Intervention de Jean-Philippe Nilor

Séance en hémicycle du 1er octobre 2015 à 15h00
Surveillance des communications électroniques internationales — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Philippe Nilor :

Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission, chers collègues, cette proposition de loi déposée très rapidement et discutée tout aussi rapidement nous invite à encadrer les activités de renseignement portant sur des personnes ou entités situées à l’étranger. La loi sur le renseignement du 24 juillet 2015 a en effet été censurée sur ce point par le Conseil constitutionnel.

La censure repose sur le fait que le Parlement n’a pas été au bout de sa compétence en laissant trop de place au pouvoir réglementaire : les conditions d’exploitation, de conservation et de destruction des renseignements collectés ainsi que les modalités de contrôle par la commission nationale de contrôle des techniques de renseignement, la CNCTR, étaient renvoyées à un décret.

Il nous est donc proposé de compléter le dispositif législatif. Un article du code de la sécurité intérieure, l’article L. 854-1, régit de façon exclusive la technique de renseignement consistant dans la surveillance des communications internationales. Comme dans le texte adopté en juillet, les autorisations seront délivrées par le Premier ministre, sans avis préalable de la CNCTR, mais les conditions d’exploitation des données sont désormais détaillées et non plus renvoyées à un décret non publié.

Trois niveaux d’autorisation sont prévus. D’abord, le Premier ministre désignera les systèmes de communication sur lesquels l’interception est autorisée. Ensuite, il pourra autoriser l’exploitation non individualisée des données de connexion interceptées pour une durée d’un an renouvelable. Enfin, le Premier ministre pourra donner des autorisations d’exploitation portant soit sur les correspondances, le contenu, soit sur les données de connexion, les contenants.

Valables quatre mois et renouvelables, ces autorisations devront préciser la ou les finalités légales justifiant la surveillance, les zones géographiques, les organisations ou les personnes ou groupes de personnes concernés. Enfin, elles préciseront le ou les services de renseignement chargés de l’exploitation, principalement ceux du ministère de la défense.

Venons-en à la question du contrôle.

La proposition de loi détaille les durées de conservation des données, répondant également ainsi à la censure du Conseil constitutionnel. Les délais sont sensiblement plus étendus que pour les interceptions de sécurité réalisées sur le territoire national.

Comme pour le reste de la loi relative au renseignement, la CNCTR joue un rôle essentiel. C’est la raison pour laquelle elle se voit confier des moyens à la hauteur, avec la communication de toutes les autorisations délivrées par le Premier ministre, mais aussi un accès permanent, complet et direct aux dispositifs de traçabilité, techniquement très complets, ainsi qu’aux renseignements collectés, aux transcriptions et aux extractions.

Le Premier ministre devra définir les modalités de la centralisation des renseignements collectés. La CNCTR est donc censée pouvoir procéder à toutes les vérifications nécessaires, de sa propre initiative ou sur réclamation d’une personne souhaitant vérifier si elle fait l’objet d’une mesure de surveillance irrégulière.

Dans un tel cas, la commission adressera une recommandation au Premier ministre pour qu’il soit mis fin à cette surveillance. S’il n’y donne pas suite, elle pourra saisir dans les conditions du droit commun la formation particulière du Conseil d’État, lequel examinera le dossier dans les conditions prévues par la loi.

En conclusion, nous devons admettre que ce texte encadre légèrement la surveillance par la France des communications électroniques internationales, y compris celles des ressortissants français, des techniques qui existent déjà et sont à l’oeuvre actuellement. Ce texte apporte quelques garde-fous à une loi par ailleurs combattue.

Nous, au groupe GDR, nous insistons sur un point : l’espionnage sera entre les mains de l’exécutif, ce qui évite le contrôle par le juge judiciaire de mesures pourtant gravement attentatoires aux libertés individuelles. Par ailleurs, comme nous l’avons dénoncé, le terrorisme n’est pas le seul visé. Le champ concerné est beaucoup plus large.

En définitive, comme sur le projet de loi de base, nous considérons que l’équilibre entre le renforcement de la politique du renseignement et le strict respect des libertés individuelles n’est pas atteint.

Je finirai en évoquant la réalité des territoires dits d’outre-mer, réalité très sensible.

Les juridictions interrégionales spécialisées, les JIRS, sont au nombre de huit. Celle de Fort-de-France, créée en 2004, n’a bénéficié d’aucune évolution en termes de moyens humains et matériels contrairement aux JIRS de France hexagonale,…

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