Intervention de Rémi Delatte

Séance en hémicycle du 15 septembre 2015 à 21h30
Adaptation de la société au vieillissement — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaRémi Delatte :

Pourtant, nous nous étions félicités d’entendre M. Hollande reprendre les conclusions du rapport Rahola, issu de la consultation nationale exemplaire menée en 2011 par Roselyne Bachelot et Marie-Anne Montchamp.

En 2012, tout était prêt. Le gouvernement de François Fillon avait en effet initié la réforme de la dépendance dans une approche globale du vieillissement empruntant deux axes majeurs : l’acceptation du vieillissement comme un élément positif du parcours de vie et le positionnement du lien social de proximité, qu’il soit familial ou collectif, comme composantes essentielles du bien vieillir et vecteurs de la prévention de la perte d’autonomie. Mais, comme dans tant d’autres domaines, madame la secrétaire d’État, au pragmatisme, vous avez préféré la posture idéologique, rejetant ainsi le socle de réformes et de progrès engagés sous la mandature précédente.

Certes, quelques dispositions du projet de loi vont dans le bon sens et nous les soutenons. Par contre, nous déplorons que vous n’osiez pas vous engager sur la voie d’un cinquième risque, malgré l’appel des professionnels et des représentants des retraités ou des familles de personnes dépendantes. En conséquence, le volet relatif à la tarification des établissements d’hébergement et au reste à charge des familles n’est pas abordé, comme s’il relevait du second rang, ce qui prive votre projet de loi de son sens originel.

Plusieurs articles sont très en retrait au regard du principe que vous énoncez à l’article 1er : « l’adaptation de la société au vieillissement est un impératif national et une priorité de l’ensemble des politiques publiques de la Nation ». On était par conséquent en droit de penser que vous auriez eu à coeur d’ancrer le principe d’équité dans la prise en charge des personnes dépendantes, à travers une meilleure harmonisation des pratiques et de leur financement. Il n’en est rien.

Le soutien aux intervenants prévu à l’article 8 est un élément clé de prévention et de consolidation du maintien à domicile. Or la professionnalisation des personnels requiert des moyens en termes de formation que l’on ne retrouve pas dans votre projet, qui limite aux seules structures financées par l’assurance-maladie l’allocation des crédits de la caisse nationale de solidarité pour l’autonomie, la CNSA, destinées à la formation des personnels soignants. Vous fermez ainsi la possibilité pour tant d’intervenants de l’aide et de l’accompagnement de parfaire leurs connaissances, gage essentiel de sécurité et de qualité du service à la personne. Au-delà de cette carence dommageable, il y a là un manque cruel de reconnaissance de ces métiers nobles et d’une grande utilité sociale.

L’article 32 bis fait l’objet de plusieurs amendements de suppression dans sa rédaction actuelle. Pourquoi ? L’argumentation que vous avez développée devant le Sénat est à cet égard très révélatrice, madame la secrétaire d’État. Selon vous en effet, « l’article 32 bis va non seulement entraîner une charge de travail importante pour les services des collectivités au moment de son entrée en vigueur, mais aussi vraisemblablement des dépenses supplémentaires. » Tout est dit ! En supprimant le régime de l’agrément par les services déconcentrés de l’État, vous transférez la charge du dispositif sur les budgets des conseils départementaux, déjà fortement sollicités. Ce n’est pas réaliste.

De plus la limitation, prévue à l’alinéa 24, au nombre d’heures réalisées par les structures agréées existantes avant l’entrée en application de la loi est incompréhensible. Incompréhensible parce que le besoin en soutien ne cessera de croître dans les années à venir ; incompréhensible parce que ce secteur d’activité est créateur d’emplois et que notre pays serait bien inspiré d’encourager l’initiative des créateurs d’emplois plutôt que de la brider.

Vous vous targuez, madame la secrétaire d’État, de porter un grand texte sur la prise en compte du vieillissement dans notre société. Or son contenu se révèle n’être pas à la hauteur des enjeux. Le travail est à tout le moins inachevé et nécessitera d’être repris à partir des conclusions des États généraux de la dépendance de 2011.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion