce n’est pas le cas : cela augmente moins vite. Vous dites exactement la même chose en matière budgétaire : il y a un déficit tous les ans et vous prétendez que le déficit diminue, alors que le déficit cumulé, lui, est toujours en augmentation. C’est exactement la même chose dans le cas présent : si vous comparez le chiffre de 2014 avec celui de 2011, il se traduit par une nette progression. Certes, elle est moins marquée, car l’effet immédiat de la circulaire s’est atténué, mais les conséquences de la circulaire se poursuivent bel et bien. Il y a donc bien un effet d’appel d’air.
Je rencontre un problème de fond : face à des parlementaires qui m’accusent d’être de mauvaise foi…
…tout en expliquant que, lorsque l’on passe de 35 000 à 31 000, cela augmente,…
…je peux difficilement poursuivre ma démonstration. Tout autre ministre de bonne foi serait d’ailleurs, en pareil cas, confronté au même problème. Monsieur Larrivé, lorsque l’on prend une circulaire de régularisation, il y a mécaniquement un effet sur le nombre de personnes régularisées.
Il est tout à fait normal qu’une circulaire de régularisation ait un effet sur le nombre de personnes régularisées. Je suis de bonne foi, je ne conteste pas cet effet, qui a bien eu lieu. Mais, une fois qu’on l’a observé, on constate qu’entre 2013 et 2014, la tendance s’inverse. Elle continuera à s’inverser mécaniquement,…
…obligatoirement : lorsque vous avez procédé à la régularisation par l’effet d’une circulaire, il n’y a pas de raison que cet effet se fasse sentir à l’infini. La preuve en est qu’à partir du moment où le pic est passé, la tendance s’inverse. Lorsque vous dites que l’adoption de dispositions de ce type induit un effet d’appel d’air, un effet mécanique, peu vertueux, c’est faux : la séquence des chiffres que je viens d’indiquer le montre.
Monsieur le ministre, votre argumentation a du mal à nous convaincre, et la comparaison entre 2011 et 2014 est de ce point de vue éclairante. Mais puisque vous affirmez qu’il y a, si je puis dire, une tendance à la baisse de l’augmentation, et si vous êtes de bonne foi – et nous pensons que vous l’êtes, monsieur le ministre –, acceptez l’amendement que nous proposons, c’est-à-dire la suppression de cette circulaire. En effet, selon vous, cet acte répondait à un besoin précis à un instant T. Pour notre part, nous le contestons, mais, si l’on vous suit, il n’a plus d’effet aujourd’hui : il convient donc de le supprimer. Tel est précisément l’objet de l’amendement que nous défendons.
Vous savez parfaitement qu’avant que cette circulaire ne soit prise, il y avait des régularisations…
…mais que ces dernières étaient décidées sans aucun critère…
…de façon totalement discrétionnaire, sans aucune lisibilité. En certains endroits, en raison des interventions réalisées auprès des ministres d’alors, des régularisations intervenaient, alors qu’elles n’avaient pas lieu dans d’autres départements. Il y avait par conséquent une inégalité de la situation de chaque étranger au regard du droit. Désormais, il existe des critères objectifs. La République, c’est aussi l’égalité face à la règle. Je suis convaincu que les républicains que vous êtes sont tout à fait prêts à accéder à ce type de raisonnement. Là où il n’y a pas d’égalité, au regard du droit, des citoyens ou, plus généralement, de ceux qui sont soumis à nos règles juridiques, il y a un problème dans le rapport aux principes fondamentaux de la République.
L’amendement no 145 n’est pas adopté.
La parole est à M. Denys Robiliard, pour soutenir l’amendement no 285 .
Je ne m’inscris évidemment pas dans la même logique que celle qui inspirait les amendements précédents et, en tout état de cause, mon amendement n’a pas trait à la régularisation mais à la délivrance de la carte de résident. Le sens de l’amendement no 285 et de l’amendement no 284 rectifié , que je défendrai ensuite, est que l’on doit pouvoir délivrer davantage de cartes de résident de plein droit que nous ne le faisons aujourd’hui, à des fins, évidemment, d’intégration de personnes qui sont depuis longtemps en France ou qui ont des liens particuliers avec notre pays. En ce qui concerne l’amendement no 285 , il s’agit d’étrangers qui résident régulièrement en France depuis au moins cinq ans. Il me semble que ces étrangers devraient de plein droit recevoir une carte de résident, dont la gestion, en outre, offre davantage de souplesse encore que celle de la carte de séjour pluriannuelle – la CSPA. Or, lorsque les services préfectoraux ne s’occupent pas de la délivrance des cartes, ils ont le temps de faire autre chose, notamment du contrôle.
Monsieur Robiliard, vos deux amendements me paraissent assez largement satisfaits par l’amendement de Mme Chapdelaine qui a été adopté en commission et qui a créé un article 13 bis, dont nous discuterons ultérieurement. S’agissant plus particulièrement de votre amendement no 284 rectifié , il est également satisfait par un amendement de coordination de M. Coronado que nous examinerons un peu plus tard.
J’aurais vraiment souhaité pouvoir vous offrir l’adoption de cet amendement en cadeau d’anniversaire aujourd’hui,
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen
Monsieur le député, joyeux anniversaire, mais avis défavorable !
Rires.
L’amendement no 285 est retiré.
L’amendement no 284 rectifié est retiré.
Le présent amendement vise à sécuriser le droit au séjour des immigrés âgés. Il répond à une demande forte de plusieurs d’entre vous, notamment de Mme la députée Seybah Dagoma et, plus généralement, des membres du groupe SRC, qui ont déposé des amendements en ce sens. Il modifie l’article L. 314-11 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile – le CESEDA – pour inclure les ressortissants étrangers titulaires de cartes de séjour « retraité » parmi les bénéficiaires de plein droit d’une carte de résident sans être assujettis à la condition d’intégration républicaine. Cela permettra à des étrangers, qui ne souhaitent pas s’inscrire dans une démarche d’acquisition de la nationalité française, d’obtenir un droit au séjour pérenne automatique.
Il est à noter que l’obtention d’une carte de résident permettra à l’ancien titulaire d’une carte de séjour « retraité » d’accéder à un certain nombre de prestations, contrairement à la situation présente. La condition de non-résidence principale en France, inhérente à l’obtention de la carte de séjour « retraité », excluait en effet son titulaire du bénéfice des prestations sociales attribuées en fonction des critères de résidence. Désormais, il sera possible à l’intéressé d’avoir accès à l’ensemble de ces prestations, sous réserve que sa résidence principale soit située en France – condition de l’attribution de toutes les cartes de résident. Jusqu’alors, de nombreux intéressés sollicitaient en vain un changement de statut en raison de leur résidence à l’étranger. Au 31 octobre 2014, 3 400 personnes étaient titulaires d’une carte de séjour « retraité » ou « conjoint retraité ».
La parole est à Mme Marie-Anne Chapdelaine, pour soutenir l’amendement identique no 420 .
Il est vrai que ces immigrés âgés exprimaient une très forte demande en ce sens. C’est surtout une manière de reconnaître la place qu’ils ont occupée. Certains, ne l’oublions pas, sont venus reconstruire la France. Ils n’ont pas tous demandé la nationalité française, parce que cela leur paraissait très lointain. La France s’honorerait en leur reconnaissant ce droit. Je n’aurai qu’une demande : votons cet amendement à l’unanimité.
La commission a émis un avis très favorable à ces amendements identiques.
Monsieur le ministre, cet amendement du Gouvernement étant présenté à l’instant, il ne figure pas, par définition, dans le projet de loi et n’a donc pas donné lieu à une étude d’impact. J’ai une question assez pratique : quel en est l’effet sur les finances de l’État ou de la branche famille de la Sécurité sociale ? Comme vous l’avez indiqué, l’obtention nouvelle de cette carte de résident permettra à la personne qui était titulaire d’une carte de séjour « retraité » d’accéder aux prestations sociales, contrairement à la situation présente. Je comprends que le Gouvernement, pour des motifs que le ministre a présentés, tenant à la générosité, entende que des personnes de nationalité étrangère âgées se trouvant en France bénéficient désormais de prestations sociales nouvelles qu’elles ne percevraient pas à droit constant. Il n’en demeure pas moins que votre choix politique aura un impact sur les finances publiques. La réponse à cette question permettra aux uns et aux autres de se prononcer de manière parfaitement informée.
Je remercie notre collègue Guillaume Larrivé de son intervention, car elle va me permettre de lui apporter des éléments de réponse.
