Intervention de Alain Claeys

Séance en hémicycle du 5 octobre 2015 à 16h00
Nouveaux droits des personnes en fin de vie — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAlain Claeys, rapporteur de la commission des affaires sociales :

Monsieur le président, madame la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, madame la présidente de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur, la proposition de loi créant de nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie revient devant nous en deuxième lecture.

Déposée en janvier dernier par Jean Leonetti et moi-même sur le bureau de notre assemblée, discutée en commission des affaires sociales en février et dans notre hémicycle en mars, elle a été adoptée en première lecture le 17 mars, par 442 voix contre 33.

Mes chers collègues, le texte que le Sénat a rejeté en juin dernier, par 196 voix contre 87, n’est pas celui que vous aviez adopté en mars. La sédation profonde et continue jusqu’au décès ainsi que les directives anticipées – qui ne s’imposeraient plus aux médecins – ont été abandonnées, et la parole attribuée à la personne de confiance limitée. Ainsi, tout ce qui faisait l’avancée de notre texte a été remis en cause en séance publique au Sénat.

Je sais le travail de nos collègues rapporteurs au Sénat, Michel Amiel et Gérard Dériot, et du président Alain Milon. Comme beaucoup au sein de la Haute assemblée, ils souhaitaient enrichir notre texte.

Malheureusement, ils ont dû assister, à longueur d’amendements, à la déconstruction pièce par pièce du texte initial et même – pourquoi ne pas le dire – à une remise en cause de la loi de 2005. À ce stade, le rejet par le Sénat ne pouvait être, de mon point de vue, que salutaire.

Et pourtant, mes chers collègues, le pays a besoin, et rapidement, de cette loi : chaque jour qui passe voit le mal-mourir perdurer dans notre pays. Les inégalités entre structures ainsi qu’entre territoires demeurent criantes.

Ce texte, nous le devons donc à nos concitoyens. Il s’inscrit dans le prolongement des grandes lois traitant de la fin de vie : la loi du 9 juin 1999 visant à garantir le droit d’accès aux soins palliatifs, la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, et la loi du 22 avril 2005 relative aux droits des malades et à la fin de vie.

Il est aujourd’hui l’expression du progrès nécessaire. Mais il y a un préalable : l’optimisation des politiques de soins palliatifs, tant dans leur généralisation que dans la formation des intervenants.

Vous le savez, des inégalités existent entre services. Une étude de l’Institut national d’études démographiques, l’INED, montrait qu’en 2012 déjà 52 % des personnes atteintes d’un cancer bénéficiaient de soins palliatifs contre moins d’un quart pour les patients touchés par une maladie respiratoire ou cardio-vasculaire.

Ces inégalités s’observent également entre régions, avec des écarts de un à quinze entre les territoires. Et que dire des différences entre les hôpitaux d’une part et les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes, les EHPAD, d’autre part, sans évoquer même la mort à domicile ?

Je sais combien nous avons déjà fait dans ce domaine : au cours des quinze dernières années, le nombre de lits de soins palliatifs a plus que doublé. Si je vois le chemin parcouru, je mesure la distance qu’il nous reste collectivement encore à parcourir pour permettre à nos concitoyens de bénéficier d’un droit premier : l’égalité devant la mort.

Madame la ministre, vous avez présenté les grandes lignes de votre plan triennal de développement des soins palliatifs. Je ne peux que saluer, comme l’ensemble de mes collègues ici présents, cet indispensable effort dans un domaine qui en a tant besoin.

De la même façon, et là encore, comme le Président de la République s’y est engagé en décembre dernier, vous allez mettre en place un enseignement spécifique obligatoire et commun à tous les étudiants concernés. Consacré à l’accompagnement des malades, il sera intégré à l’ensemble des formations sanitaires, qu’il s’agisse des diplômes d’État ou des études de médecine.

Développement du nombre de lits, diversification des lieux d’intervention, formation des professionnels de santé, mais aussi des aidants : voilà les défis que nous avons à relever pour que la proposition de loi que nous avons largement adoptée en première lecture prenne toute sa place dans l’accompagnement vers la fin de vie de nos concitoyens.

Notre texte n’oppose ni les soins curatifs aux soins palliatifs, ni ces derniers à la sédation profonde et continue jusqu’au décès. Le texte de l’Assemblée offre de nouveaux droits et n’en retire aucun.

Compte tenu du vote du Sénat, c’est le texte adopté – à une très large majorité – en mars, qui revient, intact, devant nous. Il répond, je le crois, à la double demande des Français : être entendu, c’est-à-dire disposer de son existence jusqu’à son ultime moment, et, par ailleurs, bénéficier d’une fin de vie apaisée.

Le droit à une sédation profonde et continue jusqu’au décès, associé à une analgésie ainsi qu’à l’arrêt des traitements de maintien en vie, correspond à cette demande.

Un patient atteint d’une affection grave et incurable qui provoque chez lui une souffrance réfractaire aux traitements, mais qui demeure conscient, pourrait ainsi, lorsque son pronostic vital sera engagé à court terme et qu’il jugera inutile de prolonger sa vie finissante, demander à bénéficier d’une sédation profonde et continue jusqu’à son décès. Elle sera, naturellement, accompagnée d’une analgésie et de l’arrêt de tout traitement de maintien en vie.

De même, un malade atteint d’une affection grave et incurable qui souhaiterait arrêter les traitements, engageant ainsi son pronostic vital, pourra bénéficier de ce même traitement à visée sédative et antalgique. Celui-ci provoquera une altération maintenue de sa conscience et ce jusqu’à son décès.

Enfin – et ce sont les cas les plus connus de nos concitoyens – les malades en état végétatif pourront également bénéficier de ce traitement à visée sédative. Il faudra, pour cela, que leur volonté en ce sens soit recueillie. Elle pourra l’être au travers de la personne de confiance qu’ils auront antérieurement désignée ou des directives anticipées qui s’imposeront désormais au médecin.

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