Intervention de Isabelle Attard

Séance en hémicycle du 30 septembre 2015 à 15h00
Création architecture et patrimoine — Après l'article 11 a

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaIsabelle Attard :

Par cet amendement, je propose une définition positive du domaine public. Je crains de vous lasser en revenant sans cesse à la charge sur ce sujet. Je sais bien par ailleurs qu’en commission, Mme la ministre m’a renvoyée au projet de loi pour une République numérique que prépare Axelle Lemaire. Il me paraît néanmoins important de fixer une telle définition dans la loi dès que possible, c’est-à-dire aujourd’hui.

La semaine dernière, un tribunal américain a déclaré invalide le droit d’auteur que la compagnie cinématographique Warner prétendait détenir sur la chanson Happy Birthday. Oui, jusqu’à la semaine dernière, chanter Joyeux anniversaire dans un film, ou en public, vous exposait à des poursuites en justice !

Un peu moins récemment, des auteurs ont été poursuivis en justice par les ayants droit de Sir Arthur Conan Doyle, créateur de Sherlock Holmes. Cet auteur est mort en 1930 ; son personnage est officiellement tombé dans le domaine public. Le droit d’auteur n’accorde donc plus d’exclusivité aux ayants droit du créateur : c’est bien normal. Le créateur reçoit de la communauté des lecteurs les fruits de sa création pendant des décennies ; par la suite, la communauté peut utiliser librement cette création, notamment pour créer à son tour de nouvelles oeuvres. Que ces oeuvres soient bonnes ou médiocres, qu’elles soient originales ou de pâles copies, c’est au public qu’il appartient de trancher. Pourtant, les ayants droit de Sir Arthur Conan Doyle ont déposé une marque sur le nom Sherlock Holmes, et attaquent les créateurs d’aujourd’hui en réclamant le paiement de licences d’utilisation du personnage.

Quel est le rapport entre ces affaires, me demanderez-vous ? Il tient au fait que les juges, qui doivent trancher ces questions, ne disposent pas d’une définition législative du domaine public qu’ils pourraient opposer à d’autres droits, notamment celui des marques. Des créateurs contemporains qui réutilisent des oeuvres du passé pour en créer de nouvelles sont donc punis au bénéfice de gens dont la créativité s’exerce surtout pour s’assurer des rentes et abuser du droit. Les créateurs d’aujourd’hui et de demain ont besoin de nous, législateurs, face aux quelques rentiers qui en veulent toujours plus, quitte à bloquer la création par des poursuites judiciaires abusives.

Chers collègues, si vous ne votez pas cette protection des créateurs d’aujourd’hui, je vous invite à soutenir et à voter celle qui est incluse dans le projet de loi d’Axelle Lemaire.

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