Il commet une erreur d’appréciation, puisque la carte portant la mention « retraité » n’est pas une carte de séjour ; c’est une carte de circulation.
C’est pourtant ce qui est écrit dans l’exposé des motifs ! Je ne fais que lire ce qui est écrit !
Il s’agit sans doute d’une erreur de rédaction, car ce n’est pas une carte de séjour. Si c’était le cas, cet amendement n’aurait aucun sens, puisque les retraités bénéficiant d’une telle carte ne perdraient pas les droits sociaux attachés à une carte de résident.
Or, cette carte a précisément été instaurée au moment où Jean-Pierre Chevènement était ministre de l’intérieur et visait à répondre à la situation particulière des migrants âgés qui bénéficiaient d’un titre de séjour de dix ans, qui ne souhaitaient pas être naturalisés et qui, chaque année, faisaient des aller-retour entre leur pays d’origine et la France, où ils avaient mené leur carrière professionnelle.
D’ailleurs, les personnes titulaires de cette carte « retraité » l’ont obtenue parce qu’ils ont mené l’essentiel de leur carrière professionnelle en France. Ils ont cotisé toute leur vie à la Sécurité sociale, aux caisses de retraites, et parce qu’ils sont retournés dans leur pays d’origine avec une carte « retraité », qui n’est pas une carte de résident, ils ont perdu l’ensemble des droits sociaux attachés à celle-ci, à la différence de ceux qui ont fait le choix de conserver une carte de séjour. La situation de ces migrants âgés a été mal appréciée à l’époque. Je le précise parce que la mission parlementaire dont j’étais le rapporteur a longuement auditionné et longuement travaillé sur cette question en particulier : beaucoup de migrants âgés se sont vu proposer cette carte « retraité » sans en mesurer les conséquences, sans savoir qu’ils perdaient les droits sociaux attachés aux cotisations qu’ils avaient versées durant toute leur carrière professionnelle.
La mission parlementaire demandait qu’une solution soit trouvée pour que ces migrants bénéficient à nouveau de leurs droits acquis ou que la carte portant la mention « retraité » soit annulée.
La solution proposée par le Gouvernement, à laquelle je souscris totalement, était en gestation dans les préconisations du rapport de la mission parlementaire qui a été adopté à l’unanimité des groupes politiques de cette assemblée. L’adopter serait faire justice à des personnes qui ont toutes plus de 65 ans, ou parfois même plus de 75 ou 80 ans, et qui souhaitent pouvoir continuer de bénéficier des droits sociaux qu’ils ont acquis au cours de leur carrière professionnelle en France,…
…par leur travail. Il me semble donc tout à fait correct et honnête de faire cette proposition aujourd’hui. Voilà ce que je tenais à préciser.
J’entends très bien ce que vient de dire M. Bachelay sur la solidarité, l’équité, le retour de l’équité. J’approuve totalement cette démarche. Cependant, vous n’avez pas répondu à la question, monsieur Bachelay, qui était de savoir combien cela coûte.
Vous êtes en mesure de nous le dire, puisque vous affirmez que ces personnes, au moment où elles avaient une carte de résident, bénéficiaient de certains droits, comme tout un chacun…
…et n’en bénéficient plus. Sur la base du nombre de personnes concernées, vous pouvez donc nous donner la somme qui aurait dû être versée si le dispositif que vous proposez avait permis qu’il en soit ainsi. Or, vous n’avez pas répondu à cette question. Nous souhaitons simplement être informés.
Par ailleurs, j’aimerais tout de même faire une remarque. Vous dites : « les cotisations ont donné droit à ». C’est une petite erreur : nous sommes dans un système d’assurance ; assurance maladie, assurance vieillesse. Vous savez très bien que ce système ne fonctionne pas selon un principe de capitalisation.
En effet, les cotisations ouvrent des droits, mais les droits ne sont pas capitalisés à due proportion des cotisations qui ont été versées. Je souhaitais m’assurer que nous étions bien d’accord sur ce point, car l’expression que vous avez employée exprimait l’idée qu’ils avaient droit au retour de tout ce qu’ils avaient versé, ce qui n’est le cas ni pour eux ni pour personne. Je préfère donc que vous confirmiez bien cela, car votre propos était pour le moins ambigu.
Puisque vous avez accompli un travail important, qui a été reconnu par tous, avez-vous une estimation du coût de cette mesure compte tenu du nombre de personnes concernées ?
Il est difficile de répondre à la question que vous posez, monsieur le député, mais je veux, en toute transparence, vous donnez quelques éléments.
Ce sont 3 400 personnes qui pourraient être concernées, mais ce nombre ne correspond pas nécessairement au nombre de bénéficiaires des prestations sociales auxquelles vous faisiez référence tout à l’heure, puisque seuls seront bénéficiaires de ces prestations les personnes qui auront exercé leur droit de remords, c’est-à-dire quelques centaines de personnes. C’est donc vraiment très résiduel.
Pour pouvoir vous donner un chiffre exact, il faudrait que nous sachions combien d’entre elles exerceront ce droit. Vous disposez toutefois d’un ordre de grandeur : sur ces 3 400 personnes, toutes ne demanderont pas l’accès à cette possibilité ; elles ne seront probablement que quelques centaines à le faire, ce qui représente, en termes de moyens budgétaires mobilisés, un montant marginal et résiduel.
Il est indiqué dans l’exposé des motifs que 3 400 cartes ont été délivrées. Une partie des personnes qui ont demandé à en bénéficier ont fait ce choix pour pouvoir rentrer dans leur pays d’origine et donc, comme l’a indiqué M. le ministre, ne souhaiteront probablement pas recouvrer un titre de séjour. D’autres, au contraire, voudront éventuellement bénéficier de cette disposition. L’ordre de grandeur est en tous les cas bien circonscrit : 3 400 bénéficiaires au maximum, mais probablement plutôt quelques centaines.
Sans formuler de réponse exacte à l’euro près, on peut donc considérer que l’impact sur les finances publiques, sur les comptes sociaux, sera très faible, étant entendu, et je le répète pour que cela soit bien clair, que ces personnes, avant de se voir proposer cette carte de retraité, avaient une carte de séjour en bonne et due forme. Elles dépendaient donc, à un moment donné, du droit commun des étrangers. Certaines d’entre elles ont accepté de prendre la carte de retraité en sachant qu’elles perdaient des droits sociaux et sont retournées dans leur pays d’origine, mais d’autres se sont vu proposer cette carte sans mesurer que cela impliquait la perte de leurs droits, des droits non pas capitalisés mais ouverts du fait de la présence régulière sur notre territoire dans le cadre d’une activité professionnelle.
Veuillez m’excuser de prolonger le débat, mais puisqu’il s’agit d’un amendement du Gouvernement qui est discuté en séance sans avoir été préalablement examiné en commission, les questions sont légitimes.
Si, monsieur le ministre, l’intention du Gouvernement est techniquement de traiter un stock, si j’ose dire, c’est-à-dire la situation de quelques dizaines ou quelques centaines de personnes, alors il n’est pas nécessaire d’inscrire dans la loi un nouveau droit pérenne qui permettrait la délivrance de plein droit d’une carte de résident pour l’avenir et pour tous les flux à venir aux personnes dans cette situation-là, car c’est ce que vous faites. Si votre intention était seulement de résorber un stock, vous rédigeriez une circulaire.
Sans remettre aucunement en cause vos intentions, que je comprends mieux après les échanges que nous venons d’avoir, je pense qu’en créant un nouveau cas de délivrance de plein droit d’une carte de résident de dix ans pour des personnes qui, pour partie, résident aujourd’hui à l’étranger, vous créez, sans doute sans le vouloir, par inadvertance, une nouvelle voie d’immigration pérenne vers la France.
La parole est à M. Denys Robiliard, pour soutenir l’amendement no 286 .
Cet amendement vise à ce que des étrangers victimes de violences autres que conjugales ou liées à la traite des êtres humains puissent bénéficier d’un titre de séjour quand une procédure civile ou pénale est en cours.
Tout d’abord, la procédure en elle-même, le passage devant un tribunal correctionnel, voire devant une cour d’assise quand un crime a été commis, produit un effet de réparation. Ensuite, quand il y a une incapacité temporaire totale ou une incapacité permanente partielle de travail, une expertise est nécessaire qui est évidemment beaucoup plus facile à réaliser quand l’étranger est en France que quand il doit repartir dans son pays.
Puisqu’il s’agit de personnes qui sont victimes en France d’une infraction grave, de violences, il serait légitime qu’elles puissent rester en France le temps de la procédure.
Plusieurs amendements ont été déposés sur le même thème. Monsieur Robiliard, vous élargissez, sans doute excessivement – nous en avons déjà parlé en commission –, la délivrance de la carte « vie privée et familiale » en prévoyant qu’il suffit qu’une procédure civile ou pénale soit en cours pour que les victimes de violences obtiennent la carte. Il est permis d’imaginer que cela ouvrirait la voie à certains détournements.
Je rappelle que le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile prévoit d’ores et déjà le renouvellement du titre de séjour pour les victimes de violences conjugales, possibilité que nous allons élargir aux victimes de violences familiales et de la traite des êtres humains. L’avis de la commission est donc défavorable.
L’amendement no 286 n’est pas adopté.
Nous en venons aux amendements à l’article 13 bis.
La parole est à Mme Marie-Anne Chapdelaine, pour soutenir l’amendement no 355 .
Le présent amendement vise à ajouter les cartes de résident dans l’énumération des différentes cartes de séjour sous le couvert desquelles un séjour régulier préalable de cinq années doit avoir eu lieu pour être éligible à la carte de résident portant la mention « résident de longue durée – UE ». Les motifs du séjour entrent en effet dans le champ d’application d’une directive européenne.
L’amendement no 355 , accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté.
La parole est à M. Erwann Binet, rapporteur, pour soutenir l’amendement no 330 .
L’amendement no 330 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
Nous avons eu ce débat sur l’accès au séjour pour les victimes de la traite des êtres humains dans le cadre de la discussion de la proposition de loi visant à renforcer la lutte contre le système prostitutionnel et à accompagner les personnes prostituées.
Aux termes de ces débats, une des lacunes du texte, en dehors de la polémique sur la pénalisation des clients, était le traitement des victimes de la traite et la lutte contre les réseaux. Un certain nombre de parlementaires de la majorité avaient alors jugé que les initiatrices de cette proposition de loi étaient extrêmement frileuses quant à la protection devant être apportée aux victimes de la traite dans l’accès au séjour et dans le maintien sur le territoire français, étant entendu que le public concerné est particulièrement vulnérable. Parfois, lorsque les procédures ou les enquêtes sont ouvertes, ces personnes sont forcées de faire preuve d’un très grand courage car, victimes de traite, elles sont susceptibles de subir des violences, dirigées non seulement contre elles mais aussi contre leur famille dans leur pays d’origine.
Cet amendement vise donc à revenir sur une exclusion qui figure dans l’article. L’article exclut l’accès à la carte de « résident de longue durée – UE » les personnes ayant témoigné ou porté plainte dans le cadre de la lutte contre la traite des êtres humains ou contre le proxénétisme. Cette exception, qui concerne des personnes particulièrement vulnérables, ne me paraît pas justifiée.
Monsieur Coronado, je précise tout d’abord que les personnes que vous visez bénéficient déjà d’une carte de séjour temporaire.
Ce que vous souhaitez, c’est permettre la délivrance d’une carte de résident de longue durée UE aux victimes de la traite des êtres humains. Or le séjour de ces victimes est soumis, je le rappelle, à un régime spécifique, lié au cours des procédures pénales engagées avec la collaboration de la victime elle-même. Le fait générateur d’un titre pluriannuel ne me semble donc pouvoir être que l’aboutissement de la plainte et non pas la plainte elle-même, ni le témoignage en lui-même. C’est pourquoi l’article L. 316-1 du CESEDA prévoit qu’en cas de condamnation définitive de la personne mise en cause une carte de résident est délivrée de plein droit à l’étranger ayant déposé plainte ou témoigné.
La commission émet donc un avis défavorable.
Même avis, monsieur le président.
Il existe en effet une carte provisoire – d’une durée de validité de six mois, en fait.
Oui, renouvelables, mais, en fait, ce qui pose problème a suscité un vif débat entre nous, c’est que nous ne saurions faire payer la victime deux fois. Après avoir été victime de la traite et des réseaux, victimes du proxénétisme, voici qu’elle serait responsable des difficultés rencontrées pour mener à bien, avec succès, les procédures ouvertes ! Nous le savons, parvenir à des condamnations pour des faits de proxénétisme, démanteler des réseaux de traites pose beaucoup de difficultés, mais, que la procédure échoue ou qu’elle soit couronnée de succès, la victime prend des risques considérables, à la fois pour elle-même et pour sa famille. Il me paraît donc tout à fait justifié qu’elle puisse, après avoir pris ces risques, séjourner de manière pérenne sur le territoire national.
L’amendement no 45 n’est pas adopté.
Le présent amendement, qui répond à une préoccupation de votre rapporteur, a pour objet de prévoir une dérogation à la condition de ressources posée à la délivrance de la carte de résident de longue durée pour les personnes percevant l’allocation aux adultes handicapés. Le Défenseur des droits, dans son récent avis du 23 juin 2015, avait également préconisé une telle évolution, à laquelle le Gouvernement est donc favorable. Opposer une condition de ressources égales au SMIC à ces personnes souffrant de graves handicaps pouvait en effet être regardé comme une discrimination.
La parole est à Mme Fanélie Carrey-Conte, pour soutenir l’amendement no 419 .
L’article 13 bis, amendé, est adopté.
Article 13
Cet article 13 ter nouveau, inséré à l’initiative du groupe SRC, vise à sécuriser l’accès à une carte de résident pour les conjoints et enfants étrangers de Français qui ont résidé en France pendant trois ans sous couvert de cartes de séjour annuelles ou pluriannuelles. Dans ce cas, la délivrance de la carte de résident est de plein droit. Nous pensons que c’est une nouvelle façon d’encourager contre tout bon sens une immigration de plein droit sans que l’étranger apporte la preuve de son intégration à la société française. C’est pourquoi nous proposons la suppression de cet article.
Même avis, monsieur le président.
La parole est à M. Sergio Coronado, pour soutenir l’amendement no 109 rectifié .
Cet amendement vise à préciser que sont prises en compte pour déterminer la durée de séjour, qui peut donner droit à une carte de résident si elle est supérieure à trois ans, non seulement les années pendant lesquelles la personne en question a bénéficié d’une carte de séjour temporaire mais également celle où elle a été titulaire d’une carte pluriannuelle.
Cette utile précision remédierait à une lacune du texte de la commission. Avis favorable, donc.
L’amendement no 109 rectifié est adopté.
La parole est à M. Erwann Binet, rapporteur, pour soutenir l’amendement no 332 rectifié .
L’amendement no 332 rectifié , accepté par le Gouvernement, est adopté.
L’article 13 ter, amendé, est adopté.
Article 13
Cet amendement procède du même esprit que celui qu’a défendu tout à l’heure Frédéric Reiss, auquel j’étais favorable. Il vise à supprimer cet article 13 quater. En effet, je conteste le caractère automatique, systématique de la délivrance d’une carte de résident permanent. Or cet article dispose qu’il est possible d’obtenir une carte de résident permanent après deux renouvellements de la carte de résident ou de la carte de résident portant la mention « résident de longue durée », et ce automatiquement. Les conditions d’intégration doivent être réunies de façon régulière et l’État doit pouvoir en juger, ce que ne permet pas cette délivrance automatique.
Vous souhaitez, monsieur Ciotti, la suppression d’une disposition adoptée en commission à l’initiative de Françoise Descamps-Crosnier. Il s’agit pourtant d’une très bonne mesure qui rendra automatique l’obtention, par la personne ayant effectué au moins deux renouvellements de sa carte de résident, d’une carte de résident permanent, sous réserve, tout de même, qu’elle ne constitue pas une menace pour l’ordre public et qu’elle satisfasse aux critères d’appréciation de l’intégration républicaine dans la société française prévus à l’article L. 314-2. Je rappelle qu’il s’agissait d’ailleurs de la proposition no 11 du rapport de la mission d’information que présidait Denis Jacquat et dont Alexis Bachelay était le rapporteur.
Même avis, monsieur le président.
