Intervention de Maina Sage

Séance en hémicycle du 1er octobre 2015 à 15h00
Surveillance des communications électroniques internationales — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMaina Sage :

Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission de la défense nationale et des forces armées, mes chers collègues, en vingt ans, notre société a connu des bouleversements technologiques majeurs. Or depuis la loi du 10 juillet 1991 qui avait légalisé les écoutes téléphoniques, notre législation n’avait été modifiée qu’à la marge, sans répondre à l’évolution spectaculaire des menaces.

En effet, dans le même temps, les criminels, les terroristes, les services de renseignement étrangers, les agences privées ont acquis des moyens de communication et des technologies sans commune mesure avec ce que la législation prévoyait pour les contrecarrer.

Certes, nos services s’étaient adaptés au fil des années, à travers l’accroissement des moyens qui leur étaient dévolus d’une part, mais également grâce à une évolution de la jurisprudence de la Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité.

Toutefois, le renseignement étant un acte de souveraineté par excellence, la mise en place d’un cadre législatif et réglementaire adapté était absolument nécessaire afin d’autoriser sans la moindre ambiguïté juridique des méthodes et des pratiques déjà utilisées par les services.

Ce texte était attendu depuis longtemps pour renforcer les capacités des services de renseignement et asseoir leur légitimité.

En préparation depuis de nombreux mois, il a pris tout son sens à la lumière des terribles attentats qui ont ébranlé notre pays en janvier dernier. Il était en effet indispensable de prendre des mesures ambitieuses afin de faire face à la recrudescence de la menace terroriste, une menace diffuse, extérieure tant qu’intérieure, qui a pris de nouveaux visages et qui, désormais, se nourrit des ressources du numérique.

Nous tenons à souligner la qualité du travail accompli sur ce texte, lors des débats qui se sont déroulés tant à l’Assemblée nationale qu’au Sénat. L’accord obtenu entre les deux chambres est la preuve que lorsque l’intérêt supérieur de la nation est en jeu, nous savons, majorité comme opposition, faire bloc afin d’avancer ensemble.

Pour autant, des craintes ont pu être formulées, notamment quant à la protection des libertés individuelles et des données personnelles de nos concitoyens, sujet d’autant plus sensible que les techniques ont évolué et se sont faites potentiellement invasives.

Nous avons entendu ces craintes, conscients que nous devions nous assurer que la loi ne puisse devenir, dans des mains mal intentionnées, un instrument qui puisse porter atteinte à nos libertés fondamentales.

Il était donc nécessaire de trouver le juste équilibre entre la nécessité de garantir à nos concitoyens une politique efficace du renseignement, en mesure de les protéger contre des risques graves de déstabilisation ou d’attentats, tout en s’assurant que les moyens déployés ne conduisent pas à la mise en place d’un système abusivement intrusif.

Lors de l’examen de ce texte, des garanties ont été apportées, tant pour s’assurer du respect de la vie privée et des droits fondamentaux que pour prévoir un contrôle efficace par la CNCTR.

C’est pourquoi, sous certaines réserves, la majorité du groupe UDI a soutenu le projet de loi relatif au renseignement.

À la suite de l’adoption de ce projet de loi par le Parlement, le Conseil constitutionnel a jugé conformes à la Constitution ses dispositions clefs : les finalités en vertu desquelles lesquelles les services spécialisés de renseignement peuvent recourir aux techniques définies par la loi, la délivrance d’autorisations par le Premier ministre, les durées de conservation en fonction des caractéristiques des renseignements collectés ou encore l’ensemble des dispositions de justice administrative qui régissent le contentieux de la mise en oeuvre des techniques de renseignement.

Il a, en revanche, censuré l’article relatif aux mesures de surveillance internationale.

Le Conseil constitutionnel n’a toutefois pas critiqué ces dispositions sur le fond, au regard des droits et libertés garantis par la Constitution, mais sur la forme. Il a ainsi jugé qu’en renvoyant à un décret de nombreux aspects de cet article, « le législateur n’a pas déterminé les règles concernant les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l’exercice des libertés publiques. »

La proposition de loi de nos collègues socialistes reprend donc les principes édictés dans la loi votée par le Parlement, en les complétant, avec précision, pour répondre aux motifs de la censure du Conseil constitutionnel.

Les garde-fous prévus dans la loi relative au renseignement y sont conservés, notamment en ce qui concerne la procédure d’autorisation par le Premier ministre, le contrôle de la CNCTR ou encore les conditions d’exploitation et de destruction des renseignements collectés.

L’interception et l’exploitation des communications feront ainsi l’objet de dispositifs de traçabilité définis par le Premier ministre et, de la même façon que pour les communications nationales, les renseignements collectés feront l’objet d’une centralisation.

Les conditions de conservation des données seront également inscrites dans la loi. Leur durée est sensiblement supérieure à celle applicable à la surveillance des communications nationales, notamment du fait des difficultés liées à l’exploitation des données en langues étrangères, dont certaines peuvent être très rares.

L’allongement de la durée de conservation est également justifié par le fait que, dans de nombreux cas, la surveillance des communications électroniques internationales est le seul moyen d’obtenir ou de confirmer des informations, alors que sur le territoire national des moyens complémentaires d’investigation peuvent être employés.

Les dispositions de cette proposition de loi sont essentielles, afin que nos services de renseignement soient en mesure de surveiller efficacement les individus actifs à l’étranger qui représentent une menace grandissante pour notre territoire national.

Les appels des terroristes à frapper la France se sont d’ailleurs multipliés ces dernières années, à la suite des opérations extérieures menées par notre pays au Mali et au Sahel, et en raison de l’ampleur prise par Daech. Nous devons donc être en mesure de répondre efficacement à cette menace.

Les Français communiquant depuis l’étranger – c’est un point important – pourront également être mis sous surveillance s’ils font déjà l’objet d’une autorisation d’interception de sécurité sur le territoire national ou s’ils constituent une menace au regard des intérêts fondamentaux de la nation.

Une telle mesure est à notre sens cruciale, puisque nous savons à présent que de nombreux étrangers, affluant de plus d’une centaine de pays, sont venus grossir les rangs de Daech. Parmi les pays européens, la France occuperait d’ailleurs la triste première position, avec près de 1 700 ressortissants impliqués, d’une façon ou d’une autre, dans les filières irako-syriennes. En quinze mois, le nombre de départs a été multiplié par deux et demi.

Or, chaque individu qui rejoint ces terroristes met en péril la sécurité des Françaises et des Français : les auteurs des terribles attaques lancées au cours des derniers mois sur notre sol avaient d’ailleurs, dans leur immense majorité, résidé en Syrie, en Irak ou encore au Yémen.

Nous le voyons, la surveillance des communications internationales est une dimension à part entière de notre politique de renseignement, sans laquelle il serait impossible d’assurer la protection de nos concitoyens.

C’est pourquoi les députés du Groupe UDI soutiendront, dans leur majorité, cette proposition de loi.

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