Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, madame la rapporteure, chers collègues, notre pays est confronté au vieillissement de sa population, certes, mais cela ne date pas d’aujourd’hui, ni même d’hier. Croit-on cependant pouvoir adapter notre société, la « modeler », au vieillissement ? N’est-ce pas présomptueux ? La société ne nous a pas attendus pour accompagner nos aînés, et de tout temps elle a apporté ses réponses. Ainsi, lorsque les premières maisons d’accueil des personnes âgées en milieu rural ont été créées, il s’agissait d’initiatives privées et associatives, et non de l’État. Elles ont été créées parce qu’un besoin a été identifié et que des acteurs sociaux et locaux ont imaginé ces structures. Ils se sont adaptés et les pouvoirs publics ont pris la suite. Je rappelle que sous la précédente législature, les établissements ont bénéficié d’une modernisation considérable, avec des moyens à la hauteur, et que le plan Alzheimer, très ambitieux, a été mis en place.
Il ne s’agit donc pas d’imaginer une nouvelle société qui « intégrerait » une nouvelle donne, celle du vieillissement, mais d’accompagner ces personnes âgées, quel que soit leur choix – quand ils l’ont effectivement – de mode de vie dans le troisième et le quatrième âge.
Le rôle de l’État est encore, et surtout, de s’assurer que chacun d’entre eux pourra dignement vivre sa vieillesse. Tel était l’objet de la phrase introduite par le Sénat à l’article premier : « l’État doit garantir l’équité entre les personnes, quel que soit leur lieu d’habitation et leur degré de fragilité ou de perte d’autonomie. » Mais quand bien même il ne s’agit que de rappeler un fondement de notre société, qui veut que l’État soit garant et assure la solidarité nationale, le Gouvernement n’a pas souhaité y souscrire.
Il y a un an déjà, au cours de la première lecture de ce projet de loi, je rappelais que la prise en charge et l’accompagnement des personnes âgées en perte d’autonomie sont difficiles et que les moyens mis en place s’avèrent insuffisants. Le vieillissement et la dépendance requièrent en effet un équilibre subtil et exigeant entre une prise en charge publique et une autre, qui relève plutôt de la sphère familiale.
Malheureusement, la triste réalité est que ce projet de loi, bien que très attendu, n’offre pas les outils qu’attendent légitimement nombre de familles.
La question du financement devient tellement récurrente qu’il n’est aucun projet de loi qui n’appelle la même analyse, d’autant plus que le poids financier supporté par les départements s’accroît inexorablement. Les dotations ne cessent, elles, de diminuer et les besoins augmentent toujours.
Le maintien à domicile des personnes âgées apparaît comme la solution la plus conforme aux désirs et au bien-être de celles-ci, mais cette solution est trop souvent idéalisée. Ainsi, dans les zones dites « carencées », majoritairement rurales, les médecins sont surchargés et ce dispositif fait peur aux familles. C’est dans la solitude qu’elles doivent trouver une solution, entre l’entrée en établissement spécialisé, l’adaptation du domicile aux nouvelles conditions exigées pour un maintien à domicile ou la mise en place d’un système d’accompagnement adéquat. Le développement d’une « chaîne d’accompagnement » associant les gestionnaires de cas est une piste à explorer, avec un suivi médical effectif impliquant les intervenants médicaux et paramédicaux et un suivi social renforcé impliquant les financeurs, les associations et les familles.
Favoriser le maintien à domicile suppose aussi le maintien d’une vie sociale, afin de contrer l’isolement et la solitude des personnes concernées et de leur entourage.
Concernant les services à la personne âgée, chacun sait qu’ils sont assurés par les femmes, qui, nous l’avons vu, sont particulièrement concernées par la prise en charge de la dépendance de leurs proches, qu’elles sont en très grande majorité les seules à assumer.
Alors que la difficulté de cet engagement au quotidien, le manque de reconnaissance de ces métiers d’aide à la personne ainsi que les faibles salaires qui les rétribuent font l’objet de constats concordants, la mobilisation est faible en faveur de ce qui constitue pourtant l’un des rares secteurs porteurs en cette période de crise.
Il ne s’agit pas pour moi, mes chers collègues, de tenir des propos anxiogènes, mais de parler du vécu de nombreuses personnes qui, comme nous, attendent des réponses concrètes, pérennes et rapides. Or il nous faut examiner un texte dont nous savons qu’il sera décevant face à cet enjeu sociétal.
Je l’ai dit, le titre de ce texte est bien présomptueux, et son contenu ne pouvait que le confirmer. Avant de vouloir, non pas adapter, mais faire évoluer une société, il faut au préalable la sensibiliser, changer le regard qu’elle porte sur la vieillesse.
La vieillesse est vécue comme un poids, un fardeau, et ce projet de loi en est l’illustration. Changeons notre regard et sachons voir toutes les richesses qu’elle peut nous apporter, ainsi qu’à l’ensemble de notre société.