Vous qualifiez d’excellent un article qui rend automatique la délivrance d’un titre de séjour, parce que telle est profondément votre logique. Alors que nous pensons que la France a le droit de choisir qui elle souhaite accueillir sur son territoire, alors que nous pensons qu’il faut que l’immigration soit régulée par des décisions souveraines, par des décisions préfectorales, par des appréciations au cas par cas, vous pensez, mesdames et messieurs les députés de la majorité, qu’il faut, au contraire, faciliter les délivrances de titre et, plus encore, créer des cas de délivrance de plein droit, c’est-à-dire des guichets automatiques de délivrance de cartes de séjour, de visas, de cartes de résident diverses et variées. Plus nous avançons dans ces nuits de débat, plus nos prises de positions respectives démontrent que nos visions sont, en effet, extrêmement différentes : d’un côté, l’encouragement à l’augmentation illimitée et automatique de l’immigration – ça, c’est vous ! –,…
…et, de notre côté, la volonté de définir des plafonds, le souhait de réguler, le souhait d’ordonner et, in fine, le souhait, en effet, d’engager une nouvelle politique de diminution de l’immigration.
La vraie différence n’est pas là où vous le dites, monsieur Larrivé, pas du tout. La vraie différence, c’est qu’à la volonté de traiter ce sujet de façon sereine s’oppose une façon de se saisir de toute question pour en faire a priori un sujet d’opposition et, de surcroît, de faire peur.
De quoi s’agit-il ? De quoi parlons-nous, monsieur Larrivé ? Nous parlons d’étrangers qui sont en France depuis près de vingt-cinq ans.
C’est de cela qu’on parle ! Par conséquent, leur carte de résident, ils l’ont depuis près de vingt-cinq ans, et elle est automatiquement renouvelée – elle le sera de toute façon. Cela ne signifie cependant pas que l’étranger bénéficiant de cette carte de séjour automatiquement renouvelée qui serait à l’origine d’un trouble à l’ordre public ou de faits qui pourraient justifier sa reconduite à la frontière ne serait pas effectivement reconduit : il le sera bien entendu. Il n’y a donc pas du tout d’antinomie, contrairement à ce que vous racontez, entre le renouvellement automatique de la carte, qui est déjà la règle, et le fait que l’on puisse à tout moment, en cas de manquement aux règles de droit français, procéder à son éloignement.
Il s’agit simplement d’une mesure de simplification, qui n’entraîne aucun appel d’air puisqu’elle s’applique à des personnes qui sont en France depuis près de vingt-cinq ans. Elle n’exprime en aucun cas une forme de laxisme à l’égard d’étrangers qui ne se comporteraient pas bien en France : ce renouvellement de plein droit n’exclut en rien la possibilité d’appliquer au titulaire de la carte les règles les plus sévères s’il devait être l’auteur d’un manquement quelconque.
Donc pourquoi développez-vous cette argumentation ?
Pour une raison très simple : sur chaque sujet, vous avez besoin de dire qu’il y a une position ferme et déterminée du côté de la droite et un angélisme du côté de la gauche. C’est ce que vous répétez à l’envi – et ce quel que soit le sujet, d’ailleurs. Sans même le début d’une analyse, vous avez prévu de raconter cela,…
…et vous le faites, en dépit de la réalité des sujets dont nous traitons.
Eh bien, je considère que cela n’est pas convenable.
J’abonde dans le sens des propos que vient de tenir M. le ministre. Nous parlons de personnes présentes en France, au minimum, depuis vingt ans. Je ne comprends donc pas cette suspicion, monsieur Larrivé, ou alors c’est que nous avons forcément une vision différente de l’immigration.
La nôtre se fonde sur les droits et les devoirs. Je dis bien, aussi, « les devoirs », parce que les conditions de séjour sont vérifiées au moment du renouvellement.
Je crois que nous avons une vision différente,…
…que vous ne voulez pas comprendre.
Et puis il y a autre chose que vous ne voulez sans doute pas entendre. Pour ma part, j’en avais appelé à votre humanité, mais nous avons bien vu que cela restait sans effet sur vous. Hors la seule répression – pour la presse, pour la parade –, vous ne voulez pas discuter au fond. Si vous l’acceptiez, vous admettriez que nous parlons de personnes qui ont déjà vingt ans de présence en France, de personnes qui sont venues travailler, que nous sommes allés chercher, des immigrés qui ont soixante-cinq ans. Et nous étions bien contents, alors, qu’ils viennent travailler en France !
En outre, ces personnes venues seules en France n’en ont pas moins contribué aux allocations familiales ; leurs cotisations leur ont ouvert des droits, mais il en est peu qui en ont profité. Alors, je crois qu’il faudrait remettre les choses à plat, et que vous acceptiez de parler un petit peu avec pragmatisme et de ne pas être dans la posture.
Ce qui me frappe dans ce débat, comme tout à l’heure, même si je n’ai pas voulu prendre la parole à tout instant, ce sont les nombreuses confusions sémantiques, pour ne pas dire juridiques. Tout à l’heure, on nous a expliqué des choses extraordinaires sur la fraude, et on cherchait un délit de fraude alors que tout acte administratif qui a été délivré par fraude peut être retiré. L’amendement en question, sur le délit, était cependant beaucoup moins strict que ne l’est le droit actuellement, ce qui est quand même un peu fort.
On nous a ensuite parlé des retraités, en disant que leur donner la carte de résident produirait un extraordinaire appel d’air… alors qu’en réalité, beaucoup d’entre eux désirent rentrer chez eux. Ainsi, en 1998, nous avions créé une carte qui leur permettait de venir toucher la pension à laquelle ils avaient droit sans affronter des milliers de difficultés pour franchir la frontière. Je vous renvoie au rapport fort bien pensé et travaillé sur la question, notamment par notre collègue Alexis Bachelay. Un certain nombre de ces immigrés pourraient venir vouloir s’installer en France et ils ont évidemment parfaitement vocation à le faire. Ce n’est pas une question d’assurance sans capitalisation comme il était rappelé savamment tout à l’heure. Je rappelle que l’assurance que constitue la protection sociale est fondée sur la solidarité ; ceux qui y ont participé ont bien droit à ce que le cercle de cette solidarité se referme autour d’eux lorsqu’ils reviennent sur le territoire français.
Maintenant, M. Larrivé nous dit des choses tout à fiat extraordinaires. Que l’on écrive, d’un côté, qu’un titre peut être accordé ou, de l’autre, qu’il est accordé de plein droit sous réserve « des dispositions du présent chapitre » – c’est-à-dire après avoir contrôlé que l’étranger n’a pas commis tel ou tel délit –, cela revient, à vrai dire, très largement au même. Pour autant, la deuxième rédaction constitue une amélioration dans la mesure où elle relève de la simplification administrative.
Il y a une faible différence entre les deux formules, fors les aspects relatifs à la simplification. Pour vous en convaincre, monsieur Larrivé, prenons le cas d’un étranger qui attaquerait devant le juge administratif un refus de délivrance de carte de résident permanent, alors qu’il remplit les conditions posées par la législation. Bien que la loi précise que cette carte « peut être accordée » par l’administration, le juge administratif examinera si les conditions étaient remplies : si tel était le cas, il annulera le refus. Ainsi, que la délivrance de la carte soit une faculté laissée à l’administration ou qu’elle soit de plein droit, la différence est minime.
Monsieur le ministre, nous constatons en toute bonne foi qu’article après article, vous additionnez des petites mesures concernant le droit au séjour, qui ont pour objectif de commun de créer des cas dans lesquels la délivrance de la carte est de plein droit. Les arguties juridiques de Marie-Françoise Bechtel n’y font rien :…
Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
…si vous prenez la peine d’écrire dans ce projet de loi que « la délivrance de la carte de résident permanent est de droit », c’est sans doute que vous en attendez un effet.
J’imagine que vous aussi, madame Bechtel, avez quelques souvenirs de vos travaux administratifs : si vous n’attendiez aucun effet de cette modification, alors vous vous en abstiendriez.
Vous souhaitez donc, monsieur le ministre, créer des cas dans lesquels la délivrance de titres de séjour est de plein droit. Au cas particulier, s’agissant de l’amendement no 140 , je suis d’accord avec vous sur un point : il s’agit de personnes qui ont déjà obtenu des cartes de résident, depuis parfois quinze ou vingt ans. Il s’agit donc de personnes qui, précisément, ont choisi de ne pas rejoindre la communauté nationale, car la faculté leur est ouverte de solliciter l’accès à la nationalité française.
Là aussi, c’est une différence entre nous : nous pensons que le succès final d’un parcours d’intégration complètement réussi, c’est l’assimilation, c’est la volonté d’être français, de rejoindre pleinement la communauté nationale. Cet amendement vise des personnes qui, en réalité, choisissent de rester extérieures à la communauté nationale, puisqu’elles ne sollicitent pas la naturalisation.
Monsieur Larrivé, certes, nous faisons ici de la politique – vous en faites vous-même beaucoup –,…
…mais nous faisons aussi du droit.
Accordons-nous donc sur des éléments de droit : aujourd’hui, le renouvellement de la carte de résident est déjà de plein droit. Vous laissez penser que l’article 13 quater conduit à rendre de plein droit ce qui ne l’était pas, mais c’est tout simplement faux !
C’est de l’obtention de plein droit d’une carte de résident permanent que nous parlons !
Non : aujourd’hui, le renouvellement de la carte de résident est déjà de plein droit. Ce projet de loi ne comporte donc pas d’éléments nouveaux à cet égard. Simplement, par ce texte, nous dispensons les étrangers qui sont en France depuis vingt-cinq ans d’une formalité administrative qui leur permet d’avoir accès à ce qui leur est reconnu de plein droit. Cette disposition est donc destinée à alléger le fonctionnement de l’administration, sans préjudice des pouvoirs reconnus à l’État pour agir, avec la plus grande fermeté, si l’étranger ne s’est pas conformé aux règles auxquels il est soumis.
Il me semble qu’à force de vouloir réfuter des éléments qui ne figurent même pas dans ce texte, nos collègues de l’opposition se prennent les pieds dans le tapis. La carte de résident permanent est prévue par le CESEDA ; si mes souvenirs sont bons, c’est un texte qui date de 2005.
Vous vous trompez : cela date de 2005, à l’initiative de M. de Villepin, qui était à l’époque ministre de l’intérieur.
Cette disposition date de 2007 ! Si vous voulez donner une leçon de droit, vous feriez mieux de consulter les textes !
Des modifications ont pu être apportées après l’adoption du texte initial.
M. le ministre vient d’expliquer la réalité de façon limpide. Monsieur Larrivé, il faut que vous preniez le temps de vous rendre au bureau des étrangers de la préfecture de votre département, et que vous vous fassiez expliquer la différence entre les formalités administratives applicables au renouvellement d’une carte de dix ans, d’une part, et à l’obtention d’une carte de résident permanent d’autre part. Cette dernière carte n’est d’ailleurs, en réalité, qu’une carte de résident de dix ans, puisqu’aucun document administratif n’a une validité de plus de dix ans : c’est aussi le cas de la carte nationale d’identité et du passeport.
Le seul effet de cet article, c’est d’opérer une simplification administrative. Il s’agit de simplifier les formalités administratives relatives au renouvellement de la carte de résident pour les étrangers de plus de soixante ans, ou disposant d’une carte de résident depuis vingt ans. Ce n’est pas chinois ! C’est limpide ! Et cela n’enlève rien aux prérogatives des préfets en matière régalienne, en cas de manquement ou de trouble à l’ordre public. Il ne s’agit absolument pas d’une distribution « automatique » – c’est le mot de la soirée – de cartes de séjour, car cet article concerne des étrangers qui ont déjà obtenu deux cartes de résident. Beaucoup d’entre eux – je le sais pour avoir un peu travaillé sur ce sujet dans le cadre d’une mission d’information qui a duré plus de six mois – en sont même, en réalité, au troisième ou au quatrième renouvellement de leur carte. Certains d’entre eux sont sur le territoire national depuis trente ou quarante ans ! Est-il scandaleux de simplifier les formalités administratives relatives au renouvellement de la carte de résident d’étrangers qui sont en France depuis trente ou quarante ans ? Voilà la question !
Vous avez l’air de dire : « Oui, c’est un scandale ! Cela causera un appel d’air ! » Mais quel appel d’air ? Ces personnes sont déjà là depuis au moins vingt ans, et souvent trente ou quarante ans : il est tout simplement absurde de parler d’appel d’air dans ces circonstances ! C’est simplement de la politique politicienne.
Soyons raisonnables ; essayons d’aborder cette question de manière rationnelle et sereine. D’importants travaux ont été réalisés sur ce sujet, dont le rapport de Matthias Fekl.
Vous avez le droit de vous opposer à ces dispositions, mais pas avec n’importe quels arguments. Il faut partir de la réalité !
Certes, nous ne partageons pas la même analyse, mais cela ne signifie pas que nous ne faisons que de la politique, tandis que la cohérence est tout entière de votre côté. Soyons factuels : en la matière, le droit actuel est issu de la loi du 20 novembre 2007 dite loi Hortefeux. Le droit actuel prévoit qu’une carte de résident permanent « peut être délivrée » après deux renouvellements d’une carte de résident. Vous voulez que cette possibilité devienne un droit : vous avez le droit de le vouloir, mais nous avons le droit de nous interroger sur le bien-fondé de cette évolution.
Nous avons le droit de faire savoir à nos concitoyens que vous transformez une procédure qui n’est que possible en une procédure automatique. Nous avons tout de même le droit de dire cela, tranquillement, dans cet hémicycle ! Madame Chapdelaine, permettez-moi de vous dire, avec toute l’estime et tout le respect que je vous porte, que vous ne pouvez pas prétendre détenir le monopole de l’humanisme. C’est inacceptable ! Je n’accepte pas que vous distribuiez ainsi les bons et les mauvais points, en nous reprochant de ne pas avoir de sentiments humains – comme vous n’accepteriez pas vous-même que nous procédions ainsi.
Acceptez donc que nos opinions diffèrent. Peut-être considérez-vous que notre opinion n’a pas la même valeur que la vôtre ; nous avons, nous aussi, le droit de considérer que la vôtre n’a pas la même valeur que la nôtre. Mais de grâce, n’affirmez pas : « Nous sommes humains, et vous ne l’êtes pas ! » Ce n’est pas vrai, ce n’est pas acceptable, et c’est en outre risible aux yeux de l’opinion.
Je remercie M. Geoffroy, qui a fait référence aux dispositions instaurées en son temps par Brice Hortefeux. Je me suis rendu, comme rapporteur de la mission d’information sur les immigrés âgés, dans la préfecture de mon département, et me suis enquis du nombre de cartes de résident permanent délivrées sous l’empire des dispositions instaurées par Brice Hortefeux. C’était il y a presque deux ans. Ce chiffre était égal à zéro, alors que dans la préfecture des Hauts-de-Seine, plusieurs dizaines de milliers de titres de séjour sont renouvelés chaque année, y compris pour des étrangers âgés et présents sur le territoire national depuis des décennies.
Les dispositions dont nous débattons ce soir reprennent une proposition de ce rapport d’information. Cette proposition part d’un constat de terrain. J’avais demandé à d’autres préfectures de me transmettre leurs chiffres : le nombre de délivrance de ces cartes de résident permanent était proche de zéro. Autrement dit, en l’état, les services préfectoraux n’appliquaient pas les dispositions du CESEDA. L’article L. 314-14 du CESEDA prévoit qu’une carte de résident permanent peut être délivrée ; certes, si elle peut être délivrée, cela signifie qu’elle peut aussi ne pas l’être ; mais si, sur le terrain, on ne constate aucune délivrance, c’est qu’il y a un problème. Dans ce cas, cela signifie peut-être que la loi n’est pas suffisamment précise, qu’il faut l’affiner : c’est précisément ce que nous faisons ce soir.
Puisque la disposition issue de la loi Hortefeux n’est pas appliquée en l’état, reconnaissez qu’il convient soit de l’abroger, soit de la compléter. C’est ce travail de complément que nous accomplissons ce soir, tout simplement.
Monsieur le président, je ne suis pas intervenue depuis le commencement de ces débats. Monsieur Larrivé, vous nous avez expliqué que la naturalisation est l’aboutissement réussi de l’assimilation, et la parfaite démonstration de l’intégration d’une personne. C’est faux : on peut être parfaitement intégré, tout en souhaitant rester étranger.
Oui, on peut souhaiter rester étranger, et être parfaitement assimilé, parfaitement intégré.
Ne faites donc pas de confusion.
Plus globalement, vous soutenez l’idée – c’est ce que j’entends depuis des dizaines d’heures – que l’étranger qui quitte son pays d’origine pour venir en France est animé uniquement par la motivation de bénéficier d’allocations, de profiter de notre système de santé, ou de manoeuvrer pour obtenir la nationalité française.
Vous évacuez les conditions dans lesquelles ces migrants arrivent sur notre territoire national ; vous évacuez les millions de migrants noyés en mer Méditerranée.
Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.
Par vos discours, vos caricatures, vous faites de l’étranger un parasite, un fourbe, un mafieux ou un envahisseur.
Je vous ai écoutés : je ne suis pas intervenue depuis le début des débats.
Je vous ai écoutés attentivement : vous niez leur volonté, leur capacité à travailler, à s’intégrer ; vous niez leurs compétences, leurs talents, leur envie de réussir, pour eux et pour leurs enfants ; vous n’évoquez jamais leur réussite. Vos discours sont fondés uniquement sur des arguments fallacieux. M. le ministre a eu l’occasion, à plusieurs reprises, de remettre en question vos démonstrations fondées sur des statistiques erronées. Vous n’apportez aucune réponse sérieuse : votre seul objectif est de diviser, en faisant de l’étranger le bouc émissaire des difficultés économiques et sociales rencontrées par nos concitoyens.
En vérité, vous courez après le Front national en espérant un gain politique. Vous ne parlez pas à l’intelligence des citoyens, vous préférez leur faire peur ! Quant aux valeurs de la République, que vous aimez tant proclamer dans cet hémicycle, vous ne les respectez guère ; en parlant de « doxa du droit-de-l’hommisme » et de « politique immigrationniste », vous les piétinez déjà.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
La parole est à M. Guillaume Larrivé, après quoi nous passerons au vote.
Je répondrai sereinement, et en quelques mots, à Mme Khirouni. Tout d’abord, je constate que la rue de Solférino fait bien son office : après quelques jours de débats, les éléments de langage s’affûtent.
Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
Madame Khirouni, puisque vous nous rejoignez soixante-douze heures après que nos débats ont commencé, je vous invite à consulter attentivement le compte rendu de la séance de lundi dernier, 20 juillet : vous y lirez les propos que j’ai tenus à l’occasion de la motion de rejet préalable que j’ai eu l’honneur de présenter au nom du groupe Les Républicains. Vous verrez, madame, que j’ai condamné tout à la fois l’idéologie de l’immigration zéro, c’est-à-dire l’idéologie de la fermeture totale,…
…et l’idéologie – dans laquelle vous semblez baigner – de l’immigrationnisme, c’est-à-dire l’idéologie de l’ouverture totale. Cette dernière veut faire accroire que toute immigration, toujours et en tout lieu, sans aucune condition, est toujours une chance pour la France.
Il y a là en effet une différence entre nous. Nous pensons qu’il est nécessaire de réguler et d’organiser l’immigration dans l’intérêt national.
L’amendement no 140 n’est pas adopté.
Je suis de deux amendements, nos 352 rectifié et 343 , pouvant être soumis à une discussion commune.
La parole est à Mme Marie-Anne Chapdelaine, pour soutenir l’amendement no 352 rectifié .
L’objectif de cet amendement est de sécuriser le droit au séjour des immigrés âgés. Aussi, aux étrangers âgés de plus de 65 ans sollicitant le renouvellement de leur carte de résident, il sera systématiquement délivré une carte de résident permanent. Nous confirmons ainsi notre logique consistant à ne pas faire du parcours de l’étranger un parcours semé d’embûches mais à reconnaître leur capacité d’intégration. Il s’agit, je le dis avant que ne fusent les critiques, de personnes ayant déjà prouvé pendant dix ans leur bonne intégration en France. En outre, la mesure proposée est soumise à certaines conditions.
La parole est à Mme Françoise Descamps-Crosnier, pour soutenir le sous-amendement no 427 , à l’amendement no 352 rectifié .
J’approuve pleinement l’amendement no 352 rectifié qui améliore l’article 13 quater, dont l’existence est elle-même due à une initiative bienvenue de la commission des lois. Je propose toutefois d’abaisser à 60 ans l’âge d’éligibilité à la mesure.
Le rapport de la mission d’information sur les immigrés âgés a mis l’accent sur les démarches compliquées pesant sur les immigrés vieillissants. Quant au rapport de Mathias Fekl, il évoque le ratio entre le nombre de résidents permanents et le nombre de cartes de résidents et affirme que faciliter la délivrance des cartes de résident permanent sert l’intérêt public. Cela n’augmente pas les flux, comme je l’ai entendu ; nous ne faisons que simplifier la vie des immigrés âgés présents depuis longtemps. Par ailleurs, abaisser l’âge d’éligibilité à 60 ans rend légale la demande formulée dans la circulaire du 25 juin 2013 relative aux conditions de renouvellement des titres de séjour, qui invite à faire une application généralisée de la faculté d’attribuer ou de renouveler une carte de résident permanent à l’étranger résident âgé de plus de 60 ans.
Je vous demande de voter l’amendement sous-amendé à l’unanimité, chers collègues, conformément à l’impression qui ressort de nos discussions !
Sourires.
Je considère, madame Descamps-Crosnier, que vous avez également soutenu l’amendement no 343 .
Quel est l’avis de la commission ?
La commission a émis un avis favorable à l’amendement de Mme Chapdelaine. Elle n’a pu examiner le sous-amendement de Mme Descamps-Crosnier mais à titre personnel, j’y suis favorable.
L’amendement no 343 est retiré.
Le sous-amendement no 427 est adopté.
L’amendement no 352 rectifié , sous-amendé, est adopté.
La parole est à M. Erwann Binet, rapporteur, pour soutenir l’amendement no 333 .
L’amendement no 333 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
L’article 13 quater, amendé, est adopté.
Article 13
La parole est à Mme Elisabeth Pochon, pour soutenir l’amendement no 354 .
Cet amendement vise à permettre le renouvellement de plein droit de la carte de séjour temporaire des femmes étrangères victimes de mariage forcé selon les mêmes dispositions que celles prévues pour les femmes bénéficiant d’une ordonnance de protection en vertu de l’article L. 515-9 du code civil en raison des violences commises par leur conjoint, leur partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou leur concubin, en application des dispositions de l’article L. 316-3.
L’avis est favorable. Votre amendement vient utilement compléter l’article 13 quinquies, madame Pochon, en précisant que le renouvellement de la carte de séjour temporaire « vie privée et familiale » d’un étranger bénéficiant d’une ordonnance de protection est de plein droit.
L’amendement no 354 est adopté.
L’article 13 quinquies, amendé, est adopté.
Je présenterai également les amendements qui suivent, car ils s’inscrivent dans la même logique visant à atténuer l’attractivité de notre modèle social qui constitue aujourd’hui une force d’entraînement de l’immigration. Il s’agit là d’un point essentiel. Comme le soulignait tout à l’heure Mme Chapdelaine, nous avons en effet, vous et nous, une vision très différente, voire divergente, de l’immigration. C’est pourquoi nous formulons, à partir d’un principe simple et clair, plusieurs propositions relatives en particulier aux durées minimales de séjour dont doivent justifier les étrangers en situation régulière pour bénéficier de prestations sociales dans notre pays.
Le récent rapport de l’OCDE, évoqué à maintes reprises au cours du débat, a souligné les difficultés, les failles et même la faillite de notre modèle d’intégration, caractérisé par un taux de chômage très élevé de la population étrangère. La démonstration est donc faite, par l’OCDE et non par nous, que notre pays n’a pas la capacité d’offrir à ceux qu’il accueille travail et logement en quantité suffisante. Il faut donc des solutions radicalement différentes des vôtres, monsieur le ministre : alors que toutes celles que vous avez proposées vont dans le sens d’une immigration plus forte, nous souhaitons, nous, sa réduction. Nous formulons donc, très concrètement et très pragmatiquement, des propositions s’inspirant de la politique suivie dans d’autres pays, en particulier le Royaume-Uni, et qui tendent à atténuer l’attractivité d’un modèle social devenu un aimant pour l’immigration.
S’il est tout à fait normal qu’un étranger disposant d’une capacité contributive, qui travaille et s’acquitte de cotisations sociales, bénéficie en contrepartie de prestations sociales, ce qui est un principe essentiel et fondamental auquel naturellement nous souscrivons, il n’est en revanche absolument pas évident qu’un étranger en situation régulière n’ayant pas de capacité contributive bénéficie de telles prestations dès le jour de son arrivée sur le territoire national.
Dans la mesure où je défends plusieurs amendements en une seule fois, monsieur le président, j’aurais besoin d’un peu plus de temps de parole. D’après le rapport de l’OCDE intitulé « Perspectives des migrations internationales » paru en 2013, les ménages immigrés ont en France une contribution fiscale nette négative de 1 450 euros entre 2007 et 2009 alors qu’ils ont une contribution positive de 3 280 euros dans les autres pays de l’OCDE. Il y a donc bien lieu de débattre du coût de l’immigration !
