Intervention de François de Mazières

Séance en hémicycle du 1er octobre 2015 à 21h30
Création architecture et patrimoine — Article 24

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrançois de Mazières :

C’est vraiment un article capital, et je pense que tout le monde du patrimoine français a le souffle suspendu à ce que nous allons décider ce soir. Ce sera retravaillé au Sénat avant de revenir en seconde lecture. Posons donc la problématique.

Aujourd’hui, nous avons trois niveaux de protection : les secteurs sauvegardés, créés en 1962 par André Malraux, les ZPPAUP et les AVAP, de création plus récente, avec deux très grands ministres à la manoeuvre, André Malraux puis Jack Lang.

Là, nous sommes en train de détricoter ce qui est la base de la protection en France, et je ne suis pas d’accord, bien que ce soient mes amis, avec ce que viennent de dire Gilles Lurton et Thierry Benoit. Eux, ce sont des gens qui aiment leur patrimoine, qui le vivent, et le Mont-Saint-Michel est unique, mais nous savons bien – et le témoignage de Sophie Dessus, qui parlait avec ses tripes, parce qu’il faut parler avec ses tripes quand on parle de patrimoine – qu’il y a des maires qui ne partagent pas cette vision. Certains sont capables de dire oui à une grange en ferraille à côté d’un monument. Il faut le savoir.

C’est pour cela que j’évoquais pour les abords cette notion entre le coeur et la périphérie, comme le suggérait d’ailleurs une grande fédération qui s’occupe de la défense du patrimoine. Cela vaudrait le coup, madame la ministre, que vous travailliez sur ce point avec vos services.

Maintenant, quand on est en ZPPAUP, on aura la possibilité, au bout de dix ans, de sortir dans ce que vous avez appelé dans un premier temps un PLU patrimonial ou de sortir en secteur sauvegardé. Il est évident que personne ne choisira le secteur sauvegardé, parce que c’est la Rolls Royce de la protection.

En commission, et cela a été un peu le scoop, notre rapporteur a expliqué que l’on ne pouvait pas mettre la notion de PLU patrimonial dans un PLU. C’est vrai, et c’est le problème fondamental de ce que vous proposez ce soir. La protection que vous aurez au titre du PLU ne pourra jamais être équivalente à celle que vous avez dans les ZPPAUP, et encore moins, évidemment, un secteur sauvegardé. En effet, le code de l’urbanisme ne permet pas d’effectuer une analyse au niveau du bâtiment. L’on peut actuellement analyser les matériaux et avoir des règles sur les matériaux. Ce sera impossible dans le code de l’urbanisme.

Vous nous répondez qu’il n’y a pas de problème et que l’ABF sera là, mais il va raisonner sur un document vide par rapport à ce qu’est la protection aujourd’hui. Vous allez le mettre dans une situation extrêmement délicate et le fragiliser.

Dernier argument, il faut protéger les élus locaux, on le voit bien. Ils se battent au quotidien, ils subissent sans arrêt des pressions. On leur demande de faire davantage de constructions, et c’est utile, mais alors que les documents sont aujourd’hui élaborés à l’initiative de l’État, avec les mairies, en concertation avec la population, c’est le maire qui aura désormais l’initiative et vous le fragilisez alors qu’il aura à protéger un monument.

J’insiste sur ce point, madame la ministre, monsieur le rapporteur. Avec l’article 24, vous fragilisez une oeuvre de plusieurs décennies.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion