Intervention de Véronique Besse

Séance en hémicycle du 15 septembre 2015 à 21h30
Adaptation de la société au vieillissement — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaVéronique Besse :

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, chers collègues, voilà presque un an jour pour jour que nous attendons la seconde lecture de cette loi sur le vieillissement. On n’y croyait plus ! Pourtant, préparer le vieillissement de la population française est sans doute l’un des défis les plus importants du moment. Les chiffres sont connus : quinze millions de Français ont plus de soixante ans ; ils seront vingt-quatre millions à être dans ce cas en 2060.

Ce projet de loi doit donc s’entendre comme une réponse à ce défi ; une réponse la plus complète possible ; une réponse cohérente, accompagnée de moyens ; une réponse innovante et audacieuse.

Malheureusement, force est de constater que votre projet de loi, malgré la revalorisation de l’APA et de nouveaux moyens en faveur du droit au répit, n’a pas l’ambition suffisante pour adapter notre société française à son vieillissement.

Il manque au moins trois éléments à votre copie.

Le premier est la diversité des solutions. À vous entendre, vieillir c’est devenir dépendant, c’est entrer en EHPAD. Ce n’est pas vrai. Avant l’EHPAD, il peut, il doit y avoir des alternatives personnalisées à mettre en place et à proposer à nos aînés.

Ainsi le maintien à domicile est trop largement sous-estimé dans ce texte. Rester chez soi, vieillir dans sa maison, dans un lieu familier, c’est ce que veulent nos anciens, ce qu’ils recherchent et c’est ce qu’il y a de mieux pour eux. Le maintien à domicile est une solution personnalisée, adaptée à chacun. C’est un accompagnement sur mesure qui retarde la dépendance.

Nous pourrions également évoquer certaines initiatives locales portées par des communes ou des intercommunalités. Dès qu’elles sont innovantes, c’est un véritable parcours du combattant pour les mettre en place.

Je pense notamment à deux établissements de ma circonscription : un EHPAD multisites, qui allie mutualisation des moyens et réponse de proximité, et un établissement innovant, qui accueille à la fois des personnes vieillissantes et leurs enfants, adultes handicapés. Ces établissements sont trop innovants pour entrer dans les cases prévues par une administration française manquant souvent de souplesse.

Ces deux exemples, parmi tant d’autres, illustrent la diversité des réponses possibles. Le mot de vieillissement n’est pas synonyme d’EHPAD. Il doit au contraire être synonyme d’innovation, d’audace, d’imagination : tout ce qui manque à votre texte.

Nous pourrions également évoquer les menaces qui pèsent sur les entreprises d’aide à domicile et de service à la personne. Vous envoyez là un mauvais signal, surtout en cette époque difficile pour nos PME et TPE.

Le deuxième élément manquant, ce sont évidemment les moyens. L’État se décharge volontiers sur les collectivités du coût du vieillissement et ce projet de loi ne fait que renforcer cette habitude. Même si c’est son rôle, le conseil départemental ne pourra assumer seul la prise en charge du vieillissement, d’autant que cet enjeu national est très inégalement réparti sur le territoire.

Je pense notamment aux EHPAD, dont beaucoup doivent être réaménagés. On y entre de plus en plus tard, et c’est tant mieux, mais ces établissements doivent s’adapter. Dans l’avenir, ils deviendront sans doute de véritables petits hôpitaux, au sein desquels des soins de plus en plus importants seront dispensés aux résidents. Ne considérons pas cela comme une contrainte, mais plutôt comme une opportunité à saisir. Mais là encore vous n’avez pas souhaité avancer sur le sujet. Nous ne pouvons que le déplorer.

Finalement, ce qui manque surtout à ce projet de loi, c’est une vision claire. Vous refusez de répondre aux vraies questions : quel regard portons-nous sur le vieillissement ; quelle place souhaitons-nous donner aux personnes âgées dans notre société ? Voilà la question centrale de notre débat, une question d’une actualité brûlante dans notre société de consommation utilitariste et libérale.

Notre société a peur de ses personnes âgées, surtout lorsqu’elles sont dépendantes, parce qu’elles ne semblent pas utiles, qu’elles ne produisent pas de richesses et qu’elles sont vulnérables. En bref, elles coûtent cher et ne rapportent rien !

Et pourtant nos personnes âgées ont des droits sur nous. Elles ont travaillé toute leur vie, elles ont façonné notre pays, participé activement à son développement. Nos anciens nous ont transmis notre héritage national, nos valeurs, notre histoire, notre identité. En évacuant totalement cette notion de transmission de votre projet de loi, vous passez à côté de l’essentiel. Le rendez-vous est manqué et nous le regrettons.

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