Je propose donc que l’allocation personnalisée d’autonomie – APA –, la prestation de compensation du handicap – PCH –, les allocations familiales, l’aide personnalisée au logement et le droit au logement opposable ne puissent bénéficier qu’aux étrangers résidant en France depuis au moins deux ans, ce délai pouvant être porté jusqu’à cinq ans s’agissant d’autres prestations sociales.
Ces propositions très concrètes et très audacieuses sont de nature, je le répète, à limiter la dangereuse attractivité de notre modèle social.
Que dire ? L’avis de la commission est évidemment défavorable. Je suis surpris et même stupéfait par vos arguments, monsieur Ciotti, qui laissent penser qu’un étranger bénéficie des prestations sociales dès le jour d’arrivée sur le territoire national, comme vous l’avez dit d’ailleurs mot pour mot. C’est inepte !
Mais si ! Un étranger qui n’est pas en situation régulière n’a droit à aucune allocation, excepté à l’aide médicale d’État qui est votre totem, mais nous allons y venir. À part cela, dès le jour de son arrivée, …
Vous avez tort, monsieur Ciotti, et vous laissez penser, dans le brouillard que vous entretenez savamment depuis le début de l’examen du texte devant les Français qui heureusement ne sont pas dupes, que tout étranger obtient dès le jour de son arrivée tous les droits sociaux dont bénéficient les nationaux. L’APA et la PCH, dont traite l’amendement no 134 , sont des prestations fournissant des moyens minimaux de subsistance, grâce auxquelles des personnes âgées dépendantes et des personnes handicapées peuvent faire face aux dépenses élémentaires liées aux actes essentiels de la vie quotidienne. Il en va de la solidarité avec des personnes que nous côtoyons. Il n’y a donc aucune raison de conditionner leur attribution à une durée de séjour d’au moins deux ans. Bien évidemment, l’amendement a été repoussé par la commission.
Vous avez complètement tronqué mon argumentation, monsieur le rapporteur, car j’ai parlé très clairement d’étrangers en situation régulière ! Je n’ai pas évoqué l’AME, ce que nous ferons ultérieurement à propos d’autres amendements. Les étrangers dont je parle bénéficient des prestations sociales dès le jour de leur arrivée sur le territoire national pour autant qu’ils disposent d’un titre de séjour régulier. Je tiens à le rappeler et souligne que les dispositions que nous proposons sont tout à fait conformes à nos principes fondamentaux et à notre Constitution.
Il existe une prestation sociale, le RSA, qui est conditionnée à une durée de séjour sur le territoire national de cinq ans. Or le RSA contribue également – beaucoup plus que l’APA ou la PCH d’ailleurs, qui relèvent de cas particuliers – à assurer la subsistance de personnes en situation précaire ! Je propose donc de généraliser cette logique à toutes les prestations sociales fournies aux étrangers en situation régulière. Je le répète, vous avez complètement tronqué la motivation de cet amendement, monsieur le rapporteur.
L’amendement no 134 n’est pas adopté.
La parole est à M. Guillaume Larrivé, pour soutenir l’amendement no 178 .
Le débat que nous souhaitons ouvrir sur cette question n’est pas mineur, bien au contraire. Quel est le raisonnement ? Nous pensons profondément qu’un étranger en situation légale qui travaille et paye donc des cotisations salariales a bien évidemment et légitimement droit aux mêmes prestations d’assurance sociale que son collègue de nationalité française travaillant et cotisant dans les mêmes conditions. Il convient en effet de protéger les travailleurs salariés contre les risques liés aux accidents du travail, au chômage, à la maladie et à la vieillesse. En revanche, nous nous interrogeons sur les cas qu’évoquait Éric Ciotti, dans lesquels certaines prestations de solidarité nationale financées à titre principal par l’impôt sont attribuées à des ressortissants étrangers sans que les conditions tenant à la durée minimale de séjour n’aient fait l’objet d’une harmonisation.
En effet, le rapporteur l’a dit de manière rapide et partielle – peut-être aussi un peu partiale –, mais il l’a quand même dit, il y a, aujourd’hui, s’agissant de certaines de ces prestations, des seuils différents.
Pour accéder au revenu de solidarité active, au RSA, cinq années de séjour régulier sont requis. Pour accéder à l’allocation de solidarité aux personnes âgées, l’ASPA, dix ans de séjour régulier sont, depuis une modification législative intervenue en 2011, nécessaires. Pour les allocations familiales en revanche, trois mois de séjour régulier suffisent, et, pour le droit au logement, deux ans.
Nous proposons donc qu’une réflexion soit sereinement et sérieusement engagée sur ce sujet : on ne va pas traiter la question ce soir par voie d’amendement. Les conditions politiques de majorité ne sont manifestement pas réunies, mais ce débat est légitime et profondément républicain.
Nous pensons qu’il serait opportun et légitime que l’on ne puisse bénéficier de ces prestations de solidarité nationale qu’au terme d’une durée déterminée – sans doute de cinq années – de résidence légale en France. Mes chers collègues, faites l’effort de ne pas nous caricaturer.
Nous ne disons pas, comme certains sur d’autres bancs, qui d’ailleurs ne sont pas là ce soir et n’ont pas du tout participé à nos débats, qu’il ne faut verser aux étrangers aucune allocation sociale d’aucune sorte. Nous ne disons pas cela. Nous disons seulement que, s’agissant des prestations sociales financées à titre principal par l’impôt, il faudrait sans doute envisager d’harmoniser les seuils de résidence légale en les alignant sur la période de cinq ans aujourd’hui exigée pour le RSA.
Il est évidemment défavorable. Vous laissez quand même entendre – et en cela vous courez après les idées et les propositions du Front national – que les étrangers et les immigrés coûtent cher à la France.
En réalité, ce n’est pas le cas : toutes les études montrent le contraire. Ils rapportent plus en cotisations sociales et en impôts qu’ils ne coûtent. Une étude de 2009 – nous n’étions pas alors aux responsabilités – du ministère des affaires sociales relative au coût de l’immigration concluait que le comparatif entre les dépenses et les recettes aboutissait à un solde positif de près de 12 milliards d’euros au bénéfice de l’État.
De par leur activité professionnelle, les immigrés reversaient par exemple 3,4 milliards d’euros au titre de l’impôt sur le revenu, 3,3 milliards au titre de l’impôt sur le patrimoine, 18 milliards au titre des différents impôts et taxes à la consommation, 2,6 milliards d’impôts locaux, et 26 milliards en cotisations sociales.
Une autre étude portant sur l’année 2005, réalisée Xavier Chojnicki, professeur d’économie à Lille-2, indiquait : « il est vrai que les immigrés non communautaires recourent plus fréquemment que les natifs aux aides au logement : 34 % au lieu de 13,7 %, aux allocations familiales : 35 % au lieu de 24,3 %, à l’assurance-chômage : 19 % au lieu de 11 %. Mais a contrario, ils perçoivent beaucoup moins de prestations liées à la santé ou à la retraite, et ils paient des cotisations sociales, des impôts sur le revenu, les taxes à la consommation comme la TVA, des impôts locaux et d’autres taxes. Au final, pour l’année étudiée, nous sommes parvenus à une contribution nette de l’immigration de 3,9 milliards d’euros, soit 0,5 % du produit intérieur brut. »
Ce que vous voulez, en ouvrant ces droits sociaux avec un décalage de plusieurs années – cinq ans – pour les immigrés, c’est prendre – et garder – leurs cotisations et ne pas leur donner les droits qui leur reviennent.
Nous pouvons avoir des désaccords politiques – ils existent – mais il faut, monsieur le rapporteur, essayer d’être précis, surtout lorsque l’on s’exprime au nom de la commission des lois et non au nom du groupe socialiste, républicain et citoyen : pardonnez-moi de vous rappeler votre fonction.
Je viens de vous l’expliquer : je ne parle pas des prestations sociales financées par les cotisations salariales mais des prestations de solidarité nationale financées par l’impôt. Vous faites, je pense, la différence entre ces deux catégories.
S’agissant, par exemple, du logement social, celui-ci n’est, à ma connaissance, pas financé par une cotisation salariale. Ce n’est pas non plus une prestation de sécurité sociale et il ne fonctionne pas selon une logique assurantielle, mais selon une logique de solidarité nationale largement financée par l’impôt.
Je constate que le droit actuel, qui trouve sa source dans la loi du 5 mars 2007 instituant le droit au logement opposable et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale dite « loi Borloo », impose, pour entrer dans le dispositif du droit au logement opposable ou DALO, sur lequel il y aurait d’ailleurs bien à dire, un délai de deux ans. Nous pensons qu’il serait plus judicieux de porter ce délai à cinq ans : c’est une question de curseur.
Il ne nous semble en effet pas déraisonnable d’envisager qu’une personne qui vient d’immigrer en France n’ait pas accès au logement social avant cinq ans de résidence légale en France.
Doit-elle dormir sous les ponts ou lui offrirez-vous un salaire qui lui permette de se loger dans le parc privé ?
Sourires.
Nous pensons que la vocation du système de logement social en France n’est pas de répondre d’abord à cette question.
Quelque chose m’étonne : on n’arrive pas en France comme cela, en claquant des doigts ou par un coup de baguette magique. Certaines personnes arrivent au titre du regroupement familial, mais cela nécessite d’avoir un logement décent correspondant à la taille de la famille.
Votre fantasme de nouveaux arrivants décrochant immédiatement un logement social – la condition de délai est d’ailleurs de six mois – ne correspond pas à la réalité. En effet, ces personnes sont déjà logées parce que leur capacité à se loger a été préalablement vérifiée.
Le regroupement familial déclenche des fantasmes. Je rappelle les conditions dans lesquelles il peut s’opérer : un dossier doit être déposé auprès de l’Office français de l’immigration et de l’intégration, puis un enquêteur vérifie au domicile les conditions liées au logement. Les conditions liées aux ressources, qui sont modulées en fonction de la taille de la famille et du nombre d’enfants accueillis, font également l’objet d’une vérification.
Les personnes concernées n’arrivent donc pas au débotté, mais sont accueillies dans des conditions leur permettant de vivre.
Quant aux personnes concernées par le passeport « talent », comme les chercheurs, qui contribuent au rayonnement de notre pays, le fait que leurs revenus soient trop élevés les prive de l’accès au logement social. Alors arrêtons les fantasmes.
Oui, notre vision de l’immigration est différente. Nous observons l’intégration de personnes qui ont des droits et des devoirs : si elles remplissent bien leurs devoirs, nous leur accordons des droits. Nous ne faisons pas de l’étranger un fraudeur par nature ni quelqu’un venant, selon une expression très mauvaise, voler nos prestations familiales ou sociales.
Vous essayez de tronquer à dessein notre argumentation.
Nous touchons à un point essentiel qui, j’en suis convaincu, sera, face à l’augmentation structurelle des flux, au coeur des véritables réformes de notre système migratoire qu’il conviendra d’entreprendre. Les évolutions démographiques, et notamment celles des continents asiatique et africain, font que ces évolutions sont devant nous : nous le savons.
Nous ne pouvons pas rester dans le cadre actuel. Quoi que vous en pensiez, et quelles que soient vos approches et vos barrières idéologiques, il faudra réformer ce système. Autrement, il conduira notre pays à de très graves désillusions et à des tensions extrêmement fortes. Nous assistons à la faillite du modèle d’intégration.
Aujourd’hui, il est légitime de demander aux étrangers en situation régulière qui arrivent sur notre territoire et qui ne sont pas en situation contributive – c’est-à-dire qui ne travaillent pas et qui ne versent pas de cotisations sociales – de se trouver, au cours de leurs premières années de leur séjour sur le territoire, dans une situation d’auto-suffisance et de ne pas vivre que des prestations sociales.
C’est ce débat que nous voulons initier et c’est cette réforme que nous parviendrons, ne vous en déplaise, à entreprendre lorsque nous retrouverons le pouvoir. Il s’agit en effet du seul moyen de maintenir l’équilibre social de notre pays. Si nous ne le faisons pas, l’immigration connaîtra une expansion permanente et notre modèle migratoire ne sera plus toléré par nos concitoyens.
Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, j’ai écouté attentivement les arguments qui ont été échangés : ils sont tous pleins de bon sens.
Je réagis aux propos de M. Ciotti : effectivement, l’arrivée jugée trop massive de migrants pose problème. Encore faudrait-il regarder les chiffres, comme cela a été dit mieux que je ne saurais le dire.
Un phénomène se déroule pourtant sous nos yeux, à propos duquel on ne pourra pas dire : on ne savait pas. À une certaine époque, d’étranges convois partaient vers des camps dont on ne revenait pas. Et tout le monde a dit après coup : je ne savais pas.
Aujourd’hui, des embarcations transportant des hommes et des femmes viennent s’échouer sur nos côtes d’une manière assez peu humaine.
Je fais une proposition – qui vaut ce qu’elle vaut, car je ne suis pas capable de résoudre tous les problèmes de la terre – : je vis dans les Pyrénées, qui ont été sauvées par des hommes et des femmes qui étaient indésirables partout ailleurs.
Sans remonter aux Maures, je pense aux portugais, aux républicains espagnols, aux Italiens qui nous ont donné les Spanghero, aux pieds-noirs et aux harkis. Savez-vous ce qui s’est passé ? Nos jeunes femmes, qui aimaient le pays mais qui ne trouvaient pas de maris parce que tous les hommes étaient partis à la ville, ont choisi leurs conjoints parmi ces communautés.
Sourires.
Je veux proposer du travail à ces hommes et à ces femmes si ils viennent au pays. Je ne veux pas qu’ils prennent le RMI ou le RSA des Français mais qu’ils travaillent car personne d’autre ne peux sauver nos campagnes. Je suis donc candidat à l’accueil chez moi de ces hommes qui perdent la vie de manière sauvage – or nous ne sommes pas des sauvages. Mais il faut qu’ils ne soient accueillis que chez moi, car je ne veux pas embêter le reste de la France. En effet, nos montagnes se vident de leurs habitants.
Et je suis heureux de voir des petits-enfants qui doivent leur existence à des petits Spanghero, des petits Hidalgo et des petits Mustapha arrivés naguère au pays. Voilà ma position, et, comme dirait l’autre, je la partage.
Applaudissements sur divers bancs.
L’amendement no 178 n’est pas adopté.
Cet amendement des députés du groupe Les Républicains marque une divergence très nette entre la majorité et l’opposition. Nos visions sont en effet totalement opposées, y compris, cette fois-ci, s’agissant des étrangers en situation irrégulière.
L’aide médicale d’État, ou AME,…
…est un dispositif permettant aux étrangers en situation irrégulière de bénéficier d’un accès aux soins pendant un an sur notre territoire.
La suppression du timbre fiscal de 30 euros permettant d’accéder à l’AME a été décidée par la majorité actuelle dès son arrivée au pouvoir. Cela a indéniablement eu pour conséquence une augmentation significative du nombre de bénéficiaires.
Cet amendement propose de supprimer l’AME, qui constitue un encouragement à l’immigration clandestine – 209 000 bénéficiaires en 2011, 282 000 bénéficiaires en 2013, soit une augmentation de 35 % en deux ans – en même temps qu’un dispositif extrêmement coûteux pour les finances publiques : plus de 650 millions d’euros ont été inscrits au budget de l’État en 2015, soit dix fois plus qu’il y a quinze ans. Le coût de l’ensemble du dispositif de l’AME pourrait même atteindre un milliard d’euros en fin d’année 2015. C’est pour cette raison que cet amendement propose sa suppression à travers cet amendement portant article additionnel à l’article 13 quinquies.
La parole est à M. le président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.
Un point de méthode : en raison des lectures définitives de différents projets de loi qui parsèment l’ordre du jour de l’Assemblée nationale, notre débat est haché : nous avons d’ailleurs eu du mal à démarrer tout à l’heure. Or nous touchons à un sujet important qui est l’Aide médicale d’État. Je ne crois pas raisonnable de commencer ce débat à minuit quarante-cinq, sachant que l’opposition a déposé des amendements de suppression, et que des contre-propositions leur seront opposés. Des amendements viendront ensuite modifier la rédaction du Gouvernement. Je souhaiterais donc, si la présidence en était d’accord, que nous puissions lever la séance à ce stade et suspendre nos débats.
De toute façon, nous aurons à les reprendre demain car à ma connaissance, au moins 150 amendements restent en discussion, ce qui rend l’hypothèse d’une fin de nos débats ce soir hautement improbable.
Si tout le monde est d’accord sur cette position, nous reprendrons demain la discussion sur cet amendement, et chacun pourra s’exprimer s’il le souhaite.
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
Prochaine séance, demain, à neuf heures trente :
Suite de la discussion du projet de loi relatif au droit des étrangers.
La séance est levée.
La séance est levée, le jeudi 23 juillet 2015, à minuit quarante-cinq.
La Directrice du service du compte rendu de la séance
de l’Assemblée nationale
Catherine Joly