Intervention de Jean Leonetti

Séance en hémicycle du 5 octobre 2015 à 16h00
Nouveaux droits des personnes en fin de vie — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean Leonetti, rapporteur de la commission des affaires sociales :

Monsieur le président, je vous remercie tout d’abord d’avoir rappelé le drame que vivent mon département et ma ville suite aux intempéries majeures qui les ont plongés dans le deuil et le désarroi.

Madame la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, madame la présidente de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous abordons la deuxième lecture de cette proposition de loi.

Le débat, pourrait-on dire, a eu lieu et le texte dont nous débattons est identique à celui qui est sorti de nos débats et que nous avons adopté massivement.

Le débat a eu lieu ici et, je dois le dire, il a été respectueux et ouvert, en tout cas loin des caricatures – s’appuyant, d’un côté comme de l’autre, sur des positions tranchées – que l’on a pu en faire à l’extérieur.

Ce texte n’est pas dû à la seule initiative de deux parlementaires : il s’inspire de deux rapports majeurs, celui du professeur Sicard, et celui du Comité consultatif national d’éthique, qui a également rendu public un avis, d’une lettre de mission du Premier ministre et, enfin, de la volonté du Président de la République qu’un large consensus s’établisse sur ces problèmes. Ils doivent en effet nous rassembler au-delà de notre diversité et de nos convictions.

Ce texte établit deux droits nouveaux : d’abord celui, en phase terminale, à la sédation profonde. Il permet à chacun d’entre nous et à chaque citoyen de ce pays de disposer désormais du droit, lorsque les traitements sont inopérants contre sa souffrance et que sa fin est proche, de dormir pour ne pas souffrir avant de mourir.

Je rappelle à ceux qui défendent – comme moi et comme la plupart d’entre nous – les soins palliatifs, que les conditions de mise en place de cette sédation en phase terminale correspondent aux recommandations de la Société française d’accompagnement et de soins palliatifs.

Le deuxième droit a trait aux directives anticipées, qui, sans être opposables à tout moment, – si elles l’étaient, que ferions-nous devant une tentative de suicide survenant à l’hôpital et dont l’auteur ne pourrait pas être réanimé ? – sont désormais contraignantes.

Elles permettent ainsi de répondre à ce besoin de mieux entendre la parole du malade au moment où les décisions doivent être précises.

Bien entendu, Alain Claeys et moi-même – et vous avez, madame la ministre, en grande partie répondu à notre demande – avons dit que cette loi nécessitait deux préalables : la formation des soignants et le développement des soins palliatifs.

Faut-il refaire une loi pour réaffirmer, une fois de plus, la nécessité des soins palliatifs alors que la loi du 9 juin 1999 l’a déjà fait ? Ne faudrait-il pas que les lois soient plus efficaces plutôt que de les faire se succéder ?

La réponse est équilibrée, et elle répond à l’attente de nos concitoyens dont le mal-mourir perdure. Ils disent en effet : nous continuons à souffrir en fin de vie, et notre parole n’est pas entendue.

Puisque j’entends souvent que l’immense majorité des Français serait favorable à l’euthanasie, permettez-moi de rappeler le sondage réalisé par l’Institut français d’opinion publique, l’Ifop, à la suite des propositions qui ont été formulées : 96 % des Français se sont déclarés favorables, en cas de souffrance réfractaire et lorsque la mort est proche, à une sédation profonde et continue jusqu’au décès.

Ce texte se situe dans la continuité de la loi du 22 avril 2005 relative aux droits des malades et à la fin de vie qui, dans un contexte passionnel, a été validé par le Conseil constitutionnel et la Cour européenne des droits de l’homme. Permettez-moi de vous rappeler les faits selon lesquels cette loi établit que l’hydratation et la nutrition sont des traitements.

Je rappelle également que ce sont cette loi et celle du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé qui prévoient que l’obstination déraisonnable peut être jugée par le malade lui-même.

Je rappelle enfin que la même loi de 2005 prévoit que la poursuite du seul maintien artificiel de la vie par un traitement peut être considérée comme une obstination déraisonnable.

On ne peut pas affirmer qu’il ne faut pas toucher à cette loi et qu’elle est parfaite, et dans le même temps, comme le Sénat l’a fait au fur et à mesure de l’adoption de divers amendements, remettre en cause ses fondements. Ces amendements ont en effet non seulement vidé le nouveau texte de sa substance mais également détruit la loi de 2005.

Je voudrais donc inciter chacun et chacune d’entre nous, par cohérence vis-à-vis du texte qui nous revient et qui a été, comme je l’ai dit, voté à une large majorité, et par respect pour la proposition du Sénat, à ne pas envisager d’introduire dans ce texte de déséquilibres.

Bien sûr, en poussant le curseur d’un côté ou de l’autre, on peut très bien obtenir un texte allant à l’inverse des objectifs qu’il s’était lui-même fixés.

Le texte dont nous débattons est un texte d’équilibre entre l’Assemblée nationale et le Sénat, mais également entre la solidarité que l’on doit manifester envers les plus fragiles, et l’autonomie que l’on doit respecter y compris et surtout à leur égard.

Robert Badinter disait que la politique pouvait être considérée comme un affrontement dans une arène de gladiateurs. Ce peut être aussi la recherche consensuelle du bien commun, qui dépasse tout clivage, pour faire en sorte qu’il corresponde à l’attente de nos concitoyens.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion