Après deux lectures au sein de chacune des assemblées et l’échec de la commission mixte paritaire le 2 juillet dernier, nous achevons aujourd’hui l’examen de ce texte.
Le projet de loi initial, examiné en premier lieu au Sénat, visait à transposer trois décisions-cadre adoptées par l’Union européenne et une directive. La première est relative à l’application du principe de reconnaissance mutuelle aux jugements et aux décisions de probation. La deuxième concerne l’application du principe de reconnaissance mutuelle aux décisions relatives à des mesures de contrôle en tant qu’alternative à la détention provisoire. La troisième porte sur la prévention et le règlement des conflits en matière d’exercice de la compétence dans le cadre des procédures pénales.
Le projet de loi entend également transposer la directive du 13 décembre 2011 relative aux conditions applicables aux ressortissants des pays tiers ou aux apatrides pour qu’ils puissent bénéficier d’une protection internationale.
Ces trois décisions-cadres auraient dû respectivement être transposées avant le 6 décembre 2011, le 15 juin 2012 et le 1er décembre 2012 ; quant à la directive, elle aurait dû l’être au plus tard le 21 décembre 2013. Ces retards nous contraignent une fois encore à procéder à ces transpositions dans la précipitation, sous la menace d’actions en manquement.
Ainsi que l’ont souligné les précédents orateurs du groupe UDI sur ce texte, la France a encore des progrès à faire pour réduire ce déficit de transposition. Quoi qu’il en soit, ce projet de loi a son importance car c’est en appliquant les mêmes règles de procédure aux nationaux des différentes États de l’Union que nous pourrons construire un véritable espace juridique pénal européen.
Ce texte constitue donc une étape indispensable que le groupe UDI, profondément européen, ne peut qu’encourager. Lors des précédentes lectures, nous avons souligné les mesures qui, selon nous, constituent de réelles avancées.
L’article 1er, dont la rédaction a été améliorée par le Sénat, permettra de limiter les situations dans lesquelles deux procédures pénales parallèles, portant sur les mêmes faits et mettant en cause les mêmes personnes, sont conduites indépendamment dans deux États différents. Nous pourrons ainsi éviter les confusions qui peuvent naître lorsque les juridictions de deux pays s’intéressent au même dossier.
Les articles 2 et 3 permettent de renforcer la coordination entre les magistrats des différents États membres de l’Union et étendent ainsi le champ des décisions pénales susceptibles d’être exécutées dans un autre État que celui qui les a initialement prononcées.
Cependant, l’enjeu d’un tel texte est aussi de procéder à une transposition suffisamment fidèle au droit européen tout en l’adaptant à notre droit national, sans pour autant céder à la tentation d’une « surtransposition ». Or, si le Sénat a su répondre à ces exigences, notre assemblée a considérablement modifié le texte depuis la première lecture.
Le Sénat a ajouté aux huit articles initiaux cinq nouveaux articles, tout en restant dans les limites du droit d’amendement, quand notre assemblée en a inséré vingt-huit !
Trois des dispositions ajoutées par le Sénat portent sur une adaptation au droit de l’Union européenne. Quant aux articles 5 bis et 5 ter, ils apportent quelques corrections à deux dispositions du code de procédure pénale rendues nécessaires, l’une par la jurisprudence du Conseil constitutionnel, l’autre par le nouveau dispositif de la contrainte pénale.
L’article 5 bis a pour objet de résoudre une difficulté posée par une censure du Conseil constitutionnel s’agissant des gardes à vue en matière de criminalité organisée.
L’article 5 ter répare un oubli de la loi sur la prévention de la récidive concernant le caractère exécutoire de la conversion de la contrainte pénale en peine d’emprisonnement.
Or, les vingt-huit articles introduits dans le texte par notre assemblée traitent de sujets aussi divers que la prise en compte des conditions de détention sur l’obtention des remises de peine ou la création d’une majoration des amendes pénales au profit de l’aide aux victimes. Nous ne considérons pas ces dispositions comme étant toutes dénuées de pertinence. Pour autant, certaines d’entre elles auraient mérité davantage de débats.
Ce procédé a donc malheureusement conduit le Sénat à déposer une motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité au projet de loi et à ne pas adopter le texte.
L’article 5 septdecies A est également l’une des principales causes de désaccord entre nos deux assemblées. Cet article, introduit à l’initiative du Gouvernement, a pour objectif, louable, d’apporter une réponse aux questions qui avaient été soulevées en mars 2015 à la suite d’affaires de pédophilie survenues au sein d’établissements scolaires.
Pour autant, il est très général, puisqu’il ne se limite pas aux atteintes contre les mineurs et s’étend à toute infraction et à toute administration. En outre, il est attentatoire à la présomption d’innocence puisqu’il intervient avant toute condamnation pénale. Enfin, le transfert de responsabilité qu’il opère de l’autorité judiciaire vers l’administration prive la personne de tout recours et risque de laisser les administrations démunies face à un problème qui les dépasse.
Bien que modifié en commission par le rapporteur puis à nouveau, en séance, par le Gouvernement, cet article ne nous satisfait donc pas.
Notre position, au stade de cette ultime lecture, n’a donc pas changé : ce texte est nécessaire au regard de nos engagements européens et utile pour renforcer l’entraide judiciaire européenne. Néanmoins, en raison des nombreux cavaliers législatifs qui y ont été introduits, le groupe UDI s’abstiendra de le voter.