Permettez-moi de remercier l’ensemble des orateurs qui se sont exprimés dans la discussion générale et de répondre à un certain nombre de propos et d’interrogations qui ont été formulés.
Monsieur Sirugue, je partage votre impatience de voir ce texte mis en oeuvre, impatience proportionnelle à son ambition, que vous avez fort bien exprimée. Je vous remercie d’avoir souligné la part qu’il fait à la prévention et je salue la manière positive dont vous avez parlé de la vieillesse.
Je tiens à vous dire, ainsi qu’à Mme Le Callennec, qui s’est exprimée dans le même sens, que nous travaillons déjà à la rédaction des décrets, de sorte que le délai entre la promulgation de la loi et leur publication ne soit pas trop long. Je continuerai bien entendu – comme je le fais depuis maintenant un an – à associer le Parlement à ce travail, ainsi que l’ensemble des acteurs concernés par le texte.
M. Richard s’est étonné que le texte ne comporte aucune mesure pour soutenir le secteur de l’aide à domicile. Il comporte pourtant essentiellement des mesures en faveur de ce secteur. Trois cent cinquante millions d’euros supplémentaires par an, c’est tout de même 10 % du budget de l’APA ! Je connais peu de secteurs qui bénéficient d’une telle croissance en un an seulement. C’est en effet dès début 2016 que ces sommes pourront être investies. Les services polyvalents d’aide et de soins à domicile, les SPASAD, dont nous soutenons l’ambition dans ce texte, contribueront également de manière importante à soutenir ce secteur, et cela de manière durable, de même que les vingt-cinq millions d’euros qui ont été débloqués pour la revalorisation du point dans la branche de l’aide à domicile.
Du point de vue de l’usager, une heure d’aide à domicile supplémentaire par jour pour les personnes en GIR 1, la suppression du reste à charge pour les bénéficiaires de l’allocation de solidarité aux personnes âgées, l’ASPA, ou le droit au répit me paraissent constituer des mesures importantes en faveur de l’aide à domicile.
Je tiens à rassurer Mme Fraysse : la disposition relative aux chibanis qu’elle a évoquée figure bien dans le projet de loi. En ce qui concerne l’hébergement temporaire, je partage tout à fait son point de vue. Nous examinerons d’ailleurs un amendement sur les Villages Répit Familles, les VRF, qui permettent d’accueillir sur un même lieu de vacances une personne en perte d’autonomie et sa famille, avec une offre d’hébergement adaptée à l’une et à l’autre. Il s’agit là de supprimer une de ces rigidités évoquées par d’autres orateurs. Encore faut-il les identifier. N’hésitez donc pas à nous en faire part lorsque vous en rencontrez sur le terrain. Toutes ne sont pas délibérées ; elles peuvent être la conséquence involontaire d’innovations sociales. En tout état de cause, nous essaierons à chaque fois de les lever, pour permettre le développement de solutions adaptées à la diversité des parcours et des situations de vieillissement.
Je vous remercie, monsieur Delatte, d’avoir rappelé que le Président de la République avait dit que le projet de loi serait prêt avant la fin de 2013. Je vous concède six mois de décalage : le projet de loi a été préparé en mai 2014 et adopté en conseil des ministres en juin de la même année.
Vous avez également cité les propos que j’ai tenus au Sénat sur l’article 32 bis, mais soit vous avez été mal conseillé, soit il faut que l’on en reparle. En effet, les propos que vous rapportiez concernaient l’article 32 bis tel qu’il avait été adopté par le Sénat, et non pas tel qu’il a été amendé en commission, à l’initiative de la rapporteure. Ce que j’ai dit au Sénat à propos de l’article 32 bis adopté par le Sénat constituait justement une critique du texte sur lequel nous avions travaillé avec les sénateurs, et qui a abouti, au moyen du travail mené avec les députés, à un nouvel article 32 bis auquel ces propos ne peuvent plus être rattachés. Nous ne parlions donc pas du même texte.
Madame Besse, vous avez affirmé que ce texte négligeait le maintien à domicile, alors que, comme je l’ai déjà fait observer à M. Richard, il y est exclusivement consacré. Vous avez prétendu que l’on se défausserait sur les départements. Je tiens à rappeler que le taux de compensation de l’État à l’égard des départements, qui était de 43 % en 2002 est tombé à 31 % en 2012, soit une baisse de plus de dix points en l’espace de dix ans. À l’inverse, grâce à la réforme instituant l’acte II de l’allocation personnalisée à l’autonomie – l’APA –, dont nous discutons aujourd’hui, le taux de compensation de l’État va remonter à 36 %. Je veux bien être ouverte à un certain nombre de critiques et les entendre avec bienveillance, mais certaines, comme celle que je viens d’évoquer, ne me paraissent pas compatibles avec la réalité des chiffres.
Madame Carrillon-Couvreur, les MDA ne remplaceront pas les MDPH. Le passage à la MDA sera facultatif et relèvera de la décision des départements, probablement en concertation avec le secteur associatif et les différents acteurs en présence : le texte ne prévoit pas une transformation systématique des MDPH en MDA.
Par ailleurs, vous avez raison de souligner que l’innovation n’est pas seulement technologique et scientifique mais qu’elle est aussi sociale. À cet égard, je voudrais réaffirmer le soutien que nous, le Gouvernement, apportons, à côté de la CNSA, aux nombreuses initiatives locales en la matière. Nous aurons enfin l’occasion de rediscuter de la fongibilité des crédits destinés aux personnes âgées et aux personnes handicapées – dits « PAPH » – lors de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale.
Madame Dubois, c’est sans doute votre intervention qui révèle le plus clairement l’existence d’un désaccord entre nous. En effet, votre propos ne constituait nullement une prise de position politicienne mais exprimait simplement ce que vous aviez sur le coeur. De fait, nous ne sommes pas d’accord quant à l’ordre dans lequel il faut faire les choses. L’intérêt de ce projet de loi, sa nature et son ambition, est d’aborder la question du vieillissement en dépassant l’approche purement médico-sociale, c’est-à-dire le seul point de vue de la prise en charge des personnes âgées. Je ne crois pas qu’il soit prématuré ni inutile d’adapter la société au vieillissement car je ne pense pas que les sociétés s’adaptent toujours d’elles-mêmes, surtout à des phénomènes démographiques que nous avons, somme toute, peu anticipés au cours des cinquante dernières années.
Quand nous parlons d’adapter la société au vieillissement, il s’agit bien entendu de changer de regard, et par leur qualité toutes vos interventions témoignent que ce changement est en cours. La réflexion qui est la nôtre aujourd’hui sur le vieillissement, sur la diversité des parcours, sur le fait – je l’ai entendu – que la vieillesse ne fait pas des individus des clones, témoigne de ce changement de perception, qui se manifeste également au travers des politiques publiques. Adapter la société au vieillissement doit conduire un aménageur – tel qu’un maire ou un président d’agglomération – à se poser la question de savoir si les choix qu’il fait en matière d’urbanisme ou de transport intègrent le fait que des personnes âgées doivent pouvoir utiliser les transports et disposer d’un urbanisme adapté.
De la même façon, en matière de politique sportive ou culturelle, il convient d’interroger les associations et les clubs sportifs sur la place qu’ils font aux personnes âgées et sur les activités qu’ils leur proposent. C’est cela, l’adaptation de la société, non pas à son propre vieillissement – la société ne vieillit pas – mais à celui d’un nombre croissant d’individus, et de plus en plus âgés. Il s’agit de permettre à ces individus de trouver leur place dans l’organisation de notre société, et pour cela nous avons besoin d’une démarche politique, consciente et transversale, à même de réunir l’ensemble des acteurs publics, quels que soient leurs domaines de compétence.
C’est en cela que ce texte est ambitieux : non seulement il apporte des droits nouveaux aux usagers, aux familles – tels que le droit au répit, l’acte II de l’allocation personnalisée d’autonomie – mais surtout il nous permettra d’assurer demain à ces personnes, soit à domicile, soit en établissement, les meilleures conditions de vie.