Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission de la défense nationale et des forces armées, mes chers collègues, nous changeons d’époque. La lutte contre le terrorisme est une lutte de tous les instants qui justifie un cadre juridique renouvelé. D’ailleurs, les Français ne s’y sont pas trompés. Ils ont en effet approuvé à 63 % la loi sur le renseignement qui a été votée à la fin du mois de juin dernier.
Mais en dépit du consensus dont a fait l’objet cette loi, le texte a soulevé un certain nombre d’inquiétudes tant parmi les Français que sur les bancs de cet hémicycle.
L’une des dispositions les plus controversées a été la possibilité donnée au Premier ministre, en application de l’article L. 854-1 du code de la sécurité intérieure, d’autoriser une surveillance des communications qui sont émises ou reçues à l’étranger.
Faisant écho aux inquiétudes soulevées en particulier par cette disposition, le Président de la République, mais également soixante députés du groupe Les Républicains ont saisi le Conseil Constitutionnel.
Dans sa décision du 23 juillet 2015, ce dernier a jugé conforme à la Constitution l’ensemble des mesures clés du projet de loi sur le renseignement, mais a censuré trois dispositions dont l’article L. 854-1.
Il est important de souligner que le Conseil constitutionnel n’a pas censuré le fond, mais la forme. Le principe d’une autorisation de surveillance des communications internationales émanant du Premier ministre n’a ainsi pas été censuré.
Néanmoins, en ne définissant pas dans la loi les modalités d’exploitation, de conservation et de destruction des renseignements ainsi collectés et en les renvoyant à un décret du Conseil d’État, le législateur n’a pas déterminé des règles suffisamment définies. Il en résultait une atteinte au droit au respect de la vie privée ainsi qu’à la liberté d’expression.
Afin de répondre à la censure du Conseil constitutionnel ainsi qu’aux inquiétudes exprimées dans le monde judiciaire, associatif et journalistique, cette proposition de loi vise à compléter avec précision les modalités de surveillance des communications internationales rattachées aux identifiants du territoire français, tout en en restreignant l’exploitation.
Ainsi, ne seront pas concernées par une telle surveillance les communications échangées à l’étranger entre deux identifiants rattachables au territoire français, ni les communications émises à l’étranger avec des numéros ou identifiants français. Seules seront concernées les communications émises à l’étranger par une personne utilisant un identifiant ou un numéro français et faisant l’objet d’une surveillance par interception de sécurité, comme c’est le cas d’un individu radicalisé déjà connu des services.
Cette proposition de loi définit également les deux niveaux d’exploitation des données. Dans le premier cas, il s’agit d’une exploitation non individualisée des données de connexion sur demande motivée du ministre concerné et délivrée pour une durée d’un an renouvelable.
Dans le second cas, l’exploitation des données de communication et de connexion est délivrée pour une durée renouvelable de quatre mois et motivée par des finalités justifiant la surveillance, les zones géographiques, les organisations ou les personnes ou groupes de personnes, objets de cette surveillance. Les transcriptions des renseignements collectés sont transmises à la CNCTR.
Il est important de rappeler que les magistrats, avocats, journalistes et parlementaires ne pourront faire l’objet d’aucune surveillance individuelle de leurs communications.
Mes chers collègues, ne nous y trompons pas. La France est en guerre contre le terrorisme. La loi sur le renseignement permet désormais un cadre d’intervention renouvelé prenant en compte les nouvelles menaces terroristes et les progrès techniques – Web, téléphones portables, réseaux sociaux. La précédente loi en la matière datait de 1991. Il s’agit aussi de s’aligner avec les autres pays d’Europe en donnant, comme au Royaume-Uni, un cadre juridique à des pratiques qui existent déjà partout en matière de lutte antiterroriste.
Si la loi légalise des techniques de collecte de renseignement, notamment la collecte de certaines données sur Internet, elle délimite aussi clairement les raisons pour lesquelles les services peuvent réclamer de surveiller quelqu’un. Cette proposition de loi complète et encadre davantage les modalités de surveillance des communications émises depuis l’étranger.
Il serait contradictoire, mes chers collègues, au moment où nombre de menaces qui naissent à l’étranger risquent de se matérialiser sur notre territoire, que les services de renseignement français ne puissent pas assurer la surveillance des communications internationales. C’est la raison pour laquelle nous voterons cette proposition de